B. L'AUGMENTATION NÉCESSAIRE DES DÉPENSES DE PERSONNEL
Les crédits consacrés en 2020 aux dépenses de personnel (titre 2) s'élèvent à 2,63 milliards d'euros , en augmentation de près de 99 millions d'euros par rapport à 2019. Ils absorbent les deux tiers des crédits de la mission, le solde étant composé des dépenses de fonctionnement (23 % du total), de dépenses d'investissement (10 %) et, plus marginalement, de dépenses d'intervention.
1. L'accroissement des effectifs
Le plafond d'emplois du programme est fixé en 2020 à 42 461 ETPT , au lieu de 41 511 en 2019, ce qui correspond à une hausse de 2 %. Ce relèvement du plafond permettra la création de 1 000 emplois 5 ( * ) , occasionnant une dépense supplémentaire de 24,6 millions d'euros.
Les créations d'emplois seraient donc plus nombreuses qu'en 2019 (959 créations) et qu'en 2018 (832) ; il faut remonter à 2017 pour retrouver un niveau de création d'emplois supérieur (1 255 créations, en grande partie liées au plan de lutte anti-terroriste). En quatre ans, un peu plus de 4 000 emplois auront ainsi été créés, ce qui constitue un renfort significatif pour une administration de cette taille.
La majorité des créations d'emplois sont affectées à trois priorités, comme cela apparaît dans le tableau ci-dessous : combler les vacances de postes, renforcer les SPIP et accompagner l'ouverture de nouveaux établissements, dans le cadre du programme immobilier qui sera présenté dans la suite de ce rapport.
Répartition des créations d'emplois prévues pour 2020
Combler les vacances de postes des personnels de surveillance |
+ 300 |
Renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de probation |
+ 400 |
Ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires |
+ 159 |
Déployer les équipes locales de sécurité pénitentiaire |
+ 70 |
Continuer de mettre en place les extractions judiciaires de proximité |
+ 50 |
Consolider les moyens humains du renseignement pénitentiaire |
+ 35 |
Suppressions de postes liées au plan de transformation numérique |
- 14 |
Total |
+ 1 000 |
a) Combler les vacances de postes
Les créations d'emplois annoncées vont d'abord permettre de réduire le nombre de postes vacants, qui avait atteint un niveau élevé ces dernières années, notamment chez les surveillants.
Évolution du taux de vacance des personnels de surveillance
Effectif théorique |
Effectif réel |
Postes vacants |
Taux de vacance |
|
Déc. 2013 |
25 953 |
25 041 |
912 |
3,5 % |
Déc. 2014 |
25 782 |
24 583 |
1 199 |
4,7 % |
Déc. 2015 |
26 548 |
24 984 |
1 564 |
5,9 % |
Déc. 2016 |
26 997 |
25 155 |
1 842 |
6,8 % |
Déc. 2017 |
28 099 |
26 245 |
1 854 |
6,6 % |
Déc. 2018 |
29 855 |
27 451 |
2 404 |
8,05 % |
Sept. 2019 |
30 318 |
29 077 |
1 241 |
4,09 % |
Source : statistiques de l'administration pénitentiaire
Le protocole d'accord conclu en janvier 2018 à la suite du mouvement social qu'a connu l'administration pénitentiaire a fait de la résorption de ces vacances de postes une priorité : une centaine d'embauches ont été effectuées en 2018, 400 en 2019, 300 sont prévues en 2020 et autant en 2021.
En dépit de ces recrutements, le taux de vacance reste supérieur en 2019 à celui constaté au début des années 2010, au détriment des conditions de travail et de la qualité du service rendu par les personnels de l'administration pénitentiaire.
Le taux de vacance particulièrement élevé constaté en fin d'année 2018 présente un caractère en partie conjoncturel : pour mieux gérer le recrutement d'un nombre élevé de surveillants, l'école nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP) a modifié en 2019 le calendrier de leur formation ; désormais, la formation ne dure que six mois (contre huit mois auparavant) et quatre promotions entrent chaque année à l'école (en février, mars, août et septembre).
Cette nouvelle organisation donne plus de régularité au rythme de sortie des élèves stagiaires, ce qui permet de combler plus rapidement les vacances de postes. Elle a cependant eu pour conséquence, pendant une période de transition, de retarder l'arrivée de certaines promotions, qui n'ont pris leurs fonctions qu'au premier semestre 2019, ce qui explique le pic du taux de vacances constaté fin 2018. Il restera à apprécier les conséquences de ce raccourcissement de la scolarité sur le niveau de formation des surveillants débutants.
L'école nationale de l'administration pénitentiaire Établissement public national placé sous la tutelle du ministère de la justice, l'ENAP assure la formation initiale et continue de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire, répartis en cinq filières (personnels de direction, d'insertion et de probation, d'encadrement et de commandement, de surveillance, administratifs et techniques). En 2020, elle devrait accueillir une promotion de directeurs des services pénitentiaires, une promotion de directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation, une promotion de lieutenants pénitentiaires, une promotion de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) et quatre promotions de surveillants. Afin d'accueillir dans de meilleures conditions les différentes promotions, un projet d'extension de l'école, basée à Agen, est conduit par l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) pour un coût estimé à soixante millions d'euros. Près de cinq cents chambres seront construites sur le site, d'ici la fin de l'année 2021, pour loger les élèves et des locaux pédagogiques et administratifs pérennes vont être bâtis. Dans l'attente, des locaux modulaires sont mis en service à partir de novembre 2019. En 2020, l'école disposera d'un budget de 34,2 millions d'euros couvrant les dépenses de fonctionnement et de personnel, avec un plafond d'emplois de 264 ETPT. Le plafond augmente d'un ETPT, qui sera affecté au nouveau département de formation au renseignement pénitentiaire. |
b) Renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de probation
Créés par décret du 13 avril 1999, les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) agissent sur mandat de l'autorité judiciaire pour prévenir la récidive, favoriser l'insertion des personnes placées sous main de justice et s'assurer qu'elles se soumettent aux mesures de contrôle et aux obligations qui leur sont imposées.
Leurs méthodes de travail sont régies, depuis 2018, par un référentiel des pratiques opérationnelles énumérant les règles essentielles d'intervention auprès des personnes prises en charge.
Le suivi débute par une phase d'évaluation qui a pour but de déterminer les axes de travail les plus adaptés pour limiter le risque de récidive. Elle est suivie par l'élaboration d'un plan de prise en charge, impliquant plusieurs intervenants (outre les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, des psychologues et des assistantes sociales travaillant au sein des SPIP).
L'intervention du SPIP est enrichie par les partenaires de l'administration pénitentiaire mobilisés en fonction des besoins identifiés (prise en charge sanitaire, formation, recherche d'emploi...).
Le renforcement des moyens des SPIP apparaît d'abord nécessaire afin d'améliorer le suivi des personnes placées sous main de justice. En 2017, le nombre de personnes suivies par chaque CPIP était de 85 ; au 1 er juillet 2019, ce ratio était revenu à 67,1 ; l'objectif est de le ramener à 60 en 2022 6 ( * ) .
Ensuite, la mise en oeuvre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice du 23 mars 2019 devrait entraîner un surcroît de travail pour les SPIP, du fait de l'augmentation envisagée du nombre de personnes prises en charge en milieu ouvert (8 000 selon l'étude d'impact du projet de loi) et de la volonté de renforcer le rôle des SPIP au stade des évaluations présentencielles.
Votre rapporteur a déjà eu l'occasion de faire part de son scepticisme sur les effets attendus de la loi de programmation concernant le nombre de détenus. Il craint que la diminution attendue au profit d'une prise en charge en milieu ouvert ne se révèle optimiste.
L'ampleur des besoins des SPIP justifie cependant, quelle que soit l'évolution précise des effectifs pris en charge en milieu ouvert, une augmentation de leurs moyens. Votre rapporteur est donc favorable aux 400 créations d'emplois prévues en 2020, qui font suite à un effort de recrutement équivalent en 2019, et qui nécessiteront une mise à niveau des moyens immobiliers mis à la disposition des services.
Actuellement, les locaux occupés par les SPIP sont principalement en location, ce qui peut se justifier dans une période d'accroissement des effectifs qui nécessite de rechercher régulièrement des surfaces plus vastes. Une fois les effectifs stabilisés, votre rapporteur estime qu'il pourrait être intéressant d'étudier si l'acquisition de locaux , venant accroître le patrimoine de l'État, ne serait pas à long terme financièrement plus intéressante que l'actuelle politique de location.
2. Des mesures catégorielles destinées à rendre plus attractifs les métiers pénitentiaires
L'augmentation des crédits consacrés aux dépenses de personnel devrait permettre de continuer à financer diverses mesures tendant à améliorer la rémunération des personnels de l'administration pénitentiaire, pour un coût global de 11,7 millions d'euros en 2020.
Certaines mesures, d'un montant estimé à 3,4 millions d'euros l'an prochain, résultent du protocole d'accord conclu le 29 janvier 2018 entre le ministère et le syndicat UFAP-UNSA, qui est la principale organisation chez les surveillants pénitentiaires. La conclusion de cet accord avait permis de mettre un terme au mouvement de grève du début de l'année 2018.
En application de cet accord, l'indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) a été revalorisée, de même que la prime de sujétion spéciale (PSS) et que la prime de dimanche et jours fériés.
Le décret n° 2018-1319 du 28 décembre 2018 a, de plus, ouvert aux membres des corps de commandement et des corps d'encadrement et d'application (CEA) de l'administration pénitentiaire le bénéfice de deux dispositifs : une prime de fidélisation, d'un montant de 1 000 euros, versée après trois ans d'exercice des fonctions au sein de l'un des vingt-huit établissements ou services, répertoriés dans une liste, dans lesquels les difficultés de recrutement sont particulièrement importantes ; une prime de fidélisation versée aux lauréats d'un concours national de surveillants à affectation locale, divisée en trois fractions (4 000 euros lors de l'affectation, 1 000 euros après trois années d'exercice des fonctions et 3 000 euros à l'issue de la cinquième année d'exercice).
D'autres mesures, pour un montant de 8,3 millions d'euros en 2020, découlent de la mise en oeuvre du protocole d'accord relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations (PPCR) de 2016. Elles consistent en des mesures de revalorisation et de transformation de primes en points d'indice. Le décret n° 2017-1009 du 10 mai 2017 modifiant les statuts particuliers de divers corps de l'administration pénitentiaire a en outre rénové la grille indiciaire des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation, des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ainsi que des personnels techniques des services déconcentrés.
Votre rapporteur se félicite du montant conséquent consacré à ces mesures catégorielles, sans être certain toutefois qu'elles suffisent à répondre à la crise des vocations que connaissent les métiers pénitentiaires. Les personnes entendues par votre rapporteur ont souligné que les jeunes recrutés dans les corps de direction tendent à les quitter pour se faire embaucher dans les services préfectoraux ou dans la magistrature. Concernant les surveillants, la faible rémunération, surtout au regard du coût du logement pour les fonctionnaires débutants affectés en Ile-de-France, et la difficulté du métier sont à l'origine de difficultés de recrutement qui conduisent à réduire le niveau d'exigence au moment du concours. Il est vraisemblable que des réformes plus structurelles sont requises pour remédier à ces problèmes d'attractivité des métiers.
* 5 Il s'agit bien de créations nettes d'emplois, 2 694 recrutements étant par ailleurs prévus pour compenser les départs.
* 6 À titre de comparaison, Pôle emploi s'est fixé comme objectif que chaque conseiller ne suive pas plus de 70 demandeurs d'emploi très éloignés de l'emploi. La plupart des personnes suivies par les CPIP sont particulièrement éloignées de l'emploi.