TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de M. Bruno Le
Maire,
ministre de l'économie, des finances et de la
relance
(Mardi 20 octobre 2020)
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous entendons aujourd'hui le ministre de l'économie, des finances et de la relance, M. Bruno Le Maire, sur le projet de loi de finances pour 2021. Si l'exercice budgétaire nous est familier, il prend cette année une ampleur et une importance toutes particulières.
Je relisais hier, Monsieur le Ministre, votre présentation sur le projet de loi de finances pour 2020, il y a tout juste un an. Vous disiez à l'époque : « La politique économique conduite par le Gouvernement donne de bons résultats. Notre croissance est solide. Il y a quelques années, en termes de croissance, la France était encore à la traîne derrière l'Allemagne. Aujourd'hui, elle est le moteur de la croissance dans la zone euro, avec 1,4 % de croissance et 1,3 % prévu pour l'année prochaine, là où d'autres États sont, eux, à la limite de la récession. » Nous finissons l'année aux alentours de - 12 % de croissance, contre - 6 à - 8 % en Allemagne. Je ne dis pas cela pour vous jeter la pierre, mais bien pour dire combien les perspectives ont été bouleversées.
La crise que nous traversons depuis le mois de mars dépasse, par son impact sanitaire et économique, ce que nous avions connu jusqu'alors, touchant tous les secteurs d'activités et tous les acteurs de notre économie : ménages, entreprises, collectivités territoriales. Elle a réduit notre production, nos échanges avec le monde extérieur, mis à l'épreuve notre système de santé et notre quotidien. Cette crise est durable, nous devons désormais l'admettre. C'est dans cette optique que nous examinons le projet de loi de finances pour 2021, quatrième texte budgétaire soumis au Parlement en cette année exceptionnelle.
Nous allons vous écouter, Monsieur le Ministre, et vous interroger, car les questions sont nombreuses sur un plan de relance dont chacun espère ici qu'il réussira à maintenir l'essentiel de l'activité, à préserver le maximum d'emplois et à préparer l'avenir. Dans ce budget, il figure à hauteur de 36,4 milliards d'euros, dans une nouvelle mission consacrée à la relance, et vous prévoyez de décaisser 42 milliards d'euros dans les 16 mois à venir.
Dans le contexte de crise durable, mais aussi très mouvant, que j'ai rappelé, le plan de relance sera-t-il capable de donner le stimulus rapide que nous appelons de nos voeux ? Les baisses d'impôts, les dispositifs d'aides octroyées après de longs appels à projets, les investissements au long cours du Programme d'investissement d'avenir (PIA), sont plutôt des outils de politique économique de moyen terme que des outils adaptés à l'urgence de la relance. Les entrepreneurs qui guettaient la reprise craignent désormais le trou d'air, alors que l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) annonce une hausse de 80 % des faillites dans les mois à venir et que les plans sociaux s'accumulent... Certaines des mesures que notre commission vous avait présentées dès juin dernier trouvent seulement aujourd'hui leur traduction dans ce projet de loi : ne perdons pas davantage de temps !
La question du tempo de la relance est d'autant plus pressante que le Gouvernement a décidé la mise en place d'un couvre-feu sur de larges pans du territoire, ce qui replonge notre économie dans un semi-confinement. Les hypothèses sur lesquelles vous fondez votre budget, et les mesures mêmes qui sont soumises à notre approbation, ne sont-elles pas déjà caduques ? On parle d'un nouveau projet de loi de finances rectificative... Ce plan suffira-t-il à absorber ce nouveau choc économique, qui ne sera, malheureusement, peut-être pas le dernier ?
En outre, nous savons de longue date que les entreprises, surtout les plus petites, ont du mal à se saisir de dispositifs aux cahiers des charges lourds, pilotés depuis Paris - elles n'en ont parfois pas même connaissance. Entendez-vous mettre les moyens - notamment humains - nécessaires au déploiement rapide de cette relance jusque dans chaque commune française - alors même que baissent le financement des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et les effectifs déconcentrés du ministère ?
Plus que jamais, il faut concilier les trois volets de votre large portefeuille ministériel : l'économie, la relance, et les finances.
Je souhaiterais justement vous interroger sur le financement du projet de loi que vous nous présentez. Au vu des incertitudes au niveau européen, de votre volonté de décaissement rapide, quelle est la soutenabilité du budget de l'État ? Quelles mesures seront prises dès aujourd'hui pour éviter de glisser sur la pente d'un endettement encore plus élevé ? Je relève que la charge de la dette est le premier programme budgétaire en termes de crédits de paiement, avec 36,4 milliards d'euros, devant le programme « Enseignement du second degré » et la mission « Plan de relance ». Ces chiffres parlent d'eux-mêmes !
Plus globalement, notre balance commerciale devrait enregistrer un déficit record de 80 milliards d'euros en 2020. Certes, la pandémie de Covid-19 a touché le monde entier, mais prenons garde à ce qu'elle ne creuse pas encore davantage les écarts entre la France et ses voisins européens, ou les autres puissances économiques, qui ont mis en oeuvre un soutien assez volontariste à leurs économies. Le budget que vous nous présentez permettra-t-il de rivaliser dans la compétition mondiale ?
Je vous cède la parole pour répondre à ces premières questions. Les rapporteurs budgétaires pour avis de notre commission pourront ensuite vous adresser leurs questions spécifiques, avant que je ne donne la parole à l'ensemble de nos collègues.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance . - Je suis très heureux de vous retrouver, de retrouver cette commission des affaires économiques, chère à mon coeur.
Je voudrais d'abord exprimer mon soutien au corps enseignant des Yvelines, qui a été particulièrement touché par la tragédie de Conflans-Sainte-Honorine, et dire à quel point je suis déterminé, en tant que ministre des finances, à lutter contre les réseaux de financement du terrorisme. Nous préparons des propositions au Président de la République pour faire en sorte que pas un euro ne puisse aller, en France, ni au financement du terrorisme, ni aux associations qui ont le moindre lien avec le terrorisme ou avec l'islam politique.
Nous travaillons dans trois directions. D'abord, les circuits de financement des associations dites cultuelles, culturelles ou sportives, mais qui cachent, en fait, des réseaux de l'islam politique, et soutiennent l'islam politique et son objectif de destruction de la nation française, de ses valeurs, de son histoire, et de sa culture. Nous luttons également contre l'anonymat des cryptomonnaies, qui permettent de financer des activités liées au terrorisme.
Nous travaillons enfin sur la responsabilité des plateformes numériques. C'est probablement l'enjeu le plus important, et l'objectif le plus difficile à atteindre, mais vous connaissez ma détermination à obtenir une juste régulation des plateformes digitales. Cela passe par leur taxation, mais aussi par la responsabilité qu'elles doivent avoir sur les contenus qui circulent sur les réseaux digitaux : quand des messages qui appellent à la haine, qui appellent directement à la vengeance contre un enseignant, sont diffusés sur un réseau social, ce réseau ne peut pas considérer qu'il ne porte aucune responsabilité dans leur diffusion. Après tout, on demande bien à un éditeur de retirer un livre qui comporterait des propos haineux ou qui appellent à la violence. Pourquoi cette obligation ne pourrait-elle concerner une plateforme numérique ? Ma détermination à mettre les plateformes numériques devant leurs responsabilités par rapport à nos sociétés et par rapport à nos valeurs est totale.
Je voudrais aussi profiter de cette audition pour vous dire à quel point le défi qui est devant nous est considérable. Nous sommes, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, confrontés à une crise qui n'a pas d'équivalent en France depuis un siècle, c'est-à-dire depuis la grande récession de 1929. Nous avons perdu en un an, à cause du virus, 10 % de notre production nationale, de notre richesse nationale. Certains semblent avoir tendance à l'oublier, et se disent que dans deux ou trois mois, tout cela sera derrière nous. Non ! Après une chute aussi importante du produit national brut, chute qu'on observe dans tous les autres pays européens, aux États-Unis et dans beaucoup d'autres pays, il faut du temps pour se redresser. Il nous faudra au moins deux ans pour retrouver notre niveau de développement économique d'avant-crise - dont vous avez rappelé, Madame la Présidente, qu'il était satisfaisant.
Tout le défi, pour nous tous, pas simplement pour le ministre de l'économie et des finances, mais pour les entrepreneurs, pour les parlementaires que vous êtes, pour la société française toute entière, sera de combiner protection des salariés et des entreprises face à la crise et relance de l'activité économique pour préparer la France à l'après-crise. Et je ne renoncerai ni à l'un, ni à l'autre. Je compte au contraire continuer à protéger les salariés des entreprises qui en ont le plus besoin, qui sont confrontés aux obligations sanitaires liées au couvre-feu et, dans le même temps, investir dans l'avenir, dans les nouvelles technologies, dans la 5G, dans l'hydrogène, dans le calcul quantique, dans la formation des salariés.
Ne vous faites aucune illusion : la crise fera des vainqueurs et des vaincus. La Chine sortira grand vainqueur de cette crise, du point de vue économique et sans doute financier. Je souhaite que la France et l'Europe sortent aussi grands vainqueurs de cette crise, ce qui suppose que nous expliquions à nos compatriotes avec le plus de détermination possible que protéger dans l'immédiat n'exclut pas de préparer le futur.
C'est bien l'objectif qui est le mien : afficher un volontarisme économique de tous les instants, de tous les jours, de toutes les semaines, pour que nous puissions protéger notre économie et en même temps la préparer aux défis futurs.
Pour la protection, vous savez l'ampleur de ce qui a été mis en place. Je le rappelle rapidement. Les prêts garantis par l'État (PGE), d'abord, ont déjà occasionné le décaissement de 120 milliards d'euros. S'y ajoutent 6 milliards d'euros d'aide aux indépendants, aux commerçants, aux artisans, et aux très petites entreprises, à travers le Fonds de solidarité. Nous avons aussi consenti des reports d'échéances fiscales et sociales pour 42 milliards d'euros depuis le mois de mars, et dépensé 22 milliards d'euros pour le chômage partiel. Tout cela avait pour objectif d'éviter des centaines de milliers de licenciements et des dizaines de milliers de faillites. Les chiffres sont clairs : 38 000 entreprises ont fait faillite en août 2020, contre 53 000 en août 2019. Sur les douze derniers mois, le nombre de faillites en France a été de 30 % inférieur à celui observé l'an passé, grâce aux mesures de soutien que nous avons mises en oeuvre. Nous avons connu environ 750 000 destructions d'emplois. C'est un chiffre considérable, et une réalité qui touche les plus précaires, les CDD, les intérimaires, les travailleurs les moins qualifiés. Mais le chiffre aurait été infiniment supérieur si nous n'avions pas mis en place les mesures de chômage partiel que nous avons décidées avec le Président de la République et le Premier ministre.
Beaucoup de nos compatriotes souffrent de la situation actuelle. Certains sont tombés dans la pauvreté, et nous voulons leur apporter des réponses. Mais le pouvoir d'achat moyen des Français n'a été réduit que de 0,5 % quand l'activité chutait de 10 %. Nous avons donc fait le maximum - et nous continuerons à faire le maximum - pour protéger les Français.
D'aucuns demandent si tout cela ne risque pas de coûter trop cher. Cette politique ne serait-elle pas aventureuse ? Non, elle est responsable. Je me félicite que la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Mme Christine Lagarde, ait rappelé encore aujourd'hui qu'il fallait que les États continuent de soutenir, en 2020 et en 2021, les entreprises et les salariés. Elle a eu la lucidité de rappeler que rien ne serait plus irresponsable que de couper court aux mesures de soutien au moment où elles produisent tout leur effet.
Cela vous surprendra peut-être de la part d'un ministre des finances, mais je suis bien déterminé à continuer à dépenser l'argent nécessaire pour nos compatriotes, pour l'emploi et pour les entreprises. Il est moins coûteux, en effet, que l'État finance des projets de développement, des formations ou des projets pour un ingénieur aéronautique, qui aujourd'hui est privé de toute perspective chez Airbus, Thales, Safran ou Dassault, parce que le trafic aérien s'est effondré, que de voir cet ingénieur licencié, et les dix ou douze années d'études et de formation qu'il a fallu pour former un ingénieur de niveau mondial, perdues et gaspillées. Je préfère dépenser beaucoup d'argent dans les PGE pour sauver notre capital industriel et économique, plutôt que de le laisser s'effondrer et de ne plus avoir ensuite les moyens de le redresser. Les dépenses que nous faisons actuellement sont un investissement pour l'avenir des Français et de notre économie.
Notre dette atteindra donc 117,5 % du PIB en 2020, soit une augmentation d'environ 20 points par rapport à l'année dernière. Nous sommes dans le temps de la dépense publique, et nous continuerons à l'être tant que le virus circulera. C'est la position de la BCE, c'est la position du ministre de l'économie et des finances, telle qu'elle a été décidée par le Président de la République.
Mais le moment venu, quand nous commencerons à voir l'horizon s'éclaircir - c'est-à-dire, je l'espère, d'ici la fin de l'année 2021 ou le début de 2022 - avant de retrouver notre pleine croissance - c'est-à-dire, je l'espère, dans le courant de l'année 2022 - il faudra rembourser cette dette. Ce n'est pas le moment, mais le moment viendra. Je ne veux laisser aucune ambiguïté devant les Français sur ce sujet.
Comment la rembourserons-nous ? D'abord, par la croissance que nous aurons retrouvée. On ne rembourse jamais de dette sans croissance : la dette publique a besoin de croissance pour être remboursée. C'est là l'instrument le plus efficace et le plus durable de réduction de la dette. Le deuxième moyen sera la maîtrise de nos finances publiques. Nous devons continuer à faire preuve de responsabilité sur les finances publiques, notamment sur les dépenses de fonctionnement. C'est ce que ferons en 2021 en refusant toute augmentation du nombre de fonctionnaires dans la fonction publique d'État. Enfin, il faut avoir le courage de dire à nos compatriotes, parce qu'ils le savent, que seules des réformes structurelles permettront de garantir des finances publiques saines sur le long terme, et que, parmi ces réformes structurelles, la réforme la plus importante, qui permet de garantir l'équilibre de nos comptes sociaux et de nos comptes publics en général, c'est la réforme des retraites.
Tous les Français comprennent que, si nous voulons continuer à financer un système de protection sociale qui est un des plus généreux et des plus efficaces au monde, si nous voulons mieux nous occuper de nos aînés, notamment sur les questions de dépendance, nous devons également augmenter le volume global de travail dans notre pays. Comprenez-moi bien : je ne porte aucune accusation contre qui que ce soit. La France est un peuple qui travaille, un peuple de professionnels, de gens qui aiment leur travail, qui sont compétents, efficaces, productifs : chaque personne qui travaille, travaille beaucoup et durement. Mais il n'y a pas suffisamment de personnes qui travaillent. D'abord, parce que les jeunes entrent plus tard sur le marché du travail ; ensuite, parce que nous avons un taux de chômage qui reste encore trop élevé ; enfin, parce que nous nous sommes résignés à une politique que je juge socialement irresponsable et économiquement contestable, qui consiste à faire partir les plus de 50 ans le plus vite possible de l'entreprise.
Pendant des décennies, on a expliqué que les personnes de plus de 50 ans étaient trop coûteuses, représentaient un poids pour une entreprise. Je considère au contraire qu'elles représentent de l'expérience, et que l'un des grands défis culturels auxquels nous faisons face est de redonner toute leur place aux plus de 50 ans dans la vie économique de notre pays.
Je vous surprendrai peut-être en disant cela, car la CGT en a fait un de ses grands combats. Je ne partage pas beaucoup de combats de la CGT, mais celui-ci, sur l'emploi des plus de 50 ans, je le partage, et je pense qu'il est vital pour notre nation. On ne peut pas dire qu'on veut inciter les Français à travailler plus longtemps et continuer dans le même temps à dire aux plus de 50 ans qu'ils sont des poids dans une entreprise.
La réforme des retraites est donc, pour moi, l'un des enjeux stratégiques des grands équilibres financiers et sociaux de notre nation dans les années à venir.
Protéger, et continuer de protéger, c'est aussi renforcer les dispositifs existants. Nous avons mis en place un couvre-feu, ce qui est indispensable du point de vue sanitaire, mais très pénalisant pour beaucoup de professions. Je salue la manière dont l'hôtellerie, la restauration, le monde du spectacle et de la culture se battent pour s'adapter à ces règles sanitaires, pour ouvrir plus tôt, pour commencer plus tôt, pour finir aussi plus tôt, et permettre malgré tout à leur clientèle de continuer à venir. Mais j'ai parfaitement conscience que, pour beaucoup de ces restaurateurs, pour beaucoup de ces gens du spectacle vivant ou de l'événementiel, les temps sont terriblement durs. Et nous ferons tout pour continuer à les soutenir, et adapter nos dispositifs.
J'ai rétabli l'accès au fonds de solidarité pour toutes les entreprises situées dans les zones où s'applique le couvre-feu. Toutes les entreprises de moins de 50 salariés y ont désormais accès, ce qui leur permet de toucher jusqu'à 1 500 euros par mois. Dans les secteurs les plus touchés - l'hôtellerie, les cafés et la restauration, l'événementiel, les salles de sport, les salles de cinéma, les salles de théâtre et de concert... - nous avons porté le fonds de solidarité à 10 000 euros par mois. Les entreprises peuvent en bénéficier dès 50 % de perte de chiffre d'affaires au lieu de 70 %, et j'ai supprimé le plafonnement à 60 % du chiffre d'affaires. J'ai également proposé des exonérations de charges sociales supplémentaires, aussi bien pour les cotisations patronales que pour les cotisations salariales, sous forme de crédit d'impôt. L'ensemble de ces mesures coûte un milliard d'euros. Elles ont été décidées la semaine dernière. Vous le voyez, nous adaptons à chaque fois le dispositif pour protéger mieux et davantage les entreprises concernées.
Les PGE ont été un immense succès, avec 120 milliards d'euros décaissés, dont 90 % pour des PME et des TPE. Vous le savez, dans vos territoires, beaucoup s'inquiètent en se demandant comment faire pour rembourser. Pour les plus fragiles, nous avons prévu, en accord avec la Fédération bancaire française (FBF), un report du début de remboursement de mars 2021 à 2022. Nous leur donnons donc un an supplémentaire pour commencer le remboursement de leurs prêts, ce qui représente un effort considérable. Ce report sera décidé au cas par cas : les 570 000 contrats ne seront pas renégociés d'un coup ! Une entreprise qui est vraiment en difficulté pourra aller voir son banquier, lui exposer sa situation, et lui demander six, huit ou douze mois supplémentaires pour commencer le remboursement. Celui-ci pourra s'étaler sur cinq années supplémentaires, soit six ans au total. Et le report pourra se faire à des taux particulièrement attractifs, que j'ai négociés avec la FBF, et qui seront compris entre 1 et 2,5 %, garantie de l'État comprise, cette garantie représentant 100 points de base. Ces taux sont extraordinairement attractifs, et je tiens à saluer l'esprit de responsabilité de la FBF qui, depuis le début de cette crise, a accompagné les entreprises et l'État dans la politique de soutien à l'économie.
Pour les entreprises qui souhaiteraient disposer de fonds propres afin d'investir pour sortir de la crise, malgré leur endettement, nous avons mis en place des prêts participatifs, dont je préciserai le taux d'ici quelques semaines, et qui seront des prêts de long terme, au-delà de sept ans. Ces prêts seront des quasi-fonds propres, et ne pèseront pas sur l'endettement des entreprises. Ils ne donneront pas droit à la modification du capital de l'entreprise, ce qui est une vraie inquiétude des entreprises de taille intermédiaire à laquelle nous avons fait droit.
J'avais indiqué au départ que nous mettrions 2 milliards d'euros de garantie de l'État sur ces prêts participatifs, pour lever de 10 à 15 milliards d'euros. Nous avons vu que c'était insuffisant pour beaucoup d'entreprises, ce qui nous a conduits à changer la donne en disant que nous fixions un objectif de 20 milliards d'euros de prêts participatifs, et que la garantie de l'État s'adapterait à ce volume global. S'il devait être dépassé, nous avons prévu dans le projet de loi de finances la possibilité de dépasser 2 milliards d'euros. L'important, en effet, n'est pas la garantie de l'État, mais les prêts participatifs pour les entreprises, et les fonds propres de celles-ci.
Le premier volet de mon action est donc de continuer à protéger, aussi longtemps que le virus sera là, et d'adapter sans cesse les dispositifs, dans le but de faire preuve de toute la souplesse nécessaire pour que personne ne soit laissé au bord du chemin. Mais dans le même temps, il faut que la relance commence maintenant. Curieusement, les mêmes qui me demandaient en juin pourquoi je n'engageais pas la relance tout de suite me disent à présent que c'est trop tôt et qu'il faut attendre la fin de la circulation du virus. Non, je n'attendrai pas la fin de la circulation du virus, pour la bonne et simple raison que je ne sais pas quand elle surviendra.
Ce que je sais, en revanche, c'est que c'est maintenant qu'il faut investir, maintenant qu'il faut relancer, maintenant que notre économie doit redémarrer. Nous devons concilier la lutte contre le virus et le redémarrage de l'économie, et conjuguer sécurité sanitaire et sécurité économique, car la sécurité économique est vitale pour des millions de Français : c'est leur emploi, leur rémunération, leurs fins de mois, leur activité qui sont en jeu, ainsi que leur psychologie, leur sécurité personnelle, et la vie de leur famille. Je me bats pour tout cela, et pour que chaque Français se dise que l'économie continue à tourner. Et ce n'est pas qu'un slogan, c'est une réalité quotidienne, que vous voyez bien sur vos territoires : les gens ont envie d'aller travailler. Quand je vois un restaurateur qui bénéficie du fonds de solidarité, il me dit toujours qu'il n'a pas envie d'être aidé, mais de travailler ! Si les raisons sanitaires rendent cela impossible dans ce cas d'espèce, je souhaite que, pour le plus grand nombre de Français, il soit possible de continuer à travailler malgré la circulation du virus.
Je constate d'ailleurs que toutes les mesures que nous avons commencé à mettre en place fonctionnent remarquablement bien, voire trop bien. Ainsi, du fonds pour la relocalisation industrielle, pour lequel nous avions prévu un milliard d'euros, dont la moitié devait être dépensée en 2020. Nous avions un millier de projets il y a de cela quelques semaines. On nous a dit que les appels à projets étaient trop compliqués : c'était une critique du Medef et de la CPME, qui était justifiée. Nous avons simplifié les dispositifs, et nous avons désormais 3 600 projets sur la table, déposés par des entreprises, des PME, dans nos territoires, qui demandent 500 000 euros ou un million d'euros pour financer une ligne de production en France plutôt qu'à l'étranger. Déjà, 100 millions d'euros sont décaissés, et nous aurons décaissé 500 millions d'euros avant la fin de l'année - il sera même probablement nécessaire de rapatrier une patrie des crédits de 2021 sur 2020, tant la demande de fonds pour la relocalisation industrielle est forte depuis que nous avons lancé ce projet, avec Mme Agnès Pannier-Runacher.
Deuxième exemple : pour la rénovation énergétique des bâtiments publics, nous avions prévu 7 milliards d'euros, et nous avons déjà pour 8 milliards d'euros de demandes, qu'il s'agisse d'universités, de casernes, de brigades de gendarmerie ou de commissariats. À vous qui représentez les territoires, je rappelle que notre volonté, avec le Premier ministre, est de placer ces fonds au plus près des territoires. Toutes les rénovations énergétiques de moins de 5 millions d'euros seront décidées au niveau local, par les préfets : rien ne remontera jusqu'à Paris. Seuls les projets de rénovation énergétiques de plus de 5 millions d'euros pour les territoires, et de plus de 8 millions d'euros pour l'Île-de-France, remonteront à mon niveau, et je rendrai les arbitrages le 20 novembre prochain. Comme 92 % des projets de rénovation énergétique des bâtiments publics représentent moins de 5 millions d'euros, l'immense majorité de ces décisions seront traitées au niveau local.
Sur toutes ces mesures, vous pouvez consulter le site internet unique que nous avons ouvert, planderelance.gouv.fr , qui permet à chacun de s'informer sur les différentes mesures du plan de relance.
L'enjeu, pour moi, est de concilier la protection de notre économie et la relance qui doit nous permettre, d'ici deux ans, de sortir plus forts de cette crise.
Mme Anne Chain-Larché , rapporteure pour avis sur la mission « Relance » . - L'axe principal du budget que vous nous présentez est, bien évidemment, la relance de notre économie, selon la terminologie qui a, depuis l'été, remplacé les mesures d'urgence et autres plans de soutien. Ce nouvel objectif de relance, que nous nous fixons collectivement, ne doit pas faire oublier que beaucoup de nos entreprises se trouvent aujourd'hui encore dans un état d'urgence économique. On anticipe une hausse de 80 % des faillites en France dans les prochains mois, et des suppressions d'emplois industriels sont déjà annoncées, en dépit des aides publiques. Le quasi-confinement imposé depuis ce week-end va, sans nul doute, replonger les restaurateurs et les débits de boisson dans le rouge écarlate. Comment votre plan de relance répondra-t-il à cette urgence économique, non pas dans six mois, dans un an, dans cinq ans, mais dès qu'il sera voté ?
Les nombreux dispositifs d'accompagnement non financiers vers la numérisation ou la décarbonation, les appels à manifestation d'intérêt, se transformeront-ils en énième guichet méconnu des chefs d'entreprises ? La superposition des dispositifs est source de complexité. Ne retardera-t-elle pas leur déploiement ? Je m'interroge non seulement sur les outils mais aussi sur les moyens que l'État se donne pour les mettre en oeuvre. Les services régionaux de Bercy, par exemple, voient leurs effectifs se réduire dans la mission « Économie ». Nous sommes tous conscients du rôle essentiel qu'ont joué les CCI ces derniers mois. Vous avez renoncé de justesse, à l'Assemblée nationale, à diminuer leur financement. Le Haut conseil des finances publiques estimait il y a quelques jours au Sénat que vos hypothèses de décaissement, selon lesquelles la moitié des 100 milliards d'euros seront dépensés en 2021, se fondent sur une vision « volontariste » de l'effet des mesures du plan de relance sur la croissance. Monsieur le Ministre, êtes-vous trop optimiste ?
M. Serge Babary , rapporteur pour avis sur la mission « Économie » . - Mes questions porteront sur la mission « Économie » et les crédits consacrés au commerce et à l'artisanat. De façon un peu provocatrice, je souhaite vous demander où sont ces crédits ! Progressivement, les crédits de soutien au secteur disparaissent de la mission - je pense au Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac), mais pas uniquement - et sont saupoudrés dans d'autres missions et programmes. Depuis l'an dernier, il n'y a plus d'action spécifique consacrée au commerce et à l'artisanat. Depuis cette année, le Fisac a disparu. Depuis cette année également, l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) ou l'Agence du numérique ont rejoint l'Agence nationale de cohésion des territoires, et ne relèvent plus de cette mission. Envisagez-vous d'améliorer l'information du Parlement en regroupant les crédits consacrés au commerce et à l'artisanat au sein d'un même document ?
Ma deuxième question porte sur la numérisation des PME, qui est un besoin essentiel. La mission « Économie » prévoit 2 millions d'euros pour l'initiative « France num », dont beaucoup d'acteurs déplorent le manque de notoriété, et donc l'inefficacité. Qu'envisagez-vous de faire pour rapprocher cette initiative des entrepreneurs qui en ont réellement besoin ? Envisagez-vous de simplifier et d'unifier les divers dispositifs d'aide à la numérisation qui, s'ils partent d'une bonne intention, perdent les commerçants plus qu'ils ne les aident ?
Ma troisième question concerne le réseau des CCI. Le Gouvernement a finalement annulé la baisse de financement qu'il envisageait pour 2021. C'est bien. Au regard des moyens et de l'énergie déployée par la CCI depuis le début de la crise, envisagez-vous de les soutenir davantage et non pas uniquement de retarder la baisse de leur financement ?
M. Franck Montaugé , rapporteur pour avis sur la mission « Économie » . - La crise nous rappelle l'importance de l'industrie dans l'économie nationale, en termes d'emplois et de fourniture de biens stratégiques - pharmaceutiques, par exemple, agroalimentaires ou manufacturiers. La relocalisation doit faire l'objet d'un plan structuré, discuté avec le Parlement. Le prévoyez-vous ? Chaque crise fait aussi revenir la tentation de la délocalisation. Dans nombre d'entreprises qui ont déjà annoncé des plans sociaux, on constate que ces plans découlent d'un transfert d'activités à l'étranger. C'est ainsi que Bridgestone a investi en Pologne, Thales en Inde, Renault en Turquie... Dans le difficile contexte actuel, nous devons trouver un équilibre socialement protecteur et économiquement efficace entre d'une part les aides publiques à nos industries et, de l'autre, les contreparties à ces aides. Dans le cadre du contrôle budgétaire exercé par le Sénat, j'ai demandé à vos services de nous donner la liste des engagements pris par les entreprises du secteur aéronautique et automobile en contrepartie des plans de soutien votés en loi de finances rectificative. Vos services ne m'ont pas répondu. Le délai fixé par la LOLF est pourtant dépassé. Pouvez-vous me répondre aujourd'hui sur ce point ?
Sur le premier volet, c'est-à-dire les aides, ou encore la réponse à l'urgence économique, il faut aller plus loin dans le soutien aux PME et aux ETI en matière de fonds propres. Vous avez annoncé la mobilisation de 20 milliards d'euros de financement participatif. Selon quels critères ces fonds seront-ils attribués aux entreprises ? Vous visez celles qui ont « un vrai potentiel de rebond ». Je crains que ne soit exclu tout un plan de PME industrielles déjà endettées avec la crise, mais qui pourraient se développer en investissant. Nous devons accompagner l'ensemble de notre tissu productif, tout particulièrement au niveau local.
M. Alain Chatillon , rapporteur pour avis sur la mission « Participations financières de l'État » . - Dans les rapports successifs que j'ai pu faire sur l'Agence des participations de l'État, notre souci était la diversification. Nous considérons que, depuis des années, l'Agence des participations de l'État a concentré ses moyens sur un certain nombre d'entreprises. En matière d'entreprises stratégiques, c'était le nucléaire, mais il n'y a pas que le nucléaire qui soit stratégique pour l'État ! Nous souhaitons donc une ouverture, pour éviter ce qu'on a vu avec la crise sanitaire, c'est-à-dire un effondrement de la valorisation de l'Agence des participations de l'État.
Il y a des diversifications intéressantes sur lesquelles on aurait pu avancer. Avec mon collègue sénateur Martial Bourquin, nous avions essayé de faire avancer le dossier Alstom-Siemens, mais l'Europe nous a bloqués. On ne peut que le regretter, parce que c'était un élément stratégique très fort, et nous pensions, avec le ferroviaire, développer l'hydrogène. On aurait pu aussi rapprocher les potentiels automobiles français et allemand : Renault, PSA, et Mercedes, BMW... Avec la source d'énergie qu'est l'hydrogène, nous pouvions être attractifs sur deux secteurs importants. Bref, nous souhaitons pour l'Agence des participations de l'État une meilleure diversification et un meilleur engagement.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis sur la mission « Cohésion des territoires » . - Mes deux questions portent sur les aspects logements et construction, tant dans le projet de loi de finances pour 2021 que dans le plan de relance. Le bâtiment est un secteur essentiel pour notre économie et pour la reprise d'activité. La construction neuve est la grande oubliée du plan de relance. Alors que 6,7 milliards d'euros sont consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments, il n'y a rien sur la construction neuve dans le plan de relance. La ministre du logement a pris acte de cette situation et elle a promis de proposer, par des amendements au projet de loi de finances, une prolongation des dispositifs Pinel et du prêt à taux zéro. Quelle est votre position sur ces prolongations éventuelles, et sur leur dimension fiscale ?
Quelques gestes ont été faits cette semaine pour le logement social. Je pense notamment au maintien de la réduction de loyer de solidarité (RLS) à 1,3 milliard d'euros, mais également à un dispositif qui, dans le PLF, crée un abattement exceptionnel des plus-values immobilières pour construire des logements dans le cadre des opérations de revitalisation de territoires ou des grandes opérations d'urbanisme qui ont été créés grâce à la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan). D'autres évolutions pourraient aussi favoriser la construction de logements sociaux, en particulier via la baisse du taux de TVA, tant pour élargir à 500 mètres autour des quartiers prioritaires de la politique de la ville le taux réduit de TVA pour l'acquisition de logements neufs en zone ANRU que pour, d'une façon plus générale, aboutir à un taux réduit de TVA pour les logements sociaux. Ce n'est pas nécessairement décisif quand on construit un seul logement, mais cela devient extrêmement important lorsqu'on parle de centaines ou de milliers de logements qui restent à construire ou à rénover.
M. Jean-Pierre Moga , rapporteur pour avis sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Comme l'année dernière, dans le cadre du PLF, le Gouvernement propose un nouveau coup de rabot sur le crédit impôt recherche. Cela peut avoir des effets délétères sur la coopération entre recherche publique et entreprises. Je sais que vous aimez parler de sanctuarisation à propos de ce crédit, mais je crains que le sanctuaire soit une fois de plus profané. Ne serait-il pas préférable de reporter au-delà de 2022 cette mesure de rabot sur le crédit impôt recherche ?
Cette année, la ligne budgétaire finançant les aides à l'innovation de Bpifrance est supprimée et transférée dans le PIA 4. Le soutien aux aides à l'innovation par Bpifrance a fondu comme neige au soleil ces dernières années. J'avais défendu un amendement contre cette tendance lors du projet de loi de finances pour 2020. Il m'avait été répondu que Bpifrance avait un matelas suffisant pour financer seule ses aides. Je suis ravi de constater que le Gouvernement a changé d'avis, mais pouvez-vous nous confirmer que ce montant sera augmenté ?
Les maires et les présidents d'agglomérations craignent la fin de l'exonération de taxe foncière en quartiers prioritaires de la ville et les conséquences qui en découleraient. Les propriétaires de locaux commerciaux des quartiers prioritaires de la politique de la ville bénéficient depuis cinq ans d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties. Celles-ci constituent une variable déterminante pour l'équilibre financier de leur entreprise, surtout dans la période que nous traversons. La fin de cette exonération entraînerait une charge financière insupportable, qui les conduirait à cesser leur activité. Le plan « France relance » ne semble pas prendre en compte cette situation, qui concerne de nombreuses communes. Envisagez-vous de prendre en compte, dans le cadre de la loi de finances pour 2021, un dispositif rectificatif ou compensatoire qui permettrait de proroger ces exonérations fiscales ?
M. Laurent Duplomb . - Notre dette s'élevait à 2 638 milliards d'euros à la fin du premier semestre 2020. Beaucoup d'experts parlent de 3 000 milliards à la fin de cette année. Beaucoup disent aussi que, les taux d'intérêt étant bas, il faut en profiter pour emprunter. Il n'en reste pas moins vrai qu'en bon agriculteur, nous savons très bien que, quand on emprunte, le bon sens veut qu'on rembourse sa dette.
Le remboursement de cette dette de près de 3 000 milliards à la fin de l'année, ou de 2 638 milliards fin juin, peut se faire de quatre manières. D'abord, par la croissance ; puis, par l'inflation, mais, malheureusement - ou heureusement - ce n'est pas le ministre de l'économie qui décide de l'inflation. Le remboursement peut se faire aussi par l'augmentation des impôts. D'où ma première question : arriverez-vous à tenir sur le principe de ne pas aller dans cette direction ? La quatrième solution est l'annulation de la dette, et beaucoup de nos concitoyens estiment, parce qu'ils ont entendu parler pendant des années, ou des décennies, d'une dette qu'on ne rembourserait jamais, que nous pourrions peut-être annuler cette dette. En réalité, cela susciterait une telle défiance des marchés que cela diminuerait notre crédibilité et mènerait à une augmentation des prix.
Si vous voulez augmenter la croissance - ce qui me semble, des quatre options, la seule plausible si l'on ne veut pas avoir du monde dans la rue et des difficultés de gouvernance - il faut que les entreprises françaises travaillent. Or, je vais vous donner un exemple. Avec mon fils, nous investissons 1,2 million d'euros dans une méthanisation. Sur cette somme, nous n'aurons donné que 200 000 euros à des entreprises françaises. Le million d'euros restant va à des Allemands, qui maîtrisent le processus, à des Roumains, qui ont construit les fosses - la même semaine où l'on interdisait à nos enfants de passer le brevet des collèges -, à des Tchèques, qui ont monté le système, à des Hongrois, à des Ukrainiens, à des Hollandais, qui ont fait le transport... Pas un Français ! Monsieur le Ministre, si l'on veut de la croissance, il faut faire travailler nos entreprises !
M. Daniel Gremillet . - L'hydrogène est un dossier stratégique pour notre indépendance et notre compétitivité. Pourtant, sur ce point, le plan de relance n'est pas à la hauteur si l'on se compare à d'autres pays de l'Union européenne, ou à d'autres pays qui sont bien plus ambitieux, notamment en Asie. Comment faire en sorte que le plan de relance, sur l'hydrogène, donne des chances à l'économie française ?
Sur la forêt, nous ne sommes pas au rendez-vous, monsieur le ministre : 200 millions d'euros pour le dossier forestier, ce n'est pas assez quand on voit la souffrance et l'enjeu pour l'économie et le climat. Comment allez-vous réagir face à cette absence de capacité financière sur le dossier ?
Sur la rénovation énergétique, je partage votre propos : il y a un vrai succès. Mais, comme l'a dit Mme Dominique Estrosi Sassone, au-delà la rénovation, il n'y a rien pour le neuf ! Dans un amendement repris par l'Assemblée, le Sénat a énoncé le fait que, dès lors qu'on est sur de l'argent public, il est dommage que les fonds accompagnant la rénovation bénéficient plutôt à des entreprises et à du matériel qui ne viennent pas de France ni d'Europe. Comment conjuguer la relocalisation avec ce plan de relance ?
Je partage votre avis : seule la croissance nous permettra de retrouver une capacité à rembourser la dette. Mais je crains un décalage par rapport au calendrier que vous avez imaginé. Même avec un an de report, les entreprises ne seront pas en mesure de rembourser aussi rapidement.
M. Bruno Le Maire, ministre . - Mme Anne Chain-Larché m'interroge sur l'urgence économique. Tous les dispositifs que nous avons mis en place - fonds de solidarité, adaptation du prêt garanti par l'État, exonération de charges - doivent nous permettre de remédier à l'urgence économique. L'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, les 150 euros de prime pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique ou du revenu de solidarité active, doivent aussi apporter du soutien à ceux de nos compatriotes qui ont les niveaux de revenus les plus faibles.
Sur la décarbonation et la numérisation, j'ai entendu les critiques, tout à fait fondées - et toutes les critiques fondées sont constructives et utiles. On m'a expliqué qu'il y avait trop de dispositifs, trop de guichets, et c'était vrai, et cela compliquait les démarches. Il y aura donc un guichet unique pour la décarbonation et la digitalisation des PME en France. Cela permettra à une PME qui veut se digitaliser, et qui achètera un logiciel pour cela, d'obtenir, sur simple présentation de la facture, à une réduction d'impôt de 40 %. C'est une aide directe à la digitalisation, via un guichet unique.
Pour répondre à Serge Babary, je prône le dialogue et l'écoute, plus que jamais nécessaires en période de crise. J'entends les craintes des CCI, qui ont dû réduire le montant de la taxe affectée moyennant une clause de revoyure en cas de dégradation de la situation économique. Nous avons corrigé les chiffres et trouvé un accord, qui prévoit la baisse du plafond d'affectation de la taxe à 50 millions d'euros en 2022 et une stabilisation en 2021 du produit par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 : 349 millions d'euros au lieu des 249 prévus, soit 100 millions d'euros rendus. Cette solution a été acceptée par les CCI et votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Voilà un cas d'école de dialogue menant à des solutions conformes à l'intérêt général.
Suis-je trop optimiste ? On ne l'est jamais trop en tant que ministre de l'économie et des finances, mais je pense avoir été prudent. Début septembre, nous avons assisté à un emballement : la croissance repartait, la Banque de France évaluait la récession en fin d'année à 8,7 %, l'OCDE à un peu moins de 9 %. Tout le monde m'a demandé de ramener l'estimation pour 2020 de - 11 % à - 9 % pour créer un choc de confiance. Mais j'ai estimé que les risques relatifs à la pandémie et au contexte international étaient importants, et j'ai décidé de maintenir l'estimation à - 10 %. J'estime que la prudence est un facteur de confiance pour les Français. Nous allons passer par des hauts et des bas. Les difficultés actuelles, très importantes pour de nombreux Français, se poursuivront tant que le virus sera là. Certaines entreprises ne tiendront pas mais d'autres ouvriront, d'autres industries se créeront : je songe au site de production de batteries électriques à Douvrin, dans le Pas-de-Calais, ou à l'hydrogène, qui nous permettront de surmonter cette épreuve. Nous sommes équipés pour faire face.
Le commerce et l'artisanat sont désormais gérés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires, sous l'autorité de Jacqueline Gourault.
Je souhaite attirer votre attention sur un projet encore trop méconnu, celui des foncières créées par la Banque des territoires, sous l'autorité de la Caisse des dépôts et consignations. Ces foncières, au nombre de 6 000 et bientôt, je l'espère, 10 000, rachètent et rénovent des locaux commerciaux en centre-ville, les rendent plus compétitifs au point de vue énergétique, les réunissent le cas échéant puis les louent à un tarif préférentiel. Je souhaite que ce dispositif simple et efficace, qui représente plusieurs milliards d'euros d'investissements, soit connu de toutes les villes moyennes et petites qui pourraient en bénéficier.
Monsieur Montaugé, j'ai entendu les critiques adressées aux donneurs d'ordres des secteurs aéronautique ou automobile. Il y a quelques jours, j'ai rassemblé ceux du secteur aéronautique - Dassault, Thales, Safran et Airbus - pour les rappeler à leurs responsabilités. Puisque nous ne sommes pas parvenus à un accord sur les relations entre ceux-ci et leurs sous-traitants, nous avons nommé un observateur indépendant pour repérer les difficultés, territoire par territoire. Alain Chatillon m'a déjà alerté sur ce sujet ; nous assurons le suivi régulier de la charte du Gifas (groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) et de l'engagement des donneurs d'ordres à respecter les délais de paiement et à traiter avec les sous-traitants de manière appropriée. Je suis parfaitement conscient du travail qui reste à faire sur le sujet.
Toutes les entreprises ne pourront bénéficier de fonds propres et de prêts participatifs. Je suis transparent sur le sujet. J'ai refusé une garantie de l'État à 100 %, estimant que les banques doivent porter 10 % du risque. Dans le cas contraire, elles seront incitées à soutenir les entreprises sans fixer de critères, et c'est le contribuable qui paiera.
Monsieur Chatillon, j'ai regretté la décision de la Commission européenne sur la fusion entre Alstom et Siemens ; en revanche, il y a matière à se réjouir du projet associant Alstom et Bombardier, qui montre que nous avons des industries puissantes susceptibles d'opérer des fusions sur la base des compétences et des savoir-faire.
Monsieur Gremillet, l'un des enjeux de la relance est de faire de la crise une opportunité pour ouvrir de nouveaux champs d'excellence française. Avec le luxe, les vins et spiritueux, l'agro-alimentaire, l'aéronautique, nous nous sommes endormis sur nos lauriers. Ces champions industriels sont une fierté nationale, à juste titre, mais les taxes à l'importation sur les vins français et l'effondrement de l'aéronautique ont touché de plein fouet deux moteurs de nos exportations. Il est bon de chercher d'autres moteurs : plutôt que de vivre sur nos acquis du XX e siècle, construisons les succès du XXI e siècle.
C'est pourquoi nous avons décidé d'investir massivement dans l'hydrogène. La solution de facilité aurait été de donner la priorité à la réduction immédiate des émissions de CO 2 en finançant des tarifs préférentiels d'achat d'hydrogène. Nous aurions ainsi développé la consommation en un an ou deux mais pas la production. Avec le Président de la République, nous avons fait le choix totalement différent de produire nous-mêmes de l'hydrogène, en investissant à toutes les étapes de la filière : les réservoirs, avec Faurecia pour champion, les piles à combustible et les électrolyseurs, avec les technologies de membrane très complexes mais prometteuses. Nous pouvons avoir d'ici quelques années une « Gigafactory » de production d'hydrogène en France. Pourquoi se priver de cette ambition ? Personne n'imaginait, lorsque la France s'est lancée dans le nucléaire, que notre pays deviendrait l'un des meilleurs spécialistes au monde dans la production d'énergie nucléaire civile ; lorsque Airbus a été créée, ils étaient peu nombreux à penser que l'Europe se doterait du constructeur d'avions le plus performant, rentable et technologiquement pointu de la planète.
Ma conviction est que nous y arriverons pour l'hydrogène. Cela suppose des investissements massifs - sept milliards d'euros - et une coopération franco-allemande. Nous en avons discuté avec le président de la République et la chancelière Merkel il y a quelques jours. Les projets avancent à très bon pas. Il reste un point de divergence - notable- , je vous l'accorde : nous estimons que l'électricité alimentant les électrolyseurs est verte si elle est d'origine nucléaire, alors que les Allemands estiment qu'elle pose problème.
Madame Estrosi Sassone, une concertation est en cours avec le secteur du bâtiment, les promoteurs et les travaux publics pour améliorer l'efficacité des dispositifs Pinel et prêts à taux zéro (PTZ) tout en tenant compte des enjeux soulevés par la convention citoyenne pour le climat, notamment l'artificialisation des sols. Les dispositifs existants seront prolongés, et nous aurons avec le Parlement ce débat sur la lutte contre l'artificialisation, vitale pour nos territoires. En tant qu'élu de l'Eure, j'ai pu constater combien l'extension des zones pavillonnaires pouvait être problématique ; d'un autre côté, l'attente de nos compatriotes sur le logement individuel est forte. Il y a des choix économiques à faire, mais aussi une évolution culturelle à engager.
Concernant le crédit d'impôts recherche, je suis pour la stabilité fiscale : moins l'on touche aux impôts, mieux l'on se porte. L'ajustement que nous proposons est motivé par la mise en conformité avec l'Union européenne : ne pas le faire nous exposerait à un recours juridique aux conséquences pénalisantes. Globalement, les crédits à la recherche augmenteront, et je suis très attaché à ce dispositif qui a fait la preuve de son efficacité.
Monsieur Duplomb, tant que je serai ministre des finances, il n'y aura pas d'augmentation d'impôts dans notre pays. On peut toujours justifier une imposition des plus riches, des 1 %, des 2 %... Je rappellerai simplement que nous sommes le pays développé au taux de prélèvements obligatoires le plus élevé au monde. Ma responsabilité est donc de stabiliser, ou de faire baisser les impôts : avec 22 milliards d'euros de baisse sur les ménages et autant sur les entreprises depuis 2017, c'est ce que nous avons fait.
Sur la dette, j'en appelle à votre sens des responsabilités. Annoncer des annulations de dettes, c'est susciter la méfiance des investisseurs. Oui, la dette doit être remboursée ; oui, elle doit l'être par la croissance et oui, il faut faire travailler nos entreprises.
Monsieur Gremillet, n'étant plus ministre de l'agriculture, je ne suis pas en mesure de répondre à votre question sur le domaine forestier mais vous recevrez une réponse écrite. Avec la rénovation énergétique, vous touchez à un point important. Il faut aller vite, et il est essentiel que le nombre d'entreprises ayant la certification énergétique augmente pour que cette rénovation profite aux entreprises françaises.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je propose que vous répondiez par écrit aux sénateurs qui n'auront pas reçu de réponse ce soir.
Parmi les propositions de la Convention citoyenne pour le climat figurent des augmentations d'impôts : je ne sais pas comment vous aborderez ce sujet au sein du Gouvernement...
M. Jean-Marie Janssens . - La crise sanitaire et économique qui frappe notre pays a des conséquences graves sur l'emploi et la survie de plusieurs branches d'activité, notamment le secteur aéronautique touché à tous les échelons : compagnies aériennes, grands constructeurs aéronautiques et leurs sous-traitants. Dans mon département du Loir-et-Cher, l'entreprise Daher annonce un plan de restructuration menaçant des centaines d'emplois dans les deux sites du Val de Cher, à Montrichard et Saint-Julien-de-Chédon, et Thales se prépare à supprimer des postes sur ses deux sites de Vendôme. Malgré les 15 milliards d'euros du plan de relance pour l'aéronautique annoncés cet été, les suppressions de postes sont là et les perspectives sont mauvaises. Relancer la filière commence par sécuriser les emplois industriels du secteur et l'emploi local. Il est impératif de donner de la visibilité et du soutien aux entreprises comme Daher, pour les aider à faire les bons choix stratégiques et à ne pas s'engager dans la voie de lourdes restructurations.
Au-delà des aides financières, pouvez-vous nous présenter les mesures que le Gouvernement entend prendre pour défendre l'emploi local dans ce secteur aéronautique ?
Mme Catherine Fournier . - Je ne suis pas persuadée que les TPE-PME bénéficieront pleinement de la relance sans un choc de simplification des procédures administratives. Peu d'entre elles ont les services internes en mesure de cibler les aides adaptées, d'identifier l'interlocuteur idoine et de réunir les pièces demandées, souvent hors de proportion avec l'aide demandée. Souvent, aucun délai n'engage l'administration. Dans les Hauts-de-France, l'aide sera distribuée par un guichet unique, avec un engagement de réponse dans un délai d'un mois. Un trop grand nombre de TPE-PME renoncent à demander des aides, parce que cela demande trop de temps et d'énergie.
Pourquoi avoir baissé la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui n'est pas l'impôt de production qui touche le plus les TPE-PME, plutôt que de maintenir les baisses et annulations de cotisations sociales et d'impôts ? C'était pourtant le moyen le plus simple et direct de leur venir en aide.
M. Fabien Gay . - Il est dommage que nous n'ayons pas le temps d'un vrai débat. J'aurais pu vous dire que je suis d'accord avec certaines mesures, notamment les PGE pour les petits commerçants et artisans ; il faudra à mon avis les convertir en fonds propres, quand ils se retrouveront face au mur de la dette en mars prochain. Pour le fonds de solidarité, le raisonnement est le même : dans le rapport que j'ai présenté avec Serge Babary et Anne Chain-Larché, nous demandions une prolongation jusqu'au 31 décembre, et potentiellement jusqu'au 30 juin.
Pendant la crise, vous avez appelé les entreprises, surtout les grandes, à modérer leurs dividendes. Je vous le dis franchement, c'est un échec. 100 % des entreprises du CAC 40 ont été aidées. Les deux tiers ont versé des dividendes, et huit d'entre elles les ont augmentés. Certes, les dividendes sont distribués sur le résultat de 2019. Je vous pose donc la question : allez-vous légiférer en 2021 et interdire le versement de dividendes pour l'exercice 2020 ?
Un schéma que vous avez partagé sur Twitter pour présenter le plan de relance mentionnait un « suivi rigoureux ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Les salariés voient tomber les aides publiques « à gogo » pour les entreprises, alors qu'ils subissent les plans de licenciement. Vous refusez de conditionner les aides publiques à des critères en matière d'emploi, d'environnement et de recherche et développement, mais quel suivi allez-vous mettre en place ? Ceux qui ne respecteront pas leurs obligations seront-ils sanctionnés ?
Enfin, il faudra suivre de près les développements de l'affaire Suez-Veolia. Lors de l'examen de la loi Pacte, contre laquelle nous n'étions pas nombreux à voter, vous nous assuriez que la détention du golden share par l'État dans les grandes entreprises dont il est actionnaire nous mettrait à l'abri des problèmes. On a vu par la suite que c'était plus compliqué...
Mme Valérie Létard . - J'associe à mon propos Dominique Estrosi Sassone, Viviane Artigalas et Marie-Noëlle Lienemann, co-rapporteurs de la mission d'information de notre commission sur Action Logement et la PEEC (participation des employeurs à l'effort de construction). Le journal Le Monde et d'autres médias ont eu communication du rapport de l'Inspection générale des finances sur Action Logement, alors que nous parlementaires ne l'avons pas reçu. Quand nous transmettrez-vous ce rapport de l'inspection générale des finances ? Vous avez annoncé à l'Assemblée nationale votre intention de mener à bien la réforme d'Action Logement en même temps que celle des retraites. Olivier Dussopt a annoncé un amendement demandant une habilitation à prendre ces mesures par ordonnances. Le confirmez-vous, et quel est le calendrier ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?
Enfin, pouvez-vous répondre à la question de M. Moga sur la possible prolongation des exonérations de TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties) pour les locaux commerciaux en quartiers politique de la ville ?
M. Joël Labbé . - Parmi les immenses défis que vous avez à relever figure le verdissement du budget. La méthode « budget vert » donne enfin une vision claire et transparente des niches fiscales néfastes pour le climat et des subventions aux énergies fossiles. Le rapport du Gouvernement sur l'impact environnemental du PLF évalue les exonérations ou taux réduits sur les taxes intérieures de consommation (TIC) sur les produits liés aux carburants à 5,1 milliards d'euros ; mais le rapport sur le « green budgeting » du ministère de la transition écologique avance, pour l'année dernière, le chiffre de 12,2 milliards, tandis que la Commission européenne évoque 9,7 milliards d'euros. Ces différences s'expliquent par des choix de périmètre. Il convient que nous ayons une vue globale afin d'engager une trajectoire de suppression tout en accompagnant les secteurs concernés. Envisagez-vous de nous la donner dans un futur proche et de rectifier ces chiffres ?
M. Daniel Laurent . - La filière viticole a été durement touchée par la crise sanitaire, d'autant plus qu'elle affrontait concomitamment les sanctions américaines, le Brexit et la crise de Hong-Kong. L'OMC (Organisation mondiale du commerce) vient d'autoriser l'Union européenne à appliquer des sanctions tarifaires d'un montant de quatre milliards de dollars sur des produits et services américains au titre des aides américaines à Boeing. La prochaine liste des produits taxés par les États-Unis devrait être communiquée au plus tard en février prochain.
Les représentants des producteurs et distributeurs de vins et spiritueux demandent un retrait de leurs produits de cette liste et une intensification des efforts pour une solution négociée. La décision de l'OMC risque de crisper encore davantage les Américains, alors que la baisse de valeur des exportations aux États-Unis a dépassé les 500 millions d'euros en dix mois. Alors que 30 % de notre économie dépendent des échanges internationaux, la partie export du plan de relance, qui s'élève à 247 millions d'euros tous secteurs confondus, est-elle proportionnée ?
La France, déclariez-vous le 15 octobre, compte trois grandes filières d'excellence : l'aéronautique, le luxe et les vins et spiritueux. Vous venez de dire que nous avions besoin d'autres moteurs, mais conservons d'abord l'existant. Le Gouvernement a mis en place des plans sectoriels pour l'aéronautique et l'automobile, mais pas pour les vins et spiritueux, qui pourraient être la victime collatérale d'un contentieux auquel ils sont étrangers. Le plan de relance soutiendra-t-il cette filière ?
M. Bruno Le Maire, ministre . - Monsieur Janssens, les emplois les plus touchés par les conséquences de la crise sanitaire sont les emplois de service à faible qualification, les intérimaires, les contrats courts. Les secteurs économiques les plus frappés sont les secteurs dits S1 et S1 bis - hôtellerie, cafés, restauration, événementiel, culture, spectacle vivant, salles de sport - et le transport aérien. Ce dernier secteur a connu une chute sans précédent, avec des perspectives qui restent très incertaines. L'effet sur les sous-traitants comme Daher est considérable, c'est pourquoi nous avons mis en place un fonds de soutien et un fonds d'investissement pour, concrètement, occuper les ingénieurs aéronautiques ; car leur disparition représenterait un coût humain et technologique considérable pour l'ensemble de la société. Je suis informé de la situation à Vendôme, et j'ai reçu voici quelques jours le président de Thales pour rechercher des solutions.
Je félicite les salariés, les représentants syndicaux et la direction d'Airbus pour l'accord qu'ils ont trouvé après des semaines de négociations : les licenciements secs sont évités, ce qui était l'objectif de l'État. Des efforts considérables sont demandés aux salariés, mais nous n'avons pas le choix car les avions ne volent plus. L'État prend toute sa part, avec un plan de soutien à 18 milliards d'euros. Concrètement, il consiste à financer le surcoût des commandes aériennes qui seraient annulées si l'État ne portait pas la garantie financière associée. Un exemple : lorsque les Émirats arabes unis estiment qu'ils n'ont plus besoin d'A380 au vu de l'effondrement du transport aérien, nous payons pour le maintien de la garantie export pour un ou deux ans supplémentaires. Cela se chiffre en milliards d'euros. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour sauver le maximum d'emplois et d'entreprises dans ce secteur d'excellence très fragilisé. Je ne vous cache pas que cela sera dur.
Madame Fournier, la complexité des dispositifs est en effet supportable en période ordinaire, mais pas en période de crise. Dans le cadre de la loi ASAP, nous avons mis en place un guichet unique pour la digitalisation des PME et porté de 40 000 à 100 000 euros le seuil de l'appel d'offres obligatoire pour les contrats publics, ce qui soulagera les petites communes. Nous avons également demandé un raccourcissement des délais administratifs, et nous allons poursuivre dans cette voie.
Les premiers bénéficiaires, en valeur relative, de la baisse des impôts de production seront les PME, qui représentent 25 % de la valeur ajoutée globale du pays mais 30 % du montant de la baisse. Nous sommes attentifs à ce que les PME bénéficient pleinement de nos choix économiques.
Monsieur Gay, j'ai fixé la règle que toute grande entreprise recevant une aide directe de l'État, sous forme de PGE ou d'exonérations de charges, ne distribue pas de dividendes. Une entreprise qui n'a pas assez d'argent pour sa trésorerie n'en a pas assez non plus pour ses actionnaires. J'ai refusé des PGE sur cette base. Puisque le dispositif sera prolongé du 31 décembre 2020 au 30 juin 2021, cette règle sera elle aussi reconduite.
Je rappelle également que les entreprises installées dans un paradis fiscal ne peuvent bénéficier d'aucune aide de l'État.
En réalité, la plupart des aides aux entreprises sont déjà conditionnelles. Pour toucher la prime à l'embauche d'un jeune apprenti, il faut l'embaucher ; pour bénéficier de MaPrimeRénov', il faut faire de la rénovation énergétique ; pour bénéficier de la prime à la conversion automobile, il faut acheter un véhicule électrique ou un véhicule Crit'Air 1. Sur les impôts de production, nous sommes en désaccord : j'estime qu'en les baissant, nous nous mettons au niveau des autres pays européens. Je ne vois pas pourquoi nous imposerions une conditionnalité, puisqu'il s'agit de fixer un cadre plus compétitif et attractif pour les entreprises françaises.
Concernant Suez et Veolia, je suis constant dans mes positions. Je n'ai pas changé d'avis sur ce dossier : la précipitation n'est jamais bonne conseillère. Le 21 septembre, on m'a expliqué que l'opération devait se faire toutes affaires cessantes. Elle a été menée dans la précipitation, sans garanties suffisantes sur l'emploi et la préservation de champions industriels. Or l'affaire est aujourd'hui bloquée. N'aurait-il pas fallu prendre le temps de la discussion pour trouver un accord amiable ? J'ai demandé aux trois représentants de l'État au conseil d'administration d'Engie de voter contre l'opération, pas sur le fond mais sur la manière dont elle a été conduite. Je maintiens ma position. L'État n'étant pas majoritaire, il a été battu, mais c'était son rôle que de rappeler certains principes.
De manière plus générale, chacun doit s'interroger sur son rôle dans l'économie. Les entreprises doivent comprendre qu'elles ont un rôle social à jouer, notamment en matière d'emploi et d'environnement. Nous n'arriverons pas à construire un modèle économique plus juste et efficace si chacun ne prend pas ses responsabilités. Je regrette la décision qui a été prise par le conseil d'administration d'Engie, je pense que nous aurions dû prendre le temps d'un accord amiable, et je considère que la préservation de l'emploi et de la concurrence dans le secteur de la gestion de l'eau et des déchets est importante pour notre pays.
Madame Létard, je vais demander la transmission du rapport de l'IGF sur Action Logement au Parlement. Des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux, sous la direction de la ministre du logement, Emmanuelle Wargon. Tout le monde s'accorde sur le diagnostic : la gouvernance n'est pas satisfaisante, les frais de fonctionnement sont trop élevés. Il faut réformer ce système tout en préservant le financement des politiques publiques et en veillant à faire baisser la PEEC, qui est un impôt de production payé par les entreprises. Nous négocions avec les partenaires sociaux, sans brutalité ni précipitation, mais en l'absence d'accord, nous prendrons nos responsabilités.
Monsieur Labbé, plus d'un tiers du plan de relance est consacré aux questions environnementales. On nous reproche souvent de ne pas aller assez vite ; j'estime pour ma part qu'il convient, sans renier nos ambitions, de maintenir une visibilité sur le calendrier et de ne pas forcer la réalité, sous peine de le payer cher en matière d'emploi. Ce n'est pas la taxe carbone en soi qui a provoqué le mouvement des gilets jaunes, mais la concomitance de celle-ci et de la convergence des tarifs du diesel et de l'essence. C'était ambitieux en théorie, mais insupportable pour des millions de nos compatriotes. Je tiens à préciser, monsieur Duplomb, que Bercy avait alerté sur les risques d'une mise en oeuvre simultanée de ces deux mesures.
C'est le même raisonnement qui m'a conduit à étaler sur trois ans, au lieu de deux, la mise en oeuvre de l'abaissement de 138 à 123 grammes d'émission de CO 2 au kilomètre le seuil de déclenchement du malus. Il faut laisser le temps aux industriels de s'adapter, au lieu de forcer la machine.
Monsieur Laurent, vous connaissez mon attachement à la filière viticole et à ses produits, mais la bonne politique vis-à-vis de l'administration américaine n'est pas l'accommodement ni la faiblesse. L'OMC nous a autorisés à imposer des sanctions de 4 milliards d'euros sur les produits américains. Nous avons donc le droit de le faire, et nous devons en avoir le courage. M. Trump, et les États-Unis de manière générale, ne respecteront que la force. Nous avons proposé un accord à l'amiable raisonnable, mais le négociateur américain n'en veut pas. Il faut montrer notre détermination, car on ne gagne rien à faire preuve de faiblesse.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je vous remercie, et vous demande de répondre par écrit aux questions des sénateurs qui n'ont pu intervenir au cours de cette réunion.
Comme vous l'avez dit, le diagnostic sur Action Logement est partagé, mais nous l'avions posé dès l'examen de la loi Elan, monsieur le ministre. Nous avions voté une modification de la gouvernance, mais les décrets d'application n'ont pas été pris. Au conseil d'administration, les commissaires du gouvernement nous ont indiqué qu'ils n'avaient aucune intention de le faire, malgré la volonté du Parlement et du Gouvernement lui-même. C'est une question de démocratie et de fonctionnement de nos institutions. Je vous remercie.
Examen en commission
(Mercredi 18 novembre 2020)
Réunie le mercredi 18 novembre 2020, la commission a examiné le rapport pour avis d'Anne Chain-Larché sur la mission « Plan de relance » du projet de loi de finances pour 2021.
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous débutons aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2021. C'est chaque année un exercice important, qui donne les grandes orientations de l'année à venir et offre l'occasion d'examiner la politique économique du Gouvernement. Notre commission est saisie pour avis sur les missions relevant de ses compétences thématiques. Au-delà des grands équilibres des finances publiques, il nous revient d'examiner les conséquences de ce projet de loi dans chacun des secteurs économiques dont nous avons la charge.
Cet examen a cette année un caractère exceptionnel au vu de la crise que nous traversons. L'année dernière, la loi de finances tablait sur une croissance supérieure à 1 % en 2020. Elle sera vraisemblablement proche de - 10 %. Le Gouvernement s'engageait à faire passer les dépenses publiques sous le seuil des 50 % du PIB, mais elles seront supérieures à 60 %. Il en va de même avec la dette publique. Le paysage est donc totalement bouleversé.
Dans ce contexte, il nous revient de nous interroger sur la capacité de la loi de finances à atteindre trois objectifs : limiter les effets de la crise, relancer la croissance et accompagner la transition énergétique.
Cette crise est d'abord une crise de l'offre, mais se transforme progressivement en une crise de la demande. L'épargne forcée risque de devenir épargne de précaution face aux incertitudes et à la perspective de chômage, de plans sociaux et de dépôts de bilan. Dans le budget que nous allons examiner, y a-t-il dès lors un « mix » adapté entre soutien à l'offre et soutien à la demande ?
La deuxième question que nous devons nous poser porte sur la temporalité du plan de relance. Ce projet de loi de finances a été élaboré pour accompagner le rebond de l'économie, rebond qui se profilait avant le reconfinement. Cet objectif demeure, mais il faut faire en sorte que la seconde vague ne casse pas la relance. Il faut donc combiner relance conjoncturelle et la relance structurelle.
Nous examinons ce matin d'abord l'avis de notre collègue Anne Chain-Larché, chargée de la mission budgétaire « Plan de relance ».
Mme Anne Chain-Larché , rapporteure pour avis . - À bien des égards, cette mission est aussi inhabituelle que la période que nous vivons : du point de vue des chiffres d'abord, qui donnent le tournis. La mission représente près de 36 milliards d'euros au total, dont 22 milliards pour 2021. À elle seule, elle représente près de 8 % du budget total de l'État.
Inhabituelle ensuite, car cette mission ne porte pas, comme les autres, les crédits traditionnels des ministères et des politiques publiques ; mais elle traduit un effort temporaire de relance budgétaire, en réponse à un choc économique d'ampleur historique. Ainsi, elle traite de thématiques aussi variées que la rénovation énergétique, l'aide à l'emploi des jeunes, la numérisation, l'hydrogène vert, ou même de commandes militaires.
Au moment d'examiner ce budget particulier, permettez-moi d'abord de dire que notre commission, dans son rôle de contrôle budgétaire du Gouvernement, n'a pas une tâche facile. Les sommes colossales, et la forte augmentation de la dette de notre pays, accroissent encore les enjeux de bonne gestion des dépenses publiques, ce qu'il nous faudra avoir à l'esprit dans les années à venir.
Ce plan de relance nous parvient mi-novembre, soit deux mois et demi après sa présentation par le Gouvernement. À l'été, l'économie française marquait un net rebond, ce qui faisait espérer un retour progressif à la normale. Mais la tendance au rebond a été stoppée net par l'annonce d'un nouveau confinement, contraignant les commerces à la fermeture à quelques semaines des fêtes de fin d'année. Dès lors, je m'interroge : le plan de relance conçu pour accompagner la reprise d'activité qui se présentait, pour orienter l'investissement des entreprises vers les enjeux d'avenir à l'horizon 2030, est-il toujours pertinent alors que l'économie de 2020 connaît une nouvelle crise ?
Pour répondre à cette question, j'ai d'abord examiné la composition du plan de relance, et surtout son calendrier. Si le Gouvernement a annoncé un plan ciblé sur la période 2021-2022, il est évident que l'horizon temporel de son déploiement est en fait beaucoup plus étalé. Le plan « France Relance » de 100 milliards se décompose en plusieurs blocs, la mission « Relance » étant le plus important. S'y ajoutent entre autres : une mesure fiscale phare, la baisse des impôts de production, pour 10 milliards d'euros chaque année à partir de 2021 ; des mesures de relance déjà votées dans les lois de finances pour 2020, à hauteur de 15 milliards d'euros ; et le quatrième Programme Investissement d'Avenir, créé en 2021 et doté de 11 milliards d'euros pour la relance.
D'abord, les crédits qui seront portés par le « volet PIA » du plan de relance s'inscrivent dans une logique de long terme, puisqu'il s'agit de soutiens à l'innovation et à la R&D qui seront décaissés jusqu'en 2025. Ensuite, les crédits portés par la mission budgétaire elle-même sont plus étalés dans le temps qu'une relance rapide l'exige. Sur les 36 milliards d'euros prévus au total, 22 milliards sont ouverts en crédits de paiement dès 2021, soit les deux tiers environ. Mais en réalité, certains de ces crédits concernent des actions qui ne s'assimilent pas réellement à de la relance à court terme.
Par exemple, les crédits consacrés à la R&D pour les transports du futur, ou à la création d'une filière française d'hydrogène vert, orientent certes les entreprises vers des secteurs d'avenir ; mais on peut douter des retombées économiques immédiates et de l'effet de stimulus sur l'économie. L'horizon de ces programmes est plutôt 2023, voire 2025 : ils auraient davantage leur place dans un PIA que dans la relance.
À titre pas seulement anecdotique, je relève aussi que certains financements peinent à démontrer leur pertinence spécifique pour la relance... C'est le cas des crédits dédiés au renforcement des barrages (5 millions), à la numérisation des ministères (925 millions), ou aux subventions pour la création de jardins partagés (15 millions)... Dans certains cas, il s'agit même de dépenses habituelles, supprimées ailleurs dans le budget et intégrées à la mission Relance pour gonfler son enveloppe (par exemple pour le secteur spatial, la fibre optique, ou Bpifrance).
L'autre enjeu est celui de l'articulation entre la relance, qui est un impératif pour donner une nouvelle impulsion vers la croissance, et les mesures de soutien d'urgence, qui visent à sauvegarder le tissu économique au plus fort de la crise. Le reconfinement a bien sûr exigé la réactivation des dispositifs d'urgence que vous connaissez bien : fonds de solidarité, PGE, activité partielle, avec un nouveau PLFR 4. Mais alors que le Gouvernement ne budgète aucun crédit pour 2021 dans la mission « Plan d'urgence », il les reporte dans la mission « Plan de relance »... C'est là un vrai mélange des genres. La mission Relance porte par exemple en 2021 près de 5 milliards d'euros de crédits dédiés à l'indemnisation de l'activité partielle : au moins 20 % des crédits du plan de relance pour l'année prochaine sont donc consacrés à des mesures de sauvegarde, plutôt qu'à un véritable stimulus budgétaire de relance.
Mon propos n'est pas tant de dénoncer les effets d'annonce du Gouvernement, que de vous dire ma crainte que cette confusion entre dispositifs d'urgence, de relance et de long terme, ne traduise un mauvais ciblage de l'effort budgétaire. Avec cette conception très large de la relance, on dilue l'effet des crédits sur l'économie, au risque de « saupoudrer ». Surtout, il me semble que l'équilibre n'est pas le bon : l'effort de relance semble trop peu porter sur 2021, c'est-à-dire la relance à court terme, et trop sur l'horizon 2022-2023, c'est-à-dire la transformation de long terme. J'identifie un vrai risque de « trou d'air » pour notre économie entre la fin des mesures d'urgence, et l'impact des mesures de long terme. Alors que 30 % des faillites annuelles n'ont pas eu lieu cette année, on risque de les voir arriver en cascade dans quelques mois. Le reconfinement a justement accru le besoin de relance volontariste, sans délai, dès que la situation sanitaire le permettra. À trop chercher « l'en même temps », à trop viser « la France de 2030 », le Gouvernement risque de rater le coche de la reprise. Reflet de ce déséquilibre : les personnes que j'ai entendues estiment que la relance française cible davantage l'offre que la demande, à l'inverse du choix qu'ont fait certains de nos voisins européens, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Je présenterai d'ailleurs à ce titre un amendement visant à réduire le taux de TVA sur les travaux d'amélioration et de transformation des logements, afin de soutenir la demande et la reprise du BTP.
Cela m'amène à ma troisième remarque : bien que diverses, les actions de la mission « Plan de relance » laissent d'importants angles morts. Le commerce et l'artisanat d'abord, qui ne reçoivent que 170 millions à peine là où d'autres secteurs ont fait l'objet de plans de plusieurs milliards. Nous avons entendu en audition : « L'industrie a son plan de relance, le commerce a ses mesures d'urgence ». Il serait incompréhensible que le secteur le plus meurtri par les confinements et le couvre-feu, par les grèves et les gilets jaunes, soit le secteur le moins visé par la relance. De surcroît, il joue un rôle moteur pour d'autres secteurs comme l'agroalimentaire, et a un très fort effet d'entraînement sur les centres villes.
La construction neuve ensuite. Si la rénovation énergétique est l'un des fers de lance du Gouvernement, elle ne représente que la moitié de l'activité du BTP en France. La construction neuve a connu un coup d'arrêt brutal lors du premier confinement, et l'incertitude risque de peser fortement sur la demande. Dans un pays qui connaît une importante crise du logement, j'ai peine à croire qu'il n'existe pas de leviers de relance...
Enfin, le soutien à l'investissement des collectivités est fortement négligé : selon nos calculs, il représente au mieux 14 % des crédits de la mission en 2021. Or, les collectivités locales portent 60 % de la commande publique en France : se priver de leurs investissements, c'est se priver de tout un pan de demande à destination d'entreprises souvent locales. Les dotations supplémentaires consenties par l'État aux Régions vont dans le bon sens mais ne suffisent pas. Je vous soumets donc un amendement visant à prévoir une dotation supplémentaire pour l'investissement des communes et des départements à hauteur de 500 millions d'euros en 2021.
Mon quatrième constat est que le plan de relance semble traiter le « combien » avant de traiter le « comment ». Ce que j'entends par là est qu'il offre peu de visibilité aux entreprises, ménages et collectivités sur les actions qui seront déployées. Près de 40 % des dispositifs prévus ne sont pas précisés : s'agira-t-il de guichets, d'accompagnement, de dotations, d'appels à projets ? Dans d'autres cas, les cahiers des charges ou conditions d'éligibilité se font attendre. Ce manque de précision place les entreprises dans l'incertitude sur les dispositifs adaptés à leur situation, et complique la sensibilisation. Les entreprises et collectivités déplorent d'ailleurs le trop grand nombre d'appels à projets, qui sont moins accessibles aux TPE-PME, et favorisent la concentration des crédits sur de grands projets déjà mûrs. Il faut mener un effort urgent de simplification des dispositifs, sous peine de désinciter le recours aux aides et de laisser de côté tout un pan de l'économie.
Pourtant, les crédits de la mission ne semblent pas prendre au sérieux l'enjeu de l'accompagnement et de la sensibilisation. Les administrations centrales que nous avons entendues nous ont dit assez clairement se reposer sur les collectivités locales et les réseaux consulaires pour repérer les entreprises éligibles, instruire les dossiers, accompagner... L'État n'a qu'à se préoccuper du tampon de validation. La charge financière de ce travail de terrain est énorme, alors même que le financement des CCI et des CMA diminue d'année en année et que les collectivités sont elles aussi contraintes. Moins de 0,1 % des montants de la mission « Plan de relance » visent à financer l'accompagnement et la sensibilisation.
Je présenterai en séance publique deux amendements pour améliorer l'accompagnement et garantir le bon accès aux dispositifs de relance : l'un, porté avec mon collègue rapporteur M. Babary, vise à compenser temporairement les pertes de ressources exceptionnelles des CMA cette année ; l'autre prévoit que le « comité de suivi de la relance » créé au niveau national rende compte chaque semestre au Parlement du déploiement de la relance, et en particulier, qu'il présente des indicateurs sur l'accès des entreprises et des collectivités aux aides, quelle que soit leur taille. Cela permettra de renforcer l'accompagnement lorsque l'on identifie que les obstacles sont trop importants.
J'en viens à mon dernier sujet : la territorialisation de la relance. Annoncée par le Gouvernement dès la fin de l'été, sa mise en oeuvre traîne. Les sous-préfets à la relance ont été nommés il y a trois jours : il était temps ! Je crains néanmoins qu'ils trouvent difficilement leur place dans l'architecture déjà compliquée que prévoit le Gouvernement. Trois échelons de « comités de suivi » au niveau national, régional et départemental ; deux niveaux de contractualisation entre les collectivités et l'État ; trois types d'enveloppes « plus ou moins territorialisées »... Attention à ce que la volonté du Gouvernement d'afficher un dialogue renforcé ne conduise pas finalement à des lourdeurs procédurales inutiles ! En outre, comme je l'ai dit, il me semble que les sous-préfets à la relance et les comités de suivi devront veiller à ce que les territoires aient bien connaissance des aides à leur disposition, et aient les moyens de s'en saisir, peu importe leur taille et leurs ressources. Nous avons déjà constaté, par exemple avec Territoires d'Industrie, que certains territoires passaient entre les mailles du filet.
Voici, mes chers collègues, mon avis sur cette mission « Plan de relance ». Si elle mobilise des moyens importants et réalise des efforts bienvenus sur des volets comme la rénovation énergétique et l'investissement industriel, il me semble qu'elle doit faire l'objet d'un rééquilibrage. D'abord pour intégrer les angles morts que j'ai cités ; ensuite pour assurer que nous ne rations pas le rendez-vous de 2021 ; enfin pour garantir un déploiement rapide et efficace jusqu'au « dernier kilomètre ». L'enjeu est grand : il nous faudra collectivement être au rendez-vous ; et il me semble que notre rôle de contrôle de l'action du Gouvernement sera particulièrement important pour les années à venir.
Je vous propose donc de voter les crédits de la mission « Plan de relance », sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous soumets, relatif à l'augmentation des crédits dédié à l'investissement des communes et des départements.
Mme Sophie Primas , présidente . - Merci à notre collègue Anne Chain-Larché pour cet exercice qui porte en effet sur une mission qui sort de l'ordinaire. Pour comprendre le budget de l'année prochaine, il nous faut ré-agréger et chercher d'où proviennent les crédits, dissocier ce qui est du ressort de crédits déjà votés, distinguer les volets conjoncturels et structurels.
M. Franck Montaugé . - Je partage pour l'essentiel les remarques présentées par notre collègue. Je m'interroge sur l'équilibre de ce plan de relance entre l'urgence, le moyen et le long terme, que je traite également dans le cadre de mon avis dédié à l'industrie. Je souhaite attirer l'attention de la commission sur le « mur de la dette » : nous avions des entreprises déjà très endettées avant la crise. Comment allons-nous sortir de cela ? Je pense que nous devons travailler à des solutions pour que les entreprises ne soient pas en situation très périlleuse à la fin de la crise.
La structuration des filières pose également question. La taille des entreprises n'est pas toujours en rapport avec le marché. Ce plan de relance n'est peut-être pas à la hauteur des enjeux pour la compétitivité de l'économie, notamment au regard du plan de relance allemand.
M. Fabien Gay . - Il y a dans ce rapport des éléments que je partage, mais je serai plus sévère, car ce débat nous a animés au cours de l'examen des quatre budgets rectificatifs pour 2020. L'équilibre entre offre et demande est-il le bon ? Non. Les deux derniers rapports du Secours catholique et de la Fondation Abbé Pierre montrent qu'il y a aujourd'hui 10 millions de pauvres et 300 000 personnes sans domicile fixe, auxquelles s'ajoutent 5,8 millions de chômeurs. Les inégalités se creusent. Or, il n'y a pas de choc de la demande et peu de soutien aux ménages, y compris les plus précaires. Nous ne relancerons pas l'économie sans un choc de la demande : il va falloir y remédier.
Ma deuxième remarque, que je partage avec notre collègue rapporteure, concerne les effets du deuxième confinement. Ils ne sont pas pris en compte, notamment pour les petits commerçants. J'ai une très grande inquiétude sur l'hôtellerie, les cafés et la restauration. Si la réouverture n'intervient pas avant le 15 janvier ou le 1 er février, le choc va être brutal. Ce matin, Le Parisien y consacrait quatre pages : les fermetures d'établissements étaient estimées à 11 à 15 % à l'issue du premier confinement, mais se situeront à 60 % si la réouverture a lieu en début d'année prochaine. On ne s'imagine pas ce que cela représente : ce sont 250 000 pertes d'emplois qui viendront s'ajouter aux 5,8 millions de chômeurs. La question des modalités de la réouverture des commerces, dans un strict respect des règles sanitaires et le plus rapidement possible, nous réunit. Nous devons continuer à pousser politiquement cet engagement au cours des débats.
Il en va de même concernant le fonds de solidarité. Si le gouvernement avait écouté plus tôt le Sénat sur un certain nombre de questions, la situation serait aujourd'hui meilleure. Je comprends toutefois les tâtonnements du Gouvernement qui a fait face à une crise inédite. Pendant deux budgets rectificatifs, il a hésité entre plans sectoriels et plan global. Nous avions défendu un plan global et un élargissement des critères des mesures d'urgence. Aujourd'hui, par exemple, les dirigeants-salariés sont exclus du fonds de solidarité : c'est insupportable. Contrairement aux personnes qui cotisent au régime social des indépendants et qui ont accès à des aides allant jusqu'à 10 000 euros, les dirigeants-salariés, qui cotisent pour l'ensemble des risques, en sont exclus. Cela concerne des milliers d'entreprises.
Concernant les prêts garantis par l'État, les banques ne jouent plus leur rôle. Elles ne distribuent aujourd'hui plus que des PGE : cela les arrange bien puisque ces prêts sont garantis à 90 %. Cependant, les taux qui nous sont communiqués - entre 1 et 2,5 % - ne sont pas exacts. Ces taux peuvent dépasser 2,5 % selon l'étalement de la dette et le moment où le recouvrement de la dette débute. Nous devons intervenir.
Pour terminer, la souveraineté industrielle est à reconquérir. Le Haut-commissaire au plan nous a expliqué qu'il n'avait pas beaucoup de marge d'influence... Il nous faut agir différemment. Sur l'hydrogène, les deux milliards d'euros du plan de relance ne suffiront pas : nous aurons ce débat en séance cet après-midi. Il faut stopper le départ des industries et lister les secteurs stratégiques, ce qui renvoie au débat sur l'État actionnaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Je tiens à évoquer les enjeux relatifs au logement. Nous ne pouvons que regretter que la construction neuve soit peu prise en compte : c'est l'angle mort de cette mission « Plan de relance », et nous l'avons dit hier à la ministre chargée du logement. Là où un effort de construction est à réaliser pour répondre aux besoins et lutter contre la crise que traversent les entreprises du BTP, il n'y a pas de crédits. Les chiffres de la construction sont très mauvais pour l'année 2020, avec 305 000 agréments cette année soit 100 000 de moins qu'en 2019. La rénovation thermique des logements concerne un peu moins de 7 milliards d'euros, répartis entre le logement privé pour 2 milliards, et logement social pour 500 millions. C'est insuffisant et relève davantage d'effets d'annonce. Le coût de la rénovation thermique des logements classés F et G - les passoires thermiques - a été chiffré à 22 milliards d'euros sur la période 2020-2030. Les crédits du plan de relance sont dix fois inférieurs à ce chiffrage. La rénovation des logements D et E est, quant à elle, évaluée à 40 milliards d'euros à l'horizon 2050, avec la Stratégie Nationale Bas Carbone. Cette mission n'est pas au rendez-vous ni à la hauteur de ce qui pourrait être mis en oeuvre. Les conséquences sont directes en termes d'emploi et d'activité dans les zones rurales et urbaines.
Mme Sophie Primas , présidente . - Le logement est aussi un levier d'emploi.
M. Michel Bonnus . - J'insiste sur ce qui a été dit par nos collègues : l'impact de la crise du secteur de l'hôtellerie, des cafés et des restaurants sur l'économie va être fort. Chaque commerce, chaque restaurant est un cas particulier selon sa localisation, sa surface et sa stratégie. Deux commerces sur trois vont déposer le bilan si le confinement est prolongé jusqu'à février 2021, engendrant des hypothèques, des ventes de fonds de commerce. Je connais personnellement les conséquences financières pour les établissements. Nous fermons temporairement mais les emprunts et les employés, eux, restent ! On nous explique qu'il faut changer de stratégie, mettre en place la livraison, devenir traiteurs, que nous pouvons nous former... Mais un cuisinier n'a pas la même formation qu'un traiteur !
Nous avons été surpris par la violence du premier confinement. Nous avons appris à 20 heures qu'il fallait fermer à minuit, ce qui signifie arrêter de servir à 22 heures. Il n'y a pas eu d'anticipation. Le gouvernement n'a pas pris le temps de se rapprocher des élus ou des professionnels pour expliquer ces mesures. Si nous devons rester fermés jusqu'en février, l'impact sur les retombés économiques et touristiques sera immenses partout en France, y compris à Paris. Il n'existe aujourd'hui pas d'indicateurs agrégés de cet impact : nous n'en connaissons pas les conséquences. Nous mettre sous perfusion n'est pas une solution, nous avons besoin d'une seule chose : travailler ! Il nous faut rouvrir au plus vite. Ce confinement est injuste, car les mesures barrières ont été respectées. Lors de son discours, le Premier ministre était plein d'empathie, mais le lendemain, si un salarié enlevait un instant son masque, la police investissait les lieux et les autorités verbalisaient. Où allons-nous et qu'est-ce que cela va entraîner ? Le secteur a besoin de notre soutien, les conséquences sont dramatiques, y compris pour les vies qui se trouvent derrière.
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous ressentons tous ton investissement personnel et partageons ton sentiment, car nous le vivons dans tous nos territoires, y compris à Paris. L'événementiel et la restauration sont en grande difficulté. Nous vivons une crise sanitaire inédite, qui se transformera en crise humaine si le secteur ne rouvre pas.
Mme Micheline Jacques . - Ce rapport illustre nos inquiétudes. Dans le cadre de mon avis sur la mission « Outre-mer », j'ai auditionné la Fédération des entreprises des Outre-mer, qui m'a fait part de ses vives inquiétudes quant à la situation des Outre-mer. Les événements climatiques, les problèmes sociaux ont mis à mal une économie déjà fragilisée. Le secteur touristique est au point mort et le secteur aéronautique souffre, notamment les petites compagnies qui effectuent les liens entre les îles. Les déplacements entre les îles se sont réduits, avec pas plus de cent passagers par jour à Saint-Martin, car on nous demande des motifs impérieux pour se déplacer, y compris pour que les familles puissent se réunir pendant les vacances. La situation économique et sociale est précaire, et nous craignons des débordements dans les mois à venir.
M. Franck Menonville . - Ce plan de relance est une base qu'il faut améliorer. Le principal problème est la temporalité, car la crise que nous vivons relève du long terme. Les mesures de soutien sont là, mais la relance ne s'inscrit pas dans le bon tempo. Je suis favorable à une baisse du taux de TVA pour relancer l'investissement et faire revenir l'épargne de précaution dans l'économie. Le deuxième levier rapide à privilégier est celui de l'investissement public, notamment des collectivités territoriales, comme le propose l'amendement de notre collègue rapporteure.
Il y a en outre un trop grand cloisonnement entre l'action des collectivités et le plan de relance national. Dans les débats, il nous faut inviter le gouvernement à territorialiser, voire à décentraliser le plan de relance vers les Régions dont c'est l'une des principales missions.
M. Jean-Marc Boyer . - Je m'interroge sur les arguments sanitaires avancés pour ne pas ouvrir les restaurants. Nous n'avons pas encore eu de réponse claire sur ce sujet. Quelle est la différence entre des clients qui attendent à une caisse de supermarché, et des restaurants qui prennent l'ensemble des précautions nécessaires ?
Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi les décisions concernent l'ensemble du territoire national. Les règles devraient être déclinées territoire par territoire. Il faut s'adapter et régionaliser les critères sanitaires. J'entends parler de la mise en place d'un couvre-feu lors du déconfinement, mais cela reste compliqué dans les faits. Nous le savons, si un restaurant doit fermer à 21 heures, la situation est difficilement gérable pour les clients et pour le restaurateur.
Enfin, la situation du thermalisme, qui représente 110 stations en France et plus de 100 000 emplois, est critique. Avant le reconfinement, la caisse nationale d'assurance-maladie avait autorisé l'ouverture des cures thermales jusqu'à début du mois de décembre. Les stations thermales qui concernent des villes de 5 000 habitants, voire moins, vont se retrouver dans des situations financières difficiles, avec des conséquences en cascade pour l'activité touristique.
M. Laurent Duplomb . - Je m'inscris en faux par rapport à l'idée que cette crise serait inédite. Les crises sanitaires ont toujours existé ; ce qui est inédit est de faire passer la santé collective devant l'économie. Jamais auparavant ce choix n'avait été fait, et il me semble que c'est une erreur. Nous ne naissons pas tous avec les mêmes avantages et les mêmes risques en matière de santé. Nier la différence entre santé individuelle et santé collective, c'est placer la santé devant les autres sujets. Prendre comme seul indicateur l'engorgement des hôpitaux a été une erreur. Nous n'avons pas tiré les leçons du premier confinement. Nous avions seulement 5 000 lits de réanimation lors du premier confinement, mais nous n'en disposons que de 5 600 au début du reconfinement. Le problème des lits de réanimation n'a pas été traité, ce qui nous oblige à continuer avec les mêmes critères et à instaurer un nouveau confinement, qui aura des conséquences supérieures au premier d'un point de vue économique.
En ce qui concerne le plan de relance, je regrette l'absence de projet national, car ce plan soutient surtout l'activité privée. À la sortie de crises précédentes, l'État était intervenu pour donner naissance au TGV, à la filière nucléaire, à Airbus, dans le cadre de projets portés par l'État ! Ce même État est aujourd'hui englué dans ses 3 000 milliards de dette publique. Nous avons dépensé 550 milliards en quelques mois, alors que nous n'avons aucun projet national. L'État doit être au-devant de l'investissement, et non derrière pour pousser des gens déjà ruinés à investir.
Le Gouvernement est incapable de regarder en face les
écarts de compétitivité colossaux qui se créent
entre les pays. 25 millions d'aides à l'horticulture avaient
été prévues mais pas un centime n'a encore
été versé, alors qu'intervient le deuxième
confinement. Les Pays-Bas ont annoncé 600 millions d'euros d'aides
pour leur secteur horticole et en ont déjà versé
150 millions d'euros. Une fois l'activité repartie, les ventes des
Pays-Bas
- notre principal concurrent - nous dépasseront.
Les entreprises françaises mettront la clé sous la porte quand
les entreprises hollandaises augmenteront leurs ventes après avoir
été aidées pour mobiliser des moyens
supplémentaires.
M. Joël Labbé . - Le plan de relance ne prend pas en compte le moyen et le long terme. La nécessaire implication de la puissance publique dans l'économie, mise en avant par Laurent Duplomb, constitue une véritable rupture avec le système libéral : c'est là un signe encourageant.
La situation des restaurateurs est dramatique. Dans le Morbihan, une jeune restauratrice s'est donné la mort la semaine dernière.
La territorialisation des décisions devrait être une évidence. Les établissements peuvent prendre les garanties sanitaires qui conviennent à leur situation.
Je partage ce qui a été dit par notre collègue rapporteure sur les financements par appel à projets pour les entreprises : ils favorisent les plus grandes entreprises qui accaparent les aides.
Mme Sophie Primas , présidente . - Et la constitution des dossiers mobilise toutes les énergies...
Mme Marie-Christine Chauvin . - La situation des établissements thermaux est catastrophique. Ces établissements s'étaient adaptés à la suite du premier confinement pour pouvoir poursuivre les cures médicales, mais ils ont dû fermer à nouveau. Certains de ces établissements sont placés sous le régime de la régie municipale : l'un d'entre eux accuse une perte de 1,2 million d'euros sur un budget de 7 millions... Et il ne peut percevoir aucune aide !
Je souhaiterais aussi rappeler que la famille des holdings ne rassemble pas que des grandes holdings détenues par des investisseurs étrangers. Je souhaiterais citer l'exemple d'une holding détenue par trois frères, l'un possédant une entreprise de transport, l'autre un casino et le dernier un hôtel-restaurant : certaines holdings sont donc aussi sévèrement frappées que le reste de l'économie.
Par ailleurs, il serait plus pertinent de renforcer le lien entre maires et préfets, plutôt que de mettre en avant les sous-préfets à la relance. Le couple maire-préfet permet une meilleure adaptation et offre davantage de souplesse dans chaque territoire.
Mme Anne Chain-Larché , rapporteure pour avis . - Je salue l'ensemble de vos contributions et vous en remercie : elles reflètent le travail transpartisan conduit par le Sénat. Cette pandémie mondiale inédite bouleverse nos schémas économiques, sociaux et culturels. Le Sénat dans sa diversité exprime sa solidarité et mesure bien l'impact humain de cette crise. Faisons-en notre force dans le message que nous transmettons au Gouvernement : il nous faut l'alerter sur le besoin d'anticipation, qui n'a pas été suffisante avant la « deuxième vague », et souligner sur la nécessité de faire confiance aux territoires et aux élus locaux.
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous allons soumettre au vote votre amendement.
Mme Anne Chain-Larché , rapporteure pour avis . - Mon amendement porte sur l'investissement des collectivités. Je vous propose d'accentuer le soutien à l'investissement des communes et des départements, soutien qui est insuffisant au sein du plan de relance. Nous avons besoin d'un rééquilibrage entre l'offre et la demande, or l'investissement local aujourd'hui représente 60 % de la commande publique et est un levier de relance pour l'activité économique, par le biais de la demande de logement, d'équipements et d'infrastructures. Les communes, groupements de communes et départements comptent pour 83 % de cet investissement local. L'État a prévu une dotation supplémentaire aux régions à hauteur de 600 millions d'euros, mais les communes et départements ne bénéficient que de faibles montants d'aides. L'amendement prévoit ainsi 500 millions de crédits en AE et CP à destination du soutien à l'investissement de ces collectivités.
La commission adopte l'amendement.