B. LES DERNIERS POINTS DE VIGILANCE
1. Avantages et inconvénients d'une procédure totalement dématérialisée
Le ministère de l'intérieur britannique vérifie ainsi depuis combien de temps le demandeur se trouve au Royaume-Uni et, pour les deux statuts, les citoyens français doivent prouver leur nationalité et leur identité ainsi que se soumettre à un contrôle de leurs antécédents criminels. 1 500 personnes ont été recrutées par le Home Office pour traiter ces dossiers.
Sur le site du consulat général de France à Londres
La situation la plus favorable, pour un résident cherchant à obtenir le statut, est de disposer d'un numéro national d'assurance (« National Insurance Number » ou « NiNo ») : la demande entraîne alors des recherches automatiques dont il y a de bonnes chances qu'elles permettent d'administrer la preuve de la résidence et de sa durée, le cas échéant supérieure à 5 ans.
Des documents pourront toutefois être demandés, en particulier pour obtenir le statut de résident permanent, notamment s'il y a eu une interruption de résidence ou si les périodes de résidences mises en avant remontent à plus de 7 ans. Sans NiNo , il faut systématiquement apporter la preuve de sa résidence.
Si la demande est acceptée, les membres de la famille proche qui ne se trouvent pas au Royaume-Uni à cette date peuvent rejoindre le demandeur à tout moment.
La procédure d'enregistrement reste le plus souvent simple et rapide pour les demandeurs munis d'un smartphone et sachant l'utiliser, avec un délai généralement compris entre 3 et 5 jours pour obtenir une réponse .
Mais parce qu'elle est entièrement numérisée - impliquant par exemple le scannage du passeport et du visage, parfois le téléchargement de pièces justificatives - cette procédure n'est pas également accessible pour tous les publics . Elle requiert ainsi un smartphone et une connexion Internet valable, puis elle implique que le Home Office fournisse des codes aux candidats. Par ailleurs, il semble qu'elle ne soit pas totalement exempte de dysfonctionnements.
Certes, le site du consulat français au Royaume-Uni précise qu' une demande en format papier est possible, mais c'est au prix d'un détour plutôt alambiqué et qui ne permet pas, en définitive, d'éviter totalement la phase dématérialisée (voir encadré).
Extrait du site du consulat général de France à Londres
« Pour introduire votre demande par courrier, vous devrez contacter le « Settlement Resolution Centre » du ministère de l'intérieur britannique (par téléphone ou en utilisant un formulaire en ligne) pour recevoir un formulaire papier par la poste afin de présenter votre demande.
Ce « Settlement Resolution Centre » pourra vous recommander d'avoir recours à une organisation caritative ou bénévole financée par le ministère de l'intérieur (Home Office) ou au service d'assistance numérique (« Assisted Digital Support ») afin que vous introduisiez votre demande en ligne, au lieu d'utiliser un formulaire papier.
Pour introduire une demande sur un formulaire papier, vous, ou la personne qui vous aide, devez remplir toutes les rubriques du formulaire et envoyer celui-ci au ministère de l'intérieur (Home Office) accompagné de votre document d'identité en cours de validité (votre passeport ou carte d'identité nationale), ainsi que de vos pièces justificatives démontrant que le statut de résident permanent ou provisoire devrait vous être accordé ».
2. La question des personnes vulnérables
La principale inquiétude concerne les personnes vulnérables : personnes âgées ou isolées, éloignées des équipements informatiques, socialement précaires, difficiles à localiser, à identifier, à sensibiliser et à amener à faire la démarche de manière autonome. Elles ne sont pas toujours faciles à identifier et l'évaluation de leur nombre est par conséquent fragile (de 30 à 80 Français selon les 20 consuls honoraires sur chacun de leur secteur, mais ils sont probablement plus nombreux). Le cas des enfants français placés d'autorité par les services sociaux dans des familles d'accueil britanniques, qui doivent postuler au Settled Status comme les autres mais dont il y a peu de chance que leurs parents adoptifs britanniques le fassent pour eux, a également été évoqué.
Fort heureusement, des démarches très actives sont entreprises pour identifier les personnes risquant de passer entre les mailles du filet ; en particulier, un lien a été établi avec le réseau de surveillance ( monitoring network ) des ONG animé par la délégation à l'Union européenne au Royaume-Uni pour aider à identifier les personnes isolées.
En outre, les autorités britanniques viennent de garantir que la date butoir du 30 juin 2021 pour obtenir le nouveau statut sera appréciée avec souplesse et bienveillance pour les enfants et les personnes isolées. Les sénateurs trouvent cette indication des plus rassurantes .
3. La question de la preuve
Une fois le statut obtenu, aucun document n'est fourni pour en attester : le statut est lui aussi dématérialisé... Dès qu'il en a été question, le Sénat a déploré cette solution 2 ( * ) , en vertu de laquelle les résidents sont censés fournir aux institutions et aux entreprises un code partagé leur permettant d'accéder à la base de données gouvernementale et de vérifier l'obtention du statut.
Certes, aucun organisme, public ou privé, n'est encore supposé vérifier qu'un ressortissant de l'Union européenne dispose de ce statut de résident puisque, jusqu'au 30 juin 2021, la présentation d'un passeport ou d'une carte d'identité permet en principe de faire valoir ses droits. Mais cela n'exclut pas que, ponctuellement, des attestations aient été demandées, et certains résidents se seraient même déjà vu contester la validité de leur document par des instances peu familières de la nouvelle procédure.
Quoi qu'il en soit, le point d'attention concernera surtout l'après 1 er janvier 2021, lorsque coexisteront au Royaume-Uni deux catégories d'Européens avec des droits très différents selon qu'ils seront arrivés avant ou après le 31 décembre 2020 . Nous comptons sur le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, sous couvert de l'Union européenne, pour s'assurer auprès des autorités britanniques que la date du 30 juin 2021 sera bien respectée et que, le moment venu, la charge de la preuve de la qualité de résident européen ne sera tributaire d'aucun aléa .
De ce point de vue, la mise en place de l' Independent Monitoring Authority (IMA) , instance créée en application de l'accord de retrait dont la mission consistera notamment à surveiller l'application des dispositions de cet accord relatives aux droits des citoyens européens à la fin de la période de transition, devrait faciliter un dialogue constructif avec les représentations diplomatiques et consulaires .
* 2 Voir en particulier le précédent avis budgétaire relatif au programme 151 (rapport n° 142, Tome III, 2019-2020).