B. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES EN FAVEUR DE L'APPRENTISSAGE ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
1. Des crédits dédiés aux opérateurs qui seraient stables
Alors que l'agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est engagée depuis 2018 dans un plan de transformation 11 ( * ) et qu'un contrat d'objectifs et de performance (COP) pour la période 2021-2023 est en cours de finalisation, la SCSP versée par l'État s'élèverait à 110 millions d'euros, soit le même niveau que depuis 2018.
La SCSP versée au centre pour le développement de l'information sur la formation permanente (centre Inffo) serait en légère baisse et s'élèverait à 3,9 millions d'euros.
2. Une progression de l'apprentissage malgré les effets délétères de la crise sanitaire
a) Le ralentissement de la dynamique de progression de l'apprentissage
Sous l'effet de la reprise économique et de la dynamique créée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (loi LCAP) 12 ( * ) , le secteur de l'apprentissage connaissait jusqu'à la crise sanitaire, une forte dynamique. En 2019, le nombre de contrats d'apprentissage était supérieur à 353 000, soit une progression de 16 % par rapport à l'année précédente.
Si le confinement a pu faire craindre un coût d'arrêt à cette tendance, les dernières données publiées par le Gouvernement laissent penser que le niveau de 2019 pourrait se maintenir en 2020 voire être dépassé.
Ces résultats moins dramatiques que prévu cachent toutefois des différences importantes d'un secteur à l'autre. Dans les secteurs dont l'activité est à l'arrêt ou presque, les CFA pourraient avoir besoin d'une aide exceptionnelle. La stabilité de l'enveloppe qui sera attribuée à ce titre par France compétences aux régions peut donc interroger 13 ( * ) .
b) Les crédits en légère progression pour 2021
Les crédits du programme 103 permettent de financer la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs publics d'apprentis 14 ( * ) . Ces crédits progresseraient légèrement pour atteindre 594,9 millions d'euros (+ 5,4 millions d'euros).
Par ailleurs, les entreprises de moins de 250 salariés peuvent, depuis la loi LCAP, bénéficier d'une aide au titre de l'embauche d'un apprenti préparant un diplôme ou un titre équivalant au plus au niveau baccalauréat (niveaux IV et V).
Le montant de cette aide unique, créée en remplacement de quatre dispositifs de natures diverses, est de 4 125 euros la première année, 2 000 euros la deuxième et 1 200 euros la troisième.
Elle représenterait une dépense de près de 810 millions d'euros en 2021 contre un peu moins de 662 millions d'euros budgétés pour 2020.
Le financement des écoles de production
L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement tendant à transférer 2 millions d'euros du programme 102 vers le programme 103 afin de permettre le financement des écoles de production.
c) L'aide exceptionnelle dans le cadre du plan de relance
Dans le cadre de la réponse à la crise sanitaire, le Gouvernement a annoncé une aide exceptionnelle au titre des contrats d'apprentissage signés entre le 1 er juillet 2020 et le 28 février 2021. Son montant est de 5 000 euros pour l'embauche d'un apprenti de moins de 18 ans et de 8 000 euros pour un apprenti majeur.
Cette aide exceptionnelle se substitue à l'aide unique pour les contrats qui y seraient éligibles et est également ouverte pour l'embauche d'un apprenti préparant un diplôme équivalant au plus au niveau master (niveau VII) ainsi que, sous conditions, aux employeurs de plus de 250 salariés.
Les dépenses au titre de cette aide exceptionnelle pour 2020 ont été inscrites au titre du programme 103 par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 15 ( * ) . Au titre de l'année 2021, ces dépenses seraient inscrites dans le plan de relance, à hauteur de 801 millions d'euros.
Si le rapporteur approuve cette aide exceptionnelle, tout en redoutant des effets d'aubaine s'agissant des plus hauts niveaux de qualification, le choix d'inscrire son financement dans le plan de relance est regrettable à double titre. D'une part, la fragmentation des crédits dédiés à inciter les employeurs à recruter des apprentis et l'absence de continuité dans la présentation de ces crédits d'un texte à l'autre nuit à la clarté de la présentation budgétaire.
D'autre part, dans la mesure où l'aide exceptionnelle se substitue à l'aide de droit commun, le plan de relance est artificiellement gonflé par des crédits qui auraient su être engagés même en l'absence de crise sanitaire.
3. Une mesure de régulation du financement de l'apprentissage rendue nécessaire par le déficit structurel du système mis en place par la loi LCAP
a) Le déficit structurel de France compétences qui n'avait pas été anticipé
Une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF) a conclu en avril 2020 16 ( * ) que l'équilibre financier du système de formation professionnelle et d'apprentissage résultant de la loi LCAP « n'est pas garanti à moyen terme et demeure incertain à long terme ». En effet, les ressources que France compétences peut affecter au financement de l'apprentissage ne progressent pas au même niveau que le nombre de contrats d'apprentissage.
Ce diagnostic met en lumière un impensé regrettable de la réforme portée par le Gouvernement au travers de la loi LCAP de 2018 et l'insuffisance de son étude d'impact.
Les nouvelles modalités de financement de l'apprentissage
Créée par la loi LCAP, France compétences a notamment pour mission de financer les acteurs de la formation professionnelle et de l'apprentissage en répartissant les sommes collectées au titre de la contribution unique au financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle (CUFPA).
L'État détermine lui-même par décret la part que France compétences lui reverse au titre de la formation des demandeurs d'emploi ainsi que la part versée aux régions pour le financement de dépenses d'investissement et de fonctionnement des CFA.
Le montant des dotations sous enveloppe fermée est arrêté par le conseil d'administration de France compétences, dans le respect de fourchettes définies par décret.
Le solde des ressources de France compétences est affecté aux opérateurs de compétences afin qu'ils financent les contrats d'apprentissage, à hauteur d'un niveau de prise en charge par contrat défini par les branches. Le cas échéant, France compétences peut recourir à l'endettement afin de couvrir les besoins de financement des Opco excédant les ressources qu'elle peut leur affecter.
Si une certaine marge de manoeuvre est laissé au conseil d'administration de France compétences, les ressources qui peuvent être affectées au financement de l'apprentissage selon une logique de guichet, sont donc fortement contraintes par les enveloppes dont l'État détermine le montant.
b) La modification des missions confiées à France compétences
Aux termes de l'article L. 6123-5 du code du travail, France compétences a notamment pour mission d'émettre des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l'alternance « afin de favoriser leur convergence ». Le cas échéant, lorsque les branches ne suivent pas les recommandations émises par France compétences, le niveau de prise en charge peut être fixé par décret (art. L. 6123-13).
Suivant les recommandations de la mission Igas-IGF, l'article 56 du projet de loi de finances modifie les missions de Frances compétences afin que les recommandations qu'elle doit formuler aient pour but non seulement de permettre la convergence des niveaux de prise en charge mais également de permettre l'équilibre de son budget.
Ainsi, alors que la régulation des coûts-contrats avait dans l'esprit de la loi votée en 2018, pour but de limiter les écarts injustifiés, le financement de l'apprentissage deviendrait une variable d'ajustement du budget de France compétences, dont les dépenses sont par ailleurs fortement déterminées par des décisions prises par l'État.
c) Le versement d'une subvention conditionné au vote d'un budget à l'équilibre
L'article 56 conditionne par ailleurs le versement à France compétences d'une subvention de 750 millions d'euros au titre du plan de relance à l'adoption d'un budget à l'équilibre pour 2022. L'atteinte de cet objectif doit notamment passer par une révision à la baisse des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage.
Cette mesure ne semble pas compatible avec la logique de confiance dans les branches professionnelles prônées par le Gouvernement. En effet, alors que le déficit de France compétences est largement lié aux insuffisances du système mis en place par la loi de 2018, c'est aux branches qu'il reviendra de prendre les mesures de nature à corriger ce déficit.
Au cours de son audition par la commission des affaires sociales, Mme Elisabeth Borne a d'ailleurs indiqué à la commission que le Gouvernement « aura à consulter le conseil d'administration de France compétences pour recaler à bon niveau les coûts-contrat ». Cette expression, si elle est sans doute maladroite, semble indiquer que l'État n'entend guère laisser une marge de manoeuvre importante aux branches.
La situation financière de France compétences
La situation financière de France compétences a été marquée en 2020 par la reprise du stock de contrats conclus antérieurement, qui représenterait une dépense supplémentaire estimée à 3,9 milliards d'euros sur cet exercice. Cette opération exceptionnelle explique l'essentiel du déficit prévisionnel de France compétences (4 milliards d'euros).
Par ailleurs, la baisse de la masse salariale soumise à contributions du fait de la crise sanitaire entrainerait une perte de recettes pour France compétences à hauteur de 853 millions d'euros 17 ( * ) .
L'article 56 du PLF, rattaché à la mission « Plan de relance » conditionne le versement à France compétences d'une subvention de 750 millions d'euros au vote par son conseil d'administration d'un budget à l'équilibre pour 2022. Cet équilibre doit notamment être atteint grâce à une révision à la baisse des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage.
Ainsi, l'État s'attribuerait plus de 1,6 milliard d'euros prélevés sur les ressources de France compétences tout en lui reversant près de la moitié de cette somme afin de pallier à l'insuffisance de ces mêmes ressources.
Flux financiers entre l'État et France compétences en 2021
4. Une stabilité des autres crédits dédiés à la montée des qualifications
Les crédits dédiés aux autres dispositifs de cette action seraient stables en 2021 :
- 2,42 millions d'euros seraient dédiés à la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ;
- 20 millions d'euros permettraient de financer différentes associations intervenant dans le champ de la formation professionnelle, dans le cadre de contrats de plan État-régions (CPER) ;
- 0,96 million d'euros permettraient de développer la validation des acquis de l'expérience ;
- 0,67 million d'euros seraient dédiés au financement du programme franco-allemand d'échange de jeunes et d'adultes en formation professionnelle et continue.
* 11 Ce plan de transformation passe notamment par un plan de sauvegarde de l'emploi sui doit entraîner la suppression de plus de 1 000 postes.
* 12 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
* 13 Ce montant est défini par décret. Le document de politique transversale relatif à la formation professionnelle mentionne 142 millions d'euros au titre du fonctionnement et 180 millions d'euros au titre de l'investissement, contre respectivement 138 millions d'euros et 180 millions d'euros en 2020.
* 14 Les exonérations spécifiques dont bénéficiaient les employeurs privés ont été supprimées à compter du 1 er janvier 2019, les allègements généraux, compensés à la sécurité sociale par affectation de recettes fiscales, devenant plus avantageux.
* 15 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
* 16 Igas et IGF, Conséquences financières de la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle, avril 2020.
* 17 S'agissant des enveloppes fermées dont le montant est exprimé en pourcentage des ressources de l'opérateur, une baisse des ressources entraîne mécaniquement une baisse des dépenses. Il en va différemment pour les enveloppes dont le montant est fixé par l'État ainsi que pour le financement de l'apprentissage qui correspond à une logique de guichet.