SECONDE PARTIE : RECHERCHE
(RAPPORTEUR POUR AVIS : MME LAURE DARCOS)

AVANT-PROPOS

L'examen des crédits consacrés à la recherche revêt cette année un caractère doublement inédit en raison de l'adoption concomitante de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021-2030 dont la première marche budgétaire trouve sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2021, et de l'intégration à celui-ci du plan de relance dont une part des ressources est dédiée à la recherche.

Le rapporteur pour avis aborde cet exercice budgétaire avec la même exigence d'analyse et de vérité, qui a été la sienne en tant que rapporteur au fond du projet de loi de programmation. L'enveloppe financière attribuée sur dix ans à la recherche , si elle est loin d'être négligeable, vaut en réalité plus pour la stabilité et la visibilité qu'elle offre à la recherche - sous réserve bien entendu que les gouvernements successifs en respectent le cadre, ce qui est loin d'être acquis -, que pour l'ampleur de l'effort qu'elle représente . La loi de programmation , en traçant un horizon budgétaire qui rompt avec des décennies de sous-investissement chronique, offre une garantie, mais ne déclenchera pas le « choc budgétaire » que le monde de la recherche était en droit d'attendre . Aussi, ce qu'il faut bien qualifier de déception doit conduire, lors des prochains exercices budgétaires, à la plus grande vigilance quant à l'effectivité de la programmation .

À l'occasion du premier de ces exercices, le rapporteur pour avis déplore la dispersion des données budgétaires entre plusieurs supports - mission « Recherche et enseignement supérieur » , mission « Plan de relance » et mission « Investissements d'avenir » du projet de loi de finances pour 2021, auxquelles il faut ajouter les articles 1 et 2 de la loi de programmation -, présentation qui nuit à l'intelligibilité et à la sincérité de l'effort financier global de l'État en faveur de la recherche . Les grands opérateurs eux-mêmes lui ont fait part de leur difficulté à avoir une vision claire des crédits qui leur seront attribués en 2021. Certains ne disposaient toujours pas, mi-novembre, de la lisibilité suffisante pour construire leur propre budget, qui doit pourtant être validé par leur conseil d'administration début décembre.

L'effort financier proposé en 2021 constitue une première étape importante , notamment parce qu'il amorce la montée en charge des capacités d'engagement de l'Agence nationale de la recherche. Toutefois, le montant affiché - 400 millions d'euros - ne doit pas se comprendre comme étant entièrement dévolu au financement de dépenses nouvelles puisqu'il est aussi censé couvrir des dépenses contraintes. À cette hausse de crédits en réalité plus modeste qu'affichée , s'ajoute le fait que certains sujets budgétaires , que le rapporteur pour avis a identifiés comme des points de vigilance , nécessiteront d'être précisés voire amendés en séance publique.

I. UNE IMPULSION BUDGÉTAIRE EN FAVEUR DE LA RECHERCHE À LA PRÉSENTATION PEU INTELLIGIBLE ET À L'AMPLEUR PLUS MODESTE QU'AFFICHÉE

A. LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE : UN EFFORT BUDGÉTAIRE CERTES INÉDIT, MAIS DONT LE SÉNAT A SOUHAITÉ UNE MONTÉE EN CHARGE PLUS RAPIDE ET PLUS EFFICACE

1. Une trajectoire budgétaire améliorée grâce à l'initiative du Sénat sur la durée de la programmation

À l'initiative commune de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, saisie au fond sur le projet de loi de programmation de la recherche, et des commissions des finances et des affaires économiques, saisies pour avis, le Sénat a décidé de ramener la durée de la programmation de dix à sept ans, en concentrant l'effort budgétaire sur les années 2021 et 2022 . En effet, une trajectoire étalée sur dix ans est non seulement inédite pour une loi de programmation, mais elle s'expose en outre à de nombreux aléas politiques et économiques qui affaiblissent sa crédibilité et sa sincérité. Parmi ces risques inhérents à la conjoncture, celui de l'inflation n'a pas été intégré par le Gouvernement dans sa programmation . En le prenant en compte, l'effort annoncé de 25 milliards d'euros cumulés sur dix ans ne représentera finalement que 7 milliards en euros constants . Et la hausse de 5 milliards d'euros du budget annuel de la recherche à la fin de la trajectoire ne sera, en réalité, que de 1 milliard d'euros, rendant difficilement atteignable l'objectif de 3 % du produit intérieur brut (PIB) consacrés aux dépenses de recherche et de développement, dont 1 % au titre des dépenses des administrations.

Afin de parvenir à un accord avec l'Assemblée nationale lors de la commission mixte paritaire (CMP), le Sénat a dû renoncer au passage de la programmation de dix à sept ans . Pour autant, il a obtenu du Gouvernement une amélioration sensible de la trajectoire budgétaire avec l'intégration, dans la programmation, de crédits issus du plan de relance et destinés à l'Agence nationale de la recherche (ANR), rendant l'effort plus ambitieux sur les années 2021 et 2022.

2. Un accroissement nécessaire des capacités d'engagement de l'Agence nationale de la recherche, ciblé sur l'augmentation du taux de succès des appels à projets et le relèvement du préciput

Le rapporteur pour avis se félicite du redressement financier programmé de l'ANR qui constitue l'une des avancées notables de la loi de programmation , et dont l'ampleur, inédite depuis la création de l'Agence en 2005, permettra de porter le taux de succès aux appels à projets au niveau des standards internationaux.

Le texte issu de la CMP présente, à l'article 2, une nouvelle trajectoire des autorisations d'engagement de l'ANR qui tient compte de deux avancées obtenues par le Sénat :

- d'une part, l'intégration des 428 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement attribués à l'Agence dans le cadre du plan de relance, dont 286 millions en 2021 et 142 millions en 2022 ;

- d'autre part, la prise en compte des 100 millions d'euros en autorisations d'engagement prévus, en 2021, par le plan de relance pour la préservation de l'emploi dans le secteur privé de la recherche et du développement (R&D).

Évolution des capacités d'engagement de l'ANR par rapport à 2020

( en millions d'euros courants )

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Autorisations d'engagement de l'ANR

+503

+403

+403

+509

+646

+859

+1 000

+1 000

+1 000

+1 000

Dont projets de recherche

+403

+403

+403

+509

+646

+859

+1 000

+1 000

+1 000

+1 000

Dont mesures partenariales visant la préservation de l'emploi de R&D

+100

Source : article 2 du projet de loi de programmation de la recherche

Comme l'a indiqué le président-directeur général de l'ANR au rapporteur pour avis, les 403 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement, dont disposera l'Agence en 2021 au bénéfice des projets de recherche, seront d'abord fléchés sur l'objectif d'augmentation du taux de succès aux appels à projets génériques . Celui-ci pourrait, dès l'année prochaine, passer à 23 % , contre 17 % actuellement. Ce taux-cible repose sur une hypothèse d'augmentation du nombre de projets déposés de 20 % .

Ces moyens nouveaux permettront ensuite de relever les montants de préciput accordés aux différentes parties prenantes aux projets de recherche sélectionnés par l'Agence. Ainsi, dès 2021, la part destinée à l'hébergeur pourrait passer de 11 % à 13 %, la part dévolue au gestionnaire de 8 % à 10 %, et un taux de 2 % pourrait être introduit en faveur des laboratoires, conduisant à un taux global de 25 % contre 19 % aujourd'hui.

Concernant les 100 millions d'euros accordés à l'Agence au titre de la préservation de l'emploi en R&D , l'objectif est de permettre l'accueil, au sein de laboratoires publics, de personnels du secteur R&D privé, dont les emplois sont fragilisés par la crise, et l'embauche de jeunes diplômés se destinant à une carrière dans la recherche privée. D'après les informations transmises par le ministère au rapporteur pour avis, ces deux types d'actions se concrétiseront par l'élaboration de conventions de recherche partenariales entre les laboratoires publics et les entreprises concernés , dont la gestion nécessitera le savoir-faire de l'ANR. Au moment de son audition, son président-directeur général ne disposait cependant pas de données plus précises sur le rôle exact de l'Agence dans la mise en oeuvre de ce dispositif. Il a toutefois relevé la nécessité que cette mission ne vienne pas perturber le déploiement du « Plan d'action 2020 » de l'Agence. Le rapporteur pour avis indique qu'il y sera très vigilant, tout en soulignant que l'intégration de ces 100 millions d'euros du plan de relance dans la trajectoire de l'ANR présente l'avantage de sanctuariser ce montant et de confier sa gestion à l'Agence, sous la tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche .

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