B. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021 : UNE PREMIÈRE MARCHE DE LA PROGRAMMATION DIFFICILEMENT LISIBLE ET DONT LE NIVEAU EST À RELATIVISER
1. Une articulation complexe entre les différents supports budgétaires, préjudiciable à l'intelligibilité de l'effort financier
Le rapporteur pour avis insiste sur la trop grande complexité de présentation de l'engagement budgétaire du Gouvernement en faveur de la recherche . Le projet de loi de programmation, dans sa version initiale, n'intégrait pas l'effort additionnel annoncé dans le cadre du plan de relance. De surcroît, les moyens issus de ce plan ont été précisés tardivement et intégrés in fine dans le projet de loi de finances pour 2021 via la création d'une nouvelle mission budgétaire « Plan de relance », à vocation temporaire.
Cette dispersion des données budgétaires entre plusieurs textes financiers empêche d'avoir une vision claire de l'engagement de l'État en direction de la recherche . C'est pourquoi le Sénat a tenu à ce que le Gouvernement mette en cohérence sa programmation initiale avec l'apport complémentaire du plan de relance , dont il ne manquait pas de se prévaloir pour contrer les critiques relatives au manque d'ambition de sa trajectoire. Les crédits supplémentaires destinés à l'ANR ont ainsi pu être intégrés au second tableau de l'article 2 du projet de loi de programmation (cf. supra ).
Un même éclatement se retrouve au niveau du projet de loi de finances pour 2021 , où les crédits de la recherche sont répartis entre plusieurs supports : sept des huit programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur », la mission « Investissements d'avenir » qui porte les crédits des programmes d'investissement d'avenir (PIA), et la nouvelle mission « Plan de relance », dont le programme 364 « Cohésion » comporte une action relative à la recherche.
Les représentants des organismes de recherche auditionnés par le rapporteur pour avis, bien que satisfaits de l'impulsion budgétaire permise par le projet de loi de programmation, ont tous fait état de la difficulté à comprendre l'articulation entre ces différentes sources de financement et à disposer d'une vision globale des moyens qui leur sont alloués.
Aussi, le rapporteur pour avis souhaite que, pour les prochains exercices budgétaires, il soit mis à disposition des opérateurs de recherche, comme de la représentation nationale, une présentation transversale et exhaustive des moyens consacrés par l'État à la politique de recherche.
2. Des moyens nouveaux en réalité moins importants que les montants présentés
Sur le périmètre des programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 193 « Recherche spatiale », qui correspond à celui retenu pour le projet de loi de programmation, l'augmentation du budget inscrite au projet de loi de finances pour 2021 s'élève à 400 millions d'euros en crédits de paiement , dont respectivement 224 millions d'euros, 165 millions d'euros et 11 millions d'euros pour chacun des trois programmes.
Cette progression , conforme à celle prévue par le projet loi de programmation, doit être saluée dans la mesure où elle rompt avec des décennies de sous-investissement chronique dans la recherche .
Le rapporteur pour avis tient cependant à souligner, dans la continuité de son analyse du projet de loi de programmation, que cet effort budgétaire ne correspond pas seulement à des moyens nouveaux : il permet aussi de couvrir le « tendanciel », c'est-à-dire les dépenses récurrentes et incompressibles du ministère de la recherche.
Ainsi, les 224 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement dont bénéficie, par rapport à 2020, le programme 172 - lequel concentre la plus grande partie des financements alloués à la recherche - ne représentent, en réalité, qu'un apport de 118 millions d'euros de crédits nouveaux . Il faut en effet retirer à l'enveloppe affichée deux montants qui constituent des dépenses contraintes :
- d'une part, l'augmentation de 68 millions d'euros de la subvention pour charges de service public versée au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui concrétise un rebasage prévu de longue date. En effet, depuis 2018, afin de financer l'augmentation de sa masse salariale - phénomène dénommé « le mur du CNRS » et dont le coût s'élève à 88 millions d'euros -, l'opérateur a recours à un prélèvement sur son fonds de roulement. Or, à partir de l'année prochaine, la dotation de ce fonds ne sera plus suffisante. C'est pour remédier à cette difficulté qu'une augmentation de la subvention pour charges de service public est prévue. Le président-directeur général du CNRS a toutefois précisé à votre rapporteur pour avis que les 20 millions restants du « mur » devront être assumés par l'opérateur lui-même ;
- d'autre part, la hausse de 38 millions d'euros des crédits dédiés aux organisations scientifiques internationales , qui correspond à des engagements pluriannuels souscrits par la France et qu'elle se doit d'honorer.
S'agissant du programme 150 , les 165 millions d'euros supplémentaires sont fléchés sur le financement des mesures de revalorisation des rémunérations et des carrières des personnels de recherche , prévues par ou dans le cadre du projet de loi de programmation. Les plus significatives sont la réforme des régimes indemnitaires telle qu'issue du protocole d'accord majoritaire signé le 12 octobre dernier, la revalorisation de 30 % de la rémunération des doctorants et l'augmentation de 20 % du nombre de contrats doctoraux, la diversification des voies de recrutement avec notamment la création de chaires de professeur junior et de contrats de mission scientifique. Le rapporteur pour avis réitère son soutien à l'ensemble de ces mesures qui permettront de porter un coup d'arrêt au décrochage inacceptable des rémunérations scientifiques et d'ouvrir de nouvelles possibilités de recrutement, en complément des procédures traditionnelles.
Quant à la dotation du programme 193 en 2021, celle-ci n'est pas directement intelligible, dans la mesure où il est procédé à une correction mécanique liée à la fin du remboursement de la dette à l'Agence spatiale européenne et à une modification du circuit de financement du Centre national d'études spatiales (Cnes). Une fois prises en compte ces évolutions tendancielles et de périmètre , ce sont 11 millions d'euros de crédits qui sont nouvellement apportés au programme. Le secteur spatial bénéficie en outre d' un soutien substantiel du plan de relance , de 365 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 200 millions d'euros en crédits de paiement. Le président du Cnes a d'ailleurs indiqué au rapporteur pour avis qu'il estimait le budget 2021 à la hauteur des ambitions de l'institution.