EXAMEN DES ARTICLES DÉLÉGUÉS AU FOND
Article 3
Facilitation
du contrôle du respect de l'obligation vaccinale
contre la
covid-19
Cet article vise à alléger les dispositions légales relatives aux modalités de contrôle de l'obligation vaccinale contre la covid-19, telles que prévues aujourd'hui à l'article 13 de la loi du 5 août 2021, afin de laisser au Gouvernement une plus grande souplesse de définition de la mise en oeuvre pratique.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par les amendements du rapporteur pour avis visant notamment à mieux encadrer les modalités de contrôle et de justification du respect de l'obligation vaccinale.
I - Le dispositif proposé
A. Une modification des modalités de justification de la satisfaction à l'obligation vaccinale
1. Un schéma de justification et de contrôle prévu à l'article 13 de la loi du 5 août 2021
Corollaire de l'article 12 prévoyant la vaccination obligatoire de professionnels au contact de personnes vulnérables, l'article 13 précise les modalités de démonstration et de vérification du respect de cette obligation.
Dans sa rédaction initiale adoptée à l'été, l'article 13 de la loi du 5 août 2021 :
- à son I, prévoit les modalités d'établissement du respect de l'obligation vaccinale par les personnes concernées, par le biais d'un des justificatifs prévus à l'article 12 ;
- à son II, précise les conditions dans lesquelles les personnes soumises à l'obligation présentent les justificatifs attendus ou, selon le cas, les agences de santé peuvent accéder à leur statut vaccinal ;
- à son III, prévoit la possibilité d'un contrôle du certificat de contre-indication par le médecin conseil de l'assurance maladie ;
- à son IV, précise les conditions de conservation des documents ou des résultats des vérifications opérées ;
- à son V, précise la responsabilité du contrôle ;
- à son VI, prévoit le régime des peines encourues pour l'établissement ou l'usage d'un faux justificatif et, dans le cas où le justificatif serait produit par un professionnel de santé, l'information par le procureur de la République de l'ordre éventuel compétent.
• L'article distingue ainsi aujourd'hui deux situations, selon que la personne est employée ou ne l'est pas : dans le premier cas, son employeur est chargé des vérifications du respect de l'obligation, sur présentation des justificatifs par la personne ou par transmission de l'information par le médecin du travail ; dans le second, c'est à l'agence régionale de santé (ARS) qu'incombe la mission de contrôle, par le biais d'une utilisation du fichier SI-Vaccin de l'assurance maladie.
2. Une charge forte sur les agences régionales de santé pousse le Gouvernement à envisager d'autres modalités de vérification pour les non-employés
Comme le souligne le Gouvernement dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, « le contrôle de l'obligation vaccinale est entré dans une phase de gestion des flux et doit dès lors être adapté, non plus à un traitement massif et uniforme, mais à des cas hétérogènes et nécessitant un contrôle plus fin : arrivées de nouveaux agents et prestataires, stage, retour de personnels de différentes positions statutaires, fin de validité des certificats de rétablissement, etc . ».
Le Gouvernement met également en avant la charge de travail « particulièrement substantielle » pour les agences régionales de santé , avec le contrôle notamment des professionnels de santé libéraux alors qu'elles demeurent mobilisées dans la gestion de la crise.
Aussi, le Gouvernement identifie une marge de simplification concernant les étudiants en santé, concernés par l'obligation vaccinale. En effet, parmi les élèves et étudiants, certains ont le statut d'agent public ou d'agent hospitalier comme c'est le cas des étudiants de deuxième ou troisième cycles, ou encore des étudiants en troisième cycle lors de stages ambulatoires, qui justifient du respect de l'obligation auprès du centre hospitalier de rattachement ; d'autres sont par exemple alternants comme les assistants dentaires et justifient alors de celle-ci auprès de leur employeur. Pour l'ensemble des autres étudiants, le contrôle est réalisé par les ARS.
Sur ce constat, le 1° du présent article, dans la rédaction nouvelle qu'il propose du II de l'article 13 de la loi du 5 août 2021, distingue ainsi les étudiants et élèves et les soustrait au champ des personnes relevant des vérifications à la charge des ARS en prévoyant le contrôle de leur obligation vaccinale par le responsable de leur établissement de formation .
Les sanctions applicables aux étudiants et
élèves des formations
conduisant à l'exercice d'une
profession de santé
En application du I de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, les étudiants et élèves des formations conduisant à l'exercice d'une profession mentionnée à la quatrième partie du code de la santé publique qui ne respecteraient pas l'obligation vaccinale ne peuvent plus « exercer leur activité » : ils ne peuvent donc plus poursuivre leur formation.
Concrètement, ces étudiants ou élèves admis en formation et en cours d'inscription qui refusent d'être vaccinés voient leur inscription suspendue, étant précisé que l'obligation vaccinale imposée par la loi n'est pas limitée dans le temps et pourra de nouveau être exigée l'an prochain. Pour les étudiants et élèves inscrits en formation non médicale, ils conservent le bénéfice de la sélection, qu'elle résulte d'une inscription via Parcoursup ou non. Il leur appartiendra de manifester leur volonté d'intégrer la formation six mois avant la rentrée suivante, sous réserve de répondre à l'obligation vaccinale.
Les étudiants et élèves admis en formation et inscrits refusant la vaccination ne peuvent suivre la formation théorique ni être accueillis en stage. La formation est suspendue par le président de l'université ou la direction de l'institut ou de l'école jusqu'à la satisfaction de l'obligation vaccinale.
Lors d'un entretien préalable à la suspension de formation organisé par le directeur de l'UFR, l'institut de formation, l'étudiant ou l'élève est informé sans délai des conséquences qu'emporte le refus de vaccination et des moyens de régulariser sa situation. La suspension de la formation est applicable à compter de la notification à l'étudiant ou élève, par une remise en main propre contre émargement, ou en envoi postal recommandé si l'étudiant ou l'élève ne se présente pas à l'entretien, d'un document écrit matérialisant la suspension concomitante au refus de vaccination.
S'agissant des étudiants de 2 e et de 3 e cycle des formations en médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie, en leur qualité d'agents publics, la suspension d'activité s'accompagne d'une interruption du versement de la rémunération qui prendra fin dès que l'étudiant bénéficiera d'un schéma vaccinal complet.
Pour les étudiants des formations paramédicales, et après confirmation par l'ARS que l'obligation vaccinale n'est pas satisfaite, la suspension de la formation entraîne la suspension du versement des indemnités de stage. Les instituts et écoles de formation en informent les régions, lesquelles suspendent le versement des bourses jusqu'à la reprise de la formation.
Pour les étudiants de troisième cycle long des études médicales, la non-conformité à l'obligation vaccinale entraîne la suspension des enseignements en stage et hors-stage ainsi que la non-validation du semestre et l'interruption du versement de leur rémunération.
Enfin, les étudiants et élèves soumis à l'obligation vaccinale ne se soumettant pas à cette exigence sont passibles de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, en application du I de l'article 16 de la loi du 5 août 2021.
Source : Instruction interministérielle n° DGOS/RH1/DGESIP/A1-4-DFS/2021/192 du 7 septembre 2021 relative à la mise en oeuvre de l'obligation vaccinale pour les étudiants et élèves en santé, les étudiants des formations préparant à l'exercice des professions à usage de titre et les personnels enseignants et hospitaliers titulaires et non titulaires ainsi qu'à l'organisation de la rentrée 2021 dans les écoles et instituts de formation paramédicaux
3. Un dispositif simplifié laissant davantage de marges d'organisation
L'article 3 modifie la rédaction de l'article 13 de la loi du 5 août 2021 à ses II, IV, V et VI.
La principale modification consiste en la réécriture du II de l'article 13 par le 1° du présent article, afin de simplifier les modalités de contrôle du respect de l'obligation vaccinale.
a) Une dérogation générale au secret médical
Comme revendiqué par le Gouvernement dans l'étude d'impact, la nouvelle rédaction entend expressément prévoir la non-applicabilité des dispositions de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique.
Extrait de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique
« I. - Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d'exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. »
Ainsi, le premier alinéa du II de l'article 13 de la loi du 5 août 2021 dans sa nouvelle rédaction issue du projet de loi prévoit que l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ne peut faire obstacle aux présentes dispositions de l'article 13 visant à permettre d'assurer le contrôle du respect de l'obligation vaccinale.
b) Un seul régime de responsabilité du contrôle sans modalités précises
Le 1° de l'article 3 du projet de loi, pour la nouvelle rédaction du II de l'article 13 de la loi du 5 août 2021, substitue aux modalités de présentation des justificatifs à leur employeur par les salariés ou agents publics et de vérification par les ARS une mission de contrôle du respect de l'obligation vaccinale attribuée selon les personnes soumises à cette dernière.
Ainsi, sont chargés de s'assurer du respect de l'obligation :
- pour les salariés ou agents publics, leur employeur ( 1° du II ) ;
- pour les étudiants ou élèves en santé, le responsable de leur établissement de formation ( 2° du II ) ;
- pour les autres personnes concernées , et donc notamment les professionnels de santé libéraux, les agences régionales de santé ( 3° du II ).
Contrairement à l'intention du Gouvernement, la rédaction du 1° du II, tel que nouvellement rédigé par le projet de loi, attribue le contrôle par l'employeur pour les seules personnes mentionnées au 1° du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021. Or, cette rédaction conduirait à transférer aux ARS la charge du contrôle de personnes dont le respect de l'obligation est aujourd'hui vérifié par leur employeur, comme les personnes employées chez les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie ou encore les sapeurs-pompiers.
Par ailleurs, la lecture combinée des 1° et 2° du II dans sa rédaction résultant du projet de loi pourrait laisser entendre que les étudiants en santé également agents ou employés d'établissements de santé feraient l'objet d'un « double contrôle » . Interrogé sur ce point, le ministère de la santé a précisé que la dissociation du cas des étudiants apportée par la nouvelle rédaction visait bien à faire basculer l'ensemble des étudiants sous le seul contrôle de leur établissement , avec lequel, quel que soit le niveau de leur cursus, ils demeurent liés. Les employeurs des étudiants en santé n'assurent donc plus, aux termes du nouveau II de l'article 13 de la loi du 5 août 2021, la vérification du statut vaccinal des étudiants exerçant auprès d'eux.
Le texte procède également aux coordinations rendues nécessaires par la nouvelle rédaction proposée. En cohérence, le 3° abroge le V de l'article 13 qui prévoit aujourd'hui que les employeurs sont chargés du contrôle du respect de l'obligation vaccinale pour les personnes sous leur responsabilité, quand cette responsabilité échoit aux agences régionales de santé pour l'ensemble des autres personnes concernées. Cette disposition relative à la charge du contrôle fonctionnait en miroir avec le II dédié à la justification réputée spontanée par l'employé ou vérifiée par l'ARS et devient redondante avec la nouvelle rédaction proposée pour ce même II .
Enfin, concernant les modalités de vérifications, le projet de loi gomme, avec cette nouvelle rédaction, les précisions initialement apportées qui prévoyaient notamment la présentation par le salarié ou l'agent public de son justificatif de satisfaction à l'obligation vaccinale auprès de son employeur. Ces aspects opérationnels sont - sans que cela soit expressément écrit - renvoyés au décret , comme précisé par le Gouvernement, suivi en cela par le Conseil d'État.
c) Le maintien de voies subsidiaires de déclaration
La nouvelle rédaction apportée au II conserve les voies de déclaration particulières prévues pour assurer une meilleure garantie des droits des personnes en matière de secret médical.
Ainsi, les salariés et agents publics peuvent toujours faire parvenir le certificat de contre-indication ou le certificat de rétablissement au médecin du travail compétent qui assure la transmission de l'information de satisfaction à l'obligation auprès de l'employeur.
À ce titre, suivant la recommandation du Conseil d'État, le Gouvernement a prévu une disposition analogue pour les élèves et étudiants en santé, leur permettant d'adresser ces documents au service de médecine universitaire ou service de santé de l'établissement, alors chargé d'en informer le responsable de l'établissement.
En outre, est maintenue la nécessité de transmission aux ARS des certificats de rétablissement ou de contre-indication par les personnes relevant de leur contrôle.
Enfin, corollaire de l'ajout des responsables d'établissements au II, une coordination est assurée par le 2° qui modifie le IV de l'article 13 afin, au même titre que les employeurs et les agences régionales de santé, de permettre aux responsables d'établissements de conserver de manière sécurisée les résultats des vérifications et les documents transmis , sous réserve de leur bonne destruction à l'issue de l'obligation vaccinale.
4. Une intention d'un recours plus systématique à des consultations du fichier SI-Vaccin au-delà des ARS
Comme relevé par le Conseil d'État dans son commentaire des dispositions de l'avant-projet de loi, l'allègement des dispositions précisant les modalités de justification du respect de l'obligation vaccinale par les personnes concernées a aussi pour finalité de permettre une extension des possibilités de contrôle par un accès au fichier SI-Vaccin .
Cette intention est confirmée par le Gouvernement dans sa réponse au questionnaire du rapporteur, qui indique concernant la rédaction proposée qu'« aux fins de fluidifier et faciliter les opérations de contrôle, elle laisse également ouverte la possibilité d'un accès direct aux données de la vaccination pour les autres acteurs chargés de ce contrôle, et en particulier pour les employeurs » quand l'exposé des motifs du projet de loi évoque une « possibilité d'accès direct par les établissements » a priori entendus comme les établissements de formation.
B. Une modification des sanctions pour faux certificat par renvoi aux dispositions relatives au passe sanitaire
Le 4° apporte une nouvelle rédaction au VI de l'article 13 de la loi du 5 août 2021.
Dans la rédaction actuelle de l'article, les peines inscrites sont prévues en référence aux dispositions du code pénal relatives aux faux et usages de faux sur une échelle de peines établie à 45 000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement. Le renvoi proposé aux peines prévues à l'article 1 er de la loi du 31 mai 2021 dans sa rédaction issue de l'article 2 relève ce quantum de peines à 75 000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement .
Par ailleurs, le VI ainsi rédigé ne prévoit plus expressément les sanctions pour l'établissement de faux certificats de statut vaccinal ou de faux certificat de contre-indication à la vaccination, que la rédaction actuelle couvrait.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
À l'initiative de son rapporteur 38 ( * ) , outre deux modifications rédactionnelles, la commission des lois de l'Assemblée nationale a rétabli dans la rédaction du VI l'information systématique du conseil de l'ordre dans le cas d'une procédure engagée contre un professionnel de santé concernant l'établissement de faux certificats.
En séance publique, l'Assemblée nationale a conservé la rédaction issue des travaux de la commission et a adopté cet article ainsi modifié .
III - La position de la commission
A. Des modalités de contrôle plus sommaires qui appellent à certaines précautions en matière d'accès aux données de vaccination
1. Un système plus simple dans son approche...
La commission des affaires sociales réaffirme son souci constant, dans les dispositifs de gestion de la crise sanitaire en général et de mise en oeuvre de l'obligation vaccinale en particulier, de prévoir des modalités opérationnelles simples et efficaces : si la loi doit garantir, surtout en temps de crise, le respect de droits fondamentaux, il n'est pas question pour la commission de créer des dispositifs complexes comme autant d'« usines à gaz » nuisibles à l'atteinte des objectifs poursuivis.
Aussi, en cohérence, la commission souscrit, sur le principe, à la réécriture du II tel que proposée par le Gouvernement et validée par l'Assemblée nationale, particulièrement :
- la seule inscription de la responsabilité du contrôle par les personnes qui en ont la charge , et ce en distinguant trois catégories de publics concernés ;
- le renvoi au pouvoir réglementaire pour les modalités pratiques de présentation des justificatifs ou de voies de vérification particulières comme l'accès au fichier SI-Vaccin par les ARS ;
- la dissociation des étudiants et élèves en santé, en attribuant le contrôle au responsable de l'établissement de formation , qui apparaît bienvenue et, sur le modèle du contrôle opéré par les employeurs pour les salariés et agents publics, permet une vérification par les responsables de proximité.
La commission s'interroge cependant, dans la rédaction retenue, sur la nécessité, alors que les modalités opérationnelles sont sorties de la loi au bénéfice du décret, du maintien dans le texte de l'obligation de transmission aux ARS des certificats de contre-indication ou de rétablissement par les personnes relevant de leur contrôle.
Sur ce II, la commission adopté un amendement de clarification rédactionnelle COM-53 visant à préciser que c'est bien le contrôle du respect de l'obligation vaccinale qui est assuré par les employeurs, directeurs et agences régionales de santé, et non le respect lui-même. Elle a en outre corrigé, après échanges avec l'administration du ministère de la santé, l'erreur rédactionnelle au troisième alinéa, rétablissant le contrôle par l'employeur pour l'ensemble des salariés ou agents publics ; c'est l'objet de l'amendement COM-55.
2. ... qui ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à la protection du secret médical
a) Une dérogation admise au secret médical car proportionnée
Si le pri ncipe de dérogation à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ne figure aujourd'hui pas dans l'article 13 de la loi du 5 août 2021, la commission avait bien considéré dès l'examen du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire en juillet que ces dispositions étaient bien entendues comme dérogeant au secret médical .
Cependant, comme elle l'a déjà exprimé, la commission considère que cette dérogation au secret en l'espèce du statut vaccinal peut être justifiée dans la mesure où :
- d'un part, les personnes concernées sont soumises à une obligation de vaccination ;
- d'autre part, des voies subsidiaires de justification étaient prévues, avec le passage par le médecin du travail.
b) Un élargissement de l'accès à SI-Vaccin à envisager avec précaution
La commission estime qu'une extension éventuelle du champ des personnes autorisées à accéder au fichier SI-Vaccin peut légitimement être envisagée mais ne doit cependant pas conduire à faire du requêtage dans ce fichier la modalité habituelle de vérification par un champ excessivement large de personnes . En effet, l'accès plus large donné à ce fichier, même s'il est limité sur le champ des données consultables, porterait un risque accru de consultations éventuelles par les utilisateurs du statut vaccinal de personnes qu'ils n'ont pas la charge de contrôler et constituerait donc un risque supplémentaire d'atteinte au droit à la vie privée.
Par ailleurs, la commission constate que le contrôle de l'obligation vaccinale, comme le rappelle d'ailleurs le Gouvernement, est entré dans une phase de gestion au fil de l'eau qui n'est pas de l'ordre du flux massif de vérifications à opérer comme l'a été la situation de septembre et octobre 2021.
Sur la question d'un recours élargi au fichier SI-Vaccin point, la commission partage la préoccupation répétée de la Commission nationale de l'informatique et des libertés concernant les outils numériques utilisés pour la gestion de la crise et les accès donnés à ces derniers, qui voit dans les dispositifs retenus depuis 2020 un « risque d'accoutumance et de banalisation de dispositifs attentatoires à la vie privée » .
Ainsi, la commission estime que si cette possibilité peut avoir une pertinence pour des employeurs ayant à gérer un grand nombre de personnes soumises à l'obligation , comme c'est le cas des établissements de santé, particulièrement les grands centres hospitaliers, elle ne trouverait cependant aucune justification à être ouverte à de petites structures comme les cabinets médicaux. En outre, concernant le contrôle des étudiants, la commission s'interroge sur la nécessité d'un tel accès, quand les services de scolarité des établissements de formation sont habitués à traiter des échanges fréquents de documents administratifs avec les étudiants.
Surtout, la commission considère que si le requêtage dans la base SI-Vaccin devait devenir un moyen massif de vérification par des personnes autres que les agences régionales de santé, alors les modalités subsidiaires de justification par le biais du médecin du travail ou du médecin universitaire, pourraient avoir une portée amoindrie, soulignant pour les personnes relevant des certificats de contre-indication ou de rétablissement, leur absence de vaccination .
3. Des précisions apportées par la commission sur les modalités pratiques et le recours éventuel au fichier SI-Vaccin
Soucieuse de conserver des marges claires de définition des modalités pratiques par le Gouvernement tout en encadrant l'accès aux données médicales appréciées pour le contrôle du respect de l'obligation vaccinale par des garanties renforcées de protection, la commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement COM-54 visant à créer structurer le II de l'article 13 de la loi du 5 août en trois sous-divisions, les A et B créés reprenant respectivement la responsabilité du contrôle et les dispositions subsidiaires de justification, et à créer un C relatif aux modalités du contrôle.
Ainsi, le C ajouté prévoit :
- que les modalités de vérification par les personnes ou structures chargées du contrôle, comme les conditions de présentation des justificatifs par les personnes soumises à l'obligation, sont précisées par décret ( premier alinéa ) ;
- que le recours, aux fins de vérification du respect de l'obligation vaccinale, à un accès à SI-Vaccin ne peut être ouvert que par décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL , d'une part, et que ces accès doivent être dûment justifiés et proportionnés au regard de contraintes propres des personnes ou structures chargées du contrôle. Doivent être regardés au rang de ces derniers le nombre de personnes dont l'employeur a la charge par exemple ou encore l'impératif pratique de contrôle des professionnels libéraux par les ARS. Par ailleurs, une procédure de consultation de la base doit être prévue, ne permettant que le seul contrôle de la satisfaction à l'obligation vaccinale, et ainsi ne pas ouvrir l'accès au détail du schéma vaccinal de la personne 39 ( * ) ( deuxième alinéa ) ;
Le D créé prévoit enfin pour sa part, reprenant en les précisant les dispositions de l'actuel IV, que les personnes et structures chargées du contrôle sont habilitées à conserver les résultats des vérifications opérées , sous réserve de conditions sécurisées de conservation et d'une destruction à la fin de vigueur de l'obligation vaccinale .
Il est enfin rappelé, alors que des accès nouveaux pourraient être ouverts, que les personnes chargées des contrôles étaient tenues à un impératif de discrétion professionnelle .
Le même amendement procède enfin à une coordination et abroge le IV de l'article 13 portées au nouveau D du II.
B. Un régime de sanctions à l'échelle et à la forme discutables
1. Une distorsion des dispositions actuelles
a) Un renvoi inopportun aux dispositions relatives au passe sanitaire
La commission constate que la mise en cohérence du régime des peines proposé par le texte entre l'établissement de faux « passes sanitaires » et celui de faux justificatifs de vaccination, bienvenue, a été faite par renvoi aux dispositions relatives au passe sanitaire.
Si cette méthode était suggérée par le Conseil d'État dans son avis, la commission regrette cependant cette forme de dispositions de renvois au passe sanitaire dans le champ des règles relatives à l'obligation vaccinale . En effet, comme elle l'avait déjà souligné en juillet 2021, la temporalité des deux dispositifs n'a pas nécessairement vocation à être identique et les modalités pratiques peuvent trouver justement à être dissociées ; c'est sur cette logique même que la commission avait opéré une distinction en matière de certificats et justificatifs entre passe sanitaire et vaccination obligatoire.
b) Un champ en définitive mal couvert
Surtout, la commission souligne que, dans sa réécriture, le Gouvernement, par son renvoi aux dispositions relatives au passe sanitaire, n'a visé que le cas de l'usage de faux et n'a pas couvert le cas de l'établissement de faux certificats de statut vaccinal quand ceux-ci sont distincts des justificatifs utiles au passe sanitaire . Si le rapporteur de l'Assemblée nationale estime ce cas pris en charge par l'article 1 er de la loi du 31 mai 2021 dans sa version modifiée par le présent projet de loi, le rapporteur de la commission considère que la dissociation des justificatifs ne le garantit pas, preuve en est la place des dispositions maintenues au VI sur l'usage de faux.
Aussi, à l'initiative du rapporteur, la commission des affaires sociales a adopté un amendement COM-56 visant à conserver la rédaction actuelle de la loi et à faire figurer le cas de l'établissement d'un faux certificat de statut vaccinal ou de contre-indication médicale permettant de justifier de la satisfaction à l'obligation vaccinale.
2. Un quantum de peines à réévaluer
Sur le fond, la commission partage l'intention d'un affichage de peines dissuasives à l'encontre des personnes usant d'un faux justificatif , rappelle que le VI de l'article 13 a été ajouté à son initiative en juillet dernier.
Cependant, le présent article, en référence aux sanctions prévues à l'article 2 pour l'établissement ou l'usage de faux « passes sanitaires » les relève à un niveau que la commission des affaires sociales, en accord avec la commission des lois, n'estime pas proportionné .
Aussi, à l'initiative du rapporteur, la commission a, par le même amendement COM-56, rétabli le quantum de peines prévu par la loi du 5 août dernier.
3. Une information nécessaire des ordres compétents
Enfin, la commission des affaires sociales déplore la suppression par le Gouvernement, dans la rédaction du projet de loi, de l'information par le procureur de la République, dans le cas de l'établissement d'un faux certificat par un professionnel de santé, de l'ordre compétent duquel relève ce-dernier . Aussi, la commission se satisfait du rétablissement , à l'initiative du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, de cette disposition, introduite par la commission des affaires sociales du Sénat, à l'initiative de son rapporteur, lors de l'examen du projet de loi de juillet dernier.
La commission demande à la commission des lois d'adopter cet article modifié des amendements qu'elle a adoptés.
Article 5
ter
Prolongation de conditions adaptées pour le versement
du
complément employeur aux indemnités journalières
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, propose que les dispositions prises par décret en 2021 afin d'adapter les conditions de versement de l'indemnité complémentaire puissent demeurer applicables jusqu'au 31 juillet 2022. Il habilite par ailleurs le Gouvernement à adapter ou compléter par ordonnance le régime dérogatoire prévu en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article modifié par les amendements qu'elle a adoptés.
I - Le dispositif proposé : une prolongation des dérogations aux conditions de versement du complément employeur
A. Un régime dérogatoire mis en place pendant la crise sanitaire
1. Les conditions normales de versement de l'indemnité complémentaire
En cas d'arrêt de travail justifié par un certificat médical, les indemnités journalières versées par l'assurance maladie sont complétées, pour les salariés ayant au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise, par une indemnité complémentaire versée par l'employeur 40 ( * ) .
Le montant de cette indemnité complémentaire doit permettre au salarié de percevoir :
- 90 % de sa rémunération brute pendant les 30 premiers jours d'arrêt ;
- les deux tiers de sa rémunération brute pendant les 30 jours suivants.
Elle s'annule au-delà de 60 jours d'arrêt 41 ( * ) , cette durée augmentant avec l'ancienneté du salarié dans la limite de 90 jours 42 ( * ) . Sauf accident du travail, un délai de carence de 7 jours s'applique 43 ( * ) .
2. Le dispositif dérogatoire prévu par le PLFSS pour 2021
Dans le contexte de la crise sanitaire, plusieurs ordonnances ont été prises sur le fondement de l'article 11 de la loi d'urgence du 23 mars 2020 afin d'assouplir exceptionnellement le régime de l'indemnité complémentaire 44 ( * ) .
Afin de permettre au Gouvernement de mettre en oeuvre de telles dispositions dérogatoires par voie réglementaire en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel , notamment d'épidémie, la LFSS pour 2021 45 ( * ) a introduit, dans un nouvel article L. 1226-1-1 du code du travail, un dispositif inspiré de ce que permet l'article L. 16-10-1 du code de la santé publique en matière de prestations d'assurance maladie.
Les dérogations prévues par cet article peuvent porter sur la condition d'ancienneté pour bénéficier de l'indemnité complémentaire, le motif d'absence au travail, la condition liée à la justification dans un délai de 48 heures de l'incapacité de travail et celle d'être soigné en France ou dans un État européen, l'exclusion des salariés à domicile, saisonniers, intermittents et temporaires, ainsi que les taux, le délai de carence et les modalités de calcul de l'indemnité complémentaire qui sont fixés par décret. Elles peuvent être prévues par décret pour une durée limitée qui ne peut excéder un an .
Sur cette base, le décret n° 2021-13 du 8 janvier 2021 46 ( * ) a prévu une suspension jusqu'au 30 septembre 2021 des conditions habituelles de versement de l'indemnité complémentaire dans les cas suivants :
- salariés vulnérables et parents d'enfants de moins de seize ans ou en situation de handicap, se trouvant dans l'impossibilité de continuer à travailler et ne pouvant être placés en activité partielle en application de l'article 20 de la 1 ère loi de finances pour 2020 ( cf . article 5) ;
- personnes faisant l'objet d'une mesure d'isolement en tant que contact à risque de contamination ;
- personnes présentant les symptômes de l'infection à la covid-19 ou présentant le résultat d'un test concluant à une contamination par la covid-19 ;
- personnes faisant l'objet d'une mesure d'isolement prophylactique, d'une mise en quarantaine ou d'un placement et d'un maintien en isolement.
Pour ces personnes, la condition d'ancienneté, l'exigence de présenter un certificat médical d'arrêt de travail, l'exclusion de certaines catégories de salariés et le délai de carence n'étaient pas applicables, et les arrêts de travail antérieurs n'étaient pas pris en compte pour le calcul de la durée d'indemnisation.
B. La proposition de prolonger et compléter ce régime dérogatoire
L'article 5 ter du projet de loi a été introduit en séance à l'Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement.
Le 1° prévoit que les dispositions prises par décret en 2021 sur la base de l'article L. 1226-1-1 du code du travail « demeurent applicables jusqu'à une date fixée par décret au plus tard le 31 juillet 2022 ».
En cas de réactivation des mesures dérogatoires prises par décret en janvier 2021, il serait ainsi possible au Gouvernement de les prolonger au-delà d'un an.
Par ailleurs, le 2° habilite le Gouvernement à « adapter ou compléter » par ordonnance les dispositions prises en application de l'article L. 1226-1-1 du code du travail, dans le cas où des modifications de rang législatif devraient être apportées au dispositif. Ces mesures seraient applicables jusqu'au 31 juillet 2022 au plus tard et pourraient être rétroactives dans la limite d'un mois.
Il est précisé que les ordonnances et les décrets pris sur le fondement de cet article seront dispensés des consultations obligatoires prévues par toute disposition législative ou réglementaire.
Des dispositions similaires concernant les indemnités journalières de l'assurance maladie devraient parallèlement être introduites dans le PLFSS pour 2022.
II - La position de la commission : supprimer l'habilitation à déroger au régime dérogatoire
Bien que leur coût repose sur les employeurs, il paraît raisonnable de prolonger la validité du régime dérogatoire mis en place pendant la crise sanitaire en matière d'indemnité complémentaire. Toutefois, en l'absence d'autre motif que le calendrier électoral et en cohérence avec sa position sur les autres articles du texte ( cf . article 5), la commission a donc adopté, à l'initiative du rapporteur, un amendement COM-59 visant à ramener le terme de cette prolongation au 28 février 2022 .
Par ailleurs, dans la mesure où le régime dérogatoire prévu à l'article L. 1226-1-1 du code du travail est un dispositif pérenne qui permet d'adapter l'ensemble des conditions de versement de l'indemnité complémentaire, on est fondé à se demander quelles dérogations supplémentaires pourraient être prévues par ordonnance jusqu'au 31 juillet 2022. À l'initiative du rapporteur, la commission propose donc de supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance dans ce domaine.
La commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié .
* 38 Amendement CL 96.
* 39 Sur ce dernier point, la commission constate que le décret n° 2020-1690 du 25 décembre 2020 modifié, autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux vaccinations contre la covid-19, a prévu comme l'une des finalités au traitement SI-Vaccin « 7° La mise à disposition de données permettant le contrôle de l'obligation vaccinale des personnes mentionnées au deuxième alinéa du II de l'article 13 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ».
* 40 Art. L. 1226-1 du code du travail.
* 41 Art. D. 1226-1 du code du travail.
* 42 Art. D. 1226-2 du code du travail.
* 43 Art. D. 1226-3 du code du travail.
* 44 Ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020 adaptant temporairement les modalités d'attribution de l'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 du code du travail ; ordonnance n° 2020-428 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions sociales pour faire face à l'épidémie de covid-19 (article 9).
* 45 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 - Article 76.
* 46 Décret n° 2021-13 du 8 janvier 2021 prévoyant l'application de dérogations relatives au bénéfice des indemnités journalières et de l'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 du code du travail ainsi qu'aux conditions de prise en charge par l'assurance maladie de certains frais de santé afin de lutter contre l'épidémie de Covid-19 - Article 2.