Avis n° 167 (2021-2022) de MM. Guillaume CHEVROLLIER et Pascal MARTIN , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 18 novembre 2021
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Synthèse du rapport (1,6 Moctet)
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LE « BUDGET VERT »,
UNE GRILLE DE LECTURE BUDGÉTAIRE NOVATRICE
MAIS PERFECTIBLE
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CHAPITRE IER :
LES CRÉDITS CONSACRÉS
À LA PRÉVENTION DES RISQUES
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CHAPITRE II :
LES CRÉDITS CONSACRÉS À LA BIODIVERSITÉ
ET À L'EXPERTISE EN MATIÈRE
DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
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I. UNE AUGMENTATION INSUFFISANTE DES CRÉDITS
CONSACRÉS À LA BIODIVERSITÉ ET UNE DIMINUTION
PRÉOCCUPANTE DES MOYENS ALLOUÉS À L'EXPERTISE ET À
L'INFORMATION
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II. DES OPÉRATEURS PUBLICS CONFRONTÉS
À L'INJONCTION CONTRADICTOIRE DE FAIRE PLUS ET MIEUX AVEC MOINS
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III. UN BUDGET ENVIRONNEMENTAL AUX ANGLES MORTS
TROP NOMBREUX
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I. UNE AUGMENTATION INSUFFISANTE DES CRÉDITS
CONSACRÉS À LA BIODIVERSITÉ ET UNE DIMINUTION
PRÉOCCUPANTE DES MOYENS ALLOUÉS À L'EXPERTISE ET À
L'INFORMATION
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TRAVAUX EN COMMISSION
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Audition de Mme Bérangère Abba,
secrétaire d'État
auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité
(Mercredi 10 novembre 2021)
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Examen en commission des crédits
consacrés la biodiversité
et à l'expertise en matière de développement durable
(Lundi 22 novembre 2021)
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Examen en commission des crédits
consacrés à la prévention des risques
(Lundi 22 novembre 2021)
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Audition de Mme Bérangère Abba,
secrétaire d'État
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 167 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 , |
TOME I ENVIRONNEMENT |
Par MM. Guillaume CHEVROLLIER et Pascal MARTIN, Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin, secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Mme Nadine Bellurot, MM. Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes É velyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen. |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687 Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022) |
LE « BUDGET VERT »,
UNE GRILLE
DE LECTURE BUDGÉTAIRE NOVATRICE
MAIS PERFECTIBLE
I. UNE MÉTHODE INNOVANTE QUI AMÉLIORE LA LISIBILITÉ ENVIRONNEMENTALE DU BUDGET DE L'ÉTAT...
Après une première mouture publiée à l'occasion du projet de loi de finances pour 2021, les principaux enseignements du second rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État sont les suivants :
- sur le périmètre de l'objectif total de dépenses de l'État inscrit en PLF pour 2022, soit 495,1 Md€, 42 Md€ de dépenses ont un impact sur l'environnement (soit 8,5 %), et 53,4 Md€ si l'on y ajoute les dépenses fiscales (sur un total de 586,6 Md€ de dépenses budgétaires et fiscales évaluées). Si le montant en valeur absolue des dépenses ayant un impact sur l'environnement progresse de 41,8 à 42 Md€, le pourcentage quant à lui décroît de 0,08 point , ce qui est regrettable dans le contexte d'urgence climatique actuel ;
- 92 % des dépenses sont totalement neutres (contre 91 % l'an dernier) ;
- sur les dépenses ayant un impact sur l'environnement, on distingue trois catégories : les dépenses dites « vertes » , c'est-à-dire favorables à l'environnement sur au moins un axe sans être défavorables par ailleurs, d'un montant de 38,2 Md€ (contre 38,1 en 2021) ; les dépenses « mixtes » qui atteignent 4,5 Md€ et qui sont favorables à l'environnement sur au moins un axe mais ont des effets négatifs sur un ou plusieurs autres ; et 10,8 Md€ de dépenses ayant un impact défavorable sur au moins un axe sans avoir d'impact favorable sur un autre (contre 10 Md€ en 2021) ;
- sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », 17,91 Md€ de dépenses sont favorables à l'environnement (sur 32,77 Md€ de crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales), 4,33 Md€ de dépenses mixtes et 5,63 Md€ de dépenses défavorables.
Sur l'ensemble de la mission, les dépenses défavorables ont augmenté de près de 15 % et les dépenses favorables ont baissé de plus de 1,5 %.
II. ...DONT LA PORTÉE DOIT ÊTRE ACCENTUÉE ET LA MÉTHODOLOGIE AFFINÉE
La « budgétisation verte » progresse : plus d'une dizaine de pays ont initié des méthodologies pour analyser l'impact environnemental de leurs dépenses publiques. La commission appelle de ses voeux une convergence minimale des critères de cotation budgétaire , pour faciliter les comparaisons de données, évaluer les efforts respectifs de chaque État et permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent de se livrer à cet exercice qui peut devenir un outil essentiel d'élaboration de politiques publiques et de communication.
En premier lieu, si cet exercice constitue une étape importante pour la transparence de l'information environnementale et l'évaluation de nos politiques publiques et si la méthodologie a été affinée, cet outil est à manier avec précaution, car de nombreuses dépenses échappent encore à cette évaluation. En effet, comme l'indique le document budgétaire lui-même, « de manière générale, un principe de prudence guide la budgétisation environnementale. En l'absence de données suffisamment fiables et explicites sur l'impact favorable ou défavorable d'une dépense, la "non-cotation" a été retenue. »
Deuxièmement, les impacts de certaines dépenses, voire de certaines politiques sectorielles sur l'environnement, souffrent d'une évaluation très lacunaire. Les crédits des missions comme « Action extérieure de l'État », « Santé », ou encore « Économie » sont ainsi considérés comme très majoritairement neutres, faute de critères adéquats pour les évaluer.
Malgré d'indéniables améliorations comme l'adjonction d'un volet performance, les résultats de ce second budget vert sont donc à lire avec précaution : cet outil doit poursuivre son perfectionnement et son approfondissement, afin d' étendre son périmètre méthodologique et évaluer un nombre croissant de dépenses budgétaires.
CHAPITRE IER :
LES CRÉDITS
CONSACRÉS
À LA PRÉVENTION DES RISQUES
Réunie le 22 novembre 2021, sous la présidence de Jean-François Longeot, la commission a, suivant son rapporteur, Pascal Martin, émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes dédiés à la prévention des risques du projet de budget 2022 sous le bénéfice de certaines observations et réserves tendant à :
- saluer la concrétisation de la hausse de + 50 postes (ETP) pour l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) annoncée par le Gouvernement après l'accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique en 2019 ;
- regretter l'absence d'ambition pour la prévention des risques dans le plan de relance , hors économie circulaire, alors que cette politique contribue directement à l' adaptation au changement climatique et à la protection des citoyens et des activités économiques en s'attachant au traitement à la source des risques naturels, industriels et nucléaires ;
- souligner que parmi les enjeux centraux du prochain budget 2023 figureront d'une part, la consommation effective des crédits dédiés au traitement des conséquences des catastrophes naturelles et, d'autre part, le renforcement de la sûreté nucléaire .
Sur proposition du rapporteur et de François Calvet, rapporteur sur les crédits dédiés à la transition énergétique et au climat, la commission a adopté 2 amendements visant à :
- augmenter de 2 M€ la subvention versée aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air ( AASQA ) pour leur permettre de couvrir les coûts de fonctionnement du système de suivi environnemental des situations incidentelles et accidentelles ;
- rattraper le retard pris par la France dans le développement des énergies renouvelables en renforçant les moyens alloués au Fonds Chaleur .
I. UN BUDGET 2022 S'INSCRIVANT DANS LA CONTINUITÉ DE L'EXERCICE 2021 : DES FORCES ET DES FAIBLESSES
A. LES ÉQUILIBRES ET LES ANGLES MORTS DU BUDGET DE LA PRÉVENTION DES RISQUES DEMEURENT LES MÊMES QU'EN 2021
Pour le programme 181, la baisse de 14 % des autorisations d'engagement (AE) par rapport à 2021 et la hausse de 8,5 % des crédits de paiement (CP) voilent une stabilité , illustrée par une ventilation très proche entre les actions.
Les hausses constatées cette année résultent d'un saupoudrage sur plusieurs actions , dont :
- un renforcement de la prévention des risques hydrauliques (+ 3,6 %) ;
- un effort supplémentaire sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (- 43 % en AE et + 14,6 % en CP) avec 30 M€ fléchés vers le traitement des conséquences de la tempête Alex ;
- un accroissement des moyens de l' Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) de 50 M€ (+ 9,25 %).
En outre, pour la deuxième année, le plan de relance apparaît décevant pour la prévention des risques naturels et industriels et ce, malgré des montants importants inscrits pour la décarbonation de l'industrie et l'économie circulaire. Des crédits de paiement manquent pour couvrir les engagements ouverts en 2021 et un financement complémentaire sera donc nécessaire dans les exercices post-2022 en particulier pour l'action 2 « Biodiversité » du programme 362 « Écologie ». Le rapporteur regrette particulièrement la faiblesse des moyens mis à disposition des collectivités pour anticiper et gérer le recul du trait de côte , alors que la loi « Climat et résilience » d'août 2021 leur confie de nouvelles responsabilités.
Cette année, les angles morts sont d'autant plus visibles avec la mise en place du plan « France 2030 » , qui n'apporte pas de financement supplémentaire pour la politique de prévention des risques.
Face à ce constat et compte tenu des enjeux qui s'annoncent pour le prochain budget 2023, sur proposition conjointe du rapporteur et du rapporteur François Calvet, la commission a adopté 1 amendement , visant à augmenter les crédits du programme 181 de 2 M€ , afin de permettre l'attribution de cette somme aux associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA) pour assurer le financement des coûts de fonctionnement (astreinte météorologique, temps et coûts de maintenance, temps consacré aux exercices de commandement des opérations de secours) du système de suivi environnemental des situations incidentelles et accidentelles , qui peuvent avoir des conséquences sur la qualité de l'air et les populations, comme l'a montré l'incendie des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen en septembre 2019.
Cette année encore, le rapporteur regrette que le plan de relance ne comporte pas davantage de crédits dédiés à la prévention des risques naturels, industriels et nucléaires . Il formule la même critique à l'égard du plan « France 2030 » .
Cette absence de moyens supplémentaires ne permet pas encore d'opérer un changement d'échelle pour plusieurs de nos politiques d' adaptation au changement climatique (érosion du trait de côte, gestion des conséquences des catastrophes naturelles) et de lutte contre les pollutions de toute nature (perturbateurs endocriniens, qualité de l'air, etc.). Ce déficit est particulièrement dommageable, car pour 1 euro investi dans la prévention, ce sont 7 euros économisés en matière d'indemnisation des dommages .
Des actualités nécessitant une vigilance accrue et un travail plus approfondi : « Fonds chaleur » - « StocaMine » - « Cigéo »
Chaleur : diverses mesures ont été engagées en 2021 pour renforcer le Fonds Chaleur 1 ( * ) . Le plan de relance a également permis d'accroître les moyens en faveur de la chaleur renouvelable dans les secteurs industriel, agricole et tertiaire (500 M€ sur 2020-2022). Le rapporteur estime toutefois que des leviers supplémentaires doivent être mobilisés dès à présent pour espérer rattraper le retard pris par rapport aux objectifs de la PPE .
En conséquence, la commission a adopté 1 amendement , co-signé avec le rapporteur François Calvet, visant à renforcer les moyens du Fonds Chaleur à hauteur de 450 M€ pour 2022 afin de permettre le financement de l'ensemble des projets actuellement en attente.
Cigéo : lors de l'examen du PLF 2022 à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à prolonger la contribution spéciale exigible auprès des producteurs de déchets et perçue par les groupements d'intérêt public constitués localement pour la mise en oeuvre du projet Cigéo jusqu'en 2025 , en lien avec le décalage du calendrier d'autorisation de création du projet 2 ( * ) (article 32 duodecies ). Le décret d'autorisation de création ( DAC ) ne devrait pas intervenir avant 2025, voire 2027 . La phase d'exploitation du site pourra alors débuter, pour s'achever à l'horizon 2150.
StocaMine : les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à permettre à l'État d'apporter une garantie financière à la société des Mines de Potasse d'Alsace à hauteur de 160 M€ jusqu'au 1 er janvier 2030, pour le stockage des déchets solubles et non solubles en couches géologiques profondes présents sur le territoire de la commune de Wittelsheim, afin de répondre à l'arrêt rendu par la Cour administrative d'appel (CAA) de Nancy, pour lequel l'État s'est d'ailleurs pourvu en cassation (article 39 octies ). Selon une étude du BRGM, le confinement définitif sans déstockage représente un coût de 87,32 M€ , le coût du déstockage uniquement des déchets solubles d'ici 2029, puis de leur confinement ailleurs représente entre 246 et 307 M€ , et le déstockage total d'ici 2029 puis un confinement ailleurs de l'ensemble des déchets solubles et non solubles représenterait un coût de 379 à 440 M€ .
La commission demeurera attentive à ces dossiers, qui ont déjà fait et feront encore l'objet de travaux au Sénat .
B. UNE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES DIFFICILEMENT LISIBLE MAIS TRADUISANT ENFIN LES ANNONCES « POST-LUBRIZOL » DU GOUVERNEMENT
La réduction d'effectifs pour le ministère de la transition écologique ( - 1,4 % ) apparaît moins importante cette année. Toutefois, sur les cinq dernières années, environ 5 500 postes auront été supprimés, soit une diminution de l'ordre de 13,5 % des effectifs . Si cette trajectoire était anticipée, la commission s'inquiète toutefois d'une érosion de l'expertise des grands opérateurs nationaux, constat qu'elle a d'ailleurs régulièrement formulé à l'occasion de l'examen de ce budget 2022. Ainsi, l'Ademe a massivement recourt à des contrats courts et a perdu 12 % de ses effectifs sous plafond en 5 ans.
Au-delà, le rapporteur salue la concrétisation de l'annonce faite par le Gouvernement après l'accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen en 2019 de renforcer les effectifs de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement à hauteur de 50 équivalents temps plein (ETP) . Même si les emplois auront finalement été créés sur deux exercices budgétaires (2021, 2022) alors que l'annonce initiale d'Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique à l'époque, portait sur le seul exercice 2021 , l'engagement a été tenu :
- en 2021 , 22 ETP supplémentaires ont été inscrits sur le programme 217 et 8 ETP ont été transférés au ministère du travail pour le contrôle des mines à ciel ouvert et des carrières, soit 30 ETP au total ;
- en 2022 , 14 ETP nouveaux sont prévus et 6 ETP seront apportés par repyramidage entre catégories C et A, soit 20 ETP au total.
Toutefois, dans les faits, cette information est très difficile à vérifier , compte tenu des marges de manoeuvre laissées aux préfets , à l'échelle des DREAL, pour répartir les postes dont ils bénéficient entre les différentes politiques ministérielles. Ainsi, certains postes affichés dans les tableaux des services ne correspondent pas toujours à des postes effectivement occupés... et leur suppression factuelle ne correspond pas toujours à des suppressions réelles de postes, comme en témoigne la situation de la DREAL Normandie.
En outre, la répartition géographique des postes attribués en 2021 peut sembler discutable , notamment au regard des enjeux de sécurité industrielle révélés par l'accident de Lubrizol et Normandie Logistique. Ainsi, la Normandie n'a bénéficié que de 0,9 ETP supplémentaire en 2021 contre 7,8 ETP pour la région Auvergne-Rhône-Alpes et 3,6 ETP pour la région Occitanie, à titre d'exemple.
Par ailleurs, en fonction des différents documents à la disposition du rapporteur (« bleu », réponses écrites, etc.), des écarts persistent dans les valeurs et les références considérées pour une même question posée , ce qui nuit considérablement à la portée de l'autorisation parlementaire sur le budget.
Enfin, comme l'an dernier, le rapporteur doute du réalisme de l'objectif affiché par le ministère de la transition écologique sur la hausse du nombre de contrôle de 50 % d'ici 2022 , compte tenu de l'exécution des exercices 2019 à 2021.
Le rapporteur se réjouit que la promesse du Gouvernement concernant le renforcement des effectifs de l'inspection des ICPE se concrétise enfin en 2022, même s'il regrette que la politique de gestion des ressources humaines soit particulièrement illisible. La commission approfondira prochainement ce point dans le cadre de travaux de contrôles dédiés aux suites de l' accident de Lubrizol et Normandie Logistique en 2019.
À l'occasion d'une réflexion à venir sur la prévention et la gestion des risques liés au transport et au stockage d' ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux , la commission maintiendra sa vigilance sur les effectifs mobilisés par le ministère pour les contrôles de terrain portant sur les installations faisant peser des risques pour les intérêts protégés par le code de l'environnement.
Enfin, la situation des ressources humaines de l'Ademe apparaît préoccupante aux yeux du rapporteur et l'opportunité de reporter la charge de travail sur ces contrats courts et intérimaires peut être discutée d'un point de vue budgétaire.
II. PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS ET SÛRETÉ NUCLÉAIRE : DES ÉVOLUTIONS MAJEURES À ACCOMPAGNER POUR LE PROCHAIN BUDGET 2023
A. « TEMPÊTE ALEX » : MENER À BIEN LES TRAVAUX DE RECONSTRUCTION ET RESTAURER L'ATTRACTIVITÉ DES ZONES LES PLUS TOUCHÉES
Le coût annuel moyen de réparation après des sinistres d'origine naturelle représente environ 1 Md€ à l'heure actuelle mais devrait augmenter de 50 % d'ici 2050 compte tenu de l'intensité et de la fréquence croissantes des évènements climatiques exceptionnels.
La tempête Alex , qui a particulièrement ravagé le département des Alpes-Maritimes dans la nuit du 2 au 3 octobre 2020, constitue, par son ampleur et son intensité, l'évènement de ce type le plus important qu'ait connu notre pays depuis la Seconde Guerre mondiale .
Face à une situation extrême aux plans humain et matériel, l'État a fait jouer la solidarité nationale et plusieurs dotations ont été mobilisées, notamment à partir du programme 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » 3 ( * ) et du programme 181 via le Fonds de prévention des risques naturels majeurs. Ainsi, en 2021 , 50 M€ ont été mobilisés sur le fonds Barnier par un amendement du Gouvernement lors de l'examen du PLF à l'Assemblée nationale. En 2022 , sur les 235 M€ de crédits de paiement disponibles pour le fonds Barnier, 30 M€ sont fléchés vers les Alpes-Maritimes.
Si la commission salue le volontarisme et la grande mobilisation des services de l'État , en particulier du préfet à la reconstruction Xavier Pelletier désigné par le Gouvernement, elle s'étonne d'une méthodologie encore perfectible pour la mobilisation des financements publics pour le traitement des dégâts. Elle souhaite par ailleurs que le dispositif expérimental de « Mieux reconstruire après une inondation » instauré l'an dernier 4 ( * ) soit effectivement mis en oeuvre.
En outre, d'une manière générale, le rapporteur regrette un manque de dynamisme dans la couverture des engagements et la consommation des crédits du FPRNM ouverts chaque année en loi de finances, qui entraîne in fine un manque de clarté sur le financement de la politique de prévention des risques.
Par ailleurs, le retour du fonds Barnier à un niveau de dépenses proche de celui des recettes perçues par l'État au titre des cotisations versées pour la garantie CatNat sur les contrats d'assurance, ne peut faire oublier le fait que le fonds a été ponctionné de 325 M€ entre 2015 et 2019. La commission se réjouit que la ponction ait cessé mais relève que les moyens pris sur « le bas de laine » de la politique de prévention des risques pour alimenter le budget général de l'État n'ont pas été réinscrits . Avant sa budgétisation en 2021 5 ( * ) , la trésorerie du fonds avait en effet été fortement entamée.
La commission se rendra dans le département des Alpes-Maritimes le 25 novembre prochain, avec une attention particulière pour la vallée de la Roya. Il s'agira de prendre la mesure des dégâts occasionnés par la tempête et d'apporter le soutien du Sénat aux populations et aux élus, en première ligne pour assurer la gestion des conséquences de cette catastrophe. La commission publiera prochainement ses principaux constats et propositions sur la prévention et la gestion des catastrophes naturelles.
B. SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET NOUVEAU PROGRAMME NUCLÉAIRE FRANÇAIS : DES MOYENS À METTRE AU SERVICE DES AMBITIONS
Face à une hausse de la consommation d'électricité à venir en France, qui pourrait passer de 475 TWh à 650 TWh en 2050 du fait de l'électrification des usages, notre pays est face à des choix cruciaux et assez urgents , compte tenu du temps nécessaire au déploiement des infrastructures de production, quelle que soit la technologie utilisée.
Au début du mois de novembre, le Président de la République a fait part de sa volonté d' engager la construction de réacteurs nucléaires de nouvelle génération , qui viendraient s'ajouter puis se substituer aux 56 réacteurs nucléaires actuellement en service dans notre pays. À ce jour, la construction de trois paires d'EPR II serait envisagée, soit 6 réacteurs au total, qui entreraient en service de façon échelonnée entre 2035 et 2040 .
La Cour des comptes 6 ( * ) souligne l'ampleur du défi économique, social, technologique, industriel et technique que suppose la création d'un nouveau parc de production électrique à partir de l'énergie nucléaire et les « lourdes conséquences sur l'adaptation des réseaux, la structuration des filières industrielles, l'emploi et les territoires » qu'elle emporte. Actuellement, la filière nucléaire représente 200 000 emplois et 2 000 entreprises, soit la 3 e filière industrielle en France après l'aéronautique et l'automobile. Le développement d'un nouveau programme nucléaire constitue donc une opportunité de développement territorial à saisir .
Si le rapporteur partage cette orientation et salue cette décision , il souhaite que des précisions soient apportées prochainement tant sur le calendrier de sa mise en oeuvre que sur son ampleur . Il conviendrait, en effet, de concevoir une politique industrielle et énergétique globale et durable , permettant d'une part, de sécuriser les approvisionnements de notre pays sur une longue période et donc de contribuer à garantir notre souveraineté économique, et, d'autre part, de capitaliser sur les compétences et procédés industriels acquis pour construire ces 6 nouveaux réacteurs.
L'annonce du Président de la République aura surtout pour conséquence d' alourdir un programme de travail déjà bien rempli pour l'ASN , notamment par le réexamen périodique des réacteurs de 900 et 1 300 MW et par la montée en puissance prochaine des exigences de contrôle sur les réacteurs de petite à moyenne puissance (30 à 400 MW), les SMR, dont le développement industriel sera accompagné via le plan « France 2030 ».
En termes de sûreté nucléaire, cette annonce soulève deux séries d'enjeux à titre principal :
- en premier lieu, pour gérer l'effet « falaise » lié à l'arrêt du parc nucléaire actuel, qui sera concentré sur une courte période compte tenu des dates rapprochées de sa mise en service initiale, la prolongation jusqu'à 60 ans , voire au-delà, d'une partie de ce parc impose une vigilance et une mobilisation renforcées de la part de l'ASN et des opérateurs qui lui apportent son expertise ;
- en second lieu, pour gérer la mise en service du nouveau parc , la définition d'une organisation et d'une méthodologie adaptées et particulièrement robustes pour le contrôle de la sûreté est nécessaire, tant pour garantir l'acceptabilité sociale du nouveau programme que pour assurer sa viabilité à long terme.
Ces deux chantiers doivent être menés de front, sans abaisser le niveau d'exigence de sûreté ni la prévisibilité temporelle des décisions et avis rendus par l'ASN, qui sont essentiels pour la filière industrielle et l'exploitant.
Les ressources du régulateur et de ses opérateurs partenaires devront être ajustées en conséquence à la fois sur le fonctionnement et sur les moyens humains . Le développement des SMR constitue également un défi parallèle pour lequel l'ASN sera appelé à mobiliser ses ressources de façon croissante dans les années à venir.
Si les effectifs de l'ASN ont été renforcés ces dernières années, il conviendra de poursuivre ce mouvement pour que les agents chargés du contrôle de la sûreté puissent accompagner les constructeurs et l'exploitant tout au long des processus de conception jusqu'à la mise en service des réacteurs . Il s'agit à la fois d'un impératif d'efficacité pour la filière industrielle et de sûreté pour le public.
Face à ces défis considérables pour la filière nucléaire française, le rapporteur souligne que les ressources humaines, techniques et financières de l'ASN devront être adaptées aux nouveaux enjeux de la sûreté nucléaire dans les années à venir.
Dans ce contexte, le rapporteur considère que la démarche visant à mieux retracer les crédits alloués à la politique de prévention des risques nucléaires en les regroupant dans un programme budgétaire dédié paraît encore plus légitime, même si ce choix de maquette relève du Gouvernement.
Pour le budget 2023, le rapporteur envisage de proposer des ajustements à la hausse des effectifs et du budget de l'ASN.
CHAPITRE II :
LES
CRÉDITS CONSACRÉS À LA BIODIVERSITÉ
ET À
L'EXPERTISE EN MATIÈRE
DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Réunie le lundi 22 novembre 2021, sous la présidence de Jean-François Longeot, la commission de l'aménagement et du développement durable a émis un avis défavorable sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et la biodiversité ainsi qu'à l'expertise, l'information géographique et la météorologie du projet de loi de finances pour 2022, sur la proposition du rapporteur Guillaume Chevrollier.
Alors que la France multiplie les initiatives pour devenir pionnière en matière de reconquête de la biodiversité et impulser des dynamiques internationales, la commission déplore que les crédits dédiés au sein de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » demeurent lacunaires au regard des ambitions affichées lors des rendez-vous internationaux de 2021, à l'occasion notamment du Congrès mondial de la nature à Marseille. La commission avait alors alerté sur la nécessité de passer des promesses aux actes pour répondre aux menaces pesant sur la biodiversité mondiale.
L'écart persistant entre les engagements annoncés et les moyens budgétaires et humains alloués à leur mise en oeuvre ne permettent pas d'enrayer le déclin de la biodiversité et mettent les opérateurs sous pression . Ce contexte fait craindre un déclassement de l'expertise française et une perte de crédit de la parole française à l'international .
I. UNE AUGMENTATION INSUFFISANTE DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA BIODIVERSITÉ ET UNE DIMINUTION PRÉOCCUPANTE DES MOYENS ALLOUÉS À L'EXPERTISE ET À L'INFORMATION
A. MALGRÉ DES CRÉDITS EN HAUSSE, DES MOYENS BUDGÉTAIRES TOUJOURS INSUFFISANTS POUR ENRAYER LE DÉCLIN DE LA BIODIVERSITÉ
Les crédits « Paysages, eau et biodiversité » financent les politiques de l'eau, la biodiversité, la protection du littoral et des milieux marins, les paysages et les ressources et usages du sous-sol (programme 113).
L'appréciation de cette hausse doit être tempérée : près d' un quart de l'augmentation des crédits du programme s'explique par le financement de mesures adoptées par le Parlement dans le cadre de la loi « Climat et résilience » , à l'instar de l'intensification des moyens de lutte contre l'orpaillage illégal (330 K€ dédiés au renforcement des opérations aériennes), la cartographie du recul du trait de côte (2 M€), des mesures localisées (0,5 M€). En outre, 1,8 M€ de crédits nouveaux résultent de transferts depuis le programme 217, dans le cadre de la reprise par l'OFB des laboratoires d'hydrobiologie et la gestion du corps des agents de l'environnement.
La mission « Plan de relance » prévoit également 97,7 M€ de CP pour la biodiversité sur les territoires (restauration écologique, aires protégées et protection du littoral) et 122 M€ pour la modernisation des réseaux d'eau , l'hygiénisation des boues et le plan eau outre-mer (programme 362). Ces mesures temporaires enclenchent une dynamique favorable aux projets : la commission se félicite de l'engagement des opérateurs, dont la mobilisation continue d'être forte, même si elle déplore la perte de lisibilité budgétaire que cela induit.
De plus, le budget vert , retraçant l'impact environnemental du budget de l'État, évalue à 92 % les dépenses neutres pour l'environnement , ce qui démontre la perfectibilité de la méthodologie : la commission plaide pour une meilleure cotation environnementale.
Ces efforts sont louables, mais manquent d'ampleur : ils ne traduisent pas les discours volontaristes et des engagements ambitieux de la France . Un rapport du CGEDD de juillet 2016 7 ( * ) chiffrait les besoins de financement complémentaires pour la biodiversité, hors fonds communautaires, à « au moins 200 M€ par an , voire 240 M€ selon les ambitions en matière de trame verte et bleue ».
Afin de respecter les engagements imposés au niveau européen et ceux pris par la France, les auteurs de ce rapport chiffrent à 394 M€ les mesures nécessaires au rétablissement de la biodiversité terrestre et marine. Encore faut-il souligner que cette estimation n'intègre pas les nouvelles ambitions et stratégies nationales élaborées entre temps ( e.g. 10 % du territoire sous protection forte).
B. L'EXPERTISE, L'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET LA MÉTÉOROLOGIE, DES PARENTS PAUVRES QUI SUBISSENT DES BAISSES CONTINUES DE CRÉDITS QUI MENACENT L'EXCELLENCE FRANÇAISE
Les crédits du programme 159 8 ( * ) passent de 481,93 M€ en 2021 à 471,19 M€ pour 2022, soit une diminution de 9,48 M€ (- 2,2 %). Le rapporteur exprime sa préoccupation concernant ces évolutions budgétaires : elles contraignent les opérateurs dans leur adaptation aux changements induits par la numérisation et l'ouverture des données publiques, tout en amenuisant leur capacité à répondre aux besoins de données complexes.
L' expertise publique et l'appui à l'ingénierie territoriale des collectivités doivent être favorisés, dans la mesure où ils contribuent à l'égalité des territoires. Il est tout autant essentiel d' assurer la souveraineté des données cartographiques et météorologiques pour préserver la fiabilité des modèles d'anticipation et de prise de décision.
C'est pourquoi la commission estime primordial de mettre un terme à la baisse des crédits et des effectifs du programme 159 .
II. DES OPÉRATEURS PUBLICS CONFRONTÉS À L'INJONCTION CONTRADICTOIRE DE FAIRE PLUS ET MIEUX AVEC MOINS
A. DES EFFECTIFS QUI NE CESSENT DE FONDRE DEPUIS LE DÉBUT DU QUINQUENNAT
Après plusieurs années de schéma d'emplois fortement négatif, l'année 2022 offre une pause bienvenue et permet la hausse des effectifs des opérateurs du programme 113 . Le conservatoire du littoral, les agences de l'eau et l'OFB bénéficient d'un schéma d'emplois stable et les parcs nationaux profitent de la création de 20 ETPT , pour accompagner le développement du parc national de Forêts (+ 10 emplois) et renforcer les effectifs des 10 parcs nationaux historiques.
La commission se félicite de cet effort ponctuel , même s'il intervient tardivement, après une baisse de 14 ETPT depuis 2010 et l'agrandissement du périmètre couvert du fait de la création de parcs nationaux (Calanques en 2012 et Forêts en 2019). Ce coup de pouce est insuffisant pour concrétiser l'ambitieuse stratégie nationale pour les aires protégées .
«
Les moyens et les effectifs alloués
à la gestion des aires protégées sont une
tragédie
pour la gestion de la biodiversité en
France.
»
Sandra Lavorel 9 ( * ) , entendue par la commission le 20 octobre 2021
La situation des agences de l'eau interpelle, alors que la France ne satisfait toujours pas aux objectifs de bon état des masses d'eau fixés par la directive-cadre sur l'eau : malgré la chute de 21 % de leurs effectifs entre 2010 et 2021, leurs missions n'ont cessé de se diversifier et de s'étoffer , en direction de la biodiversité et des milieux marins notamment.
Le schéma d'emplois des opérateurs du programme 159 continue d'être négatif ( baisse de 110 ETPT en 2022) . L'analyse cartographique, l'excellence météorologique ainsi que l'expertise scientifique et technologique au service de l'État et des collectivités sont mises en péril par des trajectoires budgétaires incompatibles avec le développement et le maintien de ces savoir-faire français . Depuis 2012, Météo France a ainsi perdu 923 ETP, ce qui obère ses capacités à maintenir une R&D d'excellence .
Ces opérateurs, qui font face à une intense concurrence internationale et doivent répondre à des demandes toujours plus complexes et gourmandes en ressources, sont arrivés au terme d'un processus de rationalisation et de mutualisation : la poursuite de schémas d'emplois négatifs menace désormais leur compétitivité et leur modèle économique, mais également - et c'est plus grave - leur capacité à répondre de manière satisfaisante à leurs missions de service public . Le rapporteur estime que la poursuite de cette tendance entraîne un risque sérieux de déclassement et de perte de compétences .
B. DES MOYENS BUDGÉTAIRES CONTRAINTS ET DES TRAJECTOIRES FINANCIÈRES DIFFICILEMENT TENABLES À MOYEN TERME
Au-delà des baisses d'effectifs problématiques, qui menacent de devenir insoutenables si elles se prolongent, les opérateurs font face à des contraintes fortes concernant leurs ressources et à des mécanismes à forts effets pervers.
III. UN BUDGET ENVIRONNEMENTAL AUX ANGLES MORTS TROP NOMBREUX
La commission déplore le manque de coordination nationale des moyens consacrés à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes et l'absence d'accompagnement des collectivités territoriales, démunies face à ce fléau dont le coût économique est estimé a minima à 368 M€ par an , plus que la totalité des moyens du programme 113 ! Un guichet unique, auprès d'un opérateur identifié avec des ETP dédiés, serait une piste intéressante.
En outre, la baisse continue des effectifs entraîne une moindre présence de l'État dans les territoires , une police de l'environnement moins efficace et des règlementations moins contrôlées : ces effets pervers nuisent à la crédibilité des stratégies environnementales .
TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de Mme
Bérangère Abba, secrétaire d'État
auprès
de la ministre de la transition écologique, chargée de la
biodiversité
(Mercredi 10 novembre 2021)
M. Jean-François Longeot , président . - Madame la secrétaire d'État, nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation. Je m'abstiendrai de tout propos liminaire pour laisser certains de nos collègues rejoindre leur circonscription en vue de participer, demain, aux cérémonies commémoratives du 11 novembre. Je vous cède immédiatement la parole.
Mme Bérangère Abba , secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité . - Je suis très heureuse de pouvoir échanger avec vous sur ce projet de loi de finances pour 2022, qui apporte de bonnes nouvelles pour la biodiversité en des temps de contrainte budgétaire.
La priorité est clairement donnée à la biodiversité, non seulement au travers du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », mais aussi de toutes les réflexions en cours avant la présentation de la prochaine stratégie nationale pour la biodiversité (SNB).
Cette politique de l'eau et de la biodiversité se structure par une cohérence entre nos différentes politiques publiques et ce que nous défendons au niveau international. La COP 26 réserve ainsi une large place à la question de la nature, puisque l'on sait aujourd'hui qu'il nous faut absolument décloisonner les raisonnements, nos politiques et les moyens dédiés. La voix de la France porte donc de hautes ambitions sur ces questions de biodiversité, sur lesquelles nous devons être exemplaires.
Le projet de loi de finances pour 2022 apporte quelque 3 milliards d'euros de financement budgétaire en faveur de la biodiversité, dont 244 millions pour le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ». Un apport exceptionnel du plan France Relance avec plus de 1 milliard d'euros pour 2021-2022 et des ressources fiscales via des redevances affectées, notamment aux agences de l'eau, à hauteur de 2,2 milliards d'euros.
Le programme 113 bénéficie en particulier de moyens importants avec sa dotation de 244 millions d'euros, en hausse de 30 % depuis la recréation de mon secrétariat d'État à la biodiversité. Cela correspond à une augmentation de 15 millions d'euros après une hausse, l'an passé, de 35 millions. Nous sommes donc en situation de reconquête, du point de vue budgétaire, des moyens dédiés à la biodiversité, hors moyens exceptionnels du plan de relance.
L'essentiel de ce budget est consacré à la lutte contre la perte de biodiversité. Il se concentre essentiellement sur les espaces, les espèces et l'eau. Parmi les 15 millions d'euros supplémentaires, je prévois de dédier 5 millions à la stratégie nationale pour la biodiversité afin d'amorcer immédiatement et concrètement les premières actions de déclinaison opérationnelle du plan.
Je propose ensuite de dédier 3,5 millions d'euros supplémentaires à la gestion durable des ressources minérales, qui doit nous permettre notamment de renforcer les actions de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane et l'élaboration d'une stratégie durable sur les approvisionnements critiques.
Nous disposons également de 2,3 millions d'euros supplémentaires pour l'Office national des forêts (ONF), dans l'optique d'un renforcement de la politique interministérielle de la forêt. Nous avions déjà augmenté, en 2020, cette dotation de 7 millions d'euros.
Enfin, 2 millions d'euros sont destinés au financement de cartographies dans le cadre du recul du trait de côte.
Pour la première fois depuis plus de dix ans, le plafond du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) augmentera en 2022 pour passer de 38,5 à 40 millions d'euros au profit du Conservatoire du littoral.
Le plan France Relance apporte des moyens conjoncturels via un apport de 1 milliard d'euros concernant directement ou indirectement la mise en oeuvre de nos politiques de l'eau et de la biodiversité pour la période 2021-2022 : 300 millions d'euros pour l'eau, 250 millions pour la biodiversité, 650 millions pour le fonds pour le recyclage des friches, 50 millions d'euros destinés aux haies ou encore 300 millions pour les forêts.
Ce volet écologique de restauration ou de construction d'infrastructures nouvelles dans les espaces et aires protégées comporte une enveloppe de 250 millions d'euros déployés par l'Office français de la biodiversité (OFB), les parcs nationaux, le Conservatoire du littoral ou nos services déconcentrés. Ils oeuvreront à hauteur de 135 millions d'euros à la restauration écologique, de 60 millions d'euros sur les aires protégées, de 40 millions sur la protection du littoral et de 15 millions sur le renforcement des barrages. À ce jour, les trois quarts des crédits sont d'ores et déjà engagés.
S'agissant du volet « eau » du plan France Relance, nous proposons 300 millions d'euros pour financer la modernisation des réseaux d'eau et d'assainissement, dont 50 millions pour les outre-mer. Cette mesure sécurise les infrastructures de distribution d'eau potable et d'assainissement ainsi que la gestion des eaux pluviales, ce qui permettra de renforcer la résilience de l'alimentation en eau potable en luttant contre les sources de contamination de l'eau. Elle vise la modernisation de 2 715 kilomètres de réseau d'eau en métropole et 41 kilomètres en outre-mer. Fin août, quelque 275 millions d'euros de crédits prévus pour 2020 et 2021 ont déjà été engagés budgétairement, soit plus de 90 % de l'enveloppe.
Hors plan France Relance, l'action des agences de l'eau se décline dans le cadre du onzième programme d'intervention 2019-2024. Après deux ans, ce programme plafonné à hauteur de 12,5 milliards d'euros présente un taux d'exécution global des prévisions de plus de 32 %.
Cette année, les nouvelles sont très bonnes s'agissant des effectifs qui sont en augmentation dans les parcs nationaux et dans les parcs naturels marins. Ce sont 20 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires qui sont dédiés à la montée en puissance du onzième et nouveau parc national de forêts et au renforcement des effectifs de tous les parcs nationaux.
Il n'était pas question que la création de ce onzième parc se fasse au détriment des parcs existants. Un effort a également été fait pour les effectifs des aires marines protégées via l'OFB. Je tiens en outre à saluer l'effort de nos opérateurs sur la mutualisation et les rationalisations, notamment au travers des fonctions support. Cette année encore, 2 635 emplois sont ouverts à l'OFB, lequel fait en outre l'objet d'un contrat d'objectifs et de performance en voie de finalisation.
Au-delà de cette présentation budgétaire, je tenais à vous faire part de notre réflexion globale sur le financement même de la biodiversité en France. Celui-ci est stratifié et il est aujourd'hui nécessaire de le revoir, tant pour mettre en valeur l'effort budgétaire de l'État que pour y apporter davantage de transparence.
Nous prônons des leviers d'action plus massifs et des outils plus récents sur lesquels il nous faut monter en puissance. On peut citer la réorientation de l'épargne individuelle vers des actifs verts, des outils qui conjuguent le label « bas-carbone » et la protection de la biodiversité, ainsi qu'un éventuel renforcement de la fiscalité dédiée à la biodiversité, comme l'a évoqué récemment le Président de la République. Citons enfin les nouveaux outils auxquels je suis très attachée, tels que les obligations réelles environnementales (ORE).
Vous le voyez, notre mobilisation est totale.
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - Lors de l'examen de la loi « Climat et résilience », le Sénat avait approuvé les mesures proposées par le Gouvernement et les députés sur le sujet majeur de la déforestation importée, c'est-à-dire, d'une part, la problématique des émissions de gaz à effet de serre (GES) importées lorsque nous consommons des produits qui contribuent à la déforestation dans leurs pays d'origine et, d'autre part, la problématique de l'érosion de la biodiversité qui résulte de la déforestation importée via la consommation de produits d'origine étrangère.
Le Sénat avait également enrichi ses dispositions, principalement au sein du volet « se nourrir », certaines d'entre elles ayant survécu à la longue commission mixte paritaire qui a permis d'aboutir à un accord avec les députés.
Où en est la mise en oeuvre de la plateforme prévue à l'article 270 de la loi « Climat et résilience », dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée ? Le décret prévu à l'article 272 de cette même loi pour accompagner l'État dans la réduction de l'achat de biens ayant contribué à la déforestation a-t-il été publié ?
Comment suivez-vous l'application de l'article 273 de cette loi, qui a été réécrit à l'initiative du Sénat pour traduire les propositions du rapport d'information intitulé Alimentation durable et locale que nous avons produit en lien avec la commission des affaires économiques ? C'est une disposition à laquelle je tiens particulièrement, car l'adoption de plans de vigilance, opposables aux entreprises, est une mesure puissante de prévention de la déforestation importée. Avez-vous pris l'arrêté définissant les catégories d'entreprises qui seront soumises à cette obligation d'élaborer un plan de vigilance, sur le modèle de la loi sur le devoir de vigilance en matière sociale ?
Enfin, pouvez-vous faire le point sur les échanges qui ont lieu en ce moment au sein de l'Union européenne en vue d'élaborer un cadre juridique commun de vigilance des entreprises par rapport à la déforestation importée ?
Mme Nadège Havet . - S'agissant des moyens prévus par le Gouvernement pour la politique de biodiversité en 2022, pourriez-vous être plus précise sur ceux mis en oeuvre pour établir la stratégie nationale pour la biodiversité ?
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur pour avis - Je salue votre engagement et votre discours sur la priorité donnée à la biodiversité dans notre pays.
Néanmoins, la hausse budgétaire de 15 millions d'euros semble assez légère au regard de tous les milliards annoncés ces derniers temps par le Gouvernement. En sus, je voudrais pointer quelques incohérences et contradictions.
Concernant la fiscalité, il est prévu à l'article 10 du projet de loi de finances pour 2022 la suppression de la réduction d'impôt sur le revenu pour les dépenses d'entretien des espaces naturels protégés. Pour une bonne politique de biodiversité, n'aurait-il pas été plus judicieux de le rendre plus efficient ?
S'agissant de la question centrale et de plus en plus sensible de l'eau, votre ministère a organisé les Assises de l'eau et le ministère de l'agriculture le Varenne de l'eau. Or nous sommes encore loin de respecter les objectifs fixés par la directive-cadre sur l'eau. Comment comptez-vous accentuer les efforts de la France vers l'atteinte du bon état des masses d'eau ? Pourquoi avoir fait le choix de ne pas relever le plafond mordant qui aurait pu accroître les moyens d'intervention des agences ?
Je voudrais évoquer le sujet des espèces exotiques envahissantes, angle mort de la politique française en matière de biodiversité. Les dégâts économiques sont considérables, estimés a minima par les scientifiques à 368 millions d'euros par an, uniquement pour notre pays. Les moyens sont éparpillés sur plusieurs opérateurs et trop souvent centrés sur la réparation des dégâts causés plutôt que sur la recherche et la prévention. Comptez-vous désigner un opérateur chef de file sur cette question et mobiliser des personnels dédiés ? Comment comptez-vous accentuer les efforts de la France en matière de prévention et de lutte contre les espèces exotiques envahissantes ?
M. Éric Gold . - Toujours concernant la lutte contre les espèces invasives, le frelon asiatique et le frelon oriental, classés danger sanitaire, menacent les ruches depuis plus de quinze ans. Vous m'avez indiqué lors de votre précédente audition devant notre commission qu'une stratégie nationale de prévention, de surveillance et de lutte contre le frelon asiatique avait été mise en place avec la filière apicole. Pouvez-vous m'en donner l'état d'avancement et m'indiquer si quelque chose est prévu dans le PLF à ce sujet ?
Des travaux sont-ils menés à une échelle internationale pour lutter contre ces phénomènes qui se multiplient et affectent fortement notre biodiversité ?
Mme Angèle Préville . - La pollution plastique ne doit pas constituer un angle mort de votre politique, car cette pollution croise les sujets du bon état de l'eau, de l'air, des sols et la problématique des espèces invasives. De plus, elle a un impact très fort sur la biodiversité.
Lors de l'examen de la loi « Climat et résilience », j'ai fait voter au Sénat un amendement visant à ce que soit indiqué sur les vêtements en fibre plastique le fait qu'ils libèrent dans l'environnement des microfibres tout au long de leur cycle de vie. Or cet amendement n'a pas dépassé l'enceinte du Sénat.
Que mettre en place contre cette pollution qui ne fait que s'accumuler ? Je précise qu'un petit plan ne me paraît pas suffisant.
M. Didier Mandelli . - Ma question porte sur le DAFN, payé par les propriétaires de bateaux supérieurs à 2,5 mètres et qui vient alimenter le budget du Conservatoire du littoral.
Vous avez évoqué la progression de ce budget de l'ordre de 1,5 million d'euros supplémentaires. Dans le cadre de la loi pour l'économie bleue, nous avions intégré une quote-part de ce DAFN en faveur de la filière nautique pour financer le démarrage d'une filière de recyclage, de traitement et de démantèlement des bateaux. Notre stock de bateaux est difficile à traiter, soit parce que les bateaux sont en déshérence, soit parce qu'ils sont stockés sans être traités.
Cette évolution du budget plutôt positive peut-elle permettre de prendre en compte ces bateaux en déshérence ? Je précise qu'un certain nombre de départements, dont la Vendée, prennent en charge le transport de l'épave vers le centre de démantèlement.
Mme Martine Filleul . - Madame la ministre, je salue votre engagement au service de la biodiversité ainsi que votre grand optimisme, notamment votre capacité à voir le verre tout à fait plein.
Pour ma part, je ne le vois pas exactement de la même manière et tenais absolument à vous le dire. Je considère que 15 millions d'euros pour la biodiversité est vraiment très peu, par rapport aux sommes actuellement abondamment déversées vers d'autres domaines. Ces 15 millions d'euros sont assez dérisoires eu égard aux enjeux actuels.
Pour ce qui concerne les effectifs, vous évoquez une hausse dans votre ministère, qui concerne le onzième parc naturel de forêts. Il est toutefois important de rappeler que le ministère de l'écologie a été sacrifié plusieurs années de suite et a perdu 4 000 ETP depuis 2018. La hausse à laquelle vous faites référence est donc tout à fait maigre.
Le budget que vous venez de nous présenter pour l'année 2022 est-il à la hauteur des enjeux ? Selon moi, la réponse est négative.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État . - Notre engagement sur la déforestation importée a effectivement constitué un gros travail, non seulement dans le cadre de la stratégie nationale préexistante, mais surtout dans sa mise en oeuvre.
Cette plateforme est opérationnelle et consultable par tous et permet aux citoyens comme aux entreprises d'accéder aux données des produits, aux commodités et aux lieux d'importation liés à la déforestation et donc de créer ce système d'alerte aux entreprises. Ce faisant, nous sommes tout à fait précurseurs, aux niveaux européen et international. J'ai participé à de nombreuses tables rondes à la COP 26 cette semaine sur ce sujet pour faire valoir cette expérience. Il nous reste à travailler sa gouvernance qui mêle de nombreux acteurs ainsi que l'anonymat des données, souvent sensibles. Il ne s'agit pas, en effet, de mettre à l'index, mais d'éclairer la politique d'achat de certains importateurs.
Nous avons également accéléré le déploiement du guide de l'achat public « zéro déforestation importée » qui s'enrichit d'une première mise à jour. L'achat public représentant potentiellement 10 % du PIB national, nous disposons d'un levier énorme.
En outre, nous nouons de manière très opérationnelle des contrats avec les filières soja dans le cadre des financements liés à la stratégie protéines végétales. En relocalisant cette production, l'objectif est de nous passer des importations de soja, lesquelles favorisent la déforestation. Il en va de même pour le récent plan Cacao durable, en lien avec les importateurs et les distributeurs. Ce me semble être un bel exemple de décloisonnement entre les secteurs public et privé.
S'agissant des 30 % d'augmentation de cette ligne budgétaire, vous savez l'effort et l'arbitrage conséquents que cela peut représenter. Mais arrêter cette érosion et mettre fin à l'hémorragie d'emplois, qui a d'ailleurs touché tous les opérateurs de l'État, dans un contexte de contrainte budgétaire et de dette que vous connaissez, doit se faire en responsabilité. Ce geste est extrêmement fort et salué par les opérateurs, notamment par les agences de l'eau, mais également au niveau européen et international. Les collectivités locales ont besoin d'être accompagnées et la mise en oeuvre de cette montée en charge ne doit pas être accélérée de manière inopportune.
S'agissant de l'eau, nous devons montrer à quel point la préservation des continuités écologiques est essentielle à la restauration de la bonne qualité des eaux. Le Varenne de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, que nous co-portons avec Julien Denormandie, montre que, trop longtemps, on a voulu opposer les politiques de l'eau et de la biodiversité et les politiques agricoles. Nous refusons de nous laisser caricaturer dans ces postures et nous travaillons à ce chemin commun. Le Varenne de l'eau s'inscrit pleinement dans les conclusions des Assises de l'eau. Nous devons construire ces chemins à l'équilibre entre enjeux de territoires, enjeux économiques et agricoles et enjeux de préservation de la biodiversité.
Il faut donc concilier la lutte contre l'amenuisement de cette ressource en eau et la nécessité de soutenir l'agriculture française, première à préserver au quotidien la biodiversité et à assurer notre souveraineté alimentaire.
Pour ce qui concerne les espèces exotiques envahissantes, je prépare un plan d'action contre l'introduction et la propagation de ces espèces, pour le début de l'année 2022. Son volet prévention sera très musclé, mais j'entends également démultiplier les actions sur le terrain et poursuivre la prévention, car le développement de ces espèces exotiques envahissantes provient généralement d'une maladresse humaine.
La pollution plastique se situe au coeur de nos réflexions. Le plan d'investissement France 2030 dédie 1 milliard d'euros au recyclage des plastiques. La suppression progressive des plastiques à usage unique sera au coeur des réflexions de la présidence française de l'Union européenne. Nous avons mené une action majeure et massive, ces dernières années, sur cette question des plastiques et je crois qu'on peut s'en féliciter.
S'agissant du DAFN, je sors quelque peu de mon champ de compétence, aussi je ne me prononcerai pas en détail. Toutefois, le plan France Relance permet de trouver les moyens de démanteler des péniches en état de délabrement avancé, en lien avec les collectivités et les préfectures.
Pour conclure, il me paraît plus utile non pas de regarder uniquement les chiffres du programme 113, mais de voir les choses de manière plus holistique en prenant en compte toutes les politiques que nous déployons en faveur du climat.
M. Jean-François Longeot , président . - Permettez-moi d'insister sur la problématique liée à la forêt.
C'est un sujet particulièrement inquiétant considérant les périodes de sécheresse qui ont eu lieu à la fois en 2018, 2019 et 2020 et les attaques de scolytes. Mon département est parsemé d'hectares et d'hectares de coupes blanches. En outre, on perçoit l'OPA de la Chine sur nos forêts, qui achète jusqu'à 50 % du bois. C'est aussi une question de manque à gagner pour les communes.
Comment lutter contre les émissions de gaz à effet de serre si nos forêts sont atteintes à ce niveau ? Nous devons développer des idées sur ce sujet et y allouer des moyens. Certaines collectivités ont la tentation, au lieu de planter des arbres, soit de rendre à l'agriculture ces espaces, soit d'y installer des panneaux solaires.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Je tiens à saluer le travail des entreprises, notamment les entreprises distributrices d'eau qui ont considérablement allégé le plastique dans leur processus de fabrication. Elles nous répètent d'ailleurs qu'elles peuvent fabriquer leurs bouteilles en verre, mais que la pollution s'en trouverait largement augmentée sur le transport.
S'agissant des arbres, on aperçoit aujourd'hui une démultiplication des maladies dans tous les secteurs et pour de nombreuses essences, ce qui fait hésiter les producteurs de bois à replanter.
S'agissant du contrat de plan État-région (CPER), la biodiversité sera-t-elle prise en compte dans les politiques publiques ou est-ce un budget complètement à part ?
M. Hervé Gillé . - Permettez-moi de revenir sur la question des agences de l'eau et du plafond mordant, à laquelle il me semble que vous n'avez pas répondu.
Les sollicitations des agences de l'eau s'accroissent aujourd'hui du fait de leurs nouvelles missions et nous devons trouver des stratégies de financement pertinentes. Nous avons également besoin de trouver des réserves de substitution d'eau potable pour créer des prélèvements plus équitables et plus durables. Nous pourrions mettre en place une évaluation des agences de l'eau pour étudier leur état financier. Je rappelle que si le plafond mordant a été appliqué, c'est qu'on a estimé que des réserves n'étaient pas mobilisées.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État . - Sur la question des forêts, je plaidais déjà, en tant que députée, pour ces assises de la forêt et du bois. Je suis du Grand Est, une région où l'on voit - si on ne les entend pas - mourir et souffrir ces forêts françaises. Il m'a toujours paru essentiel de nous projeter à long terme et de penser des politiques à vingt, trente ou cinquante ans, tout en approchant le sujet de façon holistique, pour penser la forêt dans son lien à notre activité économique, à notre politique de construction, aux enjeux stratégiques et internationaux. Il est nécessaire d'embrasser tous ces sujets de manière corrélée, sans oublier bien sûr les questions sanitaires, la problématique du stress hydrique et les épisodes de sécheresses, de plus en plus nombreux et fréquents.
Il s'agit aussi d'une question de sensibilité sociétale, qui nous oblige à réinterroger ce qu'est la gestion forestière. Les coupes rases émeuvent, par exemple, et elles ne sont pas toujours liées à des choix ou à une gestion forestière ancestrale ; elles nécessitent alors qu'on mette fin aux atteintes observées dans certaines parties de nos forêts. Toute une réflexion est ainsi menée aujourd'hui, qui inclut les propriétaires, les collectivités, l'ONF, et porte sur la question de la diversification des modes de gestion et des essences. Des expérimentations ont lieu, qui doivent être valorisées et contribuer à nourrir cet effort pour se projeter et imaginer une modification de nos paysages, une modification de nos représentations de ce qu'est la forêt française. Nous touchons là au coeur d'un sujet qui est profondément sociétal.
Tout ce travail vient de débuter. Il est passionnant et il mobilise fortement, avec des moyens qui, dans le contexte du plan France Relance, peuvent paraître minimes. Ils sont tout de même déjà très importants et ont été renforcés pour les forêts. C'est un travail global, et j'aurais pu vous parler aussi de la gestion des dégâts forestiers, tant le sujet des dégâts faits aux cultures est prégnant, dans les questions d'équilibre sylvo-cynégétique.
Une attention évidemment particulière est portée aux communes forestières (Cofor), dont j'ai entendu la surprise dans la mobilisation qui leur a été demandée aux côtés de l'ONF. Cependant, une fois la surprise passée, les Cofor tiennent à participer à cet effort national pour nos forêts. Elles attendent néanmoins de la visibilité, et il leur faut comprendre comment peuvent se réorganiser leur modèle et les équilibres économiques, car les forêts sont des éléments structurants de nos territoires. Le travail se conduit en commun et je remercie les Cofor de le poursuivre et d'avancer. À ce titre, je pense aussi aux agents de l'ONF, qui sont interrogés et bousculés dans leurs façons de faire, et ont besoin aujourd'hui d'être accompagnés ; ils ont entre les mains l'avenir de nos forêts françaises.
Cette mobilisation était essentielle et je remercie le Premier ministre de nous avoir missionnés, avec Julien Denormandie et Agnès Pannier-Runacher, pour traiter ces questions d'amont en aval, afin de dessiner les forêts françaises de demain.
Je n'oublie pas non plus les entreprises, et je vous rejoins sur ce point, monsieur de Nicolaÿ. J'étais hier soir avec le groupe LVMH, qui est évidemment très concerné par ces sujets, mais je rencontre aussi de très petites entreprises qui, au quotidien, essayent de trouver les moyens, veulent s'engager dans cette transition, mais ont besoin d'accompagnement dans la transformation de l'outil industriel français. Nous devons, dans la rapidité de la transition à l'oeuvre, donner de la visibilité au cadre législatif et réglementaire, mais aussi à notre vision, et il semble important de se donner des points de rendez-vous sur la trajectoire à suivre. Cela vaut pour les entreprises françaises, mais aussi au niveau international, dans les engagements que nous prenons. En termes de crédibilité, si nous voulons rassurer les marchés, il nous faut absolument être clairs sur nos objectifs.
J'en viens aux CPER, et plus largement au rôle des régions, puisqu'elles sont cheffes de file sur la question de la biodiversité. Les agences régionales de la biodiversité offrent un lieu central où se nouent des partenariats essentiels, qui se retrouvent ensuite dans les CPER, dans les partenariats avec les agences de l'eau, dans les projets de minimisation des impacts sur les infrastructures, dans la gestion des espaces de renaturation. Dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite « 3DS »), figure d'ailleurs la possibilité pour ces régions de se saisir de la gestion de ces espaces - la définition en revenant toutefois à l'État, pour que le niveau d'ambition demeure partagé au niveau national.
Ces évolutions à l'oeuvre ne se feraient pas
sans les collectivités régionales, qui sont devenues expertes sur
ces sujets et sont au plus près des enjeux locaux. En effet, et cela
m'apparaît clairement depuis le début de l'année, alors que
je réécris la SNB : nous pouvons définir de grands
axes, une vision, mais il nous faut être au plus près des
territoires. Et d'ailleurs, le niveau régional est parfois encore trop
grand et je vois bien comment, d'un bout à l'autre du Grand Est par
exemple, les considérations et les contextes diffèrent. Pour la
SNB, et en premier lieu pour la stratégie aires
protégées
- nous avons un gros effort à fournir,
de définition et de protection de notre réseau d'aires
protégées - j'ai demandé que la réflexion soit
menée dans la concertation avec les territoires, autour des
régions, mais aussi au niveau départemental. Il fallait que nous
retrouvions ces espaces de réflexion qui associent, au niveau local, des
agriculteurs, des chasseurs et des associations environnementales. Les projets
les plus solides et les plus pérennes se bâtiront dans cette
concertation, au plus près du terrain.
Je finirai en évoquant les agences de l'eau et la question du plafond mordant. Étant entourée de directeurs et d'anciens directeurs d'agences de l'eau, je peux vous assurer que la réflexion sur ces sujets tient une place importante au sein de mon cabinet. Le concept « l'eau finance l'eau et la biodiversité finance la biodiversité » doit s'incarner dans nos flux budgétaires et, vous l'avez dit, il faut être transparent à ce sujet, c'est essentiel en termes d'acceptabilité. Si l'on veut partager les objectifs et cet effort budgétaire nécessaire pour la nature - elle est, un peu comme la culture, un patrimoine assez immatériel et pour lequel le « retour sur investissement » est parfois difficile à imaginer et à quantifier -, alors il nous faut être transparents sur ces flux de financement et sur la participation de cette fiscalité à nos politiques.
Un groupe de travail se penche sur le sujet et il est trop tôt pour savoir quelles conclusions il en tirera. Toutefois, je voudrais partager un sentiment personnel sur cette question du plafond mordant : tout finit par se retrouver dans le budget de l'État. Certes, nous avons besoin de transparence et je plaide pour la biodiversité et pour une spécificité en termes de fiscalité affectée renforcée dans nos politiques. Mais je crois aussi que nous devons préserver cette vision de solidarité entre nos différentes politiques publiques, selon laquelle ce qui retombe dans le budget de l'État n'est pas perdu et participe à d'autres politiques, dont les ressources sont moindres et les besoins supérieurs. Il n'est pas possible de décorréler les politiques environnementales des politiques de santé ou d'éducation. La réflexion sur cet exercice d'équilibre budgétaire est loin d'être close, mais les politiques sont liées et le décloisonnement doit se retrouver dans les flux financiers. Nous avons vu naître l'OFB, qui est en partie financé grâce aux recettes des agences de l'eau. Cette question du plafond est presque un totem, et j'espère que nous réussirons à échapper à cette crispation pour développer une vision globale du financement de la biodiversité, ce qui peut également résonner en termes de financement des collectivités. Cette réflexion doit en tout cas se retrouver dans les sujets sur lesquels nous serons amenés à travailler ensemble, dans les mois et années qui viennent.
M. Jean-François Longeot , président . - Je vous remercie, madame la ministre, pour vos réponses, les efforts qui sont faits et votre volonté d'agir.
Examen
en commission des crédits consacrés la biodiversité
et
à l'expertise en matière de développement
durable
(Lundi 22 novembre 2021)
Réunie le lundi 22 novembre 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Plan de relance » - Crédits « Paysages, eau, biodiversité et expertise en matière de développement durable et météorologie » du projet de loi de finances pour 2022.
M. Jean-François Longeot , président . - Nous examinons les rapports budgétaires programmés mercredi. En effet, demain, la première partie du projet de loi de finances pour 2022 pourrait ne pas être adoptée, ce qui mettrait un terme à l'examen du budget par le Sénat. J'ai donc préféré anticiper pour que nos rapporteurs pour avis soient en mesure de nous présenter le travail qu'ils ont réalisé ces dernières semaines.
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau, à la biodiversité et à l'expertise en matière de développement durable et météorologie . - Mon rapport est consacré à l'analyse des crédits des programmes 113 et 159 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », portant sur la politique des paysages, de l'eau et de la biodiversité pour le programme 113, sur l'expertise, l'information géographique et la météorologie pour le programme 159 et sur les crédits associés au sein de la mission « Plan de relance ».
Au cours des neuf auditions budgétaires, qui m'ont permis d'entendre l'ensemble des opérateurs des deux programmes, j'ai acquis la conviction que les moyens consacrés à la biodiversité ne répondent pas à l'urgence environnementale et que les engagements du Gouvernement sont insuffisamment mis en oeuvre dans ce projet de loi de finances (PLF). Malgré des annonces volontaristes et des stratégies ambitieuses, force est de constater qu'elles ne trouvent pas de traduction budgétaire adéquate et que les arbitrages ont fait prévaloir la logique de Bercy sur celle de la biodiversité. Le « quoi qu'il en coûte » ne s'étend manifestement pas à l'environnement !
Le contexte est pourtant propice à relever des défis qui engagent la soutenabilité de notre société : la France a accueilli en septembre dernier le Congrès mondial de la nature à Marseille, à l'occasion duquel le Gouvernement s'est associé aux constats de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) concernant le déclin continu de la biodiversité. Le Président de la République a profité de cette occasion pour annoncer des mesures fortes en faveur de la biodiversité.
Nous, sénateurs, avons également pris la mesure des enjeux et apporté une réponse forte, en amendant avec responsabilité et ambition la loi « Climat et résilience » promulguée le 22 août dernier. Nous avons donné un coup d'accélérateur à la protection et la résilience de nos écosystèmes, guidés par la pertinente logique du développement durable, qui concilie la protection de l'environnement avec l'économie et le social. Entre autres mesures, nous avons donné une assise législative à la stratégie nationale pour les aires protégées et ses objectifs d'au moins 30 % d'aires protégées et 10 % sous protection forte, et à la non-régression des superficies couvertes entre deux actualisations, en associant les collectivités territoriales et en donnant aux maires de nouveaux moyens de police pour lutter contre l'hyperfréquentation des sites naturels et culturels patrimoniaux.
Notre boussole montrait le bon cap : j'en veux pour preuve l'adoption du Manifeste de Marseille, qui valide notre approche, en recommandant d'associer autant que possible l'échelon infranational aux mesures de protection de l'environnement et à faire confiance aux élus locaux.
Ces engagements portés par les parlementaires et l'exécutif dessinent une trajectoire intéressante, qui semble enfin avoir pris la mesure des menaces sur la biodiversité. Mais l'observation attentive des crédits du programme 113 ne fait pas ressortir ces ambitions. Malgré une hausse de 6,5 % et une dotation qui augmente de 13,3 millions d'euros à périmètre constant, pour un total de 244 millions d'euros, nous sommes toujours bien en deçà des financements nécessaires à la biodiversité, même si l'on peut se réjouir des crédits mobilisés au sein de la mission « Plan de relance », qui consacre 97,7 millions d'euros de crédits de paiement à la biodiversité sur les territoires - restauration écologique, aires protégées et protection du littoral - pour soutenir la production des atlas de la biodiversité communale, construire deux passes à poissons sur le Rhin ou encore réhabiliter certains points d'accueil du public dans les aires protégées.
Un rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de juillet 2016 avait mis en avant un manque à financer d'au moins 200 millions d'euros par an en faveur de la biodiversité, et recommandait de porter les crédits du programme 113 à 394 millions d'euros. En se référant au scénario médian et sans procéder à l'actualisation requise par les nouvelles stratégies élaborées depuis lors, le manque à financer pour la biodiversité est de l'ordre de 150 millions d'euros pour 2022 : c'est donc seulement 62 % des besoins de financement qui sont couverts. Le déficit cumulé s'élève à 986 millions depuis 2018. Le compte n'y est manifestement pas.
Ainsi que je le soulignais dans mon récent rapport d'information à la suite du déplacement de la commission au Congrès mondial de la nature, il est temps de passer des promesses aux actes. L'étude économique de l'OCDE « France 2021 », publiée le 18 novembre dernier, pointe la même insuffisance : elle souligne que « la France s'est fixée des objectifs environnementaux ambitieux » , mais constate que « l'écart entre les résultats et les principaux objectifs se creuse : malgré tous les efforts entrepris depuis plusieurs années, la France se situe encore en deçà de ses objectifs de meilleure préservation de la biodiversité ».
Concernant le programme 159, la situation est encore plus préoccupante : les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme - le Commissariat général au développement durable (CGDD), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema), l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et Météo France - diminuent de 9,48 millions d'euros, soit une baisse de 2,2 % par rapport à 2021. Ces évolutions contraignent les opérateurs dans leur adaptation aux changements induits par le numérique et les nouvelles attentes en matière de services. L'ouverture des données publiques, non compensée, nuit à leur faculté d'assurer la souveraineté et la fiabilité des données cartographiques et météorologiques, essentielle pour préserver la pertinence de nos modèles d'anticipation et de prise de décision.
Le devenir du Cérema, centre d'expertise publique précieux pour l'accompagnement de l'ingénierie territoriale de l'État et des collectivités territoriales, a ainsi fait l'objet d'une mise en garde sévère dans un rapport conjoint du CGEDD et de l'Inspection générale de l'administration (IGA) : son « pronostic vital est engagé », son « modèle économique est insoutenable », ce qui crée un « risque important de déclassement technique » . Est-ce vraiment ce que nous voulons pour notre expertise publique ?
Météo France est également dans une situation inconfortable, avec une baisse de 20 % de sa subvention depuis dix ans, alors que le nombre d'acteurs météo-sensibles progresse et que 25 à 30 % de notre PIB dépend des conditions météorologiques. Un rapport de contrôle de notre collègue des finances Vincent Capo-Canellas a bien mis en évidence ces tendances, d'autant plus préoccupantes que les bénéfices socio-économiques de la délivrance de services météorologiques sont estimés entre 3,4 à 8 fois son budget. Il est essentiel que cet opérateur puisse développer des modèles de vigilance capables de mieux anticiper les événements dangereux, dont il est à craindre qu'ils ne se multiplient ces prochaines années.
Un autre sujet d'inquiétude ressort nettement des auditions que j'ai menées : les effectifs des opérateurs ne cessent de fondre depuis le début du quinquennat. Depuis 2018, 710 équivalents temps plein (ETP) ont été supprimés, dont une baisse de 12 % des effectifs de Météo France et 11 % pour le Cérema. Seul point positif : le schéma d'emplois sera stable en 2022 pour les opérateurs du programme 113, et les parcs nationaux bénéficieront de la création de 20 ETP, 10 pour accompagner le développement du onzième parc national et 1 pour chacun des autres parcs. Je salue cet effort ponctuel, même s'il intervient après une baisse de 14 ETP depuis 2010 quand, dans le même temps, deux nouveaux parcs ont été créés - Calanques et Forêts - et que les Français ont massivement fréquenté ces espaces au sortir des confinements successifs. Le compte n'y est pas pour concrétiser l'ambitieuse stratégie nationale pour les aires protégées. Sandra Lavorel, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste des écosystèmes terrestres, avait déploré devant notre commission, en octobre dernier, que « les moyens et les effectifs alloués à la gestion des aires protégées sont une tragédie pour la gestion de la biodiversité en France ».
La situation des agences de l'eau est également préoccupante : leurs effectifs ont diminué de 21 % depuis 2010, alors que leurs missions n'ont cessé de se développer, notamment en direction de la biodiversité et des milieux marins depuis la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Je rappelle que nous sommes toujours loin de l'objectif fixé pour 2027 par la directive-cadre sur l'eau d'un bon état des masses d'eau. On a vu le rôle positif que les agences de l'eau ont joué auprès des collectivités territoriales pendant la crise sanitaire ; ce sont des outils essentiels, qui assurent le soutien de projets à fort effet de levier et l'adaptation de nos territoires au changement climatique.
Le schéma d'emplois du programme 159 continue d'être négatif, avec une baisse de 110 ETP en 2022. Depuis 2012, Météo France a perdu 923 ETP, ce qui obère ses capacités à maintenir une recherche et développement de pointe. Le Cérema a également vu ses effectifs s'amenuiser depuis sa création en 2014, de 3 045 à 2 382 ETP, ce qui correspond à un important effort de rationalisation de l'établissement. Ces tendances mettent à mal l'excellence météorologique et l'expertise scientifique et technique au profit de l'État et des collectivités territoriales. Ces opérateurs, soumis à une forte concurrence, doivent répondre à des demandes toujours plus complexes et exigeantes en ressources. Ils sont arrivés au terme d'un processus de rationalisation et de mutualisation. La poursuite de cette tendance menace désormais leur compétitivité et leur modèle économique, mais également - et c'est plus grave - leur capacité à répondre de manière satisfaisante à leurs missions de service public : poursuivre sur cette voie, c'est courir le danger du déclassement et de la perte de compétences. Les opérateurs n'ont plus de marges de manoeuvre et sont d'ores et déjà contraints de faire des choix dans l'exercice de leurs missions.
Outre des dotations budgétaires inférieures aux besoins et les inquiétantes pertes d'effectifs, plusieurs mécanismes engendrent des effets pervers. J'en citerai trois dont les conséquences sont particulièrement dommageables pour les opérateurs.
Le « plafond mordant » des agences de l'eau, qui prévoit un maximum annuel de recettes fiscales encaissées par les agences au-delà duquel l'excédent est reversé au budget général de l'État, ne sera pas relevé en 2022, ce qui limite les interventions financières des agences, alors que les assises de l'eau et le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique montrent à quel point la question de l'eau est sensible - le secteur reçoit 250 millions d'euros alors qu'il faudrait dix fois plus d'investissement pour la qualité de l'eau et préserver la ressource. Le constat est clair, il faut maintenant investir.
Le choix de l'ouverture des données publiques, qui engendre d'importants manques à gagner non compensés, bouleverse le modèle économique des opérateurs générant de telles données. Pour Météo France, les conséquences sont évaluées à 1,4 million d'euros de perte directe et à 5 millions d'euros de pertes indirectes de recettes commerciales.
Enfin, le passage au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep) et les mesures de revalorisation salariale décidées nationalement engendrent également un surcoût important pour les opérateurs, estimé à 4 millions d'euros pour l'IGN ou 4,3 millions d'euros pour le Cérema et ce, sans compensation.
Enfin, ce budget compte un trop grand nombre d'angles morts. Les moyens consacrés à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes manquent de coordination et la stratégie est inefficace pour faire face à ce fléau estimé à 368 millions d'euros par an, soit plus que le programme 113 dans son ensemble. Vous le savez, les collectivités territoriales sont démunies face à cette problématique et ne savent pas vers qui se tourner quand elles y sont confrontées.
La secrétaire d'État à la biodiversité nous a annoncé qu'elle nous présenterait un nouveau plan d'actions début 2022 ; un guichet unique, auprès d'un opérateur identifié et des effectifs dédiés, pourrait être une piste intéressante. Rien n'est cependant clair à ce stade et je serai attentif aux propositions qui seront faites.
Enfin, plusieurs personnes entendues en audition m'ont indiqué que la baisse continue des effectifs entraînait une moindre présence de l'État dans nos territoires, une police de l'environnement moins efficace et des règlementations moins contrôlées. Je l'ai constaté ce matin dans mon département, où les responsables de l'Office français de la biodiversité (OFB) de Mayenne m'ont fait part du manque d'effectifs, ce qui nuit à la crédibilité de nos stratégies environnementales. La préservation de la biodiversité mérite que l'on y consacre des moyens budgétaires mieux calibrés, des effectifs pérennes et que soient financées les ambitions que la France défend sur la scène internationale.
Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs aux paysages, à l'eau et la biodiversité ainsi que ceux qui sont relatifs à l'expertise, l'information géographique et la météorologie. En revanche, je vous propose d'émettre un avis favorable aux crédits consacrés à l'écologie de la mission « Plan de relance ».
M. Jean-François Longeot , président . - Merci pour la qualité de ce travail.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs aux paysages, à l'eau, à la biodiversité et à l'expertise en matière de développement durable et météorologie et un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'écologie de la mission « Plan de relance ».
Examen en commission des crédits consacrés à la
prévention des risques
(Lundi 22 novembre 2021)
Réunie le lundi 22 novembre 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Plan de relance » - Crédits « Prévention des risques » du projet de loi de finances pour 2022.
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques . - Pour la deuxième année, je vous présente mon rapport sur les crédits dédiés à notre politique de prévention des risques naturels, industriels, technologiques et nucléaires, crédits qui concourent également au développement de l'économie circulaire. J'ai procédé à cinq auditions à titre principal.
Le financement de cette politique me tient particulièrement à coeur, car il permet d'agir très concrètement pour réduire à la source ces risques, au bénéfice de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos infrastructures.
Comme l'an dernier, ces moyens sont rassemblés dans les programmes 181 et 217 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ce dernier programme portant les crédits des personnels dédiés à la politique de prévention des risques, ainsi que dans la mission « Plan de relance ».
Cette année, j'aurais cinq observations principales à partager avec vous et une proposition d'amendement.
Première observation : ce budget pour 2022 est stable et s'inscrit dans la continuité de l'exercice 2021 et du quinquennat.
L'an dernier, plusieurs éléments importants étaient intervenus : budgétisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), reconduction de la réduction d'impôt pour risque sismique, prorogation du crédit d'impôt pour les travaux prescrits par des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), définition de la fiscalité applicable au projet du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), notamment.
D'ailleurs, cette année, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à prolonger la contribution spéciale exigible auprès des producteurs de déchets et perçue par les groupements d'intérêt public (GIP) constitués localement pour la mise en oeuvre du projet Cigéo jusqu'en 2025, en lien avec le décalage du calendrier d'autorisation de création du projet. Comme vous l'avez sans doute vu, le dossier de demande de déclaration d'utilité publique (DUP) de Cigéo a été déposé en août 2020 par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), il comprend les 17 avis favorables et 7 avis défavorables des collectivités concernées ainsi que les évaluations socio-économiques. L'enquête publique préalable à la DUP a démarré en septembre 2021. L'obtention de la DUP est prévue pour fin 2021 et un décret d'autorisation de création (DAC) sera encore nécessaire avant de lancer véritablement l'exploitation du site, qui ne devrait pas intervenir avant 2025, voire 2027. La phase d'exploitation du site pourra alors débuter, pour s'achever à l'horizon de 2150.
Autre élément pour 2022, le Gouvernement a déposé un amendement, dans le cadre de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022, au sein des articles non rattachés, pour apporter une garantie financière à la société des Mines de potasse d'Alsace, pour le stockage des déchets solubles et non solubles en couches géologiques profondes présents sur le territoire de la commune de Wittelsheim. Il s'agit du dossier « StocaMine », que certains d'entre vous connaissent bien.
Pour répondre à l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel (CAA) de Nancy, pour lequel il s'est d'ailleurs pourvu en cassation, l'État souhaite apporter une garantie financière à hauteur de 160 millions d'euros jusqu'au 1 er janvier 2030, afin de montrer que la société concernée pourra assumer l'ensemble des coûts liés à un stockage à durée illimitée de ces déchets.
D'autres solutions ont été envisagées. C'est un dossier particulièrement complexe, avec des implications très fortes en fonction des solutions retenues.
Ces deux dossiers, Cigéo et StocaMine, pourraient d'ailleurs faire l'objet d'un suivi plus précis de la part de notre commission, notamment avec des déplacements, comme nous l'avons déjà évoqué en Bureau et avec Marta de Cidrac, qui a conduit des travaux sur StocaMine dans le cadre du groupe d'études relatif à l'économie circulaire dont elle assure la présidence.
Pour le programme 181, derrière une baisse de 15 % des autorisations d'engagement (AE), à 1 milliard d'euros pour 2022 par rapport à la loi de finances initiale 2021, et une hausse de 8,5 % des crédits de paiement (CP), à 1 milliard d'euros également, se cache en fait le retour à une situation « normale » pour le programme 181. La ventilation des crédits entre les actions est très proche.
L'an dernier, des fonds importants avaient été inscrits sur la nouvelle action portant le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds « Barnier », tant pour couvrir des engagements passés que pour faire face aux dégâts très importants de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes.
Cette année, les hausses résultent d'un saupoudrage sur plusieurs actions, dont un renforcement des crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), pour 50,7 millions d'euros, et 30 millions d'euros pour le FPRNM, en lien avec la tempête Alex.
La réduction d'effectifs pour le ministère est moins importante cette année, soit - 1,4 %, mais la réduction totale sur cinq ans aura tout de même été de - 13,5 %, correspondant à environ 5 500 postes supprimés.
Si cette trajectoire était anticipée, je m'inquiète toutefois d'un mouvement parallèle d'érosion progressif de l'expertise dans nos grands opérateurs, ce qui rejoint les observations formulées précédemment par mes collègues rapporteurs pour avis. Ainsi, l'Ademe a massivement recours à des contrats courts pour mener à bien sa mission et elle a perdu 12 % de ses effectifs sous plafond en cinq ans. Si elle parvient à attirer des profils de grande qualité selon son président, Arnaud Leroy, il est difficile de maintenir cette ressource dans la durée.
Certains champs d'action sont ainsi délaissés comme le bruit ou certaines pollutions atmosphériques, quand d'autres sont priorisés, en lien avec les moyens proposés par le Gouvernement, à l'image du fonds « Sols », qui sera mis en place par l'Ademe.
Deuxième remarque, dont je vous avais déjà fait part l'an dernier : le plan de relance est décevant et insuffisant pour la prévention des risques naturels et industriels.
Même si les crédits dévolus à l'économie circulaire sont importants, ils ne font pas oublier ce manque.
D'ailleurs, parmi les éléments qui m'ont été transmis par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) s'agissant de la liquidation du plan de relance, il n'est pas fait mention des mesures prises en faveur de la protection et de l'adaptation face au recul du trait de côte.
Pour 2022, environ 15 millions d'euros sont inscrits pour la protection du littoral dans la mission « Plan de relance » et 4 millions d'euros pour le renforcement des barrages. Le Gouvernement demande également 2 millions d'euros pour la construction de 17 abris anticycloniques en Polynésie française et 13,3 millions d'euros pour renforcer la solidité et la résilience de 20 bâtiments en lien avec le plan Séismes aux Antilles.
Les montants demeurent donc encore modestes pour la prévention des risques, alors que des moyens seraient nécessaires pour opérer un changement d'échelle sur plusieurs de nos politiques d'adaptation au changement climatique et de lutte contre les pollutions de toute nature, pour l'environnement et nos concitoyens.
Troisième remarque : l'un des enjeux centraux du programme pour le prochain exercice, à savoir le budget pour 2023, sera la sûreté nucléaire, compte tenu de l'annonce du Président de la République, qui demeure encore floue à ce stade d'ailleurs sur l'ampleur des investissements et des sites concernés, de déployer un nouveau programme nucléaire national, visant la construction d'au moins six réacteurs de nouvelle génération.
Cette annonce aura pour conséquence d'alourdir un programme de travail déjà bien rempli pour l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), notamment par le réexamen périodique des réacteurs de 900 et 1300 mégawatts (MWe) et par la montée en puissance prochaine des exigences de contrôle sur les réacteurs de petite à moyenne puissance - 30 à 400 MWe -, les SMR, qui bénéficieront d'un soutien via le plan France 2030 annoncé récemment et traduit dans le budget par un amendement du Gouvernement.
D'après les travaux préparatoires qui ont été conduits notamment par Bercy, le coût total de la construction et de la mise en service de trois nouvelles paires de réacteurs EPR II représenterait 47,2 milliards d'euros au total.
Il est évident que les ressources mises pour assurer le contrôle de la sûreté nucléaire et l'inspection des sites, à tous les stades pertinents avant et après leur mise en service, devront être ajustées en conséquence.
Ce renforcement devra porter à la fois sur le fonctionnement, pour permettre aux opérateurs de l'expertise et du contrôle de la sûreté nucléaire, en particulier l'ASN, de renforcer leurs connaissances des risques et leur méthodologie, sur les effectifs, qui s'établiront à 444 ETPT en 2022 hors mesures de périmètre, contre 392 en 2017 hors mesures de périmètre, pour assurer une présence sur le terrain à la hauteur des enjeux - en 2022, 2 ETP supplémentaires assureront le fonctionnement de l'ASN, représentant 1 ETPT - et sur son indépendance.
Je resterai attentif à ces points et vous proposerai sans doute des amendements l'an prochain si vous me renouvelez votre confiance pour examiner ce budget.
Une réflexion doit donc être engagée sur les moyens de l'ASN et il faudra également suivre l'avancement de l'affaire qui a éclaté récemment à propos de manquements à la sûreté supposés dans la centrale du Tricastin. Un salarié a déposé plainte contre EDF pour « mise en danger de la vie d'autrui » et « infractions au code pénal, au code de l'environnement et au code du travail et à la réglementation sur les installations nucléaires », évoquant notamment une surpuissance du réacteur 1 en 2017 et une inondation interne en 2018, qui n'auraient pas donné lieu à un signalement dans les formes à l'ASN.
Ma quatrième observation est en lien avec nos travaux sur Lubrizol et concerne les effectifs de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).
L'engagement de la ministre est bien respecté : 50 postes d'inspecteurs en ETP, pour un total de 1 427 ETP pour 2022, auront vu le jour en deux ans, même si Élisabeth Borne avait initialement annoncé 50 postes dès 2021... Toutefois, cette information n'est pas simple à vérifier ni totalement précise, compte tenu des marges de manoeuvre laissées aux préfets, à l'échelle des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). En outre, certains postes affichés dans les tableaux des services ne correspondent pas toujours à des postes effectivement occupés et la suppression factuelle des lignes qui se rapportent à ces postes ne correspond donc pas à des suppressions de postes...
La politique de ressources humaines est donc difficilement lisible.
Quoi qu'il en soit, dans les documents budgétaires de 2021, on a constaté une hausse effective de 22 ETP et un transfert de 8 ETP vers le ministère du travail pour le contrôle des mines à ciel ouvert et des carrières, correspondant à 30 postes. Toutefois, la répartition géographique de ces 30 nouveaux postes, trouvés par repyramidage entre catégories C et A en 2021, est très inégale. On compte, par exemple, 0,9 ETP pour la région Normandie, 7,8 pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, 3,6 pour la région Occitanie.
Dans les documents budgétaires de 2022, la hausse sera de 14 ETP nouveaux en net et 6 ETP par repyramidage entre catégories C et A.
Au total, ces 20 postes, s'ajoutant aux 30 de l'an dernier, font que l'on arrive à 50.
À l'heure actuelle, un inspecteur intervient sur environ 420 sites par an et le nombre de contrôles a été divisé par deux en quinze ans. Par rapport aux 18 200 visites réalisées en 2018, l'objectif de 27 200 visites annuelles sera atteint en 2023 selon l'administration, ce qui correspond à peu près au calendrier initial de l'annonce de la ministre pour la hausse de 50 % des contrôles.
Enfin, ma cinquième et dernière observation concerne les risques naturels, compte tenu de notre déplacement dans les Alpes-Maritimes, le 25 novembre prochain, qui vise à mesurer les conséquences de la tempête Alex intervenue fin 2020 et à suivre l'avancée des travaux de reconstruction.
Dans le PLF pour 2022, les moyens dédiés aux risques naturels sont confortés pour la seconde année avec le maintien de la budgétisation du FPRNM. Cette budgétisation s'effectue à un niveau important cette année encore, à hauteur de 235 millions d'euros, après 415 millions l'an dernier, mais elle ne peut faire oublier le fait que le fonds a été ponctionné de près plus de 300 millions d'euros sous ce quinquennat.
Je me réjouis que cette ponction ait cessé, d'autant plus que le fonds est de plus en plus mobilisé et que la pression sur le financement de la prévention et du traitement des risques naturels va s'amplifier au cours des prochaines années.
L'amendement que je vais vous proposer a été élaboré en concertation avec notre collègue François Calvet, qui a travaillé sur le programme 174, comportant à titre principal les crédits délégués aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) en France : je vous propose de leur attribuer 2 millions d'euros supplémentaires, afin qu'elles participent au service de prélèvements atmosphériques pour les situations d'urgence, dont le régime a été renforcé à la suite de l'accident de Lubrizol et qui impose des exigences accrues pour certaines installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sensibles.
L'objectif est de participer, avec ces 2 millions d'euros, au financement des coûts de veille et de fonctionnement du dispositif de prélèvements, car son intervention au cas par cas donnera lieu à un financement de l'exploitation concernée. Je souhaite souligner combien ces associations manquent de crédits pour assumer leurs missions qui sont essentielles.
Tels sont les principaux éléments dont je souhaitais vous faire part pour ce budget 2022.
Après un budget de changements en 2021, le budget pour 2022 s'inscrit dans la stabilité, et le rendez-vous est pris pour 2023 avec des échéances importantes à plusieurs titres.
En conséquence et en cohérence avec l'avis favorable émis l'an dernier, je vous propose un avis favorable sur le vote des crédits du programme 181.
M. Didier Mandelli . - Je souhaiterais rappeler ce qu'est devenu le fonds « Barnier », qui a été supprimé en tant qu'outil autonome par la budgétisation opérée en 2021.
Comme chaque année, le prélèvement opéré sur les contrats d'assurance habitation et automobile correspond à une recette d'environ 230 millions d'euros.
Ces recettes alimentent désormais le budget de l'État alors qu'elles sont censées alimenter directement notre politique de prévention des risques naturels, en contribuant à la prise en charge de dépenses de prévention, de protection et d'indemnisation.
J'ajoute que le fonds n'était pas à un niveau « 0 » ! Entre les crédits délégués aux préfectures mais non engagés ou non consommés et le solde de trésorerie, les ressources du fonds représentaient environ 700 millions d'euros, qui ont également été versées au budget général de l'État.
Je considère donc qu'il y a un décalage énorme entre les besoins mesurés sur le terrain, notamment par rapport au recul du trait de côte - des digues ne sont pas financées et réalisées, par exemple - qui est complément disproportionné.
Je comprends pourquoi le Gouvernement a souhaité budgétiser ce fonds, cela permet plus de flexibilité de gestion !
Je rappelle que ce fonds est alimenté par des cotisations sur nos assurances - entreprises, collectivités, particuliers. La recette est toujours là mais les moyens ne sont pas affectés en conséquence.
Les ressources du fonds ont été ponctionnées puis plafonnées à plusieurs reprises, nous nous sommes tous battus pour supprimer ce plafond.
C'est donc un tour de passe-passe qui est réalisé par le Gouvernement sur ce fonds et lui permet de récupérer des centaines de millions d'euros sans pour autant les consacrer tous à la politique de prévention des risques.
M. Jean-François Longeot , président . - Notre commission s'exprime en effet régulièrement sur ce sujet...
M. Joël Bigot . - J'abonderai dans le même sens que mon collègue Didier Mandelli : désormais les cotisations des assurés alimentent le budget général, par un tour de passe-passe, au lieu de servir directement le financement de la politique de prévention des risques.
Article 20 (État B)
L'amendement II-79 est adopté.
M. Joël Bigot . - Vous l'avez dit, monsieur Martin, la politique des ressources humaines est difficilement déchiffrable, et si l'on ajoute à cela l'illisibilité du fonds Barnier, ce rapport soulève bien des questions. Le dérèglement climatique va entraîner une hausse des moyens nécessaires pour la prévention des risques et nous devrons y répondre car les crédits correspondants sont condamnés à augmenter, si la France veut être à la hauteur des enjeux.
J'aimerais revenir sur les risques industriels. Vous avez mentionné le site de Lubrizol, pour lequel le Gouvernement avait promis de recruter des inspecteurs des installations classées. Cette promesse semble avoir été tenue mais il faudra aller plus loin car la prévention des risques devra être renforcée pour d'autres sites dans les années à venir.
Je tiens enfin et surtout à évoquer l'Ademe, véritable bras armé de la transition écologique. En effet, à ce jour, si le nombre de salariés est stable, de nombreux contrats restent précaires. Si l'on veut donner à l'expertise publique et gouvernementale toute sa dimension, on ne peut se satisfaire de cette politique qui, au mieux, pourrait conduire à privatiser l'expertise et il ne s'agirait plus alors d'une politique publique d'accompagnement de la transition écologique. Les effectifs sous plafond de l'Ademe, en baisse depuis cinq ans, sont donc très préoccupants et il serait bon d'avoir des certitudes à ce sujet après juin 2022, afin de pouvoir conduire la transition écologique.
En attendant, je propose de voter contre l'adoption de ces crédits.
M. Hervé Gillé . - Dans le cadre de son rapport, Guillaume Chevrollier a remis en perspective la question du « plafond mordant » des agences de l'eau. Sa remarque était judicieuse, notamment en ce qui concerne la montée en puissance des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE), qui se fait alors que les moyens des agences ne sont pas toujours suffisants pour accompagner les collectivités territoriales.
Je voudrais en venir à une demande d'éclaircissement au sujet de l'intervention de l'État sur les ouvrages de prévention dans le cadre des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI). Jusqu'à maintenant, environ 30 % du coût de ces ouvrages est couvert par l'État ; ces dépenses figurent-elles bien dans le cadre du programme ? Les compétences sont notamment transférées dans le cadre de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) mais en ce qui concerne les politiques d'intervention de l'État, je voudrais m'assurer que les moyens d'accompagnement sont toujours présents.
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - Tout d'abord, pour revenir à la remarque de Didier Mandelli sur le fonds Barnier et son fonctionnement, je la partage en partie.
Pour répondre à M. Bigot sur l'Ademe, je souhaiterais rappeler que, lors de son audition, le président Leroy nous a expliqué en toute transparence qu'une partie des contrats à durée déterminée (CDD) prendraient fin le 30 juin 2022 et que, pour l'instant - son budget n'étant voté qu'en décembre - il n'a aucune garantie quant à la reconduction éventuelle de ces contrats. Il nous a confié aussi se satisfaire, dans le contexte général, de la création de neuf postes pour 2022.
Enfin, sur les PAPI, l'action 10 du programme 181 porte sur la prévention des risques naturels et hydrauliques, qui comporte notamment des crédits d'intervention au bénéfice des collectivités. Dans le « bleu » budgétaire et les réponses qui m'ont été transmises par l'administration, on apprend également que le taux de territoires à risque important d'inondation couverts par un PAPI était de 77 % en 2020. Le taux de prévision actualisé est de 81,5 % pour 2021, et de 85 % pour 2022, la cible étant de 89 % pour 2023.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la prévention des risques de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de son amendement, et un avis favorable à l'adoption des crédits du plan de relance concernés.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Prévention des risques -
Personnes entendues par M. Pascal Martin, rapporteur pour avis
Mardi 9 novembre 2021
- Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : MM. Bernard DOROSZCZUK , Président, Olivier GUPTA , Directeur général, et Daniel DELALANDE , directeur général adjoint.
- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction générale de la prévention des risques (DGPR) : M. Patrick SOULÉ , Adjoint au directeur général.
Mardi 16 novembre 2021
- Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) : M. Arnaud LEROY , président-directeur général.
- Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) : MM. Raymond COINTE , directeur général, et Clément LENOBLE , chargé de mission auprès du directeur général.
- Associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air France (AASQA) - Atmo France : Mmes Véronique DELMAS , Directrice et Charlotte LEPITRE , responsable projet et partenariat.
Biodiversité et expertise en matière de développement
durable -
Personnes entendues par M. Guillaume Chevrollier, rapporteur
pour avis
Mardi 26 octobre 2021
- Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature : MM. Brice HUET , adjoint à la directrice générale, Timothée ASENSIO-FRERY , conseiller de la directrice générale, Omar MOKKEDEM , chef du bureau des affaires budgétaires, et Mme Julie PERCELAY , adjointe à la sous-directrice de l'animation territoriale et de l'appui aux politiques de protection et de restauration des écosystèmes (Direction de l'eau et de la biodiversité).
Mardi 2 novembre 2021
- Fédération professionnelle des entreprises de l'eau : MM. Tristan MATHIEU , délégué général, Laurent BRUNET , président de la commission scientifique et technique (Suez Eau France), et Mme Chiara DE LEONARDIS , chargée des affaires publiques.
- Agences de l'eau : MM. Thierry VATIN , directeur général de l'agence Artois-Picardie, Martin GUTTON , directeur général de l'agence Loire-Bretagne, et Nicolas CHANTEPY , directeur général adjoint de l'agence Rhône-Méditerranée-Corse.
Jeudi 4 novembre 2021
- Fondation pour la protection des habitats et de la faune sauvage : MM. Christian LAGALICE , président, et Paul BOURRIEAU , directeur.
- Institut national de l'information géographique et forestière : Mme Jeanne STRAUSZ , secrétaire générale.
- Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) : M. Pascal BERTEAUD , directeur général, Mme Cécile ARCADE , secrétaire générale, et M. Erick LAJARGE , directeur des programmes et DGA en charge de la coordination territoriale.
Lundi 15 novembre 2021
- Office français de la biodiversité : MM. Pierre DUBREUIL , directeur général, et Denis CHARISSOUX , directeur général délégué ressources.
Mardi 16 novembre 2021
- Météo France : MM. Philippe GONZALES , secrétaire général, et Christophe MOREL , directeur de la stratégie.
Jeudi 18 novembre 2021
- Parcs nationaux de France : MM. Corentin MERCIER , délégué inter-parcs nationaux, et Pierre COMMENVILLE , directeur du parc national des Écrins.
Contribution écrite de France Nature Environnement (FNE).
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2022.html
* 1 Voir l'avis n° 167 (2021-2022).
* 2 La LFR 2013 avait prévu que le fonds « conception », dédié au financement des études de conception du centre de stockage Cigéo, serait alimenté par cette contribution spéciale jusqu'au 31 décembre 2021.
* 3 Dans les documents budgétaires dédiés à la dotation de solidarité pour les collectivités frappées par des évènements climatiques exceptionnels, la part consacrée aux Alpes-Maritimes n'est pas claire.
* 4 Article 224 de la loi de finances pour 2021. À ce titre, 18 communes ont été sélectionnées dans les vallées des Alpes-Maritimes particulièrement touchées par la tempête Alex et 49 communes du département des Landes exposées à des phénomènes particulièrement intenses.
* 5 Article 85 de la loi de finances pour 2021.
* 6 Note de la Cour des comptes, novembre 2021, Les choix de production électrique : anticiper et maîtriser les risques technologiques, techniques et financiers.
* 7 Philippe Bellec, Patrick Lavarde et Patricia Corrère-Lénée, Proposition de scénarios de financement des politiques publiques de préservation des ressources en eau, de la biodiversité et des milieux marins, juillet 2016.
* 8 Qui regroupe les subventions pour charges de service public (SCSP) du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema), de l'Institut national pour l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo France, ainsi que les moyens de financement du commissariat général au développement durable (CGDD).
* 9 Directrice de recherche au CNRS, spécialiste des écosystèmes terrestres ; voir le compte rendu sur le site internet du Sénat .