D. L'ENCOURAGEMENT DE LA NÉGOCIATION DES SALAIRES AU NIVEAU DES BRANCHES (ARTICLE 4) : UN DISPOSITIF À LA PORTÉE NORMATIVE TRÈS FAIBLE QUI PEINE À SATISFAIRE L'OBJECTIF VOULU

1. Un dispositif originel qui n'aurait qu'un impact très indirect sur les revalorisations salariales

Modifié par la loi dite « Travail » du 8 août 2016 53 ( * ) , l'article L. 2261-32 du code du travail prévoit que le ministre chargé du travail peut engager une procédure de fusion du champ d'application des conventions collectives d'une branche avec celui d'une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues lorsque la première branche a une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés ainsi que celle du nombre des thèmes de négociations couverts. Or, selon l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, « la rédaction actuelle n'apparaît pas suffisamment précise pour utiliser la difficulté à signer des accords garantissant des minima au niveau du SMIC comme indice de faiblesse de la vie conventionnelle, permettant ainsi de restructurer des branches sur cette base ».

Ainsi, il apparaît que, lorsque le nombre d'accords et d'avenants signés est normal, le faible niveau de ceux assurant un minimum conventionnel au moins égal au SMIC n'est pas un critère suffisant pour estimer que l'activité conventionnelle de la branche est faible, et donc pour enclencher une restructuration.

L'article 4 du présent projet de loi vise ainsi à préciser que sont comptés parmi les accords et avenants signés « ceux assurant un salaire minimum national professionnel au sens du 4° du II de l'article L. 2261-22 au moins égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance ». Le but affiché de cette disposition est d'inciter les branches, dont 120 sur les 171 suivies par le ministère du travail avaient, au 1 er juillet, une convention collective contenant au moins un coefficient de rémunération inférieur au SMIC, à négocier pour corriger ces anomalies. Selon la direction générale du travail, seules deux branches auraient de véritables difficultés à négocier.

Néanmoins, si le ministre ne peut pas, aujourd'hui, engager de fusion de branche sur le seul fondement de la faiblesse du nombre d'accords assurant un minimum conventionnel au moins égal au SMIC , ce n'est pas non plus ce que permet l'article. Cette voie a pourtant été envisagée, mais elle n'a pas été retenue. En effet, selon l'étude d'impact, « la restructuration des branches demande de mobiliser tout un faisceau d'indices et il semblait disproportionné de faire de ce seul critère un motif de restructuration ».

Dans ces conditions, l'intention du Gouvernement semble être de permettre au ministre du travail, pour déterminer que l'activité conventionnelle d'une branche est faible, de pondérer davantage le critère du nombre d'accords assurant un minimum conventionnel égal au SMIC . Toutefois, la rédaction retenue par le Gouvernement, de par son imprécision, ne garantit pas que cela soit possible à l'avenir, et ne permet pas de savoir dans quelle mesure interviendrait cette pondération.

Or, si l'objectif du Gouvernement est réellement de permettre au ministre chargé du travail de faire pression sur les branches pour les pousser à engager des négociations susceptibles de placer le minimum conventionnel à un niveau au moins égal au SMIC, il paraîtrait précisément plus opportun de faire de ce seul critère un motif de restructuration, la fin visée par l'article n'étant pas tant la restructuration en elle-même que la revalorisation salariale.

Dans la mesure où l'article L. 2261-32 du code du travail prévoit qu'il ne s'agit que d'une possibilité pour le ministre, et non d'une obligation 54 ( * ) , le rapporteur pour avis estime, à la différence du Gouvernement, que faire de ce seul critère un motif de restructuration ne serait pas disproportionné.

Reste que le mécanisme proposé demeure par trop indirect pour conduire mécaniquement à une revalorisation des grilles salariales des branches de sorte que le salaire minimum national des salariés sans qualification soit au moins égal au SMIC. Un telle revalorisation permettrait pourtant une augmentation du montant total des cotisations sociales, suivant celle des salaires, et contribuerait, de la sorte, au rééquilibrage des comptes sociaux, tandis que le surcroît de consommation qui pourrait résulter de ces revalorisations serait de nature à préserver le pouvoir d'achat, à rendre l'activité plus dynamique et à générer in fine un surcroît de recettes fiscales.

2. Le raccourcissement des délais d'engagement de la négociation lorsque le salaire des salariés sans qualification est inférieur au SMIC

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques de MM. Paul-André Colombani (LIOT) et Stéphane Viry (LR) modifiant l'article L. 2241-10 du code du travail, afin de ramener de trois mois à quarante-cinq jours le délai imparti à la partie patronale pour ouvrir des négociations salariales de branche lorsque les minima conventionnels sont fixés à un niveau inférieur au SMIC.

À la différence de la procédure de fusion laissée à la discrétion du ministre du travail, cette disposition est pourvue d'une réelle portée opérationnelle et normative et permet de rendre concret l'objectif de revalorisation des bas salaires.

Il convient, cependant, de ne pas écarter le risque que le dispositif s'avère trop contraignant et aboutisse à l'organisation de négociations trop rapides qui pourraient in fine léser les salariés.

Au regard de ces éléments, le rapporteur pour avis s'interroge sur l'intérêt et la pertinence de cet article .


* 53 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 54 Si les services du ministère du travail estiment que le faible nombre d'accords assurant un minimum conventionnel au moins égal au SMIC n'est pas un critère suffisant pour engager une restructuration, ils peuvent évidemment ne pas faire usage de la possibilité offerte par l'article L. 2261-32 du code du travail.

Page mise à jour le

Partager cette page