II. LES CRÉDITS RELATIFS AU COMMERCE, À L'ARTISANAT ET À LA CONSOMMATION (RAPPORTEUR POUR AVIS : M. SERGE BABARY)
A. LA DGCCRF DANS UNE SITUATION INSOUTENABLE : À MESURE QUE SES MISSIONS SE MULTIPLIENT, SES MOYENS DIMINUENT !
1. Alors que le Gouvernement n'a pas cessé de multiplier les tâches confiées à la DGCCRF ces dernières années...
Les actions de la DGCCRF sont tentaculaires et poursuivent toutes un ensemble d'objectifs d'intérêt général, qui vont de la protection économique des consommateurs à la conformité des biens et services et au respect de la réglementation en matière concurrentielle. L'ensemble des acteurs entendus régulièrement dans le cadre des travaux de la commission des affaires économiques, ainsi que les parlementaires eux-mêmes, soulignent régulièrement l'importance du travail accompli par cette administration (notamment afin de lutter contre la concurrence déloyale), et son rôle clé en matière de garantie de l'ordre public économique. Un récent rapport 2 ( * ) de la commission, publié en juin 2022, a, notamment, rappelé l'importance primordiale de son action en ce qui concerne le contrôle de la qualité de l'information apportée aux consommateurs.
Compte tenu de ses points forts (présence sur tout le territoire, administration réactive, compétences reconnues), une trentaine de lois et ordonnances, sur le dernier quinquennat, lui ont confié de nouvelles missions ainsi que des outils d'actions modernisés, sans toutefois que le Gouvernement accepte de s'interroger sur l'adéquation des moyens aux (nouveaux) objectifs fixés ( cf. infra ). Or l'extension des compétences de la DGCCRF est particulièrement significative :
• en matière environnementale, la loi AGEC de 2020 et la loi « Climat-Résilience » de 2021 chargent la DGCCRF de contrôler les informations sur les caractéristiques environnementales des produits, l'interdiction de certaines mentions, l'obligation d'affichage d'un indice de durabilité et de réparabilité ;
• en matière de relations commerciales, la DGCCRF contrôle davantage les pénalités logistiques, les clauses de renégociation des prix, ainsi que les conventions conclues entre fournisseurs et distributeurs, depuis la loi Egalim 2 de 2021 ;
• l'ordonnance n° 2021-1734 lui confie le contrôle de nouvelles pratiques commerciales trompeuses, des annonces de réduction des prix, de l'interdiction des visites non sollicitées ;
• la loi « Pouvoir d'achat » d'août 2022 implique désormais un contrôle des modalités de conclusion et résiliation des contrats conclus en ligne ;
• les pouvoirs de la DGCCRF ont également été étendus ces dernières années : accès des enquêteurs aux données de connexion, possibilité de conclure des transactions administratives, pouvoir d'injonction « numérique » pour faire déréférencer un site internet ou en bloquer l'accès, pouvoir d'injonction sous astreinte.
Ces nouvelles compétences nécessitent, naturellement, un accroissement parallèle des moyens de la DGCCRF ; autrement, non seulement les objectifs poursuivis par le législateur et le pouvoir réglementaire resteraient des voeux pieux, mais encore l'atteinte des objectifs « traditionnels » de cette direction serait compromise, à effectifs constants.
2. ...Ses moyens, notamment humains, ont fortement diminué, même si l'hémorragie semble cesser à compter de 2023
Or, en dépit des appels répétés du Parlement et de nombre d'acteurs économiques, le Gouvernement n'a pas fait le choix d'augmenter les moyens de la DGCCRF, alors même qu'il lui demande de se démultiplier et de réaliser un nombre croissant de contrôles chronophages qui doivent, par définition, être répétés fréquemment pour revêtir un caractère réellement dissuasif vis-à-vis des professionnels. Pis, et contre tout principe de bonne administration, ses effectifs ont été fortement diminués depuis dix ans ! Il est particulièrement difficile de saisir la logique de cet « effet ciseau » mis en place par le Gouvernement, qui voit une administration centrale devoir faire beaucoup plus de tâches avec beaucoup moins d'effectifs. Le fait que le PLF 2023 prévoit une augmentation de 13 ETPT, bienvenue puisqu'elle met un terme à l'hémorragie entamée il y a dix ans, ne modifie qu'à la marge ce constat.
Les effectifs totaux de la DGCCRF sont ainsi passés de 3 263 ETPT en 2010 à 2 768 en 2021, soit une chute de 15 % en une décennie. Certes, une partie de la baisse d'effectifs est liée à des mesures de périmètre (transferts d'effectifs à d'autres administrations notamment), mais sur la période 2007-2022, la réduction nette d'effectifs atteindrait en tout état de cause 398 ETPT, selon un récent rapport 3 ( * ) de la commission des finances du Sénat.
Sans surprise, un large pan de l'activité de la DGCCRF a donc été revu à la baisse depuis 2010...
Source : commission des affaires économiques, à partir des réponses de la DGCCRF.
Le transfert de 60 ETPT vers le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire risque en réalité de pénaliser la DGCCRF en matière de recrutement
Si le rapporteur salue la décision de constituer, sous l'égide du MASA, une police unique en charge de la sécurité sanitaire des aliments, il alerte sur les risques à moyen terme que le transfert de 60 ETPT de la DGCCRF vers ce ministère risque de soulever. Selon ses informations, une vingtaine d'agents de la DGCCRF seulement se sont portés volontaires pour un tel transfert : par conséquent, une quarantaine d'agents resteront au sein de la DGCCRF, affectés à de nouvelles tâches. Puisque le plafond d'emplois alloués à cette administration risque d'être dépassé en raison de ce « sureffectif », il se pourrait que le Gouvernement diminue le nombre de places ouvertes au concours d'agent de la DGCCRF, qui a lieu chaque année en septembre, pour compenser. Or les besoins immédiats sont aujourd'hui chiffrés à 170 agents (pour le remplacement de 150 départs à la retraite et des 20 agents transférés effectivement au ministère de l'agriculture). La DGCCRF subirait donc, à nouveau, des tensions fortes sur ses effectifs et ses recrutements.
Par conséquent, la commission a adopté, sur proposition du rapporteur, un amendement destiné à octroyer à la DGCCRF 5 M€ supplémentaires (en AE) afin de renforcer ses moyens et de lui permettre de mettre en oeuvre plus efficacement les nombreuses missions qui lui sont confiées.
* 2 Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques sur l'information du consommateur, par M. Fabien Gay, Mmes Françoise Férat et Florence Blatrix Contat - 29 juin 2022.
* 3 Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances, n° 903 (2021-2022) - 28 septembre 2022.