EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 16 novembre 2022, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs à la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2023.
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui l'examen des avis budgétaires de notre commission sur le projet de loi de finances pour 2023. Nous démarrons par la mission « Économie ». Je remercie, par avance, nos rapporteurs pour leur engagement dans cet exercice.
M. Serge Babary , rapporteur pour avis . - Madame la Présidente, mes chers collègues, la mission « Économie » comporte ceci d'étonnant qu'elle ne contient plus aucun crédit directement consacré au commerce. C'est une tendance que nous avons observée depuis plusieurs années, et sur laquelle nous avions alerté régulièrement, mais qui est désormais tout à fait concrète, puisque le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) a entièrement disparu. Il n'y a donc plus d'aide directe au commerce dans cette mission, d'autant que les annonces - frugales ! - de la ministre à la suite des Assises du commerce seront financées par redéploiement de crédits, et ne sont donc pas retracées dans le budget.
Cela ne signifie certes pas qu'aucune politique publique n'est tournée vers le commerce : l'ANCT agit, la Banque des territoires également, par exemple. Mais deux constats regrettables s'imposent. Premièrement, cet éparpillement des crédits entre différentes missions de différents ministères nuit fortement à la lisibilité de l'action conduite. Et deuxièmement, surtout, le montant dédié au commerce reste infinitésimal par rapport à ceux consacrés aux start-ups ou à l'industrie... et ce, malgré le poids très important du secteur commercial en termes d'emplois et, plus profondément, en termes de lien social dans notre pays. Je vous proposerai donc un amendement permettant le retour du Fisac, ou dispositif équivalent.
Ceci étant dit, j'ai donc consacré mes travaux de rapporteur à d'autres aspects de cette mission « Économie », c'est-à-dire aux moyens de la DGCCRF et à ceux des associations de consommateurs.
Comme nous le savons tous, les missions de la DGCCRF sont multiples, essentielles, et elles s'accroissent avec le temps. L'action de la DGCCRF vise la protection économique (et même physique) des consommateurs, contrôle la conformité des biens et services et s'assure du respect de la règlementation concurrentielle. C'est donc une direction centrale, fondamentale pour tous les secteurs qui nous intéressent, notamment en raison de son action pour lutter contre la concurrence déloyale.
Je salue à cet égard le rapport de juin 2022 de Fabien Gay, Françoise Férat et Florence Blatrix Contat, qui a particulièrement étudié le rôle de la DGCCRF en matière d'information aux consommateurs.
Cette direction présente de nombreux atouts, notamment sa présence sur tout le territoire, son caractère réactif, et ses compétences reconnues ; il faut certainement y voir là une des raisons pour lesquelles elle se voit confier, loi après loi et ordonnance après ordonnance, un nombre croissant de missions. Rien que sur le dernier quinquennat, 30 textes sont venus enrichir son corpus de compétences et la liste de ses pouvoirs et outils d'enquête. Par exemple, en matière environnementale, elle doit désormais contrôler les informations sur les caractéristiques environnementales des produits, l'interdiction de certaines mentions, ainsi que l'obligation d'affichage d'un indice de durabilité et de réparabilité. Autre exemple : suite à la loi Egalim 2, elle agit maintenant en matière de pénalités logistiques, elle contrôle les clauses de renégociation, et elle enquête sur le résultat des négociations commerciales. Dernier exemple : elle est désormais chargée de vérifier les annonces de réduction des prix, ou encore les modalités de résiliation des contrats conclus en ligne.
Devant une telle extension de son champ de compétences, un principe élémentaire de bonne administration voudrait que ses moyens humains et techniques fassent, eux aussi, l'objet d'une attention soutenue du Gouvernement. Il n'en est rien, bien au contraire : le Gouvernement, et le précédent, ont drastiquement diminué ses effectifs. Les effectifs totaux de la DGCCRF sont ainsi passés de 3 263 ETPT en 2010 à 2 768en 2021, soit une chute de 15 % en une décennie. Une fois retirés les simples transferts d'effectifs à d'autres administrations, la réduction nette d'effectifs atteindrait tout de même 400 ETPT depuis 2007. Dans le rapport de nos trois collègues, des exemples très frappants étaient mentionnés : en matière de contrôle des informations apportées aux consommateurs, la DGCCRF ne dispose plus que de 145 inspecteurs sur tout le territoire. Au niveau régional, cela donne 11 inspecteurs dans le Grand Est, un seul dans les Hauts-de-France, 8 en Bretagne... Il est particulièrement difficile de saisir la logique de cet « effet ciseau » mis en place par le Gouvernement, qui voit une administration centrale devoir faire beaucoup plus de tâches avec beaucoup moins d'effectifs.
Sans surprise, une telle hémorragie a conduit la DGCCRF à diminuer fortement le nombre de ses contrôles, et à les prioriser sur des thèmes spécifiques. Une telle évolution ne peut que se faire au détriment des consommateurs et des PME.
Je note toutefois que, pour la première fois depuis des années, 13 ETPT supplémentaires, c'est-à-dire des équivalents temps plein travaillés, sont prévus pour 2023. C'est une bonne nouvelle, mais au regard de l'hémorragie subie depuis dix ans, c'est l'épaisseur du trait ...
Il se pourrait même que cette apparente bonne nouvelle en cache en fait une mauvaise. En effet, la création de la police unique de sécurité sanitaire des aliments, sous l'égide du ministère de l'agriculture, conduit la DGCCRF à transférer 60 postes vers ce ministère. Mais dans les faits, seuls 20 agents sont volontaires pour y aller, ce qui signifie que 40 agents vont rester à la DGCCRF et donc être considérés comme du « sureffectif ». Il y a donc tout à craindre que, pour compenser ce sureffectif, le Gouvernement demande à la DGCCRF de recruter moins d'inspecteurs lors du prochain concours, ce qui, à nouveau, serait incompréhensible.
Je vous proposerai donc un amendement qui augmente les moyens de la DGCCRF : ce faisant, ce sont à la fois les agriculteurs, les industriels, les consommateurs, qui ont à y gagner, car l'ensemble de ces acteurs doivent être protégés efficacement contre les tromperies, les relations déloyales ou déséquilibrées, et les allégations mensongères.
J'en viens maintenant au sujet des associations de consommateurs. Le mouvement consumériste français présente une caractéristique unique en Europe : il existe 15 associations agréées, dont UFC-Que choisir n'est que la plus connue. Chaque association a certes sa propre histoire et sa propre légitimité : certaines sont laïques, d'autres plus imprégnées de culture religieuse, certaines sont syndicales, d'autres non, etc. Et chaque association touche une subvention publique pour son fonctionnement, dont le montant total est de 2,2 millions d'euros cette année. Or la situation actuelle conduit à saupoudrer ces crédits, à les éparpiller selon des critères mal définis, et donc, in fine , à utiliser l'argent public de façon sous-optimale.
Les critères, en effet, sont mal définis. Par exemple, l'un d'entre eux consiste à mesurer le nombre d'heures de permanences assurées par chaque association ; or les horaires d'ouverture ne disent rien du nombre de consommateurs effectivement aidés ! Autre exemple : lorsqu'une association dispose du « super agrément », elle peut siéger au bureau du Conseil national de la consommation, et elle perçoit à ce titre un surcroît de subvention. Or la présence au bureau ne dit rien de l'action réelle de chaque association. De même, ce ne sont pas forcément les associations qui ont le plus grand nombre d'adhérents qui ont les meilleures capacités d'analyse. Il conviendrait donc, plutôt, de récompenser et soutenir la capacité d'enquête.
La DGCCRF, qui distribue ces fonds, envisage d'expérimenter en vue des JO 2024 des appels à projets, permettant de verser la subvention en fonction de la réalisation de telle ou telle action. Il me semble que cette initiative doit être encouragée et dépasser rapidement le stade de l'expérimentation, pour devenir la norme. De même, puisqu'il s'agit de deniers publics, il est peu compréhensible que les associations ne cherchent pas davantage à se rapprocher entre elles. Trois d'entre elles ont initié un tel mouvement. Mais c'était en 2017 et, cinq ans plus tard, le rapprochement n'est toujours pas achevé !
En parallèle, l'Institut national de la consommation, qui n'est pas une association mais qui perçoit aussi une subvention publique, est déficitaire depuis plusieurs années sur son activité commerciale de publication du magazine 60 Millions de consommateurs . Sa subvention publique a diminué de 3,6 millions d'euros entre 2012 et 2020, et l'a conduit à supprimer 11 postes ces deux dernières années, dont des postes de juriste, d'économiste, d'ingénieur, ainsi que celui de la personne en charge du plan numérique. C'est fortement regrettable, car les deux activités, celle de service public et celle commerciale, sont liées : c'est parce que la subvention lui permet d'embaucher des experts et de réaliser des tests que le magazine peut ensuite contenir des enquêtes intéressantes et de qualité.
Je suggère donc que la subvention versée aux associations de consommateurs soit rationalisée en fonction de critères plus robustes, et que les économies ainsi réalisées permettent d'alimenter un surcroît de subvention à destination de l'INC.
Enfin, je souhaiterais dire un mot du traitement réservé au réseau des chambres de métier et de l'artisanat (CMA). Sans aucune concertation, et alors que le Gouvernement leur donne de plus en plus de missions, il a été décidé d'amputer leurs recettes de 15 millions d'euros en 2023, pour un objectif de 60 millions en cinq ans. Personne ne nie la nécessité des économies, mais il est très étrange de les faire pile sur les organismes qui ont été appelés à la rescousse lors de la crise, qui accompagnent le déploiement d'Action coeur de ville et de Petites villes de demain, et qui devront demain épauler les artisans en termes de succession et de reprise. C'est une mauvaise manière faite aux CMA, d'autant que la facture énergétique du réseau va, justement, augmenter de 15 millions d'euros en 2023, et sa masse salariale de 17 millions d'euros en raison de la revalorisation du point d'indice. J'ai donc déposé, en mon nom propre, car c'est sur la première partie du PLF, un amendement revenant sur cette mesure du Gouvernement, et un amendement de repli, que je vous invite bien sûr à cosigner. De même, je déposerai sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », un amendement explicitant que le réseau consulaire fait partie des bénéficiaires de « l'amortisseur électricité ».
Je vous propose donc de valider les crédits de cette mission sous réserve de l'adoption des amendements que je soumets à votre analyse.
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Ayant eu à connaître cette mission par le passé, je souhaiterais formuler quelques remarques, qui vont dans le même sens que celles du rapporteur.
Cette mission « Économie » a été recentrée, ces dernières années, sur certaines actions prioritaires, ce qui implique de se retirer de certaines d'entre elles, comme par exemple celles relatives au tourisme et au commerce.
Il y a également eu une profonde réforme de la Direction générale des entreprises, qui a conduit à réduire ses effectifs en région. Or, dès lors que l'État choisit d'avoir une moindre présence territoriale, il faut conforter les autres acteurs qui permettent de porter les politiques publiques. À cet égard, nous avons vu durant la crise sanitaire combien le partenariat fort entre l'État et les chambres de métier et de l'artisanat (CMA) a été très utile ; et combien il continue à l'être dans les crises que nous connaissons. C'est pourquoi il faut maintenir une trajectoire de financement des CMA qui soit soutenable. Les amendements du rapporteur, déposés en première partie du PLF et qui visent à maintenir les ressources des CMA, vont donc dans le bon sens, et je suivrai cette ligne.
Concernant les associations de consommateurs, si le rapporteur appelle à une rationalisation des critères d'attribution des subventions, je rappelle qu'il ne faut pas que cela conduise à mettre fin aux subventions versées aux associations départementales de consommateurs. Il m'avait été soumis le choix de couper ces financements, et je l'avais alors décliné - le parapheur était alors redescendu... Ces associations départementales, peu nombreuses, peuvent jouer un grand rôle dans l'accompagnement des consommateurs, sur le terrain. Là où elles existent, elles fonctionnent.
Mme Florence Blatrix Contat . - J'adhère également aux propos du rapporteur : les CMA sont utiles pour accompagner les entreprises. Il leur a été retiré la gestion des centres de formalités des entreprises (CFE), et c'est fort dommage, tant pour le maillage des territoires que pour les entreprises elles-mêmes. Personne ne peut comprendre cette baisse des ressources de 15 millions d'euros des CMA ; nous soutiendrons donc l'amendement du rapporteur, identique à l'un de ceux que je dépose.
Mme Anne Chain-Larché . - Il me semble important, au Sénat, de soutenir massivement ces acteurs de proximité. Ce débat fait écho à celui que nous avions eu relatif à la régionalisation des CMA. Concernant le Fisac, l'État doit cesser de se défausser constamment sur les collectivités : il a un rôle important à jouer dans le développement du commerce, notamment rural, et le Fisac est un outil essentiel pour cela.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 27
M. Serge Babary , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-87 entend recréer le Fisac, en le dotant de 30 millions d'euros de crédits.
L'amendement n° II-87 est adopté à l'unanimité.
M. Serge Babary , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-88 augmente la dotation à la DGCCRF de 5 millions d'euros.
L'amendement n° II-88 est adopté à l'unanimité.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Commerce, artisanat et consommation » de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous passons à présent à l'examen des crédits « Industrie ». Je cède la parole à M. Franck Montaugé, rapporteur pour avis.
M. Franck Montaugé , rapporteur pour avis . - Mes chers collègues, j'ai une nouvelle fois le plaisir de vous présenter mon rapport pour avis sur les crédits relatifs à l'industrie au sein de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2023.
Le constat préalable est le même que l'an dernier : à peu de choses près, les crédits de la mission « Économie » ne reflètent pas les moyens consacrés à la politique industrielle de notre pays. En effet, ses crédits représentent bien peu comparés aux montants colossaux des dispositifs du plan de relance, des PIA successifs ou de « France 2030 ». Ils ne sont donc pas représentatifs de l'ensemble des leviers mobilisés par l'État en faveur de l'industrie.
À cet état de fait, une ligne fait encore exception, bien qu'importante. La mission « Économie » continue de porter directement l'une des aides à l'industrie les plus importantes : la « compensation carbone » des entreprises électro-intensives. Cette compensation est essentielle à la compétitivité de filières qui sont au coeur de notre souveraineté industrielle : la production d'énergie, les matières premières du secteur du bâtiment, de la métallurgie, de la chimie... En effet, elle compense financièrement les fuites de carbone et elle contribue à rééquilibrer la compétitivité de nos entreprises face à leurs concurrents asiatiques ou américains : elle doit donc être sanctuarisée.
Toutefois, je signale cette année encore que son impact budgétaire va croissant. Avec la hausse des prix de l'énergie, ce sont pour 2023 près de 856 millions d'euros qui sont budgétés, soit environ 40 % des autorisations d'engagement et des crédits de paiement du programme 134, et plus de 80 % de l'action « Industrie et services ». C'est un effort budgétaire très significatif (plus de 1,1 milliard d'euros attendus en 2024 !), auquel il n'existe aujourd'hui pas d'alternative réelle.
Et pourtant, la question fondamentale que nous posent ces filières, qui résonnent dans l'ensemble de l'industrie, est celle de l'urgence de l'investissement technologique et matériel dans leur décarbonation, dans un cadre concurrentiel déséquilibré entre l'Europe et le reste du monde. Le Gouvernement français, dans le cadre européen, est-il au rendez-vous de la nécessaire sortie du thermo-fossile, qui conditionnera la compétitivité de demain et la durabilité de l'économie ? Rien n'est moins sûr à l'analyse du budget proposé pour 2023, et au regard des précédents. Et si l'on ne sort pas résolument, en y mettant les moyens, du dilemme permanent entre compétitivité et progrès environnemental dans lequel nous sommes aujourd'hui enfermés, la performance de nos entreprises, grandes et petites, s'affaissera et les délocalisations s'enchaîneront. Prenons garde de ne pas revivre, dans un autre contexte et pour des motifs différents, les plans de restructuration de la sidérurgie ou des charbonnages des années 1980 !
Mis à part cette compensation carbone, donc, il n'existe pratiquement plus aucun dispositif spécifique à l'industrie au sein des crédits de la mission « Économie ». Cela s'explique à la fois comme je l'ai dit par la « débudgétisation » au profit d'autres sources de financement, mais surtout par le désengagement progressif de l'État de ces types d'aides centralisées.
Nous avions connu deux années « extraordinaires » à cet égard (2021 et 2022), puisque les moyens très conséquents et les aides directes du plan de relance avaient marqué un certain retour de l'État dans la politique industrielle (avec des appels à projets pour la relocalisation, la décarbonation, la robotisation...). La Direction générale des entreprises (DGE), financée par le budget de la mission « Économie », a eu à gérer au cours des trois années passées un volume de crédits inédit au cours de la dernière décennie : 6,2 milliards d'euros d'aides dans le plan de relance, soit une multiplication par 6 des aides pilotées par la DGE par rapport à 2019 ! Cela explique le niveau élevé des crédits de fonctionnement de la DGE, qui restera en 2023 près de deux fois supérieur à son niveau de début 2021.
Mais la pandémie est derrière nous et le « quoi qu'il en coûte » devrait avoir vécu : les crédits exceptionnels du plan de relance arrivent en fin de course en 2023. Hors aides énergétiques, c'est un budget de retour à la normale qui nous est présenté pour 2023. L'augmentation de 34 % de crédits du programme 134 est en quasi-totalité expliquée par la hausse « mécanique » de la compensation carbone, et par l'ajustement à l'inflation.
Ce budget de retour à la normale n'a toutefois, selon moi, pas complètement tiré les leçons des années que nous venons de vivre.
D'abord, il nous avait été promis, au coeur de la crise, un renouveau des politiques industrielles et l'accélération des transitions. Pour autant, le projet de loi de fiances ne prévoit aucun dispositif généraliste de soutien à l'investissement industriel qui puisse prendre le relais de ceux mis en oeuvre lors de la relance et qui ont connu un grand succès. Par exemple, le suramortissement au profit de la modernisation de l'outil industriel n'est pas reconduit, ni le guichet d'aides au profit de la décarbonation. On nous renvoie pour cela aux dispositifs de France 2030, qui reviennent toutefois à une logique d'appels à projets que l'on sait souvent peu accessibles aux PME et ETI. Et ce alors que les entreprises nous ont alertés sur le fait que l'inflation et la concurrence internationale accrue vont peser fortement sur leurs coûts d'investissement.
Il nous avait aussi été promis une plus grande résilience de nos chaînes d'approvisionnement et de notre tissu industriel. Pourtant, les recommandations formulées par notre commission dans le cadre de notre rapport Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique n'ont pas à ce stade été suivies d'effet. Je vous soumettrai donc un amendement par lequel je propose de consacrer 12,5 millions d'euros à la réalisation d'une cartographie détaillée de l'approvisionnement de l'industrie française et de ses vulnérabilités, sous l'égide du Conseil national de l'industrie et des filières industrielles. C'est, selon nous, indispensable si l'on souhaite mettre en oeuvre une politique de réindustrialisation ciblée, dans le cadre d'une stratégie industrielle adaptée aux enjeux de notre temps, sur fond d'ardente obligation écologique.
Plus encore peut-être, l'enjeu pour nous est de comprendre et de maîtriser les nouvelles configurations qui redéfinissent en profondeur l'industrie. Le temps d'une « nouvelle industrie » est venu ! Ne passons pas à côté comme ce fut le cas avec le numérique ! L'État doit faciliter l'émergence de nouveaux paradigmes et la France doit être dans le peloton de tête en Europe. D'ailleurs, notre dispositif de formation devra être à la hauteur de cet enjeu : nombre de chef d'entreprises rencontrés nous ont dit leur inquiétude sur les compétences, en particulier les compétences de base !
Autre sujet de préoccupation en matière de facteurs de compétitivité industrielle, l'énergie et son coût, qui remettent directement en cause notre capacité à produire en France et en Europe. Prévoir bouclier tarifaire après bouclier tarifaire - comme l'a fait le Gouvernement à l'Assemblée nationale via un amendement à la mission « Économie » de 4 milliards d'euros pour soutenir les électro-intensives - ne peut être une réponse durable : il faut que le Gouvernement contribue à la réforme structurelle du marché européen de l'énergie. Certaines des entreprises entendues nous ont fait remarquer, à juste titre, que l'électricité ne peut être considérée comme un produit marchand banal.
Troisièmement, la politique industrielle reste bien trop concentrée au plan territorial. Plus de 40 % des aides à l'innovation, par exemple, sont fléchées sur seulement 5 départements français. Les appels à projets sont encore trop élitistes pour permettre à l'ensemble du tissu industriel de pouvoir y prétendre.
À cet égard, il faut saluer la prolongation jusqu'à 2026 du programme « Territoires d'industrie », seul exemple de politique industrielle « territorialisée », mais celle-ci ne s'est pas accompagnée de nouveaux moyens. Pourtant, les binômes élus locaux et industriels mis en place dans le cadre de ce programme, et les services de l'État en charge, ont effectué un travail de qualité pour mettre en oeuvre le volet territorial du plan de relance entre 2021 et 2023. Avec les projets industriels qui émergent en nombre dans la période actuelle, et avec la création de nouveaux « Territoires d'industrie », il me paraît très important de renforcer cet outil de politique industrielle « horizontale », fondé sur une approche par projet et par territoire. D'autant que les moyens des collectivités, nous le savons, sont de plus en plus contraints et qu'elles ne pourront assumer seules ces missions. Un exemple parlant : l'avenir du programme « Sites industriels clefs en main », qui vise à aider les collectivités à mobiliser du foncier économique à destination de l'industrie, n'est pas garanti ni financé. Pourtant, à l'heure de la mise en oeuvre du « ZAN », ce type d'accompagnement me semble plus important que jamais...
Le second amendement que je vous soumets vise donc à garantir au programme « Territoires d'industrie » un financement budgétaire pérenne. Il propose ainsi de créer une ligne budgétaire dédiée au sein de l'action « Industrie et services », dotée de 100 millions d'euros sur quatre ans, afin de prendre le relais des dispositifs pertinents financés par le plan de relance qui gagneraient à être reconduits. Cela me paraît essentiel pour éviter de revenir trop vite à une logique d'appels d'offres nationaux, qui ne bénéficieront pas aux nombreux projets industriels locaux qui ne rentrent pas dans les « cases ». Ces nouveaux moyens budgétaires permettront aussi d'inclure dans le champ du programme les intercommunalités qui souhaiteraient encore le rejoindre.
Pour ces crédits, il me semble qu'il faudra fixer trois priorités d'action afin de soutenir les intercommunalités dans leur action en faveur de l'industrie : d'abord, le soutien en matière d'ingénierie des collectivités ; ensuite, l'accompagnement décentralisé des entreprises en difficulté ; et enfin la mobilisation et la requalification du foncier économique.
Enfin, et j'insiste sur ce point qui me paraît très important, il ne faut pas relâcher nos efforts d'accompagnement des entreprises industrielles au-delà de la crise qui semble être derrière nous.
D'une part, parce que notre industrie a des cartes à jouer dans cette période charnière. Réindustrialiser notre économie, pas uniquement sur nos secteurs traditionnels, mais aussi sur de nouveaux créneaux porteurs, peut faire émerger de nouveaux champions français et européens, capables d'exporter leurs productions innovantes, et profitant de la réorganisation des chaînes de valeur. D'autre part, parce que de nombreuses entreprises n'ont pas encore réellement pu tourner la page des chocs économiques des derniers mois et restaurer des marges viables. Certaines vont avoir des difficultés à rembourser leurs prêts garantis par l'État, contractés durant la crise liée à la pandémie de Covid-19. Dans des secteurs comme l'automobile, les mutations structurelles s'accélèrent, en plaçant certains fournisseurs en difficulté. Il faut donc accompagner la diversification vers d'autres marchés, mais aussi prévoir les moyens nécessaires à l'accompagnement des entreprises en difficulté. Là aussi, le programme « Territoires d'industrie » joue un rôle de premier plan, mais sans être garanti de disposer des moyens budgétaires correspondants... Dans sa hâte d'un retour à la normale, le Gouvernement devra mieux cibler et calibrer l'accompagnement des entreprises.
Je vous proposerai donc, dans un troisième amendement, de renforcer les moyens de Business France. Le précédent contrat d'objectifs et de moyens avait acté une baisse du financement de l'agence, qui a ensuite dû être compensée par des financements exceptionnels dans le cadre des mesures d'urgence puis du plan de relance. Je l'ai dit, il me semble essentiel d'accentuer l'effort d'internationalisation des entreprises industrielles françaises en cette période charnière. Je propose donc une hausse de 8 millions des crédits consacrés à la subvention pour charge de service public de l'agence (soit environ 4 % de hausse hors inflation), ce qui permettra de définir plus sereinement le cadre du prochain contrat d'objectifs et de moyens de l'agence et d'assurer la continuité de son action.
En conclusion, mon analyse de la mission, pour sa part relative aux crédits dédiés à l'industrie, m'amène à vous proposer un avis favorable sur la mission « Économie », qui porte notamment la nécessaire « compensation carbone » et le soutien exceptionnel aux entreprises électro-intensives dans la crise énergétique que nous traversons. Mais je conditionne toutefois cet avis favorable à l'adoption des trois amendements que je vous ai présentés aujourd'hui, afin de donner à ce budget une portée plus structurelle, plus territoriale et plus adaptée aux enjeux vitaux d'avenir, même si sur ce dernier point l'essentiel est à faire.
J'ajoute, car je ne les ai pas mentionnés plus haut, que les pôles de compétitivité me paraissent aussi être une modalité très intéressante de politique industrielle territorialisée et horizontale, dont il convient de préserver le financement, porté par la mission « Économie ».
Mme Anne-Catherine Loisier . - Il serait intéressant de disposer d'une évaluation ou d'un bilan d'étape récent des « Territoires d'industrie » ainsi que des pôles de compétitivité.
M. Franck Montaugé , rapporteur pour avis . - Nous avons auditionné le directeur de programme de « Territoires d'industrie », il y a de cela quelques jours : c'était très intéressant. Il serait pertinent de le convier pour une audition devant notre commission.
M. Alain Chatillon . - Concernant Business France, l'amendement prévoyant 8 millions d'euros supplémentaires me paraît très utile. Les montants cumulés de France 2030 et du PIA 4, à hauteur de 54 milliards d'euros environ, démontrent que l'on sait trouver les moyens de financement nécessaires quand il le faut : en ce qui concerne les « Territoires d'industrie », si les 100 millions d'euros que nous évoquons sont insuffisants, il ne faudrait pas hésiter à répartir différemment les enveloppes pour mieux financer les dispositifs territoriaux.
M. Franck Montaugé , rapporteur pour avis . - Il est vrai que les véhicules budgétaires du PIA et de France 2030 nous laissent parfois quelque peu confus quant à leur organisation et à la répartition des financements, bien que nous ayons récemment auditionné Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement, à ce sujet.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 27
M. Franck Montaugé , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-89 vise à prévoir, au sein de l'action « Industrie et services » du programme 143, une dotation de 100 millions d'euros en AE et 25 millions d'euros en CP, afin d'octroyer au programme « Territoires d'industrie » une enveloppe de financements propres cohérente avec la prolongation du programme jusqu'en 2026.
L'amendement n° II-89 est adopté à l'unanimité.
M. Franck Montaugé , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-90 vise à abonder de 12,5 millions d'euros l'action « Industrie et services » du programme 143, en AE comme en CP, afin de financer la réalisation au long cours d'une cartographie de l'approvisionnement industriel français, avec ses faiblesses et ses opportunités. Il s'agit de l'une des recommandations du rapport de la commission des affaires économiques du Sénat intitulé Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique .
L'amendement n° II-90 est adopté à l'unanimité.
M. Franck Montaugé , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-91 vise à augmenter de 8 millions d'euros, en AE et CP, la subvention pour charges de service public de l'agence Business France, portée par le programme 134, afin d'assurer la continuité de son action en faveur de l'internationalisation des entreprises, notamment industrielles, dans la période charnière actuelle, et de permettre d'élaborer dans un cadre financier prévisible son nouveau contrat d'objectifs et de moyens.
L'amendement n° II-91 est adopté à l'unanimité.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Industrie » de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Mme Sophie Primas , Présidente . - Nous passons à présent à l'examen des crédits relatifs aux télécommunications, aux postes et à l'économie numérique. Je cède la parole à Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis.
Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis . - Madame la Présidente, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Économie », des changements significatifs concernant les crédits dédiés aux télécommunications, aux postes et à l'économie numérique sont à signaler depuis désormais deux ans. Plusieurs de ces changements s'inscrivent dans la continuité des travaux menés par notre commission.
Cette année, j'ai souhaité concentré mes analyses sur trois axes : le suivi de la mise en oeuvre du Plan France très haut débit, la compensation des déficits des missions de service public de La Poste et la « montée en puissance » de l'Agence nationale des fréquences (ANFR).
Concernant le suivi du Plan France très haut débit, à première vue, les objectifs sont en phase d'être atteints.
Le Gouvernement, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et les opérateurs de télécommunications se montrent confiants quant à la capacité de permettre à tous un accès au très haut débit d'ici la fin de l'année 2022. Selon les dernières données disponibles, au 30 juin 2022, 82 % des locaux, soit 35,2 millions d'entre eux, étaient éligibles au très haut débit par le biais d'une technologie filaire.
Aujourd'hui, cette dynamique est très largement soutenue par la vitesse de déploiement de la fibre optique jusqu'à l'abonné (Ftth) à laquelle 75 % des locaux sont éligibles. Avec en moyenne plus d'un million de nouvelles lignes déployées par trimestre, l'objectif de généraliser la fibre optique à horizon 2025 semble également pouvoir être atteint.
Cette année encore, la France demeure le premier pays de l'Union européenne (UE) en matière de déploiement de la fibre optique.
Nous pouvons nous en féliciter mais, à y regarder de plus près, cela pourrait être au détriment de la qualité, de la résilience et de la durabilité des réseaux. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.
Tout d'abord, le nombre de foyers activement abonnés à la fibre, estimé à 16,3 millions au deuxième trimestre 2022, est inférieur de moitié au nombre de locaux raccordables à la fibre, révélant un taux de pénétration du marché de moins de 50 %. L'activation effective des réseaux fibrés n'est donc pas aussi rapide que ce que suggèrent les indicateurs mis en avant.
Deuxièmement, pour des raisons économiques, les opérateurs privilégient le déploiement aérien des réseaux fibre, au détriment de leur enfouissement. Selon une récente étude commandée par Infranum et la Banque des territoires, ce sont 500 000 km de lignes aériennes, principalement situées en zones rurales, qui sont vulnérables face aux crises.
Dans un contexte de dérèglement climatique, de multiplication des incendies, des tempêtes, des « coups de vent » et de dégradation réelle de l'entretien des lignes téléphoniques, ces choix économiques de court terme se font au détriment d'une plus grande résilience et d'une meilleure durabilité de nos réseaux de télécommunications. À l'inverse, d'autres pays européens, comme l'Allemagne, privilégient exclusivement l'enfouissement terrestre de leurs réseaux.
Ce point me semble déterminant car dans un contexte où le Plan France très haut débit est désormais doté de toutes les autorisations d'engagement nécessaires à sa réalisation budgétaire, nous devons être vigilants à la qualité du service rendu, aux usagers, particuliers, entreprises et collectivités.
La généralisation de la fibre optique s'accélère, et en parallèle se prépare la fermeture du plan cuivre, annoncé cette année par Orange, qui en est l'opérateur historique.
Alors que la fermeture commerciale de ce réseau doit être totale au 1 er janvier 2026 et que l'Arcep n'autorise cette fermeture que si 100 % des locaux de la commune sont raccordables à la fibre, on estime que 670 000 foyers ne pourront pas, d'ici cette échéance, être raccordés à la fibre.
Le sujet des raccordements complexes est donc majeur, et à mon sens encore sous-estimé. Par l'intermédiaire du plan de relance, le Gouvernement a prévu 150 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour les années 2022 et 2023. Ces crédits doivent permettre de financer notamment le nouvel appel à projet de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dédié aux raccordements complexes.
Cet appel à projet est en cours, mais nous n'avons pas besoin d'attendre la publication des résultats pour constater que les moyens mobilisés sont insuffisants pour faire face aux besoins.
Nous devrons donc veiller à la reconduction d'un budget dédié aux raccordements complexes au-delà de 2023.
Dans d'autres domaines, les moyens budgétaires mobilisés s'avèrent plus adaptés. C'est notamment le cas des compensations versées à La Poste au titre de l'exercice de ses missions de service public. Sur ce point, je souhaite saluer les travaux menés par mes collègues MM. Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon dans le cadre de leur rapport d'information et de leur proposition de loi relatifs aux services publics de La Poste.
Cette année, et pour la première fois, les quatre missions de service public de La Poste font l'objet de compensations budgétaires pluriannuelles, ce qui facilite à la fois le travail de contrôle budgétaire du Parlement, mais surtout sécurise, dans la durée, le financement de services publics indispensables à nos concitoyens.
Au total, pour 2021, le coût net cumulé des quatre missions est évalué à 1,69 milliard d'euros pour un niveau cumulé de compensations de 1,12 milliard d'euros.
Pour 2022, ce même coût net cumulé des quatre missions est estimé à 1,54 milliard d'euros pour un niveau cumulé de compensations de 1,1 milliard d'euros.
Le niveau des compensations accordées à La Poste a quasiment doublé par rapport aux années précédentes en raison de l'octroi, pour la première fois, d'une dotation budgétaire comprise entre 500 et 520 millions d'euros, modulable en fonction des résultats de qualité de service, et visant à compenser le déficit du service universel postal.
À noter que, pour 2021, le Gouvernement a fait le choix d'accorder par défaut les 20 millions d'euros supplémentaires, alors même que les indicateurs de qualité de service n'étaient pas connus.
Il me semble préférable, pour les années à venir, de respecter la « logique préalable du bonus-malus », sous-jacente à l'octroi de cette compensation.
Sur la mission d'accessibilité bancaire, les compensations budgétaires versées à La Banque Postale sont désormais intégrées au budget général de l'État, la gestion n'étant plus assurée par le Fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. C'est un point appréciable en matière de lisibilité budgétaire.
Concernant la mission de transport et de distribution de la presse, la compensation versée pour 2023 devrait s'élever à 40 millions d'euros. Ce montant est en hausse par rapport aux prévisions de l'an dernier, en raison du retard de la mise en oeuvre de la réforme globale de la distribution de la presse.
Enfin, sur la mission de contribution à l'aménagement du territoire, les compensations budgétaires versées à La Poste sont également en hausse pour rééquilibrer la baisse des compensations fiscales.
Dans la continuité des dispositions introduites par le Sénat en loi de finances pour 2021, une compensation budgétaire est désormais versée pour prendre en compte les conséquences de la suppression des impôts de production, sur le financement de cette mission de service public. Cette compensation, de 74 millions d'euros pour 2023, a été majorée de 31 millions d'euros par un amendement du Gouvernement, toujours pour compenser les effets de la deuxième partie de la réforme des impôts de production.
Nous devrons veiller au bon financement de cette mission de service public car elle permet notamment le maintien des 17 000 points de contact postaux sur l'ensemble du territoire. En jeu, il y a tout de même la fermeture de bureaux de poste et leur mutualisation.
Sur le troisième et dernier point, j'ai souhaité cette année insister sur le rôle insuffisamment connu de l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Opérateur de l'État principalement chargé de la bonne distribution des fréquences radioélectriques, les moyens de l'ANFR sont renforcés depuis 2021 dans la perspective de la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Véritable « diplomate des ondes », l'ANFR devra notamment assurer la bonne distribution des fréquences entre les médias du monde entier et éviter les risques d'interférence et de brouillage. Or, ce rôle est mis à mal par la suppression, à compter du 1 er janvier 2023, de la « taxe de brouillage », dispositif simple, rapide et dissuasif, dont disposait l'ANFR, lors de ses interventions de résolution de brouillage.
En l'absence d'outils juridiques nouveaux permettant à l'ANFR de faire respecter la réglementation relative aux fréquences radioélectriques, la « montée en puissance » de l'Agence devient plus aléatoire, à une période où le développement des usages, des fréquences, des réseaux et des infrastructures multiplient les incidents et les interférences.
En conséquence, je défendrai, à titre individuel, un amendement en séance publique visant à rétablir cette taxe.
Cette « montée en puissance » de l'ANFR est également toute relative au regard des nouvelles obligations de surveillance de marché en matière de contrôle parental.
Depuis la promulgation de la loi relative au renforcement du contrôle parental sur les moyens d'accès à Internet, dont notre collègue Mme Sylviane Noël était rapporteure pour la commission, et dans l'attente de la publication des décrets d'application, l'ANFR peine à déterminer une véritable stratégie de contrôle ciblée des appareils connectés à contrôler en priorité.
Les hausses d'effectifs (+ 8 ETPT d'ici 2026) et budgétaires (+ 840 000 € d'ici 2026) prévues à cet effet semblent bien modestes au regard du nombre d'appareils à contrôler avant leur mise sur le marché français et au regard de l'importance politique toujours plus grande que nous accordons à la protection des mineurs en ligne.
Il nous faudra être particulièrement attentif concernant la qualité et la rapidité du déploiement de ce dispositif de contrôle dans les années á venir.
Je vous remercie pour votre attention, et je reste bien entendu à votre écoute pour répondre à vos questions.
M. Patrick Chaize . - Merci beaucoup pour la présentation de ce rapport. Je souhaiterais aborder deux points.
Premièrement, je me satisfais de la prise en compte des recommandations de notre rapport pour compenser les missions de service public de La Poste, en particulier pour compenser de façon budgétaire la baisse des compensations fiscales dont bénéficient La Poste au titre de sa mission de contribution à l'aménagement du territoire. Nous sommes dans une dynamique plutôt favorable qui permet de maintenir les services publics de La Poste.
Deuxièmement, sur l'aspect numérique, j'adhère bien évidemment à ce qui a été dit. Nous sommes dans une période très complexe et dans un environnement que je considère comme assez explosif. Il y a beaucoup d'insatisfaction de la part des particuliers, des entreprises, des collectivités territoriales et des opérateurs de télécommunications, ce qui nous interroge quant à notre capacité à tenir les objectifs de généralisation de la fibre optique d'ici 2025 et de fermeture du réseau cuivre d'ici 2030.
J'ai une question concernant le financement des réseaux de fibre optique de Mayotte, qui reste le seul département français qui ne bénéficie pas d'une dotation spécifique dans le cadre du Plan France très haut débit. Est-ce qu'il y a une enveloppe spécifique dédiée dans le cadre de ce projet de loi de finances ?
Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis - Si les auditions menées n'ont pas révélé de sujet spécifique sur le déploiement des réseaux de fibre optique à Mayotte, ce projet de loi de finances prévoit bien le lancement d'un nouvel appel à projets spécifique au déploiement des réseaux d'initiative publique (RIP) à Mayotte, le montant mobilisé n'étant toutefois pas encore connu. Nous serons vigilants sur ce point.
M. Jean-Marc Boyer . - J'ai une question technique mais qui peut avoir des conséquences financières. Beaucoup de communes, notamment dans les zones rurales et les zones montagneuses, ont financé l'enfouissement des réseaux électriques et des réseaux de télécommunications. Or, aujourd'hui, pour la mise en place de la fibre optique, il est proposé à certaines communes de privilégier le déploiement aérien par le financement de nouveaux poteaux. C'est problématique pour les communes ayant fait l'effort financier d'enfouir leurs réseaux. Est-ce que la fibre optique peut aujourd'hui être déployée en utilisant les réseaux souterrains existants ? C'est un enjeu pour de nombreuses communes.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je profite de cette question, dont la portée excède le champ du projet de loi de finances, pour vous annoncer que la nouvelle directrice générale d'Orange, Mme Christel Heydemann, sera auditionnée par notre commission des affaires économiques le mercredi 30 novembre prochain à 9 h 30.
Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis - C'est effectivement un sujet majeur qui nous préoccupe. Aujourd'hui, ce sont plus de 500 000 km de lignes aériennes, essentiellement déployées dans les zones rurales, qui sont considérées comme vulnérables face aux crises. Nous sommes peut-être en train de confondre vitesse et précipitation avec des réseaux de télécommunications qui risquent d'être trop vulnérables aux intempéries. L'audition de la nouvelle directrice générale d'Orange devrait effectivement nous permettre d'aborder plus en détails ce sujet.
M. Christian Redon-Sarrazy . - Je souhaite effectivement insister sur cette hyper-vulnérabilité des territoires ruraux qui sont surexposés aux risques. Nous avons notamment abordé ce sujet à la commission supérieure du numérique et des postes (CSNP). Nous devons conduire une réflexion, aux niveaux budgétaire et économique, sur l'utilisation faite par certains opérateurs et diffuseurs de contenus de nos réseaux de télécommunications, sans aucune contribution financière en retour. Une telle contribution permettrait, de façon complémentaire aux moyens budgétaires mobilisés par l'État, d'améliorer la qualité et l'entretien des réseaux.
Mme Sophie Primas , présidente . - C'est justement l'une des recommandations du rapport relatif à la souveraineté économique, adopté par notre commission en juillet dernier, que nous ne pouvons malheureusement pas mettre en oeuvre dans le cadre du projet de loi de finances.
M. Fabien Gay . - Sur la question des services publics de La Poste, malgré les avancées en matière de compensations budgétaires, je pense que la situation continue de se dégrader. Je fais notamment référence à la disparition du timbre rouge, qui est loin d'être anecdotique. Le signal envoyé est celui d'un service public postal qui ne livrera plus les courriers prioritaires le lendemain de leur envoi : la dégradation continue.
C'est également le cas pour les livraisons de journaux, qui se fait désormais davantage à J+ 2 ou à J+ 3 plutôt qu'à J+ 1 dans de nombreux départements.
Derrière la suppression du timbre rouge, il y a donc le renoncement par La Poste de livrer le courrier le lendemain de son envoi à toutes les personnes sur l'ensemble du territoire. C'est un choix et c'est une direction qui risque d'être prise à l'avenir pour les livraisons de colis. Il faut évidemment compenser les missions de service public, mais surtout avoir un véritable débat avec La Poste sur ces sujets. La suppression du timbre rouge est donc loin d'être anecdotique.
Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure pour avis - Nous devons effectivement accorder une importance particulière à la qualité de service. D'un point de vue budgétaire, je vous rappelle que, pour l'année 2021, le Gouvernement a fait le choix d'accorder par défaut l'enveloppe de 20 millions d'euros supplémentaires pour compenser le déficit du service universel postal à hauteur de 520 millions d'euros, alors même que les indicateurs de qualité de service n'étaient pas encore connus. Nous avons souligné ce manquement, et nous veillerons à ce que la logique de « bonus-malus » soit préservée dans les années à venir.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je remercie les trois rapporteurs pour leurs travaux respectifs. Ils proposent tous les trois d'émettre un avis favorable sur les crédits de cette mission, sous réserve de l'adoption de leurs amendements. Je vous propose donc de passer au vote.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption des amendements.