EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 16 novembre 2022, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires - de la mission « Action extérieure de l'Etat ».
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, chers collègues, pour commencer ce tour d'horizon des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », mon collègue Guillaume Gontard et moi-même avons travaillé sur le programme 151. Ce programme comporte, comme chaque année, les ressources dédiées aux Français à l'étranger et aux affaires consulaires.
Elles se répartissent entre trois grands postes de dépenses : le service public pour nos compatriotes à l'étranger pour environ 60% des crédits ; le financement des bourses scolaires du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) pour près d'un tiers des crédits et enfin le traitement des demandes de visa pour les 15 % restant.
L'année 2023 marquera par ailleurs une forme de « retour à la normale » pour le programme 151 du fait de l'absence d'élection directe à l'échelle nationale. Pour mémoire, l'organisation des élections présidentielles puis législatives qui se sont tenues cette année avait donné lieu à un abondement spécifique de 14 M€ en loi de finances pour 2022. Nous relevons toutefois que pour faire face à cette échéance, le ministère avait réduit ponctuellement sa dotation de financement des bourses scolaires de près de 10 M€ en s'appuyant sur la soulte de l'Agence pour maintenir constant le soutien financier aux familles expatriées.
Ces deux opérations budgétaires s'étant en quelque sorte « mutuellement neutralisées » en 2022, c'est bien à une stabilisation des crédits que nous constatons pour l'année 2023 avec une hausse globale de 5 %.
Tout en saluant la hausse globale des effectifs du ministère prévue par le projet de loi de finances, qui atteint un niveau inédit depuis deux décennies, je relève que la répartition des créations d'emploi ne reflète pas l'importance de chacune des missions du ministère. L'administration consulaire est celle qui a été la plus mise à contribution pour la réduction des effectifs du ministère dans le cadre du plan « Action Publique 2022 ». Pour autant, la part de l'administration consulaire dans les créations de poste proposées pour 2023 est inférieure à son poids global dans le personnel du ministère.
Par ailleurs, nous nous sommes intéressés plus particulièrement à deux sujets dans le cadre de l'avis de cette année. Avant de laisser Guillaume Gontard évoquer la question des aides sociales et des bourses scolaires, je vais évoquer le déploiement du service France Consulaire.
Le service France Consulaire est une innovation mise en place par le Quai d'Orsay à partir du 13 octobre 2021. Il s'agit d'une plateforme de réponse dématérialisée qui peut être sollicitée par téléphone ou par courriel par les Français résidant à l'étranger ou de passage à l'étranger. Après avoir été testé dans cinq postes consulaires en 2021, ce service est désormais expérimenté dans treize pays au total depuis août 2022 dont notamment le Danemark, la Suède, la Lituanie ou encore la Roumanie. Comme nous l'ont indiqué nos interlocuteurs, ce service n'a pas vocation à instruire des dossiers individuels mais de proposer une information générale à destination de nos compatriotes.
Pour le dire autrement, les informations transmises par France Consulaire sont souvent déjà disponibles sur internet mais l'existence d'une ligne téléphonique renforce l'accessibilité du service public consulaire. Pour répondre à ces dizaines de milliers d'appels, le ministère a passé un marché public avec deux prestataires pour acheminer les appels et surtout créé un plateau de réponse adapté qui se situe dans les locaux du ministère à La Courneuve.
À la suite des échanges que nous avons pu avoir aussi bien avec la direction centrale compétente du Quai d'Orsay qu'avec les services consulaires du poste de Dublin, qui fait partie des cinq postes pilotes à avoir expérimenté le service à partir de 2021, nous retenons deux principaux points de vigilance.
Le premier concerne le fait que le service France Consulaire ne saurait servir de prétexte à de nouvelles réductions d'effectifs dans les postes consulaires qui ont été déjà largement réduits depuis plusieurs décennies.
Le second concerne le calendrier de déploiement du dispositif. Alors que le ministre Le Drian nous avait annoncé ici même que le service serait déployé dans toute l'Union européenne en 2022, nous constatons que le rythme de déploiement actuel est moins ambitieux.
Cette dernière constatation ne remet pas en cause la réussite de cette expérimentation. Elle justifie néanmoins que nous soyons particulièrement attentifs à ce que le déploiement de France Consulaire soit accompagné des moyens adéquats.
M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, chers collègues, nous avons également orienté nos travaux cette année sur l'action sociale au bénéfice des Français de l'étranger, qui comprend notamment les crédits portés par le programme 151 pour financer les bourses scolaires du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ou AEFE.
Les dépenses sociales gérées par les postes consulaires ont connu plusieurs années exceptionnelles du fait de la création en avril 2020 du « soutien occasionnel de solidarité » ou SOS covid qui correspond à une aide mensuelle destinée aux Français installés à l'étranger ayant subi des pertes de revenus liées à la crise sanitaire.
La reconduction de cette aide pendant l'ensemble de l'année 2021 s'est traduite par un montant exceptionnel d'aides sociales versées pendant cet exercice avec 27 M€ dont 12 M€ pour le seul versement des aides SOS covid. La suppression du dispositif SOS covid en août 2022 aura pour conséquence une réduction globale du dispositif d'aide sociale avec un budget proposé de 16,2 M€ pour 2023. Ce dispositif revêt un caractère essentiel de solidarité pour nos compatriotes qui sont plus de 4 200 à avoir bénéficié d'une aide sociale en 2021, en supplément des nombreux bénéficiaires de l'aide exceptionnelle liée à la crise sanitaire.
À cet égard, l'augmentation d'environ 1 M€ de l'enveloppe de financement des aides sociales en 2023 ne peut pas être présentée sérieusement comme une compensation équivalente à la suppression du dispositif SOS covid dont le montant atteignait plus de 10 M€ en année pleine. Sans même parler des perspectives de récessions annoncées dans certains pays de l'Union européenne pour 2023, la reprise de l'inflation au niveau mondial génère une incertitude sur la portée des aides sociales qui seront versées en 2023. Face à une inflation qui devrait atteindre plus de 6 % à l'échelle mondiale en 2023, les aides sociales qui ne seront pas revalorisées risquent de voir leur valeur réelle diminuer.
Pour ne prendre qu'un exemple emblématique : le poste de Beyrouth est celui qui compte le plus d'allocataires des aides sociales consulaires en 2022. En septembre, le niveau de l'inflation en glissement annuel y atteignait plus de 162 %. S'il faut espérer que ces cas extrêmes resteront isolés, nous serons particulièrement attentifs à ce que la trajectoire financière des aides sociales consulaires tienne compte de la dégradation de la situation économique mondiale.
Enfin, à l'occasion de nos auditions, nous avons interrogé l'administration consulaire qui nous a indiqué qu'il n'existe pas d'indicateur chiffré sur le taux de « non-recours » de ces dispositifs d'aide sociale. Sans méconnaitre la difficulté de recueillir des informations sur nos compatriotes à l'étranger, il nous semble indispensable qu'une réflexion soit engagée pour créer un outil de suivi plus précis de ce taux de non-recours.
Sur le sujet des bourses scolaires, je rappelle pour mémoire que les bourses distribuées par le réseau de l'AEFE sont financées par une enveloppe spécifique prélevée sur les crédits du programme 151.
Les bourses versées par l'AEFE permettent chaque année de soutenir financièrement, sous condition de ressources, les familles françaises expatriées dont les enfants sont scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Un barème adapté prévoit ensuite la prise en charge totale ou partielle des frais de scolarité de l'élève boursier.
En 2021, ces bourses ont bénéficié à plus de 24 000 élèves répartis dans 137 pays différents pour un coût de 103 M€.
Les échanges que nous avons eus avec l'administration consulaire et le directeur général de l'Agence font ressortir deux points d'attention particuliers.
Le premier concerne la budgétisation de l'enveloppe de financement des bourses scolaires. Dans les dernières années, et en particulier en 2022, les crédits inscrits en loi de finances initiale ont été inférieurs au coût réel du financement des bourses scolaires. Cette différence était rendue possible par l'existence d'un excédent de trésorerie de l'Agence, appelé « soulte », qui a financé pendant plusieurs exercices successifs le solde entre les crédits votés en loi de finances et le coût réel des bourses.
Ce mécanisme nuit à la clarté et à la lisibilité du dispositif de financement des bourses scolaires et nous serons attentifs à ce que les crédits votés annuellement se rapprochent du coût réel des bourses scolaires.
Le second point d'attention concerne la probable augmentation du coût des bourses scolaires, et ce dès l'exercice 2023. En effet, la conjoncture économique que je viens d'évoquer se traduira par une hausse dynamique des frais de scolarité qui a déjà atteint +8 % en moyenne pour les établissements en gestion directe de l'Agence.
Pour conclure, nous proposons d'adopter un avis favorable pour les crédits du programme 151, ce qui ne nous empêche pas de souligner le fait qu'il est nécessaire que la trajectoire budgétaire de l'administration consulaire tienne compte de la dégradation du contexte économique mondial dans les prochains mois.
Mme Hélène Conway-Mouret . - J'ai une question sur les motifs de la lenteur du déploiement de France Consulaire. Est-ce qu'à l'occasion de vos auditions, il vous a été expliqué pourquoi les objectifs fixés initialement pour 2022 n'ont pas été atteints ?
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis . - Un des points que je n'ai pas eu l'occasion d'évoquer à l'oral est le volume des questions traitées par France Consulaire depuis son expérimentation. Pour le seul poste de Dublin, plus de 17 000 questions ont été posées au téléphone en un an, auxquelles s'ajoutent les questions posées par courriel - le service par courriel ayant par ailleurs été écarté pour les postes intégrés au dispositif à partir de juin dernier du fait de lacunes d'expression écrite. On nous a clairement répondu sur le fait que le principal facteur de ralentissement du déploiement du service est actuellement lié au nombre de postes d'emploi prévus par l'administration pour encadrer la plateforme de réponse. L'encadrement est actuellement assuré par 8 agents mais l'intégration de nouveaux pays impliquera des créations d'emploi supplémentaires.