B. UNE ÉVOLUTION MARGINALE DES CONDITIONS MATÉRIELLES D'ACCUEIL

a) Une diminution de la dotation prévue pour l'ADA qui pose question

La dotation inscrite au PLF pour 2023 au titre de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) connaît une diminution de plus d'un tiers (-36 % pour se porter à 314,7 M€, contre 491 M€ sur l'exercice précédent). Le ministère de l'intérieur justifie cette diminution par deux éléments. Si l'on exclut les bénéficiaires de la protection temporaire, le montant inscrit est, d'une part, similaire aux prévisions de dépenses exécutées en fin d'année 2022 22 ( * ) et qui, si elles se vérifiaient, conduiraient à une sous-exécution des crédits autorisés en loi de finances (LFI) pour 2022. D'autre part, la poursuite de l'amélioration du délai de traitement des demandes d'asile en 2023 limiterait mécaniquement le nombre de bénéficiaires de cette allocation.

Outre le fait que l'on peut s'interroger sur la pertinence du choix d'exclure les bénéficiaires de la protection temporaire du calcul, ce scénario semble résolument optimiste : d'une part la demande d'asile devrait encore augmenter significativement en 2023, comme en atteste le scénario de référence de 135 300 demandes utilisé pour la budgétisation ; d'autre part, la dynamique d'amélioration des délais de traitement de l'OFPRA tend à plafonner. Une attention particulière sera dès lors portée par les rapporteurs aux prochaines évolutions de ce poste de dépense particulièrement volatil.

Les conséquences du conflit en Ukraine

Le déclenchement de l'offensive russe en Ukraine en février dernier a lourdement affecté l'activité de l'ensemble des acteurs de la politique migratoire . Ce sont ainsi près de 109 000 personnes déplacées qui sont arrivées en France depuis cette date et qui ont bénéficié du mécanisme de protection temporaire prévu par la directive 2001/55/CE du 10 juillet 2010 et activé pour la première fois par l'Union européenne le 4 mars. Le ministère de l'intérieur estime que ce chiffre devrait dépasser les 130 000 dans le milieu de l'année 2023. De manière générale, ce dispositif a rempli son rôle en permettant, d'une part, une prise en charge rapide et effective des déplacés et en évitant, d'autre part, une embolie de la chaîne de l'asile . L'OFPRA n'est ainsi que très marginalement affecté par les conséquences du conflit, dans la mesure où la protection temporaire est octroyée par les préfectures au terme d'un examen resserré.

La protection temporaire ouvre notamment le droit au versement de l'ADA, à un hébergement et à un accompagnement social. Le coût estimé total pour l'année 2022 est de 579 M€ 23 ( * ) pour ce qui est de la mission « Immigration, Asile et Intégration ». Pour l'année 2022, le financement a reposé principalement sur un abondement de 300 M€ via le décret d'avance du 7 avril, et sur des économies réalisées en gestion. Le coût prévisionnel pour 2023 est estimé à 706,3 M€ par le ministère de l'intérieur. Ce dernier a néanmoins fait le choix de ne pas inscrire ces crédits au PLF en raison des incertitudes sur l'évolution du conflit et de la difficulté à établir une prévision sincère qui en résulte.

b) Un dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile sous tension

Le développement capacitaire du parc d'hébergement du dispositif national d'accueil a connu un coup d'arrêt en 2022 . Alors que la LFI pour 2022 prévoyait la mobilisation d'une provision exceptionnelle de 20 M€, initialement destinée à couvrir un éventuel dépassement de l'ADA, pour financer 4 900 places d'hébergement supplémentaires, ces crédits ont finalement été utilisés pour financer l'accueil des déplacés ukrainiens. Les créations de place ont été reportées à 2023, conférant de fait un caractère « d'année blanche » à 2022 .

Les 4 900 places supplémentaires reportées sur l'année 2023 se décomposent en 2 500 places en centre d'accueil pour demandeur d'asile (CADA), en 900 places d'hébergement d'urgence en Outre-mer (HUDA) et en 1 500 places en centre d'accueil et d'examen des situations (CAES) 24 ( * ) . Par ailleurs, 2 194 places d'hébergement financées par le plan de relance jusqu'au 31 décembre 2022 seront rattachées à la mission « Immigration, asile et intégration » sur l'exercice 2023. Au total, 1,47 Mds€ en AE et 839 M€ en CP sont demandés au titre de l'action n° 2 du programme 303 pour le financement du parc d'hébergement en 2023 (contre respectivement 826 M€ et 741 M€ l'année précédente) et le parc devrait atteindre 108 800 places en fin d'année 25 ( * ) . Cette forte augmentation s'explique à la fois par la revalorisation salariale des intervenants sociaux dans les dispositifs 26 ( * ) et par la prise en compte des coûts supplémentaires liés à l'inflation 27 ( * ) .

Évolution des places disponibles dans le dispositif national d'accueil
et dans les CPH

2017

2018

2019

2020

2021

2022

CADA

40 406

42 452

43 602

43 602

46 632

46 632

HUDA

39 749

41 154

51 826

51 826

52 160

52 160

CAES

0

2 986

3 136

3 136

5 122

5 122

CPH

2 207

5 207

8 710

8 710

9 118

9 918

Total

82 362

91 799

107 274

107 274

113 032

113 832

Source : Ministère de l'intérieur

Au-delà de la question capacitaire, les performances en matière d'hébergement sont encore en-deçà des attentes. La part des demandeurs d'asile hébergés progresse à un rythme lent depuis 2016 (48 % en 2016, 52 % en 2020 et 58 % en 2021) et demeure modeste . L'objectif de 90 % à horizon 2023 fixé par le PAP pour 2021 a même été progressivement rabaissé pour désormais s'établir à 70 % cette année. Si une partie des difficultés peut s'expliquer par le renforcement des capacités décisionnelles de l'OFPRA, qui augmente mécaniquement le taux d'occupation indue du fait du maintien de réfugiés dans leur hébergement, il n'en demeure pas moins que d'importantes marges de progrès subsistent .


* 22 Selon les réponses au questionnaire budgétaire transmises par le ministère de l'intérieur, les prévisions de dépenses pour 2022 au titre de l'ADA s'élèvent à 302,1 M€ pour l'allocation versée aux demandeurs d'asile et à 242,2 M€ pour celle versée aux bénéficiaires de la protection temporaire.

* 23 Décomposé comme tel : 565,2 M€ sur le programme 303 (dont 242,2 M€ pour l'ADA, 309,2 M€ pour l'hébergement et 13,8 M€ pour l'accompagnement social) et 13,8 M€ sur le programme 104 (dont 8,6 M€ pour la prise en charge des dépenses de l'OFII et 5,2 M€ pour les actions d'intégration).

* 24 Les CADA sont en priorité destinés aux personnes en attente d'une décision de l'OFPRA, tandis que les CAES permettent la mise à l'abri avant une orientation vers la structure d'hébergement adéquate et que les HUDA sont mobilisés principalement pour les demandeurs d'asile en procédure accélérée et en procédure Dublin.

* 25 Sans compter les CPH qui sont réservées aux bénéficiaires de l'asile les plus vulnérables. Ils sont financés par le programme 104 et 1 000 places supplémentaires sont budgétées par le PLF pour 2023.

* 26 Une augmentation de 183 euros nets par mois a été annoncée par le Premier ministre le 18 février 2022, pour un coût total estimé en 2023 de 38,1 M€ pour dispositifs d'hébergement.

* 27 La DGEF évalue dans sa contribution écrite le coût supplémentaire à 26 M€.

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