TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre
de la transition écologique et de la cohésion des territoires,
chargée de la biodiversité
Mercredi 25 octobre 2023

M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin, pour la première fois devant notre commission, la nouvelle secrétaire d'État chargée de la biodiversité, Sarah El Haïry.

Madame la ministre, votre portefeuille évolue, passant du service national universel (SNU) à la biodiversité : ce changement d'attribution vous conduit par conséquent à intervenir devant nous, ce dont nous nous félicitons.

En matière de biodiversité et de développement durable, notre commission a acquis au cours de ses dix années d'existence une indéniable expertise et un regard acéré sur les enjeux environnementaux. Vous avez devant vous des sénateurs qui ont notamment oeuvré pour faire en sorte que la loi « Climat et résilience » d'août 2021 aboutisse à un cadre normatif ambitieux, réaliste, juste socialement, et promeuve des politiques publiques qui placent les élus locaux et les territoires au centre du jeu, car ce sont les véritables laboratoires de la transition écologique.

À l'occasion de chaque texte soumis à son examen, la commission marque de son empreinte pragmatique les dispositions permettant d'atteindre les objectifs climatiques et environnementaux de notre pays, dans un souci d'équité et de justice sociale, sans rien céder à la nécessaire ambition qui doit caractériser nos politiques publiques en la matière.

Où en sommes-nous aujourd'hui en matière de biodiversité ? La situation n'est guère brillante, en dépit des plans et stratégies mis en oeuvre par les gouvernements successifs : l'érosion de la biodiversité se poursuit à un rythme soutenu et le déclin des espèces est malheureusement une réalité tangible, toutes les études le prouvent, chiffres préoccupants à l'appui. Et il s'agit là d'une mauvaise nouvelle, pour tout le monde.

Un nouveau cadre mondial d'action a été fixé en décembre dernier à l'occasion de la COP15 consacrée à la biodiversité, à laquelle a participé pour la première fois une délégation de la commission composée de Guillaume Chevrollier, Denise Saint-Pé, notre ancien collègue Jean-Michel Houllegatte, sans oublier Ronan Dantec. Cette séquence de diplomatie environnementale a permis l'adoption d'un cadre mondial ambitieux et - nous l'espérons - transformateur pour la biodiversité à l'horizon 2030. L'accord de Kunming à Montréal fixe un cap, détermine des objectifs et prévoit une méthode d'évaluation d'atteinte des objectifs afin de corriger les trajectoires si celles-ci ne permettent pas l'inversion de la tendance en matière d'érosion de la biodiversité.

Près d'un an plus tard, où en est la France dans la transposition de ce cadre et le financement de celui-ci ? La Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) a-t-elle été redimensionnée à l'aune de ces nouveaux objectifs ? Les moyens budgétaires alloués aux programmes d'actions sont-ils à la hauteur du défi colossal en la matière ? Quelle est votre feuille de route pour faire de la SNB une stratégie gagnante, contrairement à toutes les précédentes ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la biodiversité. - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de me présenter aujourd'hui devant votre commission puisqu'il s'agit de ma première audition en tant que secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Il y a une continuité entre jeunesse et biodiversité, avec le passage d'un défi de société, celui de créer de l'unité entre une génération, à un autre, celui de préserver un capital naturel à cette génération.

Je dresserai tout d'abord un état des lieux de la biodiversité, qui est préoccupant. Nous avons la chance d'avoir un patrimoine naturel dont nous pouvons être fiers. Nous avons pris conscience que nous vivons une extinction, le sixième effondrement de masse, qui concerne 12 000 espèces en France. La biodiversité est au fondement de tous les besoins humains. La biodiversité, c'est l'ensemble des vivants, qui rendent un certain nombre de services écosystémiques à titre gratuit. Je pense par exemple à la photosynthèse, à la purification de l'eau, à l'alimentation, à l'absorption des chocs climatiques. La biodiversité est à la fois la victime du changement climatique et une partie de la solution. C'est aussi la préservation d'un patrimoine immatériel, de la beauté des paysages et de nos territoires. Enfin, la biodiversité est un enjeu économique : cet effondrement met autant en cause notre mode de vie, notre santé, que la préservation de notre propre prospérité. Avant d'être élue nationale, je suis avant tout élue locale : nous nous préoccupons tous dans nos territoires de la quantité et de la qualité de l'eau, des zones humides et de l'adaptation au changement climatique qui transforme les paysages à vue d'oeil. Face à ces dérèglements, j'aimerais que l'équivalent du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pour la biodiversité, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), soit mieux connu du grand public. Elle ne jouit pas encore de la même notoriété. L'IPBES a identifié cinq pressions sur la biodiversité. Par ordre d'importance, ce sont les changements d'usages, sur terre et en mer, la surexploitation des ressources, le changement climatique, les pollutions diverses et les espèces exotiques envahissantes, comme le moustique tigre cet été par exemple.

J'en arrive à votre deuxième question concernant la Stratégie nationale biodiversité (SNB). Elle a pour objectif de stopper l'effondrement, de réduire les cinq pressions puis d'inverser l'effondrement en restaurant la biodiversité. Pour y arriver, nous avons besoin que soient remplies deux conditions : la première repose sur la mobilisation de tous les acteurs car, sans elle, l'action reste partielle et insuffisamment efficace. La seconde condition nécessite le déploiement de moyens dédiés, des moyens financiers historiques, mais aussi des indicateurs de performance. À cette fin, la SNB cherchera d'abord à lutter contre les causes : c'est le sens des projets d'aires protégées, des stratégies de préservation des habitats, des projets de gestion adaptative sur la surexploitation, de la lutte contre la pollution plastique, contre les espèces envahissantes... Le deuxième axe, les mesures de restauration, implique bien plus qu'une simple décision de l'État : il repose également sur la mobilisation des territoires, du bloc communal comme des régions. Ce deuxième axe se concrétise par exemple par le pacte en faveur de la haie avec un objectif de 50 000 kilomètres de haies ou à travers la restauration des zones humides. La France soutient sur la scène internationale des mesures à la fois ambitieuses et mesurables par évaluations régulières, à l'instar de l'accord de Kunming à Montréal que vous avez évoqué ou du règlement européen sur la restauration de la nature.

Pour mobiliser l'ensemble des acteurs, nous avons tout d'abord besoin de travailler étroitement avec les collectivités territoriales. C'est pour cela que cette SNB a prévu une mise en oeuvre territorialisée. Cette territorialisation permettra d'agir au plus près des opportunités et des difficultés. Nous devons également mobiliser les entreprises afin qu'elles puissent connaître leur dépendance vis-à-vis de la biodiversité et l'importance de la gestion de l'eau. Enfin, il est nécessaire d'associer les citoyens. Comme le disait Cousteau, « on aime ce qui nous a émerveillé et on protège ce que l'on aime ». Si on arrive à émerveiller nos enfants avec des aires éducatives, j'ai la conviction qu'on peut aller beaucoup plus loin. Cette territorialisation est à mes yeux la mère des batailles, dans la continuité de la planification écologique, et sera défendue avec Christophe Béchu pendant les COP régionales, qui permettront de mettre en lumière un certain nombre d'enjeux. Il est possible de territorialiser jusqu'à l'échelle communale, avec les Atlas de la biodiversité communale, qui permettent d'apprécier la richesse de la biodiversité locale et ainsi de faciliter les actions en faveur de sa protection. Le problème de financement de cet atlas m'est familier, même si le taux de subventionnement de l'État est parfois porté jusqu'à 80 %. Il y a aujourd'hui plus de communes candidates que de communes accompagnées.

J'en viens au dernier axe : les moyens budgétaires. Ils sont significatifs, avec 10 milliards d'euros supplémentaires mobilisés dans le cadre de la planification écologique tous sujets confondus, dont 1,2 milliard d'euros consacrés plus spécifiquement à la biodiversité, dont 475 millions d'euros pour la mise en oeuvre du plan eau, 400 millions pour la SNB, 300 millions d'euros de reconquête et de reconversion des friches et enfin 100 millions d'euros dédiés à la renaturation. Cette année, 12 600 dossiers ont été déposés dans le cadre de la SNB, pour une enveloppe globale de 12 milliards d'euros.

J'espère que la haute assemblée votera l'augmentation de 500 millions d'euros du « fonds vert ». Le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires finance notamment des projets de renaturation des écoles, permettant de désimperméabiliser les sols et de créer des îlots de fraîcheur.

Je conclurai mon propos en évoquant une bataille qui me tient à coeur, concernant la place et le rôle de la science face au défi du siècle. Aujourd'hui nous avons besoin d'indicateurs, de science participative, de vulgarisation, et non pas d'opposer progrès et préservation. C'est pourquoi nous avons besoin de faire évoluer la gouvernance. C'est tout le travail qui est mené de manière interministérielle avec une structure inédite, le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), qui met du « vent dans les voiles » et peut changer la donne. Sur les questions de jeunesse, l'interministérialité était plus difficile au quotidien. Le SGPE joue un rôle de facilitateur des échanges, grâce aux rencontres régulières qui sont organisées. Pour parvenir à une stratégie qui tienne la route, nous avons misé sur la co-construction. Nous avons reçu les avis des quatre instances qui ont été saisies : le Comité national de l'eau, le Conseil national de la mer et des littoraux, le Conseil national de la protection de la nature et enfin le Comité national de la biodiversité qui réunit à lui seul 143 membres. Nous avons ainsi pu promouvoir une vision globale, qui a enrichi la version définitive qui sera présentée d'ici quelques semaines.

En conclusion, la situation du vivant exige des actions d'ampleur, des moyens budgétaires nouveaux et substantiellement augmentés - ce qui est le cas avec le projet de loi de finances pour 2024 - mais pour réussir, nous avons surtout besoin de l'engagement de l'ensemble des élus et des acteurs.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité. - Comme l'a indiqué le président Longeot dans son propos introductif, j'étais membre de la délégation de la commission qui a participé à la COP15 biodiversité à Montréal en décembre dernier. Cette COP s'est conclue par l'adoption d'un nouveau cadre mondial pour la biodiversité, avec 23 cibles et une feuille de route ambitieuse pour enrayer le déclin de la biodiversité à l'échelle mondiale. Mais il ne s'agit que d'un accord non contraignant : son succès repose in fine sur la mise en oeuvre, par chaque État signataire, des mesures adéquates, adaptées à son cadre normatif, à ses capacités budgétaires et à ses ambitions.

Dans ce domaine comme en d'autres, la France peut jouer un rôle moteur : le crédit de notre pays en matière de diplomatie climatique et environnementale est significatif et il faut travailler à le maintenir. Selon quelle méthodologie comptez-vous décliner les ambitions de l'Accord de Kunming à Montréal dans la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) pour 2030 ? Quelles sont les mesures que vous identifiez comme les plus délicates à mettre en oeuvre ? Une intervention du législateur sera-t-elle nécessaire ?

Je note par ailleurs que le programme 113 porte désormais le financement de la SNB et qu'il a été rehaussé de 264 millions d'euros pour 2024. C'est une évolution qui mérite d'être soulignée, même si les efforts pour réduire les pressions sur le vivant réclament certainement des moyens financiers encore plus significatifs, sans oublier les moyens humains qu'implique nécessairement ce type de politiques publiques.

Certaines mesures ont déjà été mises en oeuvre, notamment la stratégie des aires protégées. D'autres impliquent un étroit travail de concertation avec les acteurs économiques et financiers - je pense au secteur agricole, à la réforme des subventions néfastes à la biodiversité ou l'évaluation des impacts et des dépendances des entreprises vis-à-vis de la biodiversité. Quels sont les objectifs que vous vous fixez en la matière ? Comment associer efficacement la sphère privée aux actions publiques en ce domaine, tout en ayant à l'esprit la compétitivité des entreprises à l'international qu'il ne faut pas pénaliser ?

J'aimerais également évoquer la mise en oeuvre des 53 mesures du plan eau, présenté en mars dernier par le Président de la République. Avant de vous entendre, nous avons écouté nos collègues Rémy Pointereau et Hervé Gillé qui ont mené les travaux de la mission d'information sur la gestion durable de l'eau. Ils se sont attachés à proposer des recommandations afin de faire évoluer la gouvernance de la politique de l'eau et améliorer la résilience hydrique de notre pays dans un contexte de changement climatique. Comptez-vous vous inspirer de ces travaux ?

Naturellement, je m'intéresse de mon côté aux mesures du plan eau qui n'ont pas encore été mises en oeuvre : je pense à la tarification incitative de l'eau, l'installation des compteurs avec télétransmissions ou encore la définition d'objectifs chiffrés de réduction des prélèvements dans les schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) et les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Comment expliquer les retards ? Après les assises de l'eau, le Varenne agricole de l'eau et le chantier eau du Conseil national de la refondation (CNR), nous étions en droit de penser que le cycle de concertation, ayant associé tous les acteurs, avait pu lever les points de blocage...

Ma dernière question porte sur la déclinaison du « fonds vert » en faveur de la biodiversité. Je relève avec satisfaction que l'enveloppe globale a été rehaussée à 2,5 milliards d'euros, avec des mesures pour prévenir les inondations, renaturer les villes ou encore recycler les friches. Pourriez-vous nous indiquer si la mécanique de versement des crédits issus de cette enveloppe évoluera ou restera déconcentrée au niveau des préfets ? Par ailleurs, quel bilan faites-vous des actions qui ont bénéficié de financements dans ce cadre ? De nouvelles priorités ont-elles été identifiées par votre ministère ? La subsidiarité du versement des fonds peut-elle être encore améliorée, afin que les élus locaux puissent bénéficier des fonds avec un formalisme minimal ? Le « fonds vert » est un bel outil à condition qu'il soit simple d'accès pour toutes les communes, quelle que soit leur taille. À ce titre, pouvez-vous nous présenter la ventilation des crédits du « fonds vert » en fonction de la typologie des territoires et les réalisations les plus emblématiques en matière de biodiversité ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Monsieur le rapporteur, vous avez en effet été partie prenante en amont de l'accord de Kunming à Montréal. Les orientations les plus claires et en même temps les plus exigeantes de l'accord concernent l'objectif de 30 % d'aires protégées, en terre et mer, et la réduction de 50 % de l'introduction d'espèces exotiques envahissantes. Des moyens financiers considérables existent : toutes sources confondues, publiques et privées, 200 milliards d'euros par an seront mobilisés. La mise en oeuvre de la directive européenne CSRD sur le reporting de durabilité des sociétés et du reporting financier lié à la nature, la TNFD, présentée lors du Climate Week à New York il y a un mois, incite les fonds souverains à financer plus clairement les mesures en faveur de la biodiversité. Des fonds spécifiques émergent et leur trajectoire est encourageante. L'exercice plus difficile, mais nécessaire, consistera en la diminution des subventions néfastes à la biodiversité, pour laquelle il faudra accompagner des pans entiers de notre économie et particulièrement notre agriculture, en prenant en compte, comme vous l'avez évoqué, la question de la non-distorsion de concurrence, en particulier sur le marché européen. Diminuer ces subventions néfastes nécessite d'associer l'ensemble des secteurs agricoles, pour que cette évolution acquière une dimension européenne et non exclusivement française. Pour aller au-delà des objectifs de l'accord, il faut atteindre 10 % du territoire en protection forte, objectif inscrit dans la SNB, dont 5 % en mer et 5 % dans les zones terrestres. Cela nécessite de nouveaux partenariats dans les territoires, afin d'augmenter le niveau de protection, mais dans le cadre de l'approche française, qui ne consiste pas en la mise sous cloche du territoire, mais implique une coexistence, une cohabitation, en conjuguant activités humaines et protection des espaces, autant en mer que sur terre. Cela implique également de répondre à des enjeux de développement de nos territoires, pour lesquels les attentes sont fortes. C'est pour cette raison que nous avons besoin de diagnostics, de moyens financiers et d'ingénierie. Il manque encore aujourd'hui une brique d'ingénierie plus marquée. Nous y travaillons avec la ministre Dominique Faure pour voir comment mobiliser de nouveaux moyens en ingénierie, notamment au sein de l'ANCT, pour mieux accompagner les élus et leur donner les moyens d'agir de façon transformatrice dans les territoires. Quels que soient les territoires, je constate beaucoup d'envie et de mobilisation, mais également une prise de conscience. L'enjeu est maintenant de réussir à dépasser les contraintes.

Vous avez également parlé, monsieur le rapporteur, des questions liées à l'eau. Je prendrai connaissance du rapport d'information de vos collègues avec beaucoup d'intérêt. Vous avez souligné la question de la tarification incitative. Des communes la mettent déjà en oeuvre. Ce n'est pas à l'État de le décider de façon unilatérale, je suis favorable à la différenciation. La tarification incitative et progressive fonctionne : dans bien des cas, elle permet de diminuer la consommation de l'ordre de 10 %. J'ai demandé à mes services si le déploiement des compteurs connectés pouvait être accompagné financièrement, je suis en attente d'une réponse. La réception d'une facture d'eau unique, en fin d'année, ne permet pas de piloter finement sa consommation d'eau. Cette prise de conscience nécessite aussi la mise en oeuvre de l'équivalent de l'Ecowatt pour l'eau, c'est-à-dire VigiEau. C'est un « petit poucet » qui commence à s'implanter dans la vie quotidienne. Depuis cet été, 1,2 million de visiteurs uniques s'y sont connectés. C'est l'une des premières étapes vers une meilleure gestion, et nous devons promouvoir cet outil auprès du plus grand nombre.

M. Pascal Martin. - Ce matin, c'est en qualité d'ancien rapporteur de la loi « Climat et résilience », promulguée en août 2021, que je m'exprime. Je suis naturellement, comme mes collègues, attaché à la bonne application des dispositions de ce texte, les plus emblématiques, mais également celles qui ont moins fait couler d'encre. J'estime que le suivi de cette loi d'ampleur inégalée est une impérieuse nécessité : après m'être fortement investi pendant plusieurs mois, tout comme mes collègues Philippe Tabarot et Marta de Cidrac, il faut aujourd'hui assurer une veille post-législative, s'intéresser au déploiement de ses mesures dans le temps, tout en contrôlant la manière dont l'État s'emploie à les mettre en oeuvre dans et avec les territoires.

J'avais notamment rapporté l'article relatif à la stratégie nationale des aires protégées (SNAP). Si aujourd'hui l'objectif de mise sous protection d'au moins 30 % du territoire national terrestre et maritime est atteint, nous sommes malheureusement loin du compte pour les aires sous protection forte, dont nous avions fixé la superficie, de façon exigeante, mais nécessaire, à au moins 10 % d'ici à 2030 ; il nous reste donc moins de sept ans pour y parvenir. Quand j'observe les difficultés et les importants retards pour la création d'un douzième parc national dédié aux zones humides, j'ai tout lieu d'être assez pessimiste. Madame la ministre, pourriez-vous m'éclairer sur ce point, en me rassurant sur la trajectoire anticipée par votre ministère pour se conformer aux objectifs fixés par le législateur ?

Comment s'articule la stratégie nationale des aires protégées avec la stratégie en matière de lutte contre l'artificialisation des sols ? C'est d'ailleurs un débat que le Sénat a conduit avec sérieux et pragmatisme, qui a abouti à l'adoption de la loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs zéro artificialisation nette (ZAN) au coeur des territoires. Quel dialogue entretenez-vous avec les territoires pour atteindre l'objectif de décélération du rythme d'artificialisation des sols ?

J'en viens maintenant à l'épineuse question de la continuité écologique, avec son fameux article 19 bis C - devenu article 49 une fois la loi promulguée - relatif aux moulins à eau dont les débats ont été pour le moins houleux, c'est un euphémisme. Aujourd'hui, le régime juridique en matière d'aménagement de seuils sur les cours d'eau est stabilisé, avec l'interdiction de la destruction des ouvrages. La Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) envisage-t-elle de fixer de nouveaux objectifs de restauration de continuité écologique ? Pouvez-vous faire un bilan de la politique publique en la matière ? Comment décririez-vous les relations de l'administration avec les propriétaires de moulins à eau ?

Enfin, j'en viens à la question centrale du financement de la biodiversité, que vous avez évoquée dans votre intervention liminaire. On ne résoudra pas les manques de financement criants avec le « loto de la biodiversité » ni avec une dotation budgétaire toujours insuffisante par rapport aux enjeux. Quelles sont les pistes que vous envisagez pour diversifier les ressources ? La réflexion relative à l'instauration d'une fiscalité écologique suit-elle son chemin ? Quelle est la maturité des discussions en ce domaine, notamment à Bercy, afin de sécuriser des recettes fléchées pour la préservation de la biodiversité ?

M. Stéphane Demilly. - Madame la ministre, nous avons eu le plaisir, avec les maires de Méricourt-sur-Somme et d'Albert, de vous accueillir dans la Somme il y a deux jours afin de procéder au grattage d'un ticket du jeu « Mission nature ». Je salue l'initiative destinée à récolter des fonds pour la préservation de la biodiversité. La biodiversité n'est pas une lubie écologiste, c'est une nécessité afin de préserver le socle sur lequel sont bâties notre société et notre économie.

J'aimerais donc vous interroger sur la mobilisation des entreprises en faveur de la biodiversité, vous y avez fait allusion dans votre introduction. Pour maintenir ses activités, toute entreprise dépend, directement ou indirectement, de la biodiversité, que ce soit pour l'approvisionnement en matières premières, pour la qualité de l'eau ou de l'air ou encore pour les services de régulation. De plus, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) incite les entreprises à réduire les impacts de leur activité sur l'environnement, et donc sur la biodiversité.

Les entreprises prennent de plus en plus conscience de leurs liens avec la biodiversité et souhaitent agir concrètement. Madame la ministre, comment les entreprises de nos territoires peuvent-elles être mieux soutenues dans la mise en oeuvre de plans d'action efficaces en faveur de la biodiversité ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Le Président de la République a proposé de planter un milliard d'arbres durant la prochaine décennie. Pourquoi ce chiffre ? Quels types d'arbres et de plantations sont concernés ? Aujourd'hui, 75 % de la forêt française est privée et possédée par un peu plus de 3 300 000 propriétaires, comment comptez-vous encourager les propriétaires à atteindre cet objectif ?

On compare souvent les différents types de mobilité en fonction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Existe-t-il des études sur le sujet ? Peut-on savoir quel mode de mobilité offre le meilleur rapport entre émission de gaz à effet de serre et protection de la biodiversité ?

M. Cyril Pellevat. - La SNB a pour objectif de réduire les pressions sur la biodiversité et de protéger les écosystèmes. De fait, la protection d'espèces sauvages, tel que le loup, s'inscrit pleinement dans cette stratégie, même si à l'occasion d'un rapport d'information en 2018, j'avais montré que l'arrivée massive du loup dans nos massifs alpins entraînait un recul en matière de biodiversité. Depuis plusieurs années, la population lupine connaît une croissance significative. Le nombre de loups en France a doublé entre 2018 et 2023, passant à 1 104 spécimens. Si la classification du loup comme espèce strictement protégée a permis la protection et le développement de l'espèce, ce classement a également eu de graves conséquences sur le pastoralisme. La croissance du nombre d'individus augmente mécaniquement le nombre d'animaux tués dans les élevages français. Au total, on estime que 58 000 animaux ont été tués par le loup depuis 2018. Au-delà du coût d'indemnisation pour l'État, de l'ordre de 19,5 millions d'euros, ces attaques de plus en plus nombreuses menacent la pérennité de l'élevage français. Dernièrement, le Gouvernement a présenté un nouveau plan d'action sur le loup et les activités d'élevage pour la période 2024 à 2029. Des mesures d'évolution de la protection du loup y ont été exposées. Parmi celles-ci, le Gouvernement envisage de demander le réexamen du statut du loup, d'espèce strictement protégée à espèce protégée, afin de permettre une meilleure régulation de la population.

Aussi, je souhaiterais savoir si cette procédure de réexamen a d'ores et déjà été initiée par le Gouvernement et si vous avez déjà eu connaissance du positionnement de la Commission européenne sur ce sujet, sachant qu'à l'occasion d'une proposition de résolution européenne déposée par ma collègue Sylviane Noël, et dont j'avais été le rapporteur au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, les autorités européennes nous ont opposé une fin de non-recevoir.

Mme Nicole Bonnefoy. - Ma question porte sur les espèces exotiques envahissantes, et plus particulièrement sur le frelon asiatique, qui met à rude épreuve nos apiculteurs. Dans mon département, un apiculteur a perdu quatorze ruches sur un total de dix-sept. Le réchauffement climatique offre des conditions optimales pour le développement de ces colonies, désormais jusqu'à la saison d'automne. Aucun territoire n'est aujourd'hui épargné. Les collectivités essaient de faire ce qu'elles peuvent, avec des moyens limités, mais la lutte n'est pas coordonnée ce qui rend les actions malheureusement vaines.

Vous évoquez, dans l'axe n° 8 de votre stratégie, 500 opérations « coups de poing » d'ici à 2025, visant à réduire de moitié le taux d'implantation des espèces invasives d'ici à 2030. Vous indiquez vouloir mobiliser les collectivités et les autres acteurs dans les zones sensibles. Néanmoins, la fiche n° 10 mentionne que ce programme concernera surtout les espèces en cours d'installation, notamment en outre-mer.

Qu'entendez-vous par opération « coup de poing » ? Le frelon asiatique fera-t-il partie des espèces concernées ? Comment identifierez-vous les espèces sensibles ? Quels moyens financiers votre ministère entend-il déployer pour la mise en oeuvre de cette politique ? Les apiculteurs de mon département et de la France entière attendent des actions fortes en la matière, face aux frelons asiatiques qui ravagent les ruches et qui mettent également en danger notre biodiversité et à terme la pollinisation.

M. Simon Uzenat. - Je souhaite tout d'abord évoquer la question de la réutilisation des eaux usées traitées, sur laquelle vous avez cosigné un décret le 29 août dernier. Il y a un enjeu de taille sur ce sujet en Bretagne, avec la place importante de l'industrie agroalimentaire. Les entreprises de ce secteur sont très volontaires. Il semblerait qu'un certain nombre de textes réglementaires doivent encore être pris sur la réutilisation des eaux traitées. Pouvez-vous nous en dire sur la manière dont vous comptez mobiliser efficacement les entreprises ?

Concernant l'agriculture, parmi les priorités identifiées dans la Stratégie nationale pour la biodiversité figure la transition agroécologique. Il existe à ce titre un outil efficace, les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) de seconde génération. Il se trouve que la France est l'État membre de l'Union européenne qui alloue la plus faible part du second pilier de la politique agricole commune (PAC) au MAEC. Mais surtout, l'État n'est pas au rendez-vous financier ; il manque 300 millions d'euros au niveau national, dont 53 millions pour la région Bretagne, avec 3 000 agriculteurs concernés. Pour les agriculteurs qui se sont engagés sur ces MAEC, la promesse d'un financement assuré par l'État pourrait ne pas être tenue. Les élus et les acteurs économiques au sens large ont joué le jeu pour accompagner la transition écologique. Il ne serait pas compréhensible que l'État ne joue pas son rôle. Plusieurs démarches ont été conduites auprès de différents ministres, en particulier auprès du ministre de l'agriculture. Pouvez-vous nous apporter des garanties sur ce point ?

Par ailleurs, sur l'agriculture biologique, vous fixez l'objectif de 20 % de surface agricole utile à l'horizon 2030. Cet objectif est inférieur à l'objectif européen. Comptez-vous réévaluer cette ambition ?

Enfin, sur le respect de la loi « Egalim », l'État n'est pas à la hauteur des ambitions, il se situe bien en deçà de ce que font les collectivités, en particulier sur les 50 % de produits sous signe de qualité servis dans la restauration collective et les 20 % issus de l'agriculture biologique. Une mobilisation supplémentaire de l'État pour tenir les engagements du législateur est-elle prévue ?

M. Sébastien Fagnen. - La question du recul du trait de côte occupe de nombreux esprits. Parmi le millier de communes littorales françaises, près de la moitié sont directement concernées à un horizon proche. La présence du ministre de la transition écologique au congrès de l'Association nationale des élus littoraux (ANEL) est un signe évident de la sensibilité de la question. La question du financement a été abondement évoquée et débattue. Un rapport sera remis au ministre pour accompagner autant que possible les collectivités face à cette tâche d'ampleur - pour ne pas dire titanesque. Si l'essentiel de nos efforts aujourd'hui se concentre sur la question de la relocalisation des biens, ce qui est une évidence au regard de la sensibilité particulière de ces questions foncières, qui ont également une dimension humaine, parce qu'il est question d'habitat, la question du traitement des espaces renaturés se pose également. Un axe de réflexion est-il prévu au sein de la Stratégie nationale biodiversité sur la restauration et l'accompagnement de ces espaces afin de restaurer la continuité écologique ?

Mme Marta de Cidrac. - Madame la ministre, vous avez évoqué dans votre propos liminaire les principales mesures de la Stratégie nationale biodiversité. Je voudrais revenir plus spécifiquement sur la mesure relative à la lutte contre la pollution plastique et l'enjeu de résorber 94 décharges littorales. Comment comptez-vous, de manière opérationnelle, vous y prendre pour la résorption de ces décharges ?

J'ai été effarée de découvrir par des articles de presse qu'il reste des communes, certes non littorales, qui continuent de déverser leurs déchets dans la nature sans traitement. Je pense à une commune qui depuis dix ans déversait ses déchets dans le Var sans pour autant que cela ait suscité une quelconque interrogation. Ce sont des agents de l'Office français de la biodiversité (OFB) qui ont découvert cette situation à l'occasion d'un contrôle tout à fait impromptu.

Vous vous êtes réjouie, madame la ministre, de l'augmentation du budget dédié à la biodiversité. Je pose également la question de l'efficacité. Comment comptez-vous garantir l'efficacité de l'action de l'État et de ses opérateurs ? Je pense notamment à l'accompagnement des communes pour réussir ce défi collectif. Vous avez évoqué le « fonds vert » et le manque d'ingénierie du « dernier kilomètre ». Je viens d'un département, les Yvelines, où l'ANCT est pour ainsi dire absente, puisque le département et la région sont les réels accompagnateurs de nos communes. Je sens une forme de volonté de votre part, toutefois je souhaite m'assurer que les fonds publics bénéficieront bien aux communes. Ce n'est pas toujours évident de connaître les critères d'attribution des différents fonds, il faut parfois se battre pour que nos communes soient correctement accompagnées.

M. Jean-Claude Anglars. - Vous le savez, madame la ministre, la préservation de la biodiversité passe également par une agriculture efficiente et forte, notamment en zone de montagne. Dans le journal le Monde, vous avez défendu l'idée que la hausse de population des loups justifiait qu'on lâche du lest sur la procédure et qu'on soit plus efficace sur les tirs d'effarouchement et de prélèvement. Cela nous a beaucoup intéressés, j'aimerais savoir l'état de vos réflexions sur ce sujet.

Ma deuxième question porte sur le rat taupier. Ce ravageur sévit essentiellement dans le Massif central. C'est un campagnol terrestre qui menace les prairies, il détruit les racines et les herbes nécessaires à l'élevage. C'est donc un fléau, nous avons interrogé plusieurs fois le ministre de l'agriculture sur la question, j'aimerais connaître votre avis.

M. Fabien Genet. - D'un fléau à l'autre, je reviens sur la question du loup évoquée par mon collègue Cyril Pellevat, pour appuyer et compléter son intervention. Appuyer pour dire combien cette pression du loup est de plus en plus prégnante. En 2018, 38 départements étaient concernés, aujourd'hui 53 départements le sont, dont la Saône-et-Loire qui est un des nouveaux fronts de colonisation, avec des prédations qui se multiplient, touchant à la fois des brebis, des agneaux, des béliers, mais aussi des broutards, il y a donc une évolution vers les attaques sur les bovins. Il y a quelques jours, 13 brebis se sont jetées à l'eau pour échapper au prédateur. Au-delà des impacts sur le bien-être animal, auquel nous sommes tous sensibles, lorsqu'on voit les dégâts causés par le loup, on se pose un certain nombre de questions. Je rappelle les dommages causés aussi aux éleveurs, qui vivent dans l'angoisse des attaques de leurs troupeaux, qui réduisant parfois à néant le fruit de leur travail.

Je partage l'interrogation de Cyril Pellevat quant à votre position sur le changement de statut de protection de l'espèce. J'aimerais également connaître votre position concernant la méthode de comptage des spécimens au niveau national et européen, la problématique des tirs de prélèvement, mais également tout ce qui concerne les moyens de protection. Il y a beaucoup d'interrogations de la part des éleveurs sur le statut des chiens patous. En Saône-et-Loire, il faut prendre en compte les spécificités du territoire bocager qui rendent très difficiles les mesures de protection.

Vous évoquiez dans votre propos liminaire la beauté des paysages. En Saône-et-Loire également, nous sommes très en pointe sur ce sujet. Le Pays Charolais-Brionnais souhaite inscrire le paysage de l'élevage charollais au patrimoine mondial de l'UNESCO. La valeur universelle de ce patrimoine a déjà été reconnue, nous arrivons dans la dernière ligne droite. Avec les élus du département, nous serions heureux de vous compter à nos côtés pour défendre cette très belle candidature.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Vous m'avez dit, monsieur le président, que la commission était exigeante sur les questions de biodiversité, le nombre et la qualité des questions posées confirment vos propos.

Monsieur le sénateur Pascal Martin, vous m'avez interrogé à propos du douzième parc national. La durée de mise en oeuvre et les difficultés rencontrées sont l'illustration d'une incompréhension profonde quant au statut de parc naturel, des contraintes attachées au classement et l'éventualité d'une perte de pouvoir local. Le dernier rapport d'inspection mettait en avant trois territoires sur les 18 identifiés par la mission de préfiguration : la Camargue, la Loire et la Guyane. Ce qui est certain, c'est qu'il n'y a pas de territoire volontaire. Aucun territoire ne déclare être prêt à accueillir un parc national. Nous avons aujourd'hui l'opportunité d'assurer que ce nouveau parc national, prévu par la stratégie nationale biodiversité, soit une chance pour le territoire qui va l'accueillir : une protection qui conduit à des moyens financiers supplémentaires pour préserver les paysages et les espèces. Je suis confiante sur les prochaines semaines.

Concernant la stratégie de protection renforcée, nous devons effectivement suivre une trajectoire ambitieuse, avec le passage de 1,2 % du territoire sous protection forte à 10 %. Pour y arriver, nous devons identifier un zonage à parts égales entre terre et mer. L'objectif est de classer en protection forte l'intégralité des massifs coralliens et des herbiers de posidonies pour le sud de la France en Méditerranée. La réussite dépendra de la qualité de la relation avec les élus locaux.

Vous avez également souligné un point important, à savoir la question de la continuité écologique et des moulins à eau. Le Parlement s'est exprimé au sujet des moulins, se pose aujourd'hui la question de l'accompagnement des seuils. La propriété privée est aujourd'hui inscrite dans nos textes les plus importants. Cependant, nous devons accompagner cette continuité avec un travail de concertation et de dialogue au plus proche du terrain. Faisons la distinction entre les seuils et les moulins proprement dits et appuyons-nous sur tous les moyens à disposition, comme les passes à poisson, qui représentent un coût énorme, mais ne constituent qu'un élément de la réponse.

Vous avez souligné la nécessité de diversifier les ressources. Si on va au bout de la démarche et de la logique, il faut des moyens nouveaux, y compris du monde privé. Il faut également baisser les subventions néfastes à la biodiversité. Enfin, pour répondre au besoin de diversification des ressources, il faut créer un crédit biodiversité. C'est la question qui est posée actuellement à Sylvie Goulard, avec nos homologues britanniques, pour lever des fonds en faveur de la biodiversité.

Enfin, puisque cela constitue une transition idéale avec l'intervention de Stéphane Demilly, le Loto de la biodiversité n'est pas l'alpha et l'oméga du financement de la biodiversité. Les questions d'addiction ont été travaillées avec la Française des Jeux. Nous nous appuyons sur les résultats du Loto du patrimoine en termes de mobilisation. Les six millions d'euros qui seront dégagés ne représentent pas une trajectoire budgétaire. Ce Loto a une visée pédagogique plutôt qu'une finalité budgétaire. Je ne souhaite pas donner à croire que la biodiversité est soutenue uniquement par le Loto.

Vous m'avez demandé, monsieur le sénateur Stéphane Demilly, comment nous pouvons mobiliser les entreprises. La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) devrait être transposée avant la fin de l'année. Il faudra être vigilant pour assurer son application dès l'année prochaine aux entreprises de plus de 500 salariés puis dans un second temps aux entreprises de plus de 250 salariés dès l'année suivante. En réalité, toute la chaîne de production et de valeur sera touchée. Pour y arriver, nous travaillons conjointement avec un certain nombre de filières pour faciliter sa mise en oeuvre. Concrètement, les entreprises devront satisfaire des obligations de déclarations extra-financières permettant de clarifier leur dépendance aux écosystèmes naturels. Aujourd'hui, nous avons encore un retard et des lacunes en termes de connaissances. Il ne faut pas oublier également nos petites entreprises et nos artisans. Il existe aujourd'hui un programme porté par l'Ademe et la Banque des territoires pour accompagner un outil qui serait plus accessibles pour les TPE et les PME en leur permettant de s'autodiagnostiquer et ainsi de baisser leur dépendance. Enfin, la Banque de France, dans le cadre du réseau des banques centrales européennes, se mobilise. Les premières hypothèses seront publiées en novembre, afin d'identifier, par un stress test, les risques sur notre économie et nos secteurs, sachant que les premiers secteurs identifiés seront l'alimentation. La question de l'eau est également centrale pour qualifier et mieux cerner cette dépendance.

Monsieur le sénateur Gilbert-Luc Devinaz, vous avez évoqué l'objectif de planter un milliard d'arbres d'ici 2032 et le fait que 75 % de notre forêt est privée. Cet objectif s'appuie en effet sur la mobilisation des partenaires fonciers privés. En France, on plante entre 50 et 60 millions d'arbres. L'objectif implique de doubler cet effort en plantant au moins 100 millions d'arbres par an. C'est un effort de renouvellement des générations, alors que les forêts françaises subissent des attaques dévastatrices de scolytes, ainsi que des morts subites imputables au dérèglement climatique, auquel nos essences n'arrivent pas à s'adapter. Nous avons vocation à accompagner les propriétaires qui le souhaitent. Le plus difficile peut-être est le morcellement de la forêt, avec de petits propriétaires qui pour un certain nombre le sont devenus par héritage, sans avoir conscience de leur propriété. Il est certain qu'il faut accompagner les propriétaires pour garantir la préservation de la forêt. Nous travaillons avec l'Office national des forêts (ONF) et un certain nombre d'experts pour remonter des essences du sud vers le nord pour favoriser l'adaptation des écosystèmes forestiers au dérèglement climatique.

Vous avez également posé la question de l'impact des mobilités sur la biodiversité ainsi que sur les émissions de gaz à effet de serre. Nous choisissons de ne pas opposer décarbonation et biodiversité, qui sont des combats jumeaux. Dans le cadre de la Stratégie nationale biodiversité, nous essayons de résorber les difficultés de continuité écologique liées à la transition écologique et d'accompagner le ministre des transports dans l'électrification de la flotte ou encore dans le développement de transports en commun moins énergivores.

Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, vous avez posé la question du loup. À ma connaissance, aucune nouvelle demande relative au statut du loup n'a été présentée, à la suite de la déclaration de la présidente Ursula von der Leyen. Au niveau national, la préfète coordinatrice a présenté le plan national d'action sur le loup et les activités d'élevage aux acteurs il y a quelques semaines. La consultation publique sur ce plan loup débutera dans les prochains jours. Le loup reste aujourd'hui une espèce strictement protégée. Ce qui est certain, c'est que la dynamique démographique est réelle. La question de la viabilité de l'espèce est désormais acquise sur notre territoire, mais la viabilité génétique ne l'est pas encore. La question de la viabilité génétique devra être levée avec nos voisins frontaliers sur l'arc alpin. Je ne présage pas de la réponse à cette question. Il ne faut cependant pas supposer que le changement de statut du loup conduirait à la fin de toute protection de l'espèce : il reste d'autres modalités de protection au niveau international et européen. Le plan national présenté se veut équilibré. Le calendrier européen sur ce sujet n'est pour l'instant pas précisé. Les prochaines échéances électorales européennes entraîneront peut-être une accélération de ce calendrier.

Madame la sénatrice Nicole Bonnefoy, le frelon asiatique fait aujourd'hui des dégâts absolument partout. Nous avons un plan d'action et des moyens budgétaires plus que renforcés pour répondre à un certain nombre de conséquences et d'enjeux. Le frelon asiatique figure bien parmi les priorités portées aujourd'hui par le ministère. Nous attendons les conclusions d'un rapport d'inspection, permettant de déterminer de manière opérationnelle les 500 missions « coups de poing », qui seront menées avec les collectivités territoriales. Beaucoup de communes ont rencontré des difficultés avec les moustiques tigres cet été, avec des conséquences sur la santé des habitants. Nous travaillons avec la ministre Agnès Firmin-Le Bodo sur ce sujet. L'objectif est de coordonner les travaux entre nos deux ministères. Plus de 800 000 euros supplémentaires sont mobilisés, via les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), pour financer ces actions.

Monsieur le sénateur Simon Uzenat, sur la question de l'eau, un premier décret relatif à la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) a été rendu public le 29 août dernier, il concerne principalement les questions de voiries. Nous avons, dans la stratégie nationale biodiversité, l'objectif de 1 000 projets de REUT, alors qu'on est à peine à 1 % d'utilisation. Deux décrets paraîtront prochainement : le premier concerne l'utilisation pour l'agroalimentaire, il permettra aussi au monde industriel d'utiliser plus d'eau en circuit fermé et d'accompagner l'objectif de sobriété et de 10 % de consommation d'eau en moins. Le deuxième décret sera relatif aux usages domestiques, il est prévu pour le moins décembre. Il permettra à un certain nombre de collectivités d'utiliser par exemple de l'eau de pluie dans les sanitaires.

Vous m'avez également interrogée sur plusieurs points relatifs à l'agriculture. Nous allons renforcer les MAEC dans le cadre de la Stratégie nationale biodiversité. Cela reste un domaine dans lequel nous pouvons mieux faire et que nous continuons d'expertiser avant de détailler cette stratégie aux acteurs. Sur la question du positionnement de la France sur le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC) et d'un manque de 300 millions d'euros au niveau national, je ne dispose pas de cette information et je me rapprocherai du ministère de l'agriculture pour vous apporter une réponse.

Monsieur le sénateur Sébastien Fagnen, vous m'avez sollicitée sur la question du recul du trait de côte. Sur le risque de submersion, nous travaillons étroitement avec Yannick Moreau, président de l'ANEL. Le ministre Christophe Béchu y est également sensible. Je serai vigilante concernant la problématique de la submersion de décharges, qui pourrait avoir des conséquences dramatiques.

Madame la sénatrice Marta de Cidrac, vous avez également évoqué ce problème de pollution, dont l'identification est parfois malaisée. J'ai été comme vous particulièrement touchée par l'identification de situations problématiques au cours d'un contrôle inopiné. Je souhaite profiter de l'opportunité pour saluer le travail des agents de l'OFB, leur mission a vocation à être mieux connue, mieux accompagnée et mieux concertée avec les élus locaux pour maximiser leur efficacité. Après l'incendie de l'antenne de l'OFB à Brest, nous avons ensuite identifié 2,5 tonnes de déchets dans les forêts des Monts d'Arrée. La question des pollutions et des manières de les résorber est donc aujourd'hui absolument cruciale.

Monsieur le sénateur Jean-Claude Anglars, je n'ai pas connaissance des dégâts causés par les rats taupiers. Ce qui est certain, c'est que les haies favorisent ces prédateurs, il faut être vigilant dans le cadre de l'élevage. Les solutions fondées sur la nature consistent à favoriser les rapaces prédateurs qui permettraient de lutter contre cette prolifération. Je n'ai cependant pas d'expertise spécifique au rat taupier qui pourrait éclairer les travaux de la commission.

Vous avez également posé la question des modalités de tir. Elles ont été travaillées avec les louviers. La règle ne change pas : pas de tir sans attaque. Cependant, en raison de la dynamique démographique positive, il était nécessaire de faire évoluer les équipements des louvetiers, par exemple en lunettes nocturnes. La doctrine d'intervention reste une réponse de défense a posteriori. Les questions des modalités de tirs et des tirs groupés restent ouvertes, dans le respect du statut du loup, afin de permettre aux éleveurs de faire face à l'essor démographique du loup.

Monsieur le sénateur Fabien Genet, vous m'avez également interrogée sur le loup. Le plan loup s'intéresse au statut du patou. La responsabilité pesant aujourd'hui sur l'éleveur peut paraître disproportionnée compte tenu de la nécessité d'adapter les mesures de protection au dynamisme démographique de l'espèce. Les travaux sur le statut du patou sont concertés avec le ministère de l'agriculture, tout comme la question du front de colonisation, notamment par des loups solitaires. Plusieurs départements jusqu'alors épargnés subissent l'arrivée des loups. Au moment où l'on se parle, la protection n'est pas optimale dans certains territoires, qui ne disposent pas des moyens nécessaires pour s'adapter à cette menace nouvelle pour l'élevage. Le plan loup comprend donc une partie sur de nouvelles expérimentations, qui vont du létal au non létal. La philosophie française n'est pas de créer des zones libres de loup et des zones occupées, c'est plutôt de protéger au maximum, même si à certains endroits, comme la zone autour de Roquefort, la protection n'est pas possible en l'état. La politique de protection doit aussi prendre en compte la question des appellations d'origine protégée (AOP) et de la double prédation du loup et de l'ours. La réponse doit être territorialisée. Je serai évidemment aux côtés de votre territoire pour la mise en valeur du beau patrimoine charollais.

M. Michaël Weber. - Vous avez évoqué, madame la ministre, en parlant du Comité national de la biodiversité (CNB), l'importance des indicateurs de suivi et de mesure. Lors de mon intervention au CNB en tant que président de la fédération des parcs naturels régionaux de France, j'ai souligné l'importance d'effectuer un bilan de l'impact des choix stratégiques qui ont été faits.

Vous avez parlé de territorialisation, je pense que c'est en effet important : la prise en compte de l'impact sur les territoires et la traduction concrète de cette Stratégie nationale biodiversité sont essentielles. Il y a une multitude de gestionnaires des aires protégées : sur les territoires nous avons les parcs nationaux, les réserves naturelles, les conservatoires d'espaces naturels, les grands sites de France, les parcs naturels régionaux et d'autres outils de protection de la nature, qui sont en réalité le dernier maillon de la mise en oeuvre de cette politique, vers lesquels des moyens devront être fléchés.

La question de la cohérence de la politique se pose également. On ne peut pas valider simplement la stratégie si dans le même temps on constate que le solde entre arrachage et plantation de haies reste négatif. C'est la même chose en ce qui concerne l'utilisation de produits phytosanitaires.

Enfin, vous avez évoqué le projet de création d'un douzième parc national consacré aux zones humides. La mise en oeuvre de ce projet ne va pas de soi, nous avons tous en mémoire le parc national de forêts, pour lequel l'acceptabilité politique et sociale n'a pas été suffisamment travaillée avec les territoires, dans le cadre d'une démarche de contractualisation associant les élus locaux et les habitants. La décision a été prise unilatéralement, alors que les territoires concernés considéraient que la dot était insuffisante pour procéder au mariage.

Je souhaite aussi évoquer les potentiels conflits entre zone d'accélération des énergies renouvelables et espaces naturels. J'ai une inquiétude de ce point de vue : certains élus veulent notamment utiliser les espaces naturels pour l'installation de panneaux photovoltaïques.

Concernant le Loto de la biodiversité, je suis assez sceptique. On parle de la sixième extinction de masse, la vie n'est pas un jeu. Je comprends bien qu'il s'agit d'une manière de dégager des moyens, mais je n'approuve pas l'image qui est donnée de la biodiversité sur notre belle planète.

M. Jacques Fernique. - Depuis le Grenelle de l'environnement, les pouvoirs publics poursuivent le même objectif, stopper puis inverser l'effondrement du vivant en une décennie. Nous n'y arrivons pas. Il ne s'agit pas avec cette stratégie de refaire ce qui n'a pas marché. En ce sens, les avis du Conseil national de protection de la nature (CNPN) et du Comité national de la biodiversité (CNB) sont précieux. J'y trouve des préconisations qui se déclinent en trois axes : des outils juridiques adéquats, des financements sécurisés et un déploiement concret dans les territoires. Sur les outils juridiques, la stratégie pourrait peut-être être adossée à la Charte de l'environnement ou à un texte législatif. Mais surtout, la stratégie doit ensuite être déclinée et mise en oeuvre par un texte réglementaire. Mes collègues ont déjà abordé beaucoup de ces axes. Sur l'articulation dans les territoires, nous parlions d'un troisième document qui déclinerait ces mesures à une échelle plus fine, mais à ma connaissance il n'existe pas. Le Comité national de la biodiversité n'a pas encore vraiment commencé à travailler sur cette articulation entre le national et le régional. Comment déployer, concrètement et efficacement, cette politique dans les territoires ?

M. Hervé Gillé. - Dans le prolongement de l'intervention de Jacques Fernique, la planification écologique, et plus particulièrement la stratégie nationale pour la biodiversité, ne peut réussir qu'en s'appuyant sur une décentralisation éclairée et en misant sur l'intelligence des territoires. Comment cette politique est-elle aujourd'hui déclinée au niveau des schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET) ? Comment la complémentarité avec les Agences régionales de la biodiversité (ARB) est-elle mise en oeuvre ? Et comment retrouve-t-on ces objectifs dans les politiques contractuelles ? Il faut redonner du sens et des objectifs mieux partagés à un certain nombre de contrats qui existent déjà, comme le plan climat air-énergie territorial, qui pourrait inclure un volet biodiversité et en les inscrivant dans une planification de type SCoT, par exemple, là où c'est possible. Cela permettrait une réelle vision à l'échelle des territoires. Quelle est votre vision sur la planification, la contractualisation et la déclinaison à l'échelle des territoires ?

Il y a également de fortes interrogations sur la qualité des compensations. Comment évalue-t-on l'efficacité des compensations dans le temps ? C'est un élément primordial dans la stratégie pour la biodiversité.

Mme Audrey Bélim- Les outre-mer abritent une part prépondérante de la biodiversité française et sont finalement les espaces les plus exposés aux risques naturels et au dérèglement climatique. Les prévisions du GIEC relatives aux territoires ultramarins sont alarmantes. Comme les sénateurs concernés l'avaient rappelé durant l'examen de la loi « biodiversité » de 2016, les outre-mer sont singuliers par rapport à l'hexagone, mais chacun a également ses particularités. Fort de ce constat et grâce à une forte mobilisation des élus ultramarins, l'organisation territoriale de l'OFB a conduit à une régionalisation par bassin. Les contributions ultramarines à la Stratégie nationale pour la biodiversité ont permis d'amender la stratégie pour qu'elle reconnaisse la place majeure des outre-mer dans la biodiversité française et qu'elle inclue par ailleurs plusieurs mesures spécifiques prévoyant, nous l'espérons, un rééquilibrage des moyens. En termes de structuration et de montée en puissance sur les missions définies lors des préfigurations, nous devons faire face à plusieurs enjeux : trouver des ressources humaines qualifiées, afin de répondre aux enjeux de nos territoires et bien sûr trouver les ressources financières, pour mener à bien les missions et atteindre les objectifs. Pour autant, les territoires ultramarins doivent faire face à des ressources financières diminuées par rapport à l'hexagone, au regard de la compensation de la vie chère. En ce qui concerne le « fonds vert », les plantations d'arbres ne sont pas éligibles au taux de subventionnement de 100 % comme peuvent l'être les collectivités hexagonales. Cette question a déjà été soulevée auprès de l'OFB et la direction générale se dit prête à compenser cette prime, si les régions élèvent leur dotation de fonctionnement aussi à la même hauteur. On est là face au risque d'une impasse. Il faut en sortir, nous avons à coeur, nous, à La Réunion, de lancer de façon concertée le chantier de la nouvelle stratégie régionale pour la biodiversité (SRB) en nous appuyant sur l'esprit de la SNB et sur l'Agence régionale de la biodiversité présidée par Ericka Bareigts. Peut-on attendre un financement de nos structures à la hauteur de nos enjeux, de la richesse de la biodiversité et des risques face au changement climatique ? Je pense notamment au « fonds vert », pour lequel je souhaite que le taux de subvention des établissements publics de coopération environnementale (EPCE) puisse passer à 100 %.

M. Saïd Omar Oili. - Concernant l'eau, j'appelle de mes voeux un rapport spécifique concernant la situation en outre-mer. À Mayotte, d'où je viens, la problématique de l'eau est une réalité dramatique. Si rien n'est fait, nous devrons faire face à une crise sanitaire sans précédent, faute de pouvoir disposer d'une eau de qualité et en quantité suffisante. Nous voyons réapparaître certaines maladies qui avaient disparu dans l'île.

Madame la ministre, la commission plénière de l'océan indien, qui s'est réunie le 21 juin 2021, a tiré le constat d'une inquiétante baisse de stocks thonidés, notamment du thon albacore, en raison de la surpêche dans le canal du Mozambique. Dans la Stratégie nationale pour la biodiversité, deux fiches proposent une méthodologie pour changer les usages sur terre et en mer. Le territoire de l'océan indien pourrait constituer un bon exemple d'application de ces orientations. Il faut limiter la pêche industrielle dans le canal du Mozambique, où d'ailleurs une partie non négligeable de ce que l'on trouve dans les filets est rejetée à la mer, les armateurs ne s'intéressant qu'aux produits à forte plus-value. À l'inverse, il est nécessaire de valoriser la pêche artisanale mahoraise, qui souffre actuellement, alors que cette activité est essentielle pour la population locale et préserve la ressource, à la différence de la pêche industrielle. Madame la ministre, quelles sont les mesures concrètes que vous comptez prendre en faveur de la pêche artisanale à Mayotte ?

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - Je souscris totalement à l'intervention de ma collègue de La Réunion. La forêt guyanaise recèle une biodiversité d'une richesse foisonnante, 98 % de la diversité faunistique française se retrouve en Guyane. Depuis des années, la France mène une lutte féroce contre l'orpaillage illégal, sans pour autant obtenir des résultats probants. Tous s'accordent à dire qu'il est nécessaire de privilégier la voie diplomatique et d'imposer des contraintes économiques au Brésil, d'où viennent d'ailleurs les garimpeiros. Je sais bien, madame la ministre, que vous n'êtes pas ministre des affaires étrangères, mais j'aimerais savoir les moyens que vous pouvez mettre en oeuvre afin de permettre la sauvegarde de la biodiversité guyanaise. Vous connaissez certainement la volonté des Guyanais de développer leur territoire. Trop souvent, cette volonté se heurte aux enjeux de protection environnementale. Madame la ministre, quelles sont vos solutions pour concilier développement durable et aménagement du territoire ?

M. Jean Bacci. - Permettez-moi de revenir sur deux sujets déjà évoqués ce matin. Je souhaite d'abord évoquer l'objectif du milliard d'arbres plantés d'ici 2032. Vous parlez de forêts méditerranéennes. Pour obtenir des aides de crédits issus du « fonds vert », il faut que les plantations réussissent. Chez nous, si on n'arrose pas une plantation les premières années, elle meurt. Les collectivités ne s'engagent donc pas, parce qu'on n'a pas les moyens aujourd'hui d'arroser l'été : nous allons donc vers une catastrophe si rien n'est prévu pour accompagner les collectivités.

Les arbres sont également confrontés à l'évolution des températures. Selon les experts de l'INRAE, les forêts méditerranéennes subissent depuis quelques années un stress hydrique permanent. Si on n'intervient pas pour amoindrir ce stress hydrique, la forêt va dégénérer et se dessécher. L'intervention consiste à enlever une partie de la biomasse qui n'est pas utile à la croissance des arbres qu'on veut voir arriver à maturité. Ce travail, qui doit être accompli plusieurs fois pendant la durée de vie d'un arbre, coûte bien entendu de l'argent. Les forêts peu productives ne peuvent pas supporter ces coûts. En l'absence d'aide pour mener à bien ces projets, ces forêts vont dégénérer.

Le deuxième sujet que je souhaite évoquer c'est le loup, déjà évoqué à plusieurs reprises ce matin. Je voudrais insister sur les spécificités de l'arc alpin, du Var à la Savoie, qui concentre 75 % de la population lupine. L'approche sur ces territoires n'est pas la même que dans les territoires de conquête. C'est une espèce que je considère comme invasive. Nous n'arrivons plus à sécuriser correctement les éleveurs et les jeunes hésitent désormais à reprendre les exploitations. Le développement territorial en pâtira, ce qui aura un impact sur la biodiversité. Aux endroits où les loups se sont installés, on a vu rapidement disparaître dans les alpages les mouflons. Les loups s'attaquent désormais aux chamois. On ne les retrouve plus que dans des aires inaccessibles alors qu'ils se développaient avant un peu partout. Plus en plaine, ce sont les populations de sangliers et de chevreuil qui ont été décimées. Dans les alpages, on voit de moins en moins de marmottes. Je pense que cette situation génère un fort impact sur la biodiversité, qu'il faut mieux prendre en compte. Ce qui m'inquiète fortement quand on voit l'évolution démographique du loup durant les dix dernières années : je pense que d'ici dix ans, seuls les chasseurs pourront se promener en forêt parce qu'ils auront un fusil. Parce que ces meutes de loups devront continuer à se nourrir une fois que les populations d'animaux sauvages auront disparu.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Monsieur le sénateur Michaël Weber, vous avez rappelé la multiplicité des acteurs gestionnaires des aires protégées. Vous avez raison, leur diversité et leur travail sont exceptionnels. Dans le projet de loi de finances pour 2024, une dynamique de recrutements humains est enclenchée, alors que ce sont précisément les moyens humains qui ont manqué ces quinze dernières années. Nous proposons une augmentation de 15 équivalents temps plein (ETP) pour le parc national des forêts créé en 2019 et pour le parc national des Calanques. La hausse du plafond d'emplois permettra également d'accompagner les nouveaux défis qui se posent pour les gestionnaires des aires protégées. La question des indicateurs et de la redevabilité est récurrente dans les avis des quatre comités consultés. Je suis convaincue que pour que cette stratégie nationale pour la biodiversité fonctionne, la redevabilité et le suivi des indicateurs et des évaluations sont centraux. La planification suppose des moyens financiers, mais aussi des indicateurs de suivi et c'est bien dans ce cadre-là que nous concevons cette stratégie.

Je ne reviendrais pas sur la question du Loto de la biodiversité. Il n'est pas question de jouer avec la protection du vivant. Il s'agit simplement d'une opportunité nouvelle, à l'instar du Loto du patrimoine, de sensibiliser à un sujet essentiel. Ce n'est pas la question budgétaire qui prime dans ce débat, mais plutôt la possibilité de parler de nature dans un bar PMU, sans hiérarchie entre les lieux. Tout cela est conforme avec les efforts en matière d'éducation à l'environnement portés par les écoles, les enseignants, les fonctionnaires et bien entendu les collectivités territoriales.

Monsieur le sénateur Jacques Fernique, vous m'avez posé la question du financement et de la territorialisation de la Stratégie nationale pour la biodiversité. Concernant le financement, on parle beaucoup des moyens de l'État, mais on néglige trop souvent les budgets mobilisés par les collectivités, à la strate régionale, départementale, mais aussi communale. Les COP régionales, qui seront lancées prochainement, ont vocation à garantir ce déploiement territorial. Il est surtout nécessaire de coordonner la stratégie régionale pour la biodiversité afin que la territorialisation ne soit pas qu'un voeu pieux.

Monsieur le sénateur Hervé Gillé, vous m'avez interrogée sur la planification. C'est grâce à la planification que nous disposons désormais d'une vision d'ensemble. C'est peut-être la nouveauté. Le premier livrable de la planification c'est évidemment le plan eau, le deuxième livrable c'est la stratégie nationale pour la biodiversité, le troisième sera le plan d'adaptation. Ces trois grandes étapes permettent d'avancer vers une contractualisation accrue et donc une déclinaison territoriale plus fine. La version définitive de la stratégie territoriale devra prendre en compte l'action des Agences régionales de biodiversité et nous devons oeuvrer pour inclure un volet biodiversité dès que possible dans les SRADDET, mais même au-delà de ces documents de planification. Je pense évidemment aux doubles bénéfices. Rien ne nous empêche demain d'élargir la réflexion afin d'intégrer le co-bénéfice biodiversité et énergie.

Vous avez posé la question de la qualité des compensations. C'est un énorme défi sur lequel se portent nos efforts, d'autant plus que la loi « Industrie verte » accompagne le volontariat, avec les zones de renaturation. C'est une opportunité en or, mais il faut être extrêmement exigeant quant à la qualité et l'évaluation dans le temps. Je reste très ambitieuse, mais vigilante.

Madame la sénatrice Audrey Bélim, les outre-mer dans leur diversité apportent une richesse certaine au patrimoine naturel et environnemental de la France, mais il faut s'appuyer sur des approches spécifiques, territoire par territoire. La Stratégie nationale pour la biodiversité intégrera dans quasiment chacune des fiches en cours de finalisation un focus spécifique sur les outre-mer.

Monsieur le sénateur Saïd Omar Oili, sur la question de la pêche à Mayotte, le thon albacore fait l'objet, comme vous l'indiquez, d'une pêche mahoraise locale. Officiellement, 350 tonnes y ont été pêchées en 2022. Il y a cependant encore beaucoup de barques non homologuées qui opèrent des captures des mêmes espèces et créent une pression certaine sur la ressource, ainsi que des navires qui débarquent jusqu'à 17 000 tonnes. Cette pêche mahoraise s'effectue en proximité et permet de nourrir la population locale. Lorsque des senneurs interviennent dans la région, ces captures sont expédiées ailleurs. À propos de cette question, les quotas qui vont être fixés au niveau européen seront déterminants, ainsi que la question de la sécurisation de la flottille de pêche artisanale. Cette question concerne également La Réunion qui subit les mêmes difficultés. Nous serons particulièrement vigilants sur la question des quotas, avec le ministre Hervé Berville. Vous avez, monsieur le sénateur, également parlé de pêche durable. Le parc marin mène des actions extrêmement concrètes pour encourager les pêcheurs à cibler ces espèces au large du lagon.

Enfin, il est certain qu'on ne peut pas parler de Mayotte aujourd'hui sans parler de l'eau et de la nécessité de mobiliser tous les moyens à notre disposition. Mon ministère a fléché 35 millions d'euros supplémentaires sur la question des outre-mer. La priorité c'est évidemment le maintien de cette cellule de crise interministérielle au quotidien. Cette crise affecte le quotidien de nos concitoyens, non seulement pour accéder à l'eau potable, mais également en raison des conséquences sanitaires qui en découlent, vous en avez parlé. Nous espérons tous de la pluie et l'arrivée de l'eau envoyée depuis l'hexagone. Pour sécuriser de manière pérenne l'accès en eau potable, la question des infrastructures et des investissements nécessaires devra être posée aujourd'hui pour Mayotte.

Madame la sénatrice Marie-Laure Phinera-Horth, j'ai eu l'opportunité de voir la richesse de la forêt guyanaise ainsi que les dégâts de l'orpaillage illégal, socialement et écologiquement. Des hommes et des femmes protègent cette magnifique forêt au péril de leur vie. Madame la sénatrice, la Guyane, au-delà d'être un poumon et un trésor de biodiversité, est aussi un territoire dont l'enjeu est le développement. Pour cela, il faut une approche territorialisée, qui s'adapte aux spécificités de la Guyane. Vous me trouverez à vos côtés, chacun, dans le respect de la spécificité de vos territoires, pour accompagner une stratégie locale.

Monsieur le sénateur Jean Bacci, vous avez parlé notamment de la question du loup dans l'arc alpin. Le sujet le plus important aujourd'hui, qu'il faudra apaiser, est la question du comptage. Aujourd'hui, nous prélevons 19 % de la population de loups sur nos territoires. Les plus grandes interrogations se posent sur le nombre de loups, et donc de prélèvements possibles, dans les territoires. Nous avons entamé des travaux avec les différentes parties prenantes pour ne plus fonder notre politique sur seulement deux chiffres, un avant l'été et un après l'été. Ce sont deux comptages qui sont ensuite renforcés par les analyses génétiques. Vous avez aussi soulevé les difficultés de reprise d'un certain nombre d'élevages. Quand je vais à la rencontre des éleveurs, l'enjeu le plus sensible n'est pas l'indemnisation, mais plutôt la transformation de leur métier, l'impact des prédations sur leur vie familiale. Ce qui est certain, c'est qu'il faut faciliter ces indemnisations. Dans le plan loup, nous avons proposé des télédéclarations, pour alléger les procédures et simplifier la vie au quotidien d'un certain nombre d'éleveurs. Vous avez parlé de l'impact du loup sur la biodiversité. Les grands prédateurs ont aussi un impact positif sur la biodiversité. La question est finalement d'évaluer l'apport respectif du loup et du pastoralisme pour la biodiversité. J'ai été conviée à l'Assemblée nationale à une audition organisée par le groupe d'études « pastoralisme ». Nous travaillons à une éventuelle saisine conjointe d'une mission d'inspection pour réfléchir à la manière d'envisager les co-bénéfices du pastoralisme et des prédateurs. Pour conclure, j'espère bien qu'il n'y aura pas que les chasseurs qui pourront se promener dans nos magnifiques territoires.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci madame la ministre. Je suis heureux de la qualité des échanges que nous avons pu avoir ce matin, qui prouve tout l'intérêt que notre commission porte à la biodiversité.

Audition de M. Christophe Béchu,
ministre de transition écologique et de la cohésion des territoires
Mercredi 15 novembre 2023

M. Jean-François Longeot, président. - Monsieur le Ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour l'examen du volet environnemental du projet de loi de finances pour 2024, avec l'un des principaux protagonistes chargés du pilotage budgétaire de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Vague de chaleur, sécheresses d'ampleur inédite, inondations et précipitations torrentielles, érosion côtière, incendies de forte intensité, dépérissement des forêts : les effets du changement climatique sont ressentis avec acuité par nos concitoyens. À côté des inégalités et du pouvoir d'achat, le rapport annuel sur l'état de la France en 2023 du Conseil économique, social et environnemental a souligné que l'éco-anxiété était une préoccupation majeure des Français. Des politiques publiques ambitieuses et volontaires en matière climatique et environnementale sont plus que jamais un impératif pour adapter notre pays à la hausse sans précédent des températures d'ici la fin du siècle.

Le gouvernement a pris acte de la nouvelle donne climatique et environnementale en instaurant un secrétariat général à la planification écologique, pour promouvoir une approche globale et transversal de l'action interministérielle et des politiques à la cohérence renforcée. C'est une démarche que nous saluons, car nous avons toujours considéré que l'environnement n'était pas une politique sectorielle, mais avait vocation à être pris en compte dans toutes les politiques.

Nous relevons à cet égard plusieurs motifs de satisfaction à l'analyse de ce projet de loi de finances : un « verdissement » du budget de l'État grâce à la baisse des dépenses défavorables à l'environnement, une augmentation significative des moyens budgétaires consacrés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ainsi qu'un renforcement du schéma d'emplois du ministère et des opérateurs sous tutelle, sans oublier une hausse du « Fonds vert » de 500 M€ pour décliner territorialement les ambitions. Ce projet de loi de finances se veut une réponse budgétaire aux multiples défis de la transition, qu'il s'agisse de la décarbonation, de la reconquête de la biodiversité, de la souveraineté énergétique ou encore du développement des mobilités durables.

Le défi de la territorialisation des politiques environnementales reste cependant à relever car les élus locaux sont toujours insuffisamment associés à la co-élaboration des chemins de transition avec les habitants. L'impact des activités économiques et industrielles doit être réduit, sans pénaliser la compétitivité de nos entreprises. L'atteinte de nos objectifs de sobriété foncière n'a toujours pas trouvé son modèle financier et fiscal. La prévention et l'indemnisation des risques naturels majeurs doivent changer d'échelle pour anticiper des événements majeurs et l'impossibilité d'assurer certains risques. La résilience hydrique doit encore être renforcée pour faire face à des étés où l'eau vient à manquer, dans les cours d'eau mais également au robinet.

Ces défis ne sont pas que budgétaires, ils reposent tout autant sur la cohérence de l'action de l'État et sur la coordination des efforts de tous les acteurs. Sur ce point, j'aimerais connaître votre méthodologie et vos stratégies de conviction pour rallier vos collègues ministres au bien-fondé de politiques climatiques et environnementales ambitieuses.

Si l'action publique ne saurait se ranger uniquement sous la bannière de l'environnement, comment peut-on limiter, autant que faire se peut, les effets néfastes sur le climat et la biodiversité des autres politiques publiques ? Quelle est votre réponse au climato-cynisme qui semble se développer au niveau international ? Comment faire de l'environnement une grande cause nationale, qui survive non seulement aux alternances politiques, mais également au poids croissant de la dette publique et à toutes les autres priorités publiques également légitimes ?

Au-delà de ces questions de méthode, mes interrogations portent sur le principe des « COP régionales », imaginées dans le but de territorialiser les mesures de la planification écologique à une échelle plus fine et d'associer les collectivités cheffes de file en la matière. Pourriez-vous préciser ce que le gouvernement attend de ces concertations, parfois critiquées par les exécutifs régionaux comme trop descendantes, et la manière dont il envisage les sessions de travail ? Quelles traductions concrètes sont à espérer au terme des échanges et des débats entre l'État et les élus locaux ?

Comment maximiser l'effet levier du « Fonds vert » dans les territoires et faire en sorte que les sommes allouées aux maires permettent réellement de déclencher des décisions d'investissement pour préparer l'adaptation des territoires ? Pouvez-vous nous rassurer sur la pérennité de ce Fonds vert pour les années à venir ? Ce fonds a-t-il vocation à devenir la caisse de mutualisation budgétaire des dépenses en faveur de la transition écologique ?

Je ne serai pas plus long, je souhaitais amorcer le dialogue avec ces quelques questions préliminaires, avant de laisser la parole aux commissaires pour les traditionnelles séries de questions et de réponses.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. - Je tâcherai de calquer la durée de ma prise de parole sur la vôtre, afin de laisser un maximum de temps aux échanges. En décrivant par le détail les 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagements (AE) nouvelles prévues en 2024 ou en vous proposant un abécédaire, il me faudrait trop de temps pour arriver aux zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), aux zones de revitalisation rurale (ZRR) et à la stratégie zéro artificialisation nette (ZAN) qui intéressent de nombreux commissaires.

Nous examinons le projet de loi de finances pour 2024 mais certaines mesures ne figurent pas dans le texte budgétaire et feront l'objet de textes spécifiques, car si la transition écologique est bien sûr une question de moyens budgétaires, comme le rapport sur les incidences économiques de l'action pour le climat de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz l'a montré, c'est aussi une question d'état d'esprit et de volonté.

Pour faire progresser les enjeux environnementaux en interministériel, les trois leviers principaux pour changer de d'échelle sont :

- la formation, pour comprendre les enjeux. Elle a été engagée pour les 25 000 principaux cadres de l'État et de nombreux acteurs ont contribué à l'animation de fresques du climat à leur échelle ;

- la planification, avec la création d'un secrétariat général rattaché à Matignon qui permet d'éviter que le ministre de la transition écologique ne s'emploie à proposer des stratégies qui ne seront pas mises en oeuvre par les autres ministres ;

- le chiffrage du coût de l'inaction, qui constitue un élément central de ma méthode.

Nous avons naturellement tendance à regarder le coût des mesures qui sont prises, mais à ne jamais considérer le coût de l'inaction. Par exemple, la sécheresse de l'été 2022 a coûté 2,5 milliards d'euros. Cette évaluation a permis de convaincre le Gouvernement de la nécessité d'augmenter le budget annuel des agences de l'eau de 475 M€ pour améliorer la résilience et lutter contre les fuites des réseaux.

Ce budget augmenté de 10 milliards d'euros d'AE conduit à une hausse de 15 % des moyens du ministère. Ce chiffre est important car il ne faut pas uniquement examiner les crédits de paiement. Par exemple, sur le plan ferroviaire, la première année est consacrée aux études et les sommes payées sont faibles. Ce qui compte ce sont les projets qui sont initiés. Sur ces 10 milliards d'euros, 7 milliards sont pilotés par mon pôle ministériel et 3 par d'autres pôles. Les crédits sur la forêt relèvent ainsi du ministère de l'agriculture et les crédits pour la rénovation de l'immobilier de l'État d'un autre ministère.

Pour mener le combat contre le dérèglement climatique, il faut des femmes et des hommes. Le pôle ministériel de la transition écologique est celui qui a perdu, en pourcentage, le plus d'emplois, que ce soit en interne ou au travers de ses opérateurs, depuis 20 ans. Pour 2024, le budget prévoit la création nette de 760 postes, après la stabilité que j'avais obtenue en 2023. Une part de ces postes sera affectée au ministère, une autre aux opérateurs, comme l'Office français de la biodiversité (OFB), Météo-France qui bénéficiera de 25 postes supplémentaires après les 23 alloués cette année, l'Agence de la transition écologique (Ademe), ou le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).

Les moyens budgétaires sont renforcés sur la rénovation énergétique. Celle-ci est bonne à la fois pour la fin du monde et pour la fin du mois et elle génère des emplois qui ne sont pas délocalisables. Elle bénéficie de 1,6 milliard d'euros, dont une part est fléchée vers le logement social de manière à accélérer les rénovations globales. Par ailleurs, le dispositif MaPrimeRénov' bénéficiera d'une refonte autour d'un pilier performance et d'un pilier efficacité.

En matière de logement, nous avons la volonté de nous appuyer sur le bâti existant et nous faciliterons la transformation de bureaux en logements. 3,5 millions de msont concernés pour la seule région parisienne mais les projets se heurtent parfois à des problèmes réglementaires.

Nous avançons également sur les mobilités. Le plan vélo est doté de 200 M€, soit un quadruplement depuis 2018. Le verdissement du parc automobile sera encouragé, avec le déploiement, dans les prochains jours, du leasing social à 100 €. Conformément à la promesse du candidat Emmanuel Macron, entre 20 000 et 25 000 Français devraient pouvoir bénéficier de ce dispositif en 2024. Comme cela avait été demandé par plusieurs sénateurs l'année dernière, je précise que ce leasing social sera réservé aux voitures construites en France ou Europe. En effet, nous ne voulons pas que l'argent public soit utilisé pour soutenir la filière automobile chinoise. Les problèmes de disponibilité des véhicules expliquent que nous ne pourrons pas soutenir autant de ménages que nous l'aurions souhaité la première année.

Dans quelques jours, avant la fin du mois de novembre, nous présenterons avec Sarah El Haïry la stratégie nationale pour la biodiversité 2030. Aujourd'hui, quand nous parlons d'écologie, nous avons tendance à nous concentrer sur le climat car nous disposons du GIEC et d'un indicateur simple, avec les tonnes de COrejetées. L'érosion de la biodiversité est plus complexe à mesurer parce qu'elle agrège de nombreux indicateurs. Même s'il existe l'équivalent du GIEC pour la biodiversité, avec la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), ce sujet est en effet plus complexe à suivre. Nous y consacrerons 800 M€ et aucun des 78 membres du Conseil national de la biodiversité n'a émis d'avis négatif par rapport à la future stratégie. 70 ont voté pour et 8 se sont abstenus, ce qui était loin d'être le résultat le plus probable.

Nous augmenterons également les moyens des agences de l'eau et nous allouerons des crédits complémentaires pour le fonds chaleur et 300 M€ supplémentaires à l'Ademe dont le budget s'élèvera à 800 M€, comme en 2023 où la trésorerie de l'agence avait été mise à contribution.

Enfin, je confirme que le « Fonds vert » est pérennisé et augmenté. Il passe de 2 à 2,5 milliards d'euros et les sommes à la disposition des préfets augmentent encore plus que ces 500 M€ laissent présager. En 2023, le fonds comportait 1,5 milliard d'euros à la main des préfets et 500 M€ de recyclage de l'excédent de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de 2022 par rapport à la trajectoire triennale permettant de calculer le niveau de compensation de TVA dans le panier de recettes des collectivités territoriales. Le fonds est désormais totalement à la main des préfets, sans appel à projets ni appel à manifestations d'intérêt. Il a rencontré en 2023 un succès au-delà de nos espérances. Plus de 8 000 communes auront bénéficié en 2023 d'une subvention dans le cadre du Fonds vert, générant l'équivalent de 10 milliards d'euros d'investissements dans la transition écologique, pas très loin de l'estimation de l'institut de l'Économie pour le Climat (I4CE) chiffrant à 12,5 milliards d'euros la part des collectivités sur une part globale de 33 milliards d'euros.

Sur la diplomatie environnementale, pour paraphraser un célèbre théologien, nous devons faire comme si tout dépendait de nous et de nous uniquement, et par conséquent nous concentrer sur ce que nous pouvons faire à l'échelle de la France, sans oublier qu'un certain nombre d'éléments s'agencent sur le plan mondial. Les chiffres publiés aujourd'hui sur les émissions de gaz à effet de serre témoignent du chemin restant à parcourir. La France continue à baisser ses émissions. Après une moyenne d'un peu plus de 2 % au cours des six dernières années, la trajectoire sur les deux premiers trimestres 2023 est de 4,7 %. Elle correspond au doublement nécessaire pour atteindre les objectifs prévus par la planification.

Vous m'avez interrogé sur la façon d'associer l'ensemble du pays et sur l'esprit et la méthodologie des COP régionales. En matière d'écologie, nous assistons à la montée de deux types de populisme. Le climato-scepticisme n'a pas disparu et trouve une belle résurgence sur les réseaux sociaux où certains expliquent qu'il n'y a pas de problème de sécheresse parce qu'il pleut, ni de problème de réchauffement parce qu'il a fait froid pendant une journée. Ce courant se demande si nous n'en faisons pas trop. Parallèlement, d'autres considèrent que nous ne faisons rien. C'est une forme de climato-défaitisme, qui affirme que si nous laissons une route se construire dans le pays, il n'y a pas de planification écologique, et que si nous n'interdisons pas les jets, c'est la preuve que nous n'avons aucune ambition environnementale.

Si nous ne sommes pas capables de sortir de ces postures, qui sont des impasses, nous oublions que ce qui inquiète nos concitoyens, ce sont ces temps incertains, la multiplication de catastrophes, les conséquences des intempéries dans la Vésubie ou dans le Pas-de-Calais, bien plus que de la mise en place des dispositifs qui les protégeront, même si nous avons vocation à les assouplir. Associer le pays et les citoyens, c'est sortir de ces postures et ne pas laisser les extrêmes monopoliser ce débat, c'est être capable de montrer qu'il y a un chemin qui permet de faire rimer écologie avec économie, et qu'il existe une méthode grâce à laquelle l'écologie n'est pas le prétexte pour taxer ou pour interdire, mais une manière de défendre notre identité et notre souveraineté. C'est aussi une façon de montrer qu'elle contribue à la défense de nos modes de vie et de la capacité que nous avons à laisser à nos enfants un monde qui soit le plus vivable possible. C'est mon obsession ! Pour convaincre, j'ai entamé un tour de France. J'ai participé à 7 débats qui ont réuni à chaque fois plus de 250 citoyens pendant au moins deux heures et demie, avec des questions aussi diverses que les éoliennes off-shore, les passoires énergétiques, la mise en place des ZFE, la complexité du ZAN, mais aussi des sujets de tous les jours, comme ce gérant de station de lavage qui ne peut pas travailler à cause d'un arrêté sécheresse ou agriculteur qui s'interroge sur les injonctions contradictoires au titre de la viande et du stockage dans les prairies. Vous connaissez ces sujets par coeur, vous les rencontrez dans vos départements, vous en êtes les porte-voix fidèles quand vous vous exprimez dans l'hémicycle et je me réjouis de répondre à vos questions.

M. Pascal Martin, rapporteur. - Rapporteur des crédits sur la prévention des risques, ma première question porte sur les moyens dédiés à l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). En 2022, dans le cadre d'un rapport d'information au titre du droit de suite de la commission d'enquête Lubrizol, j'avais alerté sur le non-respect des engagements pris par l'État à la suite de l'incendie de l'usine Lubrizol. En 2019, le gouvernement s'était engagé à augmenter de 50 % les contrôles de sites ICPE d'ici 2022 pour atteindre 27 000 contrôles par an. En 2022, seuls 22 800 contrôles ont été effectués, ce qui est bien en-deçà de l'objectif. Prenant acte de cette situation, le projet de loi de finances pour 2024 repousse cet objectif de 27 000 contrôles à 2027. Permettez-moi, Monsieur le Ministre, d'être sceptique sur la capacité du Gouvernement à atteindre cet objectif en 2027. Les effectifs réels de l'inspection restent stables en raison d'un manque d'attractivité, malgré la création d'une cinquantaine de postes depuis 2020.

L'inspection est également confrontée à un nouveau défi, l'adaptation aux changements de procédure de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte, qui exigent, dans le cadre de l'examen de l'autorisation environnementale, un dialogue approfondi entre porteur de projet et administration en amont du dépôt de dossier. Comment expliquez-vous ce report d'objectif ? Quels moyens allez-vous consacrer d'ici 2027 à la montée en puissance des contrôles ICPE ?

Je souhaite également vous interroger sur le bilan des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), créés il y a maintenant vingt ans à la suite de l'accident de l'usine AZF, pour protéger les populations situées à proximité des sites industriels.

L'association Amaris, qui réunit les collectivités accueillant sur leur territoire des activités générant des risques industriels majeurs, dresse un bilan mitigé du dispositif dans un rapport de septembre 2023. Faute de financements adéquats et par manque d'information, 75 % des logements privés exposés n'ont fait l'objet d'aucuns travaux de mise en sécurité et seulement 62 % des mesures foncières d'expropriation ou de délaissement ont été réalisées.

Dans un contexte de réindustrialisation nécessaire pour notre souveraineté comme pour la transition écologique, la protection des riverains conditionnera l'acceptabilité locale des nouveaux projets industriels. Partagez-vous le constat d'Amaris soulignant que les PPRT n'ont pas atteint leurs objectifs ?

Enfin, je souhaite vous interroger sur un sujet particulièrement d'actualité, le risque inondation. L'année dernière, dans le cadre de l'avis budgétaire sur les crédits relatifs à la prévention des risques, j'avais insisté sur la nécessité, dans le contexte du dérèglement climatique, de donner une priorité aux mesures de prévention du risque inondation. J'avais ainsi proposé, par amendement, de sécuriser l'attribution de 15 M€ dédiés au renforcement de l'accompagnement des collectivités territoriales dans les actions de prévention, proposition qui n'a malheureusement pas été retenue dans le texte définitif.

Après la tempête Alex en 2020, le risque inondation est de nouveau sur le devant de la scène aujourd'hui, avec les événements dramatiques dans le département du Pas-de-Calais. Dans ce projet de loi de finances, à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a retenu un amendement sur le risque inondation qui prolonge pour deux ans supplémentaires l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation », je m'en félicite.

À la lumière de la catastrophe naturelle en cours et à la suite des annonces du président de la République du 14 novembre dernier, d'autres amendements au projet de loi de finances 2024 sont-ils prévus afin de renforcer la prévention du risque inondation ?

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. - En tant que rapporteur pour avis « Eau, paysage et biodiversité » et élu de la Mayenne, département bocager par excellence, je souhaite aborder la question des haies.

On estime généralement que plus des deux tiers du linéaire des haies ont disparu en France depuis le milieu du siècle dernier. Cette disparition silencieuse, lourde d'impact pour les territoires, est difficile à quantifier : selon l'Office français de la biodiversité (OFB), environ 11 500 km de haies disparaissent chaque année pour 3 500 km replantés. Les services écosystémiques rendus par les haies sont pourtant de premier ordre. Certains estiment qu'elles peuvent être comparées à des « tours de Babel écologiques », en servant non seulement de refuge, mais également de réserve de nourriture, de corridors de biodiversité, de tampon de régulation des flux hydriques et de brise-vent pour les cultures. Elles servent aussi aux troupeaux dans les régions d'élevage. Malgré ces bénéfices reconnus depuis longtemps, les haies n'ont pas trouvé leurs défenseurs et elles continuent de disparaître lentement de nos paysages, malgré les alertes de certains élus. Face à cette situation, le Gouvernement a récemment initié un « pacte en faveur de la haie » et a annoncé la mise en oeuvre d'un observatoire de la haie.

Comment comptez-vous atteindre l'objectif de 50 000 km de haies nouvelles d'ici 2030 ? Les opérateurs que j'ai entendus dans le cadre de mes auditions budgétaires m'ont indiqué que personne n'était en mesure de quantifier précisément les plantations et les arrachages à l'échelle nationale. Une comptabilité spécifique des haies, en flux et en stock, s'avère à mon sens nécessaire. Partagez-vous cette préoccupation ? Quel mécanisme comptez-vous déployer en direction des agriculteurs et des propriétaires fonciers pour accroître l'acceptabilité économique des haies ? J'ajoute que le déploiement de la fibre optique sur les territoires a des effets négatifs sur les haies en lisière de champs agricoles, la solution de l'enfouissement étant onéreuse. Il faut vraiment, Monsieur le Ministre, donner à l'agriculture les moyens de préserver ses haies et simplifier leur gestion qui est régie par plus de 5 codes.

Par ailleurs, l'article 16 du projet de loi de finances pour 2024 réforme les redevances perçues par les agences de l'eau, ainsi que l'avaient déjà prévu les Assises de l'eau de 2019 et le plan eau présenté en mars dernier. L'idée de rééquilibrer la charge fiscale entre les différentes catégories d'usagers de l'eau et d'accompagner le relèvement du « plafond mordant » des recettes des agences de l'eau est à saluer, car elle améliorera la qualité du signal-prix de la facture d'eau et constitue une première brique vers une sobriété accrue des usages.

La redevance pour pollutions diffuses est rehaussée et ce budget fixe un taux minimum et un maximum pour les autres redevances, en laissant le soin aux comités de bassin de voter un taux dans cette fourchette. Un prix plancher a également été défini pour les prélèvements d'eau pour l'irrigation, mais à un coût très bas de 0,2 centime d'euro/mpour un système gravitaire et de 1,41 centime d'euro/mpour les autres méthodes. Ce sont de premières avancées pour résorber le déficit de financement par les usagers autres que les ménages, mais elles sont encore bien timides. Est-ce à la hauteur d'un « plan Marshall » en faveur des collectivités dont les réseaux affichent des taux de fuite parfois supérieurs à 50 % ? Est-ce suffisant pour renforcer la résilience hydrique de notre pays dans un contexte de changement climatique ? De même, je ne trouve pas trace de la redevance dédiée à la biodiversité réclamée par de nombreux acteurs pour financer les actions des agences de l'eau sur le grand cycle de l'eau et la restauration de la biodiversité. Pourquoi cette demande légitime n'a-t-elle pas été acceptée ?

J'ai enfin une dernière interrogation, ou plutôt un point de vigilance, qui ressort de certaines de mes auditions budgétaires. Plusieurs opérateurs des programmes 113 et 159 m'ont signalé les difficultés qui résultent de la circulaire budgétaire du 11 juin 2010, selon laquelle « tous les emplois permanents doivent être inclus dans le plafond d'emplois des opérateurs de l'État, quelles que soient leurs modalités de financement ». Si la logique prônée par cette circulaire est louable, à savoir la nécessaire maîtrise de l'emploi public dans le contexte actuel des finances publiques et la soutenabilité du financement des emplois des opérateurs, elle conduit à des difficultés, notamment pour faire face à la saisonnalité de certaines missions et au développement des recettes commerciales de certains opérateurs. Avez-vous identifié cette difficulté ? Comment surmonter le paradoxe de la nécessité de renforcer les recettes propres grâce à de nouvelles activités lucratives de certains opérateurs, dans un contexte de gratuité de la donnée publique avec les contraintes existantes en matière de schéma d'emplois ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - Mon propos s'adressait plus spécifiquement à la ministre déléguée aux collectivités territoriales Dominique Faure, mais comme le dit l'adage  « il vaut mieux s'adresser au Bon Dieu qu'à ses saints », je me permets, Monsieur le Ministre, de vous poser mes questions.

Je souhaite tout d'abord vous interroger sur l'évolution des dotations d'investissements aux collectivités territoriales, et plus particulièrement de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

En 2024, la DETR comme la DSIL resteront quasiment stables. Pourtant, les collectivités doivent aujourd'hui faire face à une forte inflation et une hausse des taux d'intérêt sans précédent, tout en continuant à rattraper le retard d'investissement causé par deux années de crise sanitaire.

Certes, dans le cadre de votre plan France Ruralités, les dotations attribuées à l'ingénierie territoriale augmentent de 20 M€ tandis que 100 postes de chefs de projets sont créés dans le cadre du programme Village d'Avenir, pour un coût de 6 M€. Vous aidez donc les collectivités dans l'élaboration de leurs projets d'investissement, mais sans pour autant leur donner les moyens d'investir. Comment comptez-vous soutenir l'investissement local sans augmenter les dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales ?

Ma deuxième question porte sur l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). Durant l'examen de la proposition de loi créant l'ANCT, pour lequel j'étais rapporteur au nom de la commission, nous avions émis le souhait de recréer une Datar, une agence unique de l'aménagement du territoire. Nous avions cependant accepté la survivance de certaines agences au côté de l'ANCT, tout en instaurant des conventions de coordination pour assurer une action publique cohérente. Les premières conventions de coordination avec le Cerema, la Caisse des dépôts et consignations, l'Anah, l'Anru et l'Ademe sont aujourd'hui arrivées à leur terme et une nouvelle génération de conventions est en cours de signature. Ne serait-ce pas le moment d'engager une réflexion sur le périmètre de l'ANCT, pour rationaliser ce qu'on pourrait appeler un archipel des territoires ?

Enfin, j'aimerais vous interroger sur les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), devenus contrats de réussite de la transition écologique. J'ai constaté sur le terrain que le CRTE n'a pas rempli sa promesse d'un contrat intégrateur et finit par simplement ajouter une couche au mille-feuille des documents d'aménagement du territoire. Bien souvent le CRTE, qui est conçu au niveau intercommunal, n'est pas l'expression d'un projet de territoire, mais une simple liste des projets locaux. La Cour des comptes, dans un rapport paru en octobre 2023, dresse le même constat, observant que les CRTE se chevauchent avec d'autres contrats et ne jouent pas le rôle espéré d'agrégateur. La deuxième génération de CRTE annoncés prend-elle en compte ces critiques ? Comment comptez-vous y remédier, pour faire en sorte que le CRTE ne soit pas un document d'aménagement supplémentaire mais bien un contrat intégrateur porteur d'un projet de territoire ?

M. Rémy Pointereau. - Je souhaite tout d'abord évoquer le sujet des zones de revitalisation rurale ou, comme vous proposez de les nommer, les zones France Ruralités Revitalisation.

Ces exonérations fiscales auxquelles les élus locaux sont attachés doivent être réformées, nous en convenons tous. La réforme que vous proposez dans le cadre de ce projet de loi de finances est cependant très éloignée des préconisations du rapport d'information adopté à l'unanimité par notre commission en janvier 2023.

Nous avions identifié deux problèmes, la maille intercommunale, insuffisamment fine, et les critères retenus, qui ne permettent pas d'apprécier la diversité des situations des communes rurales pour un zonage plus juste et mieux ciblé.

Je regrette que ce projet de loi de finances ne règle aucun de ces deux problèmes, puisqu'il conserve la maille intercommunale et les critères de classement actuels. Pour mon département, ce sont 92 communes qui sortent, dont les communes les plus fragiles, sur un territoire qui perd des habitants. En même temps, vous introduisez un troisième problème, l'intégration d'aires urbaines dans un zonage rural. Vous proposez en effet de classer intégralement six départements, ce qui amène à faire bénéficier des villes de plus de 25 000 habitants d'exonérations conçues spécifiquement pour les espaces ruraux.

Le classement en zone France Ruralités Revitalisation d'aires urbaines densément peuplées ne risque-t-il pas de nuire aux territoires ruraux qui ont véritablement besoin de revitalisation ? Pourquoi conserver le maillage intercommunal, alors que le Sénat, tout comme l'Association des maires de France et l'Association des maires ruraux de France, préconisent un classement à la maille communale ?

Par ailleurs, en tant qu'ancien président de la mission d'information sur la gestion durable de l'eau menée avec mon collègue Hervé Gillé, je m'intéresse à la mise en oeuvre du « plan eau » et à son déploiement territorial. Le projet de loi de finances porte diverses mesures pour assurer son financement, comme le relèvement du « plafond mordant » des recettes des agences de l'eau ou la réforme des redevances, en visant notamment un soutien renforcé aux 170 collectivités dont les réseaux d'eau potable ont un rendement inférieur à 50 % ou encore la création d'un fonds hydraulique agricole pour accompagner les agriculteurs face à la nouvelle donne climatique et hydrique.

Quel bilan tirez-vous du déploiement des mesures du plan eau ? Comment évolue le travail d'interconnexion des réseaux des communes identifiées comme étant fragiles parce qu'ayant dû faire face à des ruptures d'approvisionnement au cours des deux derniers étés ? Comment évoluent les discussions dans les bassins sur le volet sobriété des usages et réduction des prélèvements ? Enfin, sur la réutilisation des eaux usées traitées, vous misez sur un millier de projets pour des usages non domestiques. Quelles sont les dynamiques amorcées sur ces questions au cours des six premiers mois de déploiement du plan eau ?

M. Christophe Béchu, ministre. - Pour le contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), le budget 2024 prévoit la création de 100 postes, après les 75 postes créés au cours des trois dernières années, pour intensifier et tenir le rythme de contrôle. Cependant, ce n'est pas parce que les postes sont ouverts qu'il y a des candidats. Augmentation des salaires, carrières plus attractives, concours exceptionnels sont autant de leviers sur lesquels nous misons. Depuis que je suis ministre, mon obsession est que les engagements qui ont été pris par le passé soient tenus, ce qui explique notre effort budgétaire exceptionnel en 2024. Vous avez mentionné l'industrie verte. Notre intérêt écologique et économique est de cesser d'importer massivement du bout du monde un certain nombre de produits mais nous savons que cette approche pourra se heurter à des difficultés d'acceptation par les populations locales qui nécessiteront que nous soyons d'autant plus capables d'effectuer les contrôles permettant de les rassurer.

Sur le rapport d'Amaris, je ne peux pas remettre en cause le bilan chiffré mais je suis en désaccord avec vous sur le constat. En lisant ce rapport, nous avons le sentiment que sur les PPRT, le seul souci serait du côté de l'État. Je vous rappelle que nous sommes sur un système à double cliquet. L'État subventionne à hauteur de 40 %, prescrit des mesures, alors que les expropriations sont gérées par les collectivités locales. La situation est contrastée parce que 83 % des expropriations de logement ont eu lieu mais seulement 50 % au titre des activités économiques. Si je superpose ces chiffres sur la nature des activités à la carte des territoires, nous nous apercevons qu'à certains endroits nous sommes proches de 100 %, alors que dans d'autres nous sommes loin du compte, voire proches de zéro. Il s'agit donc moins une question de volonté politique que de suivi territorial puisque, dans un certain nombre de territoires, ce n'est pas le manque de moyens qui nous est opposé mais un manque de volontarisme pour tenir compte de ce qui se fait. Nous ne laisserons toutefois pas ce rapport sans suite.

En ce qui concerne les inondations, le fonds Barnier est abondé de 20 M€ supplémentaires. Par ailleurs, nous avons attribué 40 M€ de subventions au sein du « Fonds vert » sur des programmes de lutte contre les inondations. Il est probable que nous recevions plus de demandes l'année prochaine. Nous aurons également besoin d'un retour d'expérience plus établi que le constat de désolation que nous vivons en ce moment dans le Pas-de-Calais. Nos dispositifs de prévention ont plutôt bien fonctionné. L'Aa, la Canche, la Hem et la Liane ont atteint un niveau historique et dans certains endroits ont dépassé de 50 cm le niveau le plus haut jamais mesuré. Or, il y a moins de sinistrés qu'en 2002 grâce aux plans de prévention des risques inondations (PPRI), qui sont parfois décriés quand il n'y a pas d'inondation mais dont nous avons pu constater l'efficacité, ou grâce à des dispositifs de digues qui ont nécessité des investissements importants des collectivités territoriales. Ayant échangé avec le président de la Haute-Savoie Martial Saddier après les inondations records dans la vallée de l'Arve, je peux affirmer que les travaux conduits avec les agences de l'eau ont permis de limiter les dégâts sur des territoires où, dans le passé, des crues moins élevées en avaient causé plus.

Le retour d'expérience portera sur la prévention. Sans attendre, nous devons simplifier les règles de curage comme je l'ai indiqué tout à l'heure à l'occasion des questions au Gouvernement. Il me semble aussi nécessaire de simplifier la demande de reconnaissance de catastrophe naturelle. Par exemple, quand un maire ne peut plus accéder à sa mairie à cause d'une inondation, nous pourrions envisager que la demande soit faite par le préfet pour le compte de la commune. Nous pouvons également réfléchir aux durées d'étude pour les PPRI. Quand nous savons quels sont les travaux de confortement à réaliser, nous pourrions peut-être inverser la logique de confiance plutôt que de rester sur des principes de précaution qui sont trop absolus. Il nous faudra aussi répondre aux questions posées par les pompages. Nous constatons leur efficacité et nous devons réfléchir à laisser des pompes sur des territoires confrontés à ce type de risque et à les confier éventuellement à Voies navigables de France (VNF). Enfin, il serait intéressant de regarder ce que font nos voisins sur des territoires comparables.

Depuis 1950, le linéaire de haies a reculé de 70 %. Je veux dire au sénateur Chevrollier, dont je sais la sincérité de l'engagement sur ce sujet, notamment sur le bocage mayennais dont il est le fervent défenseur, que nous avons lancé un pacte en faveur de la haie pour lutter contre ce recul et les nombreuses causes qui l'expliquent. Certaines sont budgétaires, ce ne sont pas les plus nombreuses, mais les 110 M€ par an financés par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en faveur du plan haies permettront d'accompagner les porteurs de projet. L'observatoire nous permettra d'objectiver le constat et l'efficacité des actions. Par ailleurs, quand elles subventionnent les haies, les collectivités territoriales doivent pouvoir le faire figurer dans les documents d'urbanisme, ce qui leur confère une possibilité d'agir. Enfin, certains agriculteurs sont inquiets s'ils doivent détruire une haie qu'ils ont plantée et qui abrite des espèces protégées. Ils sont en effet passibles de sanctions pénales. C'est donc paradoxalement le principe de préservation la biodiversité qui les conduits à ne pas planter de nouvelles haies...

Si nous ne jouons pas sur ces différents leviers, nous n'y parviendrons pas. Le plan doit être présenté à la fin de l'année, par le ministre Marc Fesneau et la secrétaire d'État Sarah El Haïry.

Pour que le « plan eau » soit crédible, il faut des moyens. Tous les comités de bassin ont salué le budget alloué à ce plan. Nous avons constaté que 2 milliards d'euros financés par les agences conduisaient à 20 milliards d'euros de travaux dans les territoires. Quand nous mesurons ce qu'il faudrait investir en France, nous nous rendons compte que la moyenne devrait être à 25 milliards d'euros, compte tenu des fuites, de la résilience, etc. Cet effet levier nous amène à augmenter de 25 % les moyens des agences pour atteindre cet objectif. En effet, l'eau paie l'eau sur les territoires et dans de nombreux cas, notamment avec des aqua-prêts d'une durée de 40 ou 50 ans, il est possible d'amortir les travaux à l'échelle d'une collectivité.

L'eau est payée par les particuliers et par les agriculteurs. Les énergéticiens ne la paient pas alors qu'ils prélèvent une partie importante de la ressource. Nous allons fixer un plancher à 100 M€ pour la redevance due par les énergéticiens afin d'éviter que le coût global porte uniquement sur les particuliers et sur les agriculteurs. Nous mettrons en place la vérité des coûts, y compris sur la production d'électricité nucléaire, dont nous connaissons l'importance pour atteindre la neutralité carbone, qui doit financer l'eau pour éviter tout biais sur ses vertus. Cela permettra de limiter l'augmentation de la redevance. Une partie de cette redevance sera consacrée à la lutte contre les pollutions diffuses. Seules 44 % des masses d'eau en France sont en bon état écologique. Puisque le volume d'eau prélevable diminuera, la quantité potentielle des intrants dans les plans de captage sera renforcée, ce qui multipliera les risques de fermeture sanitaire. C'est pourquoi nous devons intensifier les mesures agro-écologiques et les plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) à l'échelle de ces captages.

Nous devons également prendre en compte les fuites. En 2023, seules 170 communes ont réclamé un accompagnement de l'État, pour lesquelles nous avons déployé 180 M€. Le nombre de communes dont les réseaux présentent des taux de fuite de plus de 50 % est sans doute plus important mais nombre d'entre elles ne se signalent pas de crainte que l'État ne les oblige à s'intercommunaliser plus rapidement.

Un système dans lequel les territoires n'ayant pas assumé de hausses du prix de l'eau pour financer des travaux seraient intégralement subventionnés par l'État n'est pas viable. Les territoires qui ont mis en oeuvre une hausse de quelques centimes pour réaliser des travaux ont un niveau de résilience bien plus élevé. Une part de ces financements doit relever des collectivités.

Sur l'artificialisation nous avons constaté, pour que le dispositif atteigne ses objectifs, qu'il manquait un volet fiscal pour désinciter l'artificialisation et générer des ressources. Environ 6 500 communes ont activé un dispositif permettant de taxer les plus-values de cession des terrains rendus artificiels dès lors que le prix de revente est le triple du prix d'acquisition. Je pousse l'idée que nous devons générer une recette au titre de l'artificialisation, alimentant pour moitié le budget des agences de l'eau et, pour l'autre moitié, celui des communes. Les agences de l'eau ont également pour mission de préserver la biodiversité, or l'artificialisation a comme première conséquence l'érosion de la biodiversité, en ralentissant le rythme d'infiltration dans les nappes phréatiques et en conduisant à des écoulements plus rapides. Parallèlement, les communes ont besoin de moyens pour investir dans la dépollution des friches. Cet amendement serait soutenu par toutes les agences, par l'association des maires de France et il serait vu de manière positive par les agriculteurs car il générerait 12 M€ de plus pour l'installation des jeunes agriculteurs. J'espère qu'un sénateur déposera un tel amendement, qui fera l'objet d'un regard bienveillant du ministre. J'ajoute que le rendement global d'un tel dispositif serait de l'ordre de 200 M€. Par ailleurs, il n'augmentera pas les prélèvements obligatoires puisque les recettes qui ne sont pas levées par la taxe le sont par la redevance. Le sujet principal est de déterminer si nous allons vers une recette liée aux stocks ou aux flux.

Je ne connaissais pas la circulaire du 11 juin 2010 avant que votre question soit transmise à mon cabinet. C'est un faux problème. Les plafonds d'emplois n'ont pas été remis en cause car ils permettaient d'éviter des inflations de personnels sans que le ministère s'en aperçoive. Aujourd'hui nous recréons des postes, ce qui va atténuer une partie des difficultés. J'envisage la création de 66 postes en 2024 dans les agences de l'eau en modifiant les plafonds d'emplois. La circulaire a été rédigée pour éviter que des contrats soient signés en cas de disponibilité temporaire budgétaire, suivis par des plans de licenciement puisque la trésorerie a été utilisée pour payer des dépenses courantes et récurrentes. Il y a donc une forme de morale budgétaire à ces plafonds, même si nous devons être capables de les assouplir, notamment pour le recours aux contractuels.

Monsieur le Sénateur Louis-Jean de Nicolaÿ, je réponds avec joie en lieu et place de Dominique Faure. Le concours aux collectivités territoriales pour les investissements atteindra l'année prochaine le niveau record de 7,1 milliards d'euros. C'est une somme sans équivalent, supérieure à celle du plan de relance. Cette progression est liée à la hausse du « Fonds vert » de 500 M€ et à la stabilité de la DETR et de la DSIL dont les niveaux, hérités du plan de relance, sont maintenus. Ces crédits sont historiques, en hausse de près de 10 % par rapport à 2023.

Vous m'avez interrogé sur l'ANCT. J'ai lu il y a quelques mois un excellent rapport du Sénat qui s'interrogeait sur le risque « d'agenciarisation » de l'État. Je ne suis pas convaincu que la solution à la multiplication des agences passe par la création d'une nouvelle agence. En revanche, je pense que nous devons recréer des portes d'entrée uniques, sur le modèle de ce que vous avez voté dans cet hémicycle avec la loi « 3DS », en faisant du préfet le référent départemental de l'Ademe. Le préfet pourrait aussi devenir le guichet pour d'autres agences, notamment de l'ANCT. Ainsi, l'offre d'ingénierie à la disposition des maires serait plus visible.

Sur les CRTE, je vous renvoie au rapport du 5 novembre dernier des sénateurs Martin, Bennaroche et Burgoa « Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité » au nom de la délégation aux collectivités territoriales qui suggère dans sa recommandation n° 5 que les CRTE soient suffisamment dotés pour qu'ils deviennent les outils de la transition écologique.

Vous m'avez demandé de participer à un débat sur la planification écologique mardi prochain pendant la séance des questions d'actualité au gouvernement de l'Assemblée nationale. Je m'y rendrai avec joie et vous remercie de me dispenser de cette obligation législative pendant le Salon des maires. J'aurai l'occasion de parler de la place que j'envisage de donner aux CRTE dans la planification. Il est essentiel que nous mettions des « tuyaux » de financement en face des « tuyaux » de projets afin de ne pas alimenter de suspicion sur la capacité des territoires à avancer.

Les ZRR s'arrêtant le 31 décembre 2023, il était nécessaire d'imaginer un nouveau dispositif. Celui-ci, conçu dans le cadre du plan France ruralités, a fait l'objet de discussions avec le Sénat. J'ai bien conscience que la proposition actuelle peut être améliorée d'ici la fin de l'examen budgétaire. Vous avez pointé la maille, le statut potentiel des villes centres et vous avez eu l'élégance de ne pas évoquer le nombre de bénéficiaires. Depuis leur création en 1995, la maille des ZRR a toujours été intercommunale. Cette maille a été choisie au titre de la continuité avec les dispositifs existants, mais elle pose la difficulté des communes très rurales dans des intercommunalités dont la taille a augmenté. Une possibilité de rattrapage à l'échelle communale a donc été imaginée pour éviter qu'entre 3 000 et 4 000 communes soient exclues du nouveau dispositif de ZRR. Nous ne pouvons pas mettre en place un plan ruralité dont le nombre de bénéficiaires passerait de 17 000 à 13 000, alors que les besoins sont énormes. Une évolution législative sera nécessaire d'ici la fin du débat parlementaire.

En ce qui concerne les communes centres, je pense que si nous proposons les mêmes avantages dans une ville centre de 15 000 habitants que dans des communes de 1 500 habitants, nous desservons les petites communes. Le risque est que le dentiste qui cherche à s'installer choisisse le territoire le plus peuplé. Il est donc nécessaire de prévoir des mécanismes de correction, sur lesquels nous travaillons avec la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Des annonces pourraient avoir lieu pendant le congrès des maires.

Enfin, sur le déploiement territorial du plan eau. Le sujet du « plafond mordant » est crucial à l'heure où les agences de l'eau disposent d'une trésorerie dormante qu'elles ont l'interdiction de dépenser. Sur l'accompagnement des communes, l'enveloppe prévue pour la première année ne présume en rien de celles des années suivantes. Nous avons dimensionné les fonds pour l'hydraulique agricole, des crédits pour lutter contre des fuites et nous devons maintenant les ajuster au niveau des différentes agences. Les comités de bassin commencent à rendre leur copie en matière de sobriété sur l'atteinte des 10 % de réduction des prélèvements et je communiquerai quand je les aurais tous reçus.

Sur la réutilisation des eaux usées, je précise que la matinée de demain au ministère sera consacrée au plan de sobriété eau. Les inondations dans le Pas-de-Calais ne modifient en rien la nécessité de réfléchir à la régulation de nos réserves en eau, les experts affirmant que les pluies seront plus abondantes l'hiver et les sécheresses plus nombreuses l'été. Les pluies abondantes remplissent moins bien les nappes que des pluies faibles et continues. L'objectif fixé en termes de réutilisation est de 1 000 projets d'ici la fin du quinquennat et nous avons déjà reçu plus de 500 demandes. Le décret « voiries et espaces » a été publié le 29 août dernier et le décret concernant l'agroalimentaire est examiné par le Conseil d'État et prévoit de nombreuses possibilités de réutilisation des eaux. Demain, la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé aura l'occasion de parler des eaux grises et de la possibilité que l'eau utilisée par un lave-linge alimente des toilettes.

- Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président -

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Monsieur le Ministre, j'interviens en qualité de rapporteur pour avis des crédits relatifs au transport routier. Je souhaite aborder le leasing social dont la mise en place a été retardée par rapport aux annonces gouvernementales initiales. Nous nous réjouissions de son entrée en vigueur le 1er janvier 2024, mais nous manquons toujours de visibilité sur les paramètres précis du dispositif, alors que le dépôt des demandes par les ménages a déjà commencé ce mois-ci. Outre le niveau de revenus, quels critères d'éligibilité seront pris en compte ? Est-il par exemple prévu d'introduire un critère géographique lié aux ZFE-m ? Les crédits peuvent-ils être modulés sur les cinq ZFE-m prioritaires ?

S'agissant du calibrage financier, un plafond de 100 € de loyer par mois hors assurance est prévu : combien de modèles de véhicules seront compatibles avec ces critères et l'offre de véhicules éligibles au leasing sera-t-elle suffisante pour répondre à la demande ? Une enveloppe de 50 M€ est prévue pour financer ce dispositif en 2024 : sur cette base, avez-vous estimé le nombre de bénéficiaires potentiels pour la première année et prévoyez-vous une montée en charge du dispositif les années suivantes ? Nous avons d'autant plus besoin de clarifications que la réunion prévue au ministère avec les chefs de file des collectivités a été annulée.

Deuxièmement, je souhaite aborder le dispositif de lecture automatisée des plaques d'immatriculation, dit « LAPI », dont la mise en oeuvre en ZFE-m, autorisée par la loi d'orientation des mobilités (LOM), est sans cesse reportée depuis quatre ans. Rappelons que d'ici à peine plus d'un an, 43 agglomérations devront avoir mis en place des ZFE-m en application de la loi « Climat et résilience ». Or, comment assurer la crédibilité du dispositif si ces collectivités ne sont pas dotées des moyens adéquats pour contrôler le respect des restrictions de circulation qu'elles mettront en place ? Pouvez-vous nous exposer les raisons de ce retard, qu'elles soient techniques ou juridiques, et nous indiquer à quel stade en sont les travaux du Gouvernement sur ce sujet ? La LAPI sera-t-elle disponible en 2024, comme cela a été annoncé ? Les modalités d'acquisition de cet outil suscitent des inquiétudes légitimes au sein des agglomérations concernées par la mise en place des ZFE-m. Avez-vous estimé le coût d'acquisition de ce dispositif pour les collectivités territoriales et un soutien financier de l'État est-il prévu ?

Pour terminer, je souhaite aborder l'enjeu de l'interopérabilité des bornes de recharge électriques, un sujet dont l'importance croîtra compte tenu du déploiement progressif des ZFE-m d'ici à 2025. Quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour favoriser l'interopérabilité des bornes de recharge des différents opérateurs intervenant sur le réseau routier et, ainsi, faciliter les mobilités quotidiennes des usagers - particuliers et professionnels - qui feront le choix de l'électrique ?

M. Philippe Tabarot. - Monsieur le Ministre, je souhaite moi aussi vous interroger sur le déploiement des ZFE-m, même si le ministre délégué Clément Beaune a déjà répondu à mes questions sur le programme 203 lors de son audition par la commission.

Comme vous le savez, notre commission a adopté en juin dernier un rapport d'information intitulé « ZFE : sortir de l'impasse », à l'issue d'une « mission flash ». Il part d'un constat simple : partout où elles sont instituées, les ZFE-m se heurtent à d'importantes crispations et à de vives incompréhensions, à la fois de la part des collectivités territoriales à qui il revient de les mettre en place, et des usagers, particuliers comme professionnels, qui verront, pour une part importante d'entre eux, leurs véhicules affectés par les restrictions de circulation dans les agglomérations connaissant des dépassements réguliers des seuils de qualité de l'air : Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg et Rouen.

Je sais que vous contestez ces chiffres, ils ne sont pourtant que le reflet de la composition du parc automobile français : à l'heure actuelle, 13 millions de véhicules particuliers sont classés Crit'air 3 à 5, ou non classés. De fait, c'est 34 % du parc national de véhicules qui ne pourront pas accéder aux agglomérations auxquelles s'applique le schéma de restriction voté par la loi « Climat et résilience ».

Certes, et fort heureusement, ces 13 millions de véhicules ne sont pas tous répartis dans les seules unités urbaines des quelques ZFE-m qui se verront appliquer ce schéma. Pour autant, ces véhicules ne pourront pas y pénétrer, sauf à revoir le calendrier de déploiement, comme nous l'avons proposé. Je souligne d'ailleurs qu'il ne s'agit pas de « reporter pour reporter », mais d'être pragmatique : ce calendrier ne pourra pas être respecté.

L'effort de communication que vous avez conduit en juillet dernier a permis de clarifier la situation et de lister publiquement les ZFE-m concernées par les schémas de restrictions de circulation. Pour autant, le calendrier de mise en oeuvre n'a pas été modifié.

Depuis lors, votre prédécesseure, Mme Barbara Pompili, a également conduit une mission sur l'acceptabilité des zones à faibles émissions - mobilité, en partant de l'expérience de nos voisins européens. Son rapport formule également un certain nombre de recommandations.

Nous avons appris par la presse que vous deviez faire des annonces sur les ZFE-m mi-novembre et nous sommes le 15 novembre, cela ne vous aura pas échappé ! Quelles sont les évolutions envisagées à ce jour ? Entendez-vous vous inspirer des travaux du Sénat sur ce sujet, notamment de la proposition de loi que nous avons déposée en juillet dernier, qui repose sur le renforcement de l'information et de la concertation, sur l'assouplissement du calendrier ou encore sur une intensification des aides à l'attention des publics concernés ?

Où en est la mise en oeuvre du prêt à taux zéro pour les personnes travaillant ou résidant en ZFE-m ? Comme vous le savez, il s'agit d'un dispositif introduit dans la loi à l'initiative du Sénat. Nous nous inquiétons de son retard.

M. Didier Mandelli, président. - Je ne pourrai pas satisfaire toutes les prises de parole avant le départ du ministre. Je donnerai donc la priorité aux groupes politiques qui ne sont pas représentés parmi les rapporteurs.

Mme Marta de Cidrac. - Vous avez cité un certain nombre de rapports sénatoriaux que vous avez qualifiés d'excellents. J'espère que vous avez également lu celui que j'ai publié au mois de juillet sur le réemploi et le recyclage des emballages. Il traduit ma position sur la consigne, qui est un sujet parfois irritant pour les collectivités, et détaille 28 propositions pour améliorer nos performances en matière d'économie circulaire. Certaines de ces mesures méritent d'être traduites en amendements dans le cadre du PLF. Est-ce que ceux-ci bénéficieront de votre soutien, par exemple sur la tarification incitative ? Nous avons tous cru comprendre, à l'occasion des Assistes de Nantes en septembre dernier, que la consigne sur le recyclage des bouteilles en plastique n'était plus envisagée. Or, en observant les cahiers des charges des éco-organismes, un certain nombre de doutes se sont immiscés dans l'esprit de nos collectivités. Pouvez-vous nous rassurer ?

M. Christophe Béchu, ministre. - Sur le leasing social, le président de la République avait annoncé que le dispositif de réservation ouvrirait avant la fin de l'année 2023 et que les premiers véhicules seraient disponibles début 2024. Le nombre de véhicules est lié à la restriction des constructeurs éligibles, qui doivent être européens. Les objectifs pour 2024 ne sont pas fonction de l'engagement budgétaire mais de la disponibilité des véhicules. Je confirme que ce leasing sera proposé à 100 € par mois, soit le montant moyen d'un plein de carburant. L'éligibilité est fondée sur les déciles mais nous devrons définir des règles de priorisation si le dispositif est victime de son succès. Nous ne pouvons pas prioriser par métier, ce serait très complexe et il y a, à l'intérieur d'un même métier, des écarts de revenus. Nous examinons la possibilité d'instaurer une priorisation territoriale. Je privilégie les territoires ruraux dans lesquels les alternatives aux voitures sont réduites ainsi que les ZFE-m.

Sur l'interopérabilité des bornes de recharges, le Gouvernement a pris plusieurs décrets. Le standard initial est celui de la directive AFID de 2014, modifiée en 2021 avec la mise en place d'amendes administratives pour les opérateurs qui ne rendraient pas leurs bornes interopérables.

En termes de déploiement, il y a en France plus d'un million de bornes à domicile et plus de 100 000 dans l'espace public. Ce chiffre sera multiplié par 2, puis par 3, par 4, au fur et à mesure de la progression de l'électrification dans notre pays. Le taux d'immatriculation de véhicules électriques a dépassé les 19 % au cours du dernier mois connu, il était de 18 % le mois précédent contre une moyenne de 13 % en 2022.

Sur les ZFE-m, le rapport de M. Philippe Tabarot est sur ma table de chevet parce que j'ai conscience que le sujet n'est pas clos. J'ai rappelé l'état du droit. Aujourd'hui, ce ne sont pas 43 agglomérations qui vont interdire les véhicules Crit'air 3, 4 et 5. Si, au cours des 5 années, elles ont enregistré des résultats de qualité de l'air inférieurs aux seuils pendant 3 ans, elles peuvent demander une exonération. Celles qui ne le feront pas devront interdire les véhicules non classés au moment de la mise en place de leur ZFE-m, soit 0,5 % du parc.

Les 5 agglomérations qui dépassent les seuils d'émission (Paris, Lyon, Marseille, Strasbourg et Rouen) sont tenues à un calendrier plus contraignant. Strasbourg pourrait sortir de cette liste si l'amélioration de la qualité de l'air se confirme. Certains territoires ont renoncé à la mise en place de mesures plus contraignantes au 1er janvier 2024 puisqu'ils sont territoires de vigilance et non ZFE-m. C'est une bonne nouvelle en termes de santé publique puisque cela signifie que la qualité de l'air s'est améliorée.

Pour qu'une ZFE-m soit effective, il faut des contrôles. Le PLF pour 2024 prévoit la rétrocession intégrale des amendes aux territoires qui mettront en place des radars. Le « Fonds vert » propose également des dispositifs permettant d'aider les collectivités à installer ces radars. Leur homologation est complexe en raison des difficultés d'identification des véhicules pour savoir s'ils sont susceptibles d'appartenir aux catégories 3, 4 ou 5.

Concernant les annonces que je pourrai présenter sur ce sujet, il peut arriver que la presse soit approximative. La date du 15 novembre est celle à partir de laquelle j'étais susceptible de réunir les différentes parties prenantes. Nous cherchons actuellement une date pour les réunir, notamment pour les 5 agglomérations susmentionnées. Le rapport Pompili offre un parangonnage sur la manière dont 14 pays et 270 collectivités ont mis en place des ZFE-m. Nous observons que certaines ZFE-m ont été suspendues une fois atteints les résultats espérés en termes de qualité d'air.

Je ne peux pas m'engager à soutenir un amendement tant que je ne l'ai pas lu mais j'invite Mme Marta de Cidrac à contacter mon cabinet pour travailler avec elle sur les amendements que nous pourrions soutenir.

Dans quelques jours, je recevrai le rapport sur la mise en place d'une TVA à 5,5 % sur les produits issus du recyclage, du réemploi ou du reconditionnement. Il est important que l'écologie s'accompagne de gains de pouvoir d'achat pour encourager les comportements bons pour la planète et les emplois locaux. L'économie circulaire représente déjà un demi-million d'emplois dans notre pays.

À propos de la consigne, j'ai dit de façon extrêmement claire aux Assises à Nantes que nous ne pouvions pas prendre prétexte du taux moyen national de 62 % de recyclage des bouteilles en plastique pour en déduire que nous étions obligés de généraliser la consigne. En effet, le taux varie de 40 à 90 % en fonction des territoires et la mise en place de la consigne engendre des effets de bords. Les déconsigneurs seront installés sur les parkings des grandes surfaces et poseront des problèmes aux commerces des centres-villes. Ils donneront l'illusion que l'achat de plastique est écologique. En effet, dans les pays qui recyclent 90 % de leurs bouteilles, nous observons une augmentation du nombre de bouteilles mises sur le marché. Par ailleurs, le coût moyen du recyclage est de 15 centimes par bouteille. Il me paraît délicat d'augmenter le prix des packs de 1 euro dans le contexte actuel, même si 90 % de cette somme seront récupérés. Enfin, la généralisation pénaliserait les collectivités les plus vertueuses qui ont déjà investi dans des centres de tri.

Je viens d'envoyer le cahier des charges de la Responsabilité Élargie des Producteurs (REP) emballages dans lequel je demande d'évaluer la possibilité de mettre en place des consignes régionales. La France paye 1,3 milliard d'euros d'amende à l'Union européenne compte tenu de son mauvais taux de recyclage, 800 M€ au titre des ménages et 500 M€ au titre des entreprises. Notre intérêt collectif est donc d'améliorer ce taux. Il n'est pas logique que des territoires qui sont à 90 % payent, à travers les impôts nationaux, une partie de cette amende.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Les territoires ruraux représentent 90 % de communes françaises et sont des acteurs incontournables de la transition écologique puisqu'ils disposent de tous les ingrédients de l'industrie verte. À travers le plan France ruralités, je ne doute pas de votre volonté d'apporter un début de réponse aux maires ruraux qui voient disparaître leurs services publics, leur médecin et quelques fois les industries qui leur restaient avec la baisse d'attractivité qui en résulte. Si l'enveloppe de 90 M€ dédiée à ce programme nous paraît insuffisante, les mesures envisagées nous semblent positives, comme la valorisation des aménités rurales à travers une dotation dédiée à la protection de la biodiversité ou le programme Villages d'avenir, à condition que celui-ci couvre plus de 500 communes et qu'au-delà de l'ingénierie, les projets soient soutenus financièrement.

Il est positif que le « Fonds vert » soit porté à 2,5 milliards d'euros. Pour autant, si la hausse des moyens dédiés à la transition écologique est à saluer, il ne peut pas être financé au détriment d'autres lignes abondant les budgets locaux. Le Comité des finances locales dénonce la suppression progressive de la CVAE. Il considère que c'est un hold-up destiné à financer le « Fonds vert ».

Une récente étude publiée par l'Institut de l'économie pour le climat détaille quatre scénarios destinés à financer l'accélération des investissements pour le climat des collectivités à l'horizon 2030. Le scénario « État » se fonde sur une augmentation du soutien de l'État par une indexation de la DGF sur l'inflation et par la pérennisation du « Fonds vert » au-delà de 2024 à 2,5 milliards d'euros, qui serait de nature à motiver nos élus. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, j'attire votre attention sur la multiplication des phénomènes de catastrophe naturelle. La Dordogne est très concernée et l'amendement que j'avais déposé l'année dernière n'avait pas été retenu. Les 20 M€ prévus au PLF me semblent insuffisants.

M. Christophe Béchu, ministre. - Le rapport Pisani-Ferry chiffre à environ 10 milliards d'euros la part qui incombe aux collectivités dans le financement de la transition écologique. J'ajoute que certains investissements pour le climat sont porteurs d'économies de fonctionnement et que les 2,5 milliards d'euros du « Fonds vert » sont sanctuarisés.

J'observe que, pour la première fois depuis 13 ans, nous avons relevé en 2023 les niveaux de DGF et que nous poursuivrons cet effort en 2024. J'ai la conviction que la DGF est à bout de souffle. Nous avons besoin d'assises de la fiscalité locale pour repenser le panier des subventions.

Il n'y a pas de hold-up sur la CVAE puisqu'elle est compensée via la TVA, dont les recettes progressent au rythme de l'inflation. La moyenne de la hausse du rendement de la TVA est supérieure à celle de la CVAE. Il y a cependant un inconvénient, un territoire qui s'investit plus que les autres pour la réindustrialisation ne touche pas totalement le fruit de ses efforts.

Enfin, sur les catastrophes naturelles, notre système est à bout de souffle. Nous ne pouvons pas continuer à gérer avec une Caisse centrale de réassurance (CCR) dotée de 3 milliards d'euros les 11 millions de personnes potentiellement concernées par le retrait-gonflement des argiles, les dizaines de milliers qui sont soumises à l'érosion du trait de côte, l'augmentation des risques éboulement, etc. Dans le plan d'adaptation d'une France à l'augmentation moyenne des températures de 4°C, nous devrons faire bouger nos critères de catastrophe naturelle et nos modes de solidarité. C'est d'autant plus important que les assureurs se retireront d'un certain nombre de marchés contre les aléas climatiques.

M. Ronan Dantec. - La Cour des comptes a souligné que le CRTE ne jouait pas son rôle intégrateur et qu'une dotation socle était nécessaire. Nous sommes en train de nous rapprocher de ce que préconise le Sénat depuis des années, une dotation socle climat ou de transition.

Soutiendrez-vous un amendement visant à affecter 600 M€ du Fonds vert à une dotation socle, en incluant le budget de Villages d'avenir et le contrat d'objectif territorial de l'Ademe ?

Il y a également eu un débat à l'Assemblée nationale sur la pertinence de sortir du calcul de l'endettement des collectivités les investissements de transition. Qu'en pensez-vous ?

M. Christophe Béchu, ministre. - Concernant le programme Villages d'avenir, les crédits visent à accompagner des services faits, il y a donc un décalage inévitable des versements. Par conséquent, il ne faut pas se fonder sur la somme inscrite dans le budget pour 2024 pour évaluer le nombre de villages qui pourraient être accompagnés.

Je ne suis pas favorable à la ponction de 600 M€ du Fonds vert dédiés aux investissements pour les affecter au fonctionnement pour trois raisons. Tout d'abord, nous venons de lancer les COP territoriales qui nous permettront de disposer au milieu de l'année prochaine des feuilles de route des collectivités pour leurs besoins de planification. Par ailleurs, le « Fonds vert » a reçu cette année 18 000 demandes de subvention mais n'a pu en satisfaire que 8 000. Les autres seront satisfaites en 2024, notamment avec un plan pour les écoles, crucial car l'école est souvent le premier bâtiment des communes en termes de consommation énergétique. Enfin, nous devons nous interroger sur la maille. Il y a des débats sur le rôle des communes, des intercommunalités, des départements, des bassins de vie, etc. La réflexion sur l'accompagnement adéquat des collectivités sera au coeur de la suite des COP territoriales.

Je suis totalement favorable à la dette verte. C'est un principe que j'ai défendu au moment des débats sur le tiers financement. Nous devons être capables de distinguer la « dette vertueuse » qui nous permet d'éviter des dépenses de fonctionnement, de faire face au coût de l'inaction et de la comptabiliser dans des trajectoires d'investissement. Je rappelle, avec une pointe d'émotion, que notre pays a perdu un grand maire, Pierre Breteau, qui était président de la commission des finances de l'AMF et qui défendait ces questions financières. Sur son impulsion, l'AMF a voté en faveur de la mise en place de budgets verts pour les communes de plus de 3 500 habitants.

M. Jean-Yves Roux. - Nous alertons l'État depuis des années sur l'inadéquation des ressources pour exercer la compétence de Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). Le député Joël Giraud a déposé un amendement au PLF pour 2024 en sollicitant un rapport parlementaire dans les 6 mois jugeant de l'opportunité d'introduire une solidarité amont-aval pour l'exercice de cette compétence. Le rapport d'information sur la politique de l'eau de nos collègues Rémy Pointereau et Hervé Gillé propose d'introduire une fraction de la taxe Gemapi mutualisée sur l'ensemble des bassins-versants pour « soutenir des actions au titre de la Gemapi des EPCI disposant de peu de ressources et de longs linéaires ». Quelle est votre position sur cette proposition ?

M. Christophe Béchu, ministre. - Je rappelle que l'exercice de la compétence Gemapi a été instaurée il y a 10 ans, afin de laisser le temps aux collectivités et leurs groupements de s'organiser : c'est en effet en 2014 qu'un texte législatif a prévu que la compétence pleine et entière serait effective d'ici 2024. Je suis surpris que, moins de trois mois avant l'échéance, les acteurs réagissent en objectant la complexité de cette disposition. J'ai observé avec une certaine amertume le même phénomène à propos de la loi sur l'accessibilité universelle : tout le monde était d'accord au moment du vote, mais les oppositions ont émergé juste avant l'échéance. J'ajoute que l'État a intensifié son travail sur la Gemapi au cours des derniers mois. C'est un sujet que je connais bien pour avoir précédemment été président d'une communauté urbaine concernée par une grande façade sur la Loire et par les digues domaniales. Pour répondre à votre question, je suis favorable à la solidarité amont-aval. J'ai supprimé la condition qui obligeait à lever la taxe pour solliciter le « Fonds vert » pour accompagner des crédits de travaux, car je considère qu'il existe une liberté de gestion. Les dispositifs prévus par la loi Barnier sont également mobilisables. Je pense que la situation sera plus claire dans quelques mois entre ceux qui redoutent l'exercice de la compétence, ceux qui ont déjà mis en place les dispositifs et ceux qui s'organisent avec des mécanismes de solidarité qui ne nécessitent pas de règles. Par exemple, dans l'intercommunalité que je présidais, nous avons considéré qu'il ne fallait pas uniquement se fonder sur le linéaire de façade mais également tenir compte du nombre d'habitants des intercommunalités voisines, dans une logique de solidarité.

M. Didier Mandelli, président. - Merci Monsieur le Ministre.

Examen en commission
Crédits relatifs aux « paysages, à l'eau et à la biodiversité »
et à l'« expertise, l'information géographique et la météorologie »
Mercredi 22 novembre 2023

M. Jean-François Longeot. - Mes chers collègues, je cède désormais la parole à Guillaume Chevrollier pour la suite de nos travaux budgétaires, avec la présentation de son rapport pour avis.

M. Guillaume Chevrollier. - Dernier orateur de la matinée, il me revient l'honneur de vous présenter mon rapport sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité - programme 113 - et les crédits relatifs à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie - programme 159.

Plusieurs évolutions notables pour 2024 méritent d'être signalées en préambule : le doublement des crédits budgétaires consacrés à la biodiversité, le relèvement de 150 M€ du « plafond mordant » des recettes des agences de l'eau et la réforme des redevances dues pour les prélèvements et consommations d'eau, afin d'accompagner le déploiement des 53 mesures du « plan eau » présenté par le Gouvernement en mars dernier.

Ma présentation s'articulera en trois parties, avec dans un premier temps la biodiversité, suivi des mesures budgétaires en soutien à la politique de gestion de l'eau et enfin l'expertise technique et scientifique en appui à l'action de l'État et des collectivités.

Cadre de pilotage des actions environnementales pour les années à venir, la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2030 devrait être finalisée ces prochaines semaines, après une présentation partielle en juillet dernier et de multiples reports. Elle a vocation à décliner au niveau national les 23 cibles de l'Accord de Kunming à Montréal, adopté lors de la COP15 Biodiversité, afin d'enrayer le déclin du vivant, restaurer les fonctionnalités des écosystèmes et favoriser, dans la mesure du possible, la biodiversité dans toutes les politiques.

Ce projet de loi de finances consacre donc 264 M€ de crédits budgétaires nouveaux pour le déploiement des mesures de la SNB et renforce les moyens humains dédiés à la biodiversité, grâce à 47 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires pour l'Office français de la biodiversité (OFB), 15 pour les parcs nationaux et 13 pour le conservatoire du littoral. Ces moyens permettront par ailleurs de soutenir la stratégie nationale pour les aires protégées, dont un des objectifs est la couverture de 10 % du territoire terrestre et maritime sous protection forte.

Comme l'a montré la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui constitue l'équivalent du GIEC pour la biodiversité, les cinq grandes pressions qui s'exercent sur la biodiversité sont protéiformes et cumulatives : les politiques publiques pour enrayer son déclin doivent à la fois veiller à limiter le changement d'usage des terres, la surexploitation des ressources, le changement climatique, les pollutions de toute nature et l'introduction des espèces exotiques envahissantes.

Pour être efficaces, la cohérence et la concertation en amont des politiques environnementales sont essentielles, à la fois avec les territoires et les élus locaux, mais également au niveau européen, pour harmoniser les cadres d'action et limiter les distorsions concurrentielles grâce à des réglementations harmonisées entre les États membres. Je tiens d'ailleurs à souligner que l'action de la France en faveur de la biodiversité ne se laisse pas uniquement appréhender par l'analyse des crédits du programme 113, mais également en tenant compte du « fonds vert », dont nous avons déjà parlé ce matin, et dont une partie des crédits - environ 150 M€ - est fléchée vers la biodiversité, la restauration de la nature ou encore la réduction de l'artificialisation des sols. Il faut rappeler à cet égard le rôle éminent des collectivités territoriales, qui mobilisent les premiers leviers d'action en faveur de la biodiversité par leur engagement au quotidien. Leur rôle de gardiens de la biodiversité et de sentinelles du vivant n'est pas suffisamment mis en avant, notamment dans le débat public.

Le pacte en faveur de la haie me paraît intéressant à mentionner et nous en avons parlé avec le ministre Christophe Béchu la semaine dernière : l'objectif de restauration d'un linéaire de 50 000 km de haies d'ici à 2030 est non seulement propice à la préservation de la biodiversité, mais contribue également à la séquestration de carbone, à la production de biomasse, à la protection contre le vent et à l'aménité paysagère des bocages. Après une époque d'arrachages massifs des haies non compensés par des plantations équivalentes, une stratégie nationale s'imposait. Celle-ci doit à mon sens renforcer les incitations au maintien des haies existantes, favoriser les plantations de haies fonctionnelles et garantir une concertation de qualité avec les agriculteurs pour mieux valoriser économiquement l'entretien des haies. Pour cela, il me paraît essentiel de simplifier la réglementation applicable aux haies, dans un souci de lisibilité et de clarification du rôle de chacun, alors qu'aujourd'hui le régime juridique des haies est défini au sein de six codes différents : le code de l'urbanisme, le code de l'environnement, le code rural, le code de la santé publique, le code du patrimoine et le code civil.

Je souhaite également appeler l'attention de la commission sur les complexités de gestion des haies du fait du développement de la fibre en réseau aérien, sujet qui a d'ailleurs été évoqué plus tôt dans la matinée dans le cadre de l'examen du rapport pour avis de notre collègue Sébastien Fagnen. Le déploiement aérien du réseau fibre n'est pas neutre pour le bocage, il a généré des surcoûts d'entretien, car il est plus fragile que quand il est enfoui. Or, les gestionnaires sont responsables des dégâts causés par les haies, en application d'un régime de responsabilité du fait des choses. Cette contrainte, en conduisant de nombreux gestionnaires à abattre certaines haies de manière préventive, mériterait une prise en compte spécifique pour favoriser une meilleure cohérence des politiques publiques.

Cette cohérence constitue un prérequis indispensable, afin que les efforts pour la préservation de la biodiversité ne soient pas neutralisés par des dépenses aux effets contraires. Cela a souvent été répété devant cette commission : l'environnement ne doit pas être une politique publique sectorielle parmi d'autres, mais une préoccupation à prendre en compte dans toutes les politiques. Il ne s'agit pas de protéger la biodiversité pour sa valeur intrinsèque, mais de la préserver car les services écosystémiques qu'elle rend à l'homme et aux activités humaines sont incomparables : pour ne citer qu'un seul exemple, n'oublions pas qu'une bouchée sur trois de ce que nous consommons dépend des pollinisateurs. De même, on n'insistera jamais assez sur le fait que l'évaluation des stratégies et l'accompagnement des acteurs sont essentiels pour l'atteinte des objectifs climatiques et environnementaux de la France.

J'en viens maintenant aux mesures budgétaires consacrées à l'eau et au déploiement du « plan eau ». La centralité des agences de l'eau en matière de politique hydrique est réaffirmée par ce PLF : elles ont la délicate mission de répondre aux défis auxquels font face les acteurs chargés de la gestion de l'eau et d'accompagner l'adaptation des territoires aux effets du changement climatique. Les enjeux quantitatifs, avec des sécheresses plus intenses et des inondations plus dramatiques du fait de la modification du régime des pluies, mais également les enjeux qualitatifs, avec les pressions que génèrent les pollutions de toute nature, les micropolluants et le réchauffement des eaux, font peser des menaces sur la gestion durable de l'eau dont nous appréhendons à peine l'ampleur.

La prise de conscience budgétaire des enjeux commence à s'amorcer : relèvement du plafond de recettes de 150 M€, hausse du plafond de dépenses de 475 M€ et progression du plafond d'emplois de 66 ETPT pour les six agences de l'eau, afin d'accompagner le déploiement du plan eau, dont le coût des mesures a été estimé à 475 M€ en année pleine. Le desserrement des contraintes pesant sur les agences de l'eau est complété par une réforme des redevances, à l'article 16 du PLF, dont les objectifs consistent à simplifier et améliorer la lisibilité des mécanismes de taxation, accroître le signal-prix des prélèvements et des atteintes aux milieux aquatiques et rééquilibrer la part contributive des usagers de l'eau afin de réduire le surfinancement des abonnés domestiques.

Cette réforme permettra de sécuriser 167 M€ de recettes nouvelles au niveau national, avec 100 M€ provenant des énergéticiens, 20 M€ des industriels, 10 M€ des irrigants et 37 M€ issus de la redevance pour pollutions diffuses via des augmentations tarifaires des produits phytosanitaires. Les 308 M€ restants seront perçus, par subsidiarité, à travers les augmentations des taux votés par les comités de bassin. Au-delà de ces évolutions fiscales, il me semble essentiel de favoriser la protection des aires d'alimentation des captages d'eau potable et d'accompagner de manière plus volontaire l'investissement patrimonial des collectivités dans leurs réseaux d'eau et d'assainissement.

J'en viens enfin aux opérateurs chargés de conforter l'expertise de l'État et d'accompagner les collectivités pour surmonter les défis qui se posent à elles en raison du changement climatique. Il s'agit principalement de Météo-France, dont nous avons entendu la présidente-directrice générale en ce début de session, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), que notre commission a eu l'occasion de visiter au printemps dernier, et du Cerema, bien connu de chacun d'entre nous, qui sont financés à travers des subventions pour charges de service public, au sein du programme 159.

Ces opérateurs apportent une expertise de premier ordre pour sensibiliser les acteurs aux mutations induites par le changement climatique et aux contraintes nouvelles pesant sur l'action publique territoriale. Ces acteurs développent de nouveaux outils, modélisent les changements à l'oeuvre et veillent à ce que les solutions mises en oeuvre ne conduisent pas à une impasse du fait d'une mal-adaptation. Ce PLF augmente la subvention de 10 M€ pour Météo-France, afin d'accompagner l'augmentation de la puissance de calcul pour améliorer l'anticipation météorologique de phénomènes extrêmes, et de 4 M€ pour l'IGN et le Cerema, pour renforcer la connaissance géocartographique du territoire, offrir un référentiel pour appréhender l'artificialisation des sols et disposer de données géographiques souveraines, s'agissant de l'IGN, et pour le Cerema dans le cadre de la quasi-régie instaurée par la loi dite « 3DS » pour améliorer la qualité de l'appui en ingénierie aux collectivités adhérentes. Ce sont des évolutions bienvenues, dans un contexte inflationniste et de gratuité de la donnée publique, qui pousse ces établissements publics à devoir repenser leur modèle économique.

Nous le savons, la transition écologique sollicitera énormément les moyens humains de ces opérateurs, et plus généralement ceux de l'État et des territoires : pour résumer, il nous faudra surmonter des défis inédits et apporter des réponses à des questions complexes qui ne sont jamais posées jusqu'ici. Pour cela, nous disposons d'atouts, grâce à des établissements de pointe en matière d'expertise, aux collectivités engagées et à l'imagination territoriale, qui est sans limites. Anticiper le plus en amont possible le recul du trait de côte, les orages ou tempêtes extrêmes ou encore les dynamiques hydriques à l'échelle d'un territoire sont essentiels pour mettre en oeuvre les mesures adéquates et assurer une réponse préventive proportionnée.

Nous avons besoin de boussoles pour comprendre les phénomènes à l'oeuvre, qui ne peuvent s'appréhender à l'échelle de ce qui s'est déjà produit car ils sont inédits. L'action publique en matière climatique et environnementale devient plus incertaine et moins prévisible : en ces domaines, l'agilité politique découle de l'expertise scientifique. Les investissements publics pour intensifier et élargir le savoir-faire en matière d'aménagement du territoire ainsi que l'ingénierie locale sont toujours rentables quand ils sont animés du souci de l'efficacité de la dépense publique et sont réalisés à bon escient. Les opérateurs que j'ai entendus lors de mes auditions budgétaires, ouvertes à l'ensemble de mes collègues, me paraissent satisfaire à ces critères.

Pour ces raisons, je vous propose d'émettre un avis favorable aux crédits inscrits aux programmes 113 et 159 et ne vous propose aucun amendement.

M. Jean-François Longeot. - Merci Monsieur le rapporteur pour cette présentation complète du rapport et des enjeux qui sous-tendent l'action publique en matière de biodiversité, d'eau et d'expertise scientifique pour réussir la transition écologique. S'il n'y a pas de demande de prise de parole, je vais le mettre aux voix. Y a-t-il des oppositions sur ce rapport ? Des abstentions ? Je n'en vois aucune.

La commission émet à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Paysages, eau et biodiversité » et « Expertise, information géographique et météorologie ».

Crédits relatifs à la « transition énergétique et climat »
Mercredi 22 novembre 2023

M. Jean-François Longeot, président - Mes chers collègues, avant de commencer notre copieux ordre du jour de ce matin, je tiens au préalable à vous communiquer deux informations.

La première concerne le déplacement d'une délégation de la commission prévu ce jeudi dans le Pas-de-Calais, que nous sommes contraints d'annuler en raison de la difficulté pour les commissaires de libérer une journée en cette période budgétaire bien chargée et en plein congrès des maires. Néanmoins, je vous informe que nous reprogrammerons ce déplacement dont l'objet initial, je vous le rappelle, était d'exprimer la solidarité de la commission avec ce territoire qui vient de faire face à des inondations d'une ampleur tout à fait exceptionnelle, de constater le déploiement et l'engagement des services de l'État aux côtés des communes affectées par cette catastrophe naturelle et d'être à l'écoute à la fois des habitants, des élus locaux et des acteurs économiques. Nous aurons en outre l'opportunité de mesurer la manière dont ont été pris en charge les sinistrés et de tirer un bilan de la réponse de l'État face à cette catastrophe naturelle.

La seconde information concerne le point 5 de notre ordre du jour de ce matin. En effet, à l'issue de l'examen du rapport de Fabien Genet sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat, je vous propose d'examiner dans la foulée les amendements sur la première partie du projet de loi de finances pour 2024. Cette intervention permettra en effet à Philippe Tabarot, qui en a exprimé la demande, d'assister à la réunion de la commission des finances au cours de laquelle les rapporteurs spéciaux présenteront leur rapport sur les infrastructures et services de transports. Nous reprendrons le fil de notre ordre du jour à l'issue de l'examen des amendements concernés.

Avant de commencer l'examen des avis de la commission sur le projet de loi de finances, je donne la parole à notre collègue Jean-Pierre Corbisez qui souhaite intervenir.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Comme vous le savez, je suis sénateur du Pas-de-Calais et je voulais vous exprimer mes remerciements, M. le président, pour avoir pensé à envoyer une mission sénatoriale de notre commission. Cette mission est reportée et c'est une bonne chose car point trop n'en faut. Mon collègue Stéphane Demilly, qui a vécu une situation analogue il y a quelques années lorsqu'il y a eu des inondations dans la Somme, pourra en témoigner. On recense, aujourd'hui, entre deux et trois visites ministérielles par semaine, alors que les élus locaux et les populations sont très fatigués et que le niveau de l'eau ne baisse que très lentement. Si je devais faire de l'humour, je dirais que l'on n'est pas à Beauval et que les populations goûtent de moins en moins ces visites.

Six sénateurs sur sept du Pas-de-Calais ont adressé un courrier au Président du Sénat pour l'inviter à venir dans le département. Il faudrait que notre commission puisse l'accompagner, mais surtout, que ce déplacement n'intervienne qu'après la décrue car nous ne sommes pas encore en mesure d'évaluer l'ampleur des dégâts.

Je ne peux vous dire que ce que j'ai pu constater à titre personnel, en accueillant une famille, avec deux enfants, qui a tout perdu. C'est une situation qui requiert la puissance sénatoriale.

Cette famille a perdu ses deux voitures mais lorsque l'assurance les a remboursés, une franchise a été retranchée. Le maire de la commune d'Arques que l'on a pu voir aux côtés du Président de la République et de M. Bruno Lemaire vit une situation analogue. Il doit refaire son école de musique et la franchise s'élève à 300 000 euros.

Nous connaissons tous le fonctionnement des assurances mais je pense qu'à situation exceptionnelle, il faut une réponse exceptionnelle.

Certes, la présidente de France Assureurs a été présente. Le nombre d'experts va doubler, voire tripler, pour aller plus vite dans l'intérêt des familles et des communes, mais ce n'est pas suffisant.

Il faudra être au côté des maires. Comme vous le savez tous, et beaucoup d'entre vous ont été maires, lorsqu'il y a un incident, l'élu d'astreinte ou le maire est le directeur des opérations de secours. Or dans une petite commune rurale, il est aussi salarié et il doit prendre des congés car son entreprise ne prend pas en compte ces fonctions de directeur des opérations de secours.

Il faudra être attentif à la situation financière des communes. Il ne faut pas que les assurances ou les services de l'État s'exonèrent de leurs responsabilités en demandant des comptes sur l'utilisation de la taxe sur la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) et sur le respect des engagements de travaux. Beaucoup de communes rurales ont utilisé cette ressource pour faire des travaux mais souvent le produit de la taxe n'est pas suffisant et il faut trouver des moyens supplémentaires.

J'insiste, les maires ont besoin de nous. Je vous remercie à nouveau de vouloir venir dans mon département pour voir l'ampleur des dégâts mais peut être au printemps après la décrue et lorsque les murs des bâtiments auront eu le temps de sécher.

M. Jean-François Longeot, président. - Je donne, à présent, la parole à notre collègue Fabien Genet, pour qu'il nous présente son rapport pour avis.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat. - Il me revient ce matin de vous présenter le fruit de mes travaux en ma qualité de rapporteur pour avis des crédits « Transition énergétique et climat ». C'est une première pour moi et vous remercie pour votre bienveillance.

Cet avis portera, comme à l'accoutumée, sur trois thèmes : le verdissement des finances publiques, en lien avec mes collègues rapporteurs Guillaume Chevrollier et Pascal Martin, le développement des énergies renouvelables et la rénovation énergétique des bâtiments.

Commençons par le verdissement des finances publiques, mis en exergue par la quatrième édition du « budget vert » de l'État. Les dépenses « favorables à l'environnement » s'élèvent à 39,7 milliards d'euros, soit une hausse d'environ 7 milliards d'euros par rapport à 2023. Les dépenses dites « défavorables » s'établissent à 13,1 milliards, en baisse de 20 milliards d'euros. Par ailleurs, pour la première fois depuis de nombreuses années, les effectifs des ministères en charge de la transition écologique verront leurs effectifs augmenter (+ 307 équivalents temps plein).

Ce verdissement doit cependant être nuancé. Tout d'abord, car, en écartant l'extinction des boucliers tarifaires, les « dépenses brunes » restent globalement stables, comme l'a d'ailleurs reconnu Bercy. Par ailleurs, 90 % du budget s'inscrit dans la catégorie des dépenses « neutres » ou « non cotées ». Enfin, concernant les moyens des ministères en charge de la transition, l'augmentation, bien réelle, est cependant loin de compenser les suppressions de postes intervenues depuis le début du premier quinquennat du Président Macron.

Concernant le verdissement des finances publiques, les collectivités territoriales, à l'origine de 70 % de l'investissement public, sont également amenées à jouer un rôle essentiel dans la hausse des dépenses nécessaires à l'atteinte de nos objectifs énergétiques et climatiques d'ici 2030 : selon l'Institut de l'Économie pour le Climat (I4CE), au moins 12 milliards d'euros d'investissements dédiés au climat devraient être réalisés par les collectivités chaque année, soit presque 20 % de leur budget d'investissement. C'est deux fois plus que les montants actuellement mobilisés (5,5 milliards). Il est donc urgent de mieux outiller et de mieux accompagner les collectivités territoriales pour faire face au « mur » d'investissements verts qui se présente devant elles.

Face à ce « mur », la mise en place d'un « budget vert » doit être encouragée, notamment par l'élaboration d'une méthodologie harmonisée. La publication obligatoire d'un « budget vert » pour les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants, dès 2024, votée par l'Assemblée nationale semble toutefois prématurée ; il est préférable de rendre sa mise en place facultative, tout en encourageant l'État et les associations de collectivités territoriales à élaborer une méthode adéquate. Tel est le sens de l'amendement que nous vous soumettrons avec Guillaume Chevrollier et Pascal Martin.

Par ailleurs, je partage les constats de l'excellent rapport de la délégation aux collectivités territoriales consacré à la transition écologique dans les territoires, dont notre collègue Pascal Martin était co-rapporteur. La méthode de soutien financier de l'État est aujourd'hui incompatible avec les exigences de la transition écologique. Un changement de méthode s'impose donc. Ce changement pourrait être amorcé dès 2024 : le Gouvernement devra remettre au Parlement une stratégie pluriannuelle définissant les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale. Cette publication devra servir de support à une programmation pluriannuelle du soutien apporté par l'État aux collectivités territoriales. Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) devront, par la suite, constituer la traduction territoriale de cette pluriannualité.

J'en viens au deuxième thème de cet avis budgétaire : le développement des énergies renouvelables.

Quelques mois après la promulgation de la loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables (loi « AER »), je vous proposerai d'amplifier, dans ce projet de loi de finances, la dynamique initiée par ce texte, en remerciant au passage Didier Mandelli, rapporteur de cette loi, pour les échanges préparatoires. Nous pourrions compenser le coût cumulé des amendements que je vous présenterai, que j'estime à 390 millions d'euros, par un rétablissement du taux de la contribution infra-marginale (CRIM) à 90 %, permettant de taxer les superprofits réalisés par les producteurs d'électricité dans un contexte d'envolée des prix de vente, pour une recette additionnelle estimée à 400 millions d'euros.

Dans la continuité des avancées de la loi « AER » visant à libérer des surfaces de déploiement artificialisées pour le développement du photovoltaïque, je vous proposerai tout d'abord deux amendements de soutien à l'autoconsommation photovoltaïque, cohérents avec les travaux menés par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), en ouvrant l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) à ces installations et en faisant bénéficier ces équipements du taux de TVA de 5,5 %.

Il me semble, par ailleurs, nécessaire de renforcer les moyens dédiés à la chaleur et au froid renouvelables. Le montant actuel du Fonds Chaleur ne permettra pas de répondre à la dynamique de terrain observée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique : le portefeuille de projets, pour l'ensemble de l'année en cours, est 2,2 fois plus élevé que les crédits disponibles ! Nous pourrions ainsi augmenter les moyens du Fonds Chaleur de 820 millions à 1 milliard d'euros, montant recommandé par le récent rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique.

M'inspirant une nouvelle fois d'une recommandation formulée par le SGPE, je vous proposerai également de créer un fonds de garantie doté de 50 millions d'euros, géré par l'Ademe, pour encourager la valorisation de la chaleur fatale.

Troisième et dernière piste d'amendement sur le sujet : l'extension aux abonnements et à la fourniture de froid renouvelable du taux de TVA de 5,5 % actuellement applicable à la chaleur renouvelable. Le développement des réseaux de froid doit en effet être plus largement soutenu pour adapter les territoires et protéger les populations face au réchauffement climatique, tout en limitant le recours à la climatisation individuelle, source d'îlots de chaleur et émettrice de gaz à effet de serre.

Enfin, j'aimerais que nous prolongions la dynamique initiée par la loi « AER » afin d'accroître les retombées économiques des projets d'énergies renouvelables dans les territoires pour en renforcer l'acceptabilité.

Je vous présenterai donc deux amendements :

- le premier pour faire bénéficier les communes d'une fraction (20 %) de l'impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) pour les éoliennes faisant l'objet d'un projet de rééquipement (repowering), cette répartition ne s'appliquant pour l'heure que pour les nouvelles installations ;

- le second pour supprimer l'article 27 quinquies, introduit à l'Assemblée nationale, exonérant de taxe foncière sur les propriétés bâties l'ensemble des mâts d'éoliennes. Cet article conduirait en effet à réduire les recettes perçues par les collectivités territoriales au titre du déploiement des énergies renouvelables, à rebours de la logique instaurée par la loi « AER ». Supprimer le bénéfice de la taxe foncière enverrait également un mauvais signal aux communes, chargées d'identifier des zones d'accélération des énergies renouvelables en application de la même loi « AER ».

J'aborderai enfin le dernier thème de cet avis budgétaire : la rénovation énergétique des bâtiments.

L'effort budgétaire consenti par la loi de finances initiale en faveur de la rénovation énergétique des logements via le dispositif MaPrimeRénov' a été salué par les acteurs associatifs que j'ai entendus : la hausse affichée - 1,6 milliard supplémentaire pour atteindre 4 milliards d'euros - laissait en effet présager d'un changement d'échelle attendu, les résultats obtenus étant jusqu'ici largement insuffisants pour honorer nos objectifs énergétiques et climatiques. Mais cette hausse doit malheureusement être relativisée. D'une part, car les montants annoncés découlent pour partie d'une habile distorsion de périmètre : des reliquats de la trésorerie de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), une valorisation directe de certificats d'économie d'énergie par cette agence, et des recettes de la vente aux enchères des quotas carbone sont en effet intégrés dans le total annoncé ! D'autre part, un amendement retenu par le Gouvernement est venu ponctionner MaPrimeRénov' de 400 millions d'euros pour le financement de la rénovation des logements sociaux. Au total, en retranchant ces effets de périmètre et ces 400 millions d'euros, l'effort budgétaire est deux fois moindre que celui affiché par le Gouvernement (soit 885 millions d'euros).

Au-delà de ces considérations sur le volume d'aides, la refonte annoncée de MaPrimeRénov' constitue un motif de satisfaction, les orientations de cette refonte reprenant d'ailleurs en partie les recommandations du rapport de la commission d'enquête sénatoriale.

La réorganisation de MaPrimeRénov' autour de deux piliers devrait contribuer à accroître l'efficacité des aides versées.

Le pilier « performance », dédié aux travaux de rénovation du bâtiment, sera désormais soumis à une obligation de moyens et de résultats, ce qui devrait encourager les ménages à privilégier des rénovations performantes. Le bénéfice de ces aides sera, de surcroît, conditionné à une assistance par un Accompagnateur Rénov' public ou privé, agréé par l'Anah ; cet accompagnement - qui fera l'objet d'une aide spécifique - est de nature, si on trouve suffisamment d'agents, à renforcer la cohérence des travaux engagés, tout en limitant les risques de fraude. Par ailleurs, l'accroissement substantiel du taux et du plafond de prise en charge, progressifs en fonction du niveau de revenu, contribuera à réduire le « reste à charge » des ménages aux revenus médians et modestes.

Le pilier « efficacité », consacré au remplacement des modes de chauffage, sera enfin conditionné, pour les habitats individuels, à la présentation d'un diagnostic de performance énergétique. Aussi, les propriétaires de passoires thermiques ne pourront plus bénéficier de ce pilier et seront obligatoirement réorientés vers le pilier « performance ».

Si les améliorations sont donc notables, le projet gouvernemental ne lève toutefois pas l'ensemble des inquiétudes.

Un temps envisagé, le conditionnement du pilier « performance » à l'atteinte d'une étiquette A, B ou C a finalement été abandonné, au profit d'un gain de deux classes énergétiques. D'où le choix fait par le Gouvernement d'afficher un objectif de 200 000 rénovations « d'ampleur », et non de 200 000 rénovations « performantes », lesquelles impliquent d'atteindre a minima la classe C du diagnostic de performance énergétique (DPE) ! Derrière ce tour de passe-passe sémantique se cache donc une baisse notable de l'ambition du Gouvernement.

De plus, la problématique cruciale du « reste à charge » n'est pas complètement écartée, en dépit des améliorations permises par le projet de loi de finances. Pour les ménages modestes, le « reste à charge » reste trop important, comme l'ont mis en avant les travaux d'I4CE. Pour les classes moyennes, l'accès aux financements bancaires via l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) reste trop limité, faute notamment d'une mobilisation suffisante du secteur bancaire, comme l'a récemment révélé la Cour des comptes.

Dans l'attente des nouveaux contours du service public de la rénovation énergétique - attendus pour 2025 - on peut également craindre que le nombre d'Accompagnateurs Rénov' disponibles sur le terrain soit insuffisant, ce qui pourrait entraver le déploiement du pilier « performance ».

Enfin, au-delà des questions budgétaires, une montée en puissance de la filière s'avère nécessaire pour relever le défi de la rénovation énergétique des bâtiments.

Je terminerai cette présentation par un rapide développement sur la rénovation des bâtiments publics. Selon le rapport Pisani-Ferry & Mahfouz, l'atteinte des objectifs énergétiques et climatiques de la France nécessitera le fléchage de 10 milliards d'euros supplémentaires d'ici la fin de la décennie pour la rénovation énergétique du bâti public. Une part essentielle de ce montant devra être orientée en direction des collectivités territoriales, propriétaires d'une part majoritaire du parc public national. En tenant compte de la proportion des bâtiments détenus par ces collectivités, c'est 1 milliard d'euros par an qui devra être mobilisé localement.

Le « fonds vert » met à disposition des collectivités territoriales des crédits pour faire face à ce « mur » d'investissements. Toutefois, cette action n'est pas seulement dédiée à la rénovation énergétique du bâti : ses crédits soutiennent également le tri à la source et la valorisation des bio-déchets, ainsi qu'un soutien à la modernisation de l'éclairage public. On peut donc craindre que le soutien de l'État soit insuffisant pour répondre aux besoins, ce que n'ont pas manqué de relever les associations de collectivités territoriales que j'ai entendues.

Afin de soutenir plus massivement la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales, je soumettrai donc à votre vote un amendement visant à accroître les moyens du « fonds vert » de 100 millions d'euros.

En définitive, j'émettrai donc, mes chers collègues, un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et climatique, inscrits au projet de loi de finances pour 2024, sous réserve de l'adoption des amendements présentés.

M. Jacques Fernique. - La liasse d'amendements proposés nous semble tout à fait cohérente. Un équilibre a été trouvé grâce au maintien du taux de prélèvement de la contribution sur la rente infra-marginale (CRIM) à 90 %. L'Assemblée proposait de maintenir cette contribution sur les superprofits réalisés par les producteurs d'électricité lors de l'envolée des prix, mais à un taux de 50 %.

Nous partageons les remarques du rapporteur concernant la rénovation thermique des bâtiments et notamment MaPrimeRénov'. Elles correspondent à ce que proposait la commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.

Je relève toutefois qu'une partie importante des crédits de MaPrimeRénov' n'est pas consommée. Il faut certes augmenter les moyens. C'est réalisé en partie, même si une part de l'augmentation est en trompe l'oeil : je souscris à la formule du rapporteur qui évoque une habile distorsion du périmètre. Il s'agit d'une hausse notable qu'il faut saluer, mais, si je ne me trompe pas, c'est près d'un milliard de crédits de paiement qui n'ont pas été consommés en 2023 et qui ont été annulés. Cela montre qu'il y a un problème de moyens mais aussi de conditions de leurs consommations.

M. Hervé Gillé. - Je partage tout à fait l'analyse qui a été faite. J'ajouterai seulement que la faible consommation des crédits doit être étudiée au regard de la crise du logement. Cette problématique mérite d'être approfondie. Il faut trouver comment dynamiser le système d'aides et d'accompagnements à la rénovation et l'adaptation des logements dans un contexte de crise du logement.

On parle aujourd'hui d'une des crises les plus importantes depuis l'après-guerre, similaire à celle de 1992. Il nous faut apporter une réponse forte, identifier les potentiels effets de levier et poursuivre notre réflexion notamment dans le cadre d'autres travaux parlementaires.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Je tenais à évoquer le problème du « reste à charge » pour les familles, en particulier pour les familles modestes et très modestes. Nous faisons face à une double difficulté, celle de trouver des artisans et celle du « reste à charge » pour les rénovations globales. Il faut diminuer le « reste à charge » pour les familles modestes si l'on veut atteindre l'objectif des 200 000 rénovations globales au lieu des 60 000 à 70 000 actuellement.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Nous venons d'évoquer les certificats d'économie d'énergie (CEE). Je tenais à rappeler qu'à partir du 1er janvier de l'année prochaine, les CEE seront gérés par l'Anah.

Jusqu'à présent, c'était ceux que l'on appelait les « grands industriels pollueurs », ceux qui avaient besoin de rembourser leur dette carbone, qui portaient les CEE.

Dans quelques semaines, compte tenu du fonctionnement de l'Anah, on peut craindre des délais de remboursement très importants pénalisant pour les familles qui entreprennent des travaux et qui supportent déjà un « reste à charge ».

Les candidats ne voudront plus s'engager sur des rénovations globales parce que l'avance de trésorerie serait trop importante.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Je remercie mes collègues pour leurs remarques que je partage.

Concernant MaPrimeRenov', les choses peuvent être améliorées aux différentes étapes de la procédure. Il faut créer une vraie mobilisation d'ensemble qu'il s'agisse d'informer nos concitoyens sur les moyens qui sont mis à leur disposition ou de leur rappeler l'impérieuse nécessité de faire ces travaux.

Le conditionnement des aides à l'assistance par un Accompagnateur Rénov' me semble une bonne idée. Il faudra toutefois être attentif lors de l'application de cette mesure et vérifier qu'il n'y a pas d'effets de bord contreproductifs. En effet, si le nombre d'Accompagnateurs était insuffisant, on pourrait craindre un ralentissement des rénovations, ce qui serait très dommageable.

Concernant le « reste à charge », je partage vos préoccupations et je crois que les dispositions contenues dans le projet de loi de finances vont dans le sens de leur diminution.

Enfin, et cela a été dit, la mobilisation des artisans et des entreprises est déterminante. Je retiens toutefois des entretiens que j'ai eus lors de ces travaux préparatoires que si la crise du logement est très préoccupante, elle peut également créer de nouvelles opportunités. Puisqu'il y a un recul de la construction neuve, un certain nombre d'artisans et d'entrepreneurs vont vouloir suivre des formations et obtenir les labels nécessaires afin d'orienter l'activité de leur entreprise vers la rénovation. Cela pourrait être une conséquence positive en faveur des travaux nécessaires de rénovation.

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, s'il n'y a plus de demande de prise de parole, je vais demander au rapporteur de présenter ses amendements.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 6

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - L'amendement I-1073 vise à ouvrir l'éco-PTZ aux travaux d'installation de panneaux photovoltaïques d'une puissance inférieure ou égale à 9 kilowatts-crête, dans le cadre d'une opération d'autoconsommation.

L'amendement  I-1073 est adopté.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - L'amendement I-1074 vise à étendre le taux de TVA réduit à 5,5 %, dont disposent aujourd'hui les travaux de rénovation énergétique, à la pose et à l'installation de panneaux photovoltaïques d'une puissance inférieure ou égale à 9 kilowatts-crête (KWc), dans le cadre d'une opération d'autoconsommation. 

L'amendement  I-1074 est adopté.

Article 8 bis

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - L'amendement I-1071 vise à rétablir le taux de la contribution sur la rente infra-marginale (CRIM) de 90 %, afin d'optimiser la contribution du prélèvement au budget de l'État.

L'amendement  I-1071 est adopté.

Après l'article 12

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - L'amendement I-1075 vise à étendre aux abonnements et à la fourniture de froid renouvelable le taux réduit de TVA réduit de 5,5 % actuellement applicable aux abonnements et à la fourniture de chaleur renouvelable.

L'amendement  I-1075 est adopté.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Le fléchage d'une part de l'impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) en direction des communes n'est pas prévu dans le cas des éoliennes installées avant le 1er janvier 2019. Les communes devraient pourtant pouvoir bénéficier des retombées des projets de rééquipement (repowering), qui engagent leur territoire pour une nouvelle période d'au moins quinze ans. L'amendement I-1076 corrige cette anomalie, en étendant la répartition de l'Ifer applicable aux nouvelles éoliennes, issue de la loi de finances pour 2019, aux éoliennes faisant l'objet d'un projet de rééquipement.

L'amendement  I-1076 est adopté.

Article 27 quinquies

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - L'amendement I-1072 vise à supprimer l'article 27 quinquies, introduit à l'Assemblée nationale, visant à exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) l'ensemble des mâts d'éoliennes.

L'amendement  I-1072 est adopté.

Article 35

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - L'amendement vise à accroître les moyens du Fonds Chaleur de 820 millions à 1 milliard d'euros.

L'amendement  II-293 est adopté.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Cet amendement vise à créer un fonds de garantie de 50 millions d'euros géré par l'Ademe pour encourager la valorisation de la chaleur fatale.

L'amendement  II-294 est adopté.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Afin de soutenir plus massivement la rénovation énergétique des bâtiments des collectivités territoriales, l'amendement vise à accroître les moyens du « fonds vert » de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

L'amendement  II-292 est adopté.

Article 49 decies

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Comme indiqué dans mon intervention, l'amendement vise à rendre facultative la mise en place d'un « budget vert » pour les collectivités territoriales, tout en encourageant l'État et les associations de collectivités territoriales à élaborer une méthode adéquate.

L'amendement  II-291 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et climatique de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Crédits relatifs à la « prévention des risques »
Mercredi 29 novembre 2023

M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons à présent le rapport de Pascal Martin sur les crédits relatifs à la prévention des risques inscrits au projet de loi de finances pour 2024.

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - Je vous présente, comme chaque année, mon rapport sur les crédits dédiés à la prévention des risques naturels, technologiques et nucléaires. Ces moyens sont rassemblés dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables », au sein du programme 181, du programme 190 qui finance plusieurs opérateurs de la prévention des risques technologiques, et du programme 217, ce dernier portant sur les crédits de personnel. J'évoquerai d'abord l'évolution générale des crédits et des effectifs, avant de vous partager trois observations thématiques puis de vous présenter un amendement, sachant que nous avons déjà présenté la semaine dernière un autre amendement visant à rehausser le plafond du crédit d'impôt relatif aux travaux des plans de prévention des risques technologiques, adopté en séance publique, ce dont je me réjouis.

Un mot tout d'abord de l'évolution générale des crédits et des effectifs. Pour 2024, les crédits du programme 181 représentent environ 1,3 milliard d'euros, soit une augmentation de 16 % en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Il s'agit surtout d'absorber la hausse du Fonds Chaleur porté par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), évoquée par notre collègue Fabien Genet la semaine dernière, qui passe de 520 millions d'euros à 820 millions d'euros.

Je relève également une hausse nécessaire de la subvention accordée à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) à hauteur de 6,7 %, après près d'une décennie de stagnation, ainsi qu'une augmentation de la subvention de l'ASN à hauteur de 5,0 %, indispensable dans le contexte de relance du nucléaire, j'y reviendrai.

S'agissant des effectifs financés par le programme 217, on assiste à une augmentation bienvenue à hauteur de 311 équivalents temps plein travaillés (ETPT) sur le pôle ministériel de la transition écologique et de la cohésion des territoires ainsi que du secrétariat d'État à la mer, alors que la loi de finances pour 2023 prévoyait une stabilisation, dans la lignée des années précédentes. En conséquence, le programme connaît une hausse d'environ 105 millions d'euros.

Pour les effectifs de l'Ademe, financés par le programme 181, on note une progression de 99 ETPT en 2024, après une progression de 90 ETPT en 2023. C'est une augmentation justifiée, qui accompagne la rapide montée en puissance de cet opérateur clé dans la transition écologique en cours. À noter cependant que, dans la pratique, et sur un plan plus qualitatif, cette ouverture de poste se traduit plus par la titularisation d'intérimaires que par des recrutements externes.

Si on peut se féliciter de ces créations de postes, je souhaite appeler votre attention sur un problème majeur pour les effectifs du pôle ministériel de la transition écologique : l'attractivité des postes. Ce sujet a été évoqué à de nombreuses reprises durant les auditions préparatoires : comment recruter des ingénieurs dans des secteurs particulièrement compétitifs ?

Le problème est particulièrement marqué pour l'inspection des Installations classées protection de l'environnement (ICPE). Dans le cadre du rapport « droit de suite des recommandations de la commission d'enquête Lubrizol », publié en 2022, notre commission préconisait de dépasser 30 000 contrôles annuels des ICPE en 2023. Nous en sommes loin aujourd'hui, avec 22 800 contrôles en 2022... Cinquante postes ont été ouverts depuis 2020 au sein de l'inspection, mais ils ne sont pas pourvus ! Le PLF 2024 prévoit 100 nouvelles créations de postes, mais il y a fort à parier que nous rencontrions le même problème... En début de carrière, un ingénieur du secteur privé a un salaire supérieur de 42 % à un inspecteur ICPE à poste équivalent. En fin de carrière, cet écart atteint 220 % !

Dans le secteur du nucléaire, l'ASN comme l'IRSN rencontrent les mêmes problèmes d'attractivité : la relance du nucléaire crée une pénurie de compétences dans le secteur, rendant le recrutement d'ingénieurs spécialisés difficile. Ainsi, en 2023, 91 postes sont vacants au sein de l'IRSN.

Il n'existe pas de réponse facile à ce problème d'attractivité des postes. Des pistes de solutions peuvent être esquissées pour attirer les ingénieurs, en revoyant notamment le cadre de rémunération, le parcours de carrière ou l'offre de formation. C'est dans tous les cas un point d'attention majeur, sur lequel nous devons rester attentifs.

J'en viens à mes trois remarques thématiques. S'agissant des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), le temps est venu, vingt ans après leur création, de réfléchir à l'avenir de ce dispositif. Pour rappel, les PPRT ont été créés par la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, à la suite de l'explosion de l'usine AZF. En septembre dernier, l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris) a dressé un bilan mitigé du dispositif : faute de financements adéquats et par manque d'information, 75 % des logements privés exposés n'ont fait l'objet d'aucun travaux de mise en sécurité et seulement 62 % des mesures foncières « logement » (expropriation ou délaissement) ont été réalisées. Je constate en effet un résultat hétérogène selon les territoires, qui dépend du volontarisme des services déconcentrés de l'État et des collectivités territoriales. Dans le cadre de ces PPRT, les travaux prescrits sont cofinancés par l'État (40 %), par la collectivité (25 %) et par l'industriel à l'origine du risque (25 %). 10 % du coût des travaux reste donc à charge du propriétaire. Alors qu'il devait initialement s'éteindre fin 2023, le Gouvernement a accepté de prolonger le dispositif jusqu'à septembre 2026, je m'en félicite.

Ces trois années supplémentaires doivent être l'occasion d'engager une réflexion sur la prochaine étape de la prévention des risques technologiques. La commission devra prendre toute sa part dans ce débat. J'ai déposé au nom de la commission un amendement, adopté vendredi dernier en séance publique, qui propose de relever le plafond du crédit d'impôt cofinançant les travaux prescrits par les PPRT, afin de suivre l'évolution des prix du bâtiment.

Je continue avec un point sur la sûreté nucléaire et les moyens de l'ASN. L'année 2024 sera une année charnière pour la relance du nucléaire en France. Ce sera donc naturellement aussi une année cruciale pour les deux acteurs de la sûreté nucléaire, l'ASN et l'IRSN : ces opérateurs devront mener de front l'examen d'une éventuelle exploitation jusqu'à 60 ans des réacteurs de 900 MWe, la recherche de solutions au problème de corrosion sous contrainte, la conduite de l'étude d'impact du projet EPR 2 de Penly, la poursuite de l'examen de la demande d'autorisation de l'installation Cigeo... Cette liste est loin d'être exhaustive ! En parallèle, l'ASN et l'IRSN devront éventuellement s'adapter au projet de réorganisation du Gouvernement...

Dans notre avis sur le projet de loi « Installations nucléaires » adopté l'année dernière en commission, nous avions insisté sur la nécessité que la relance s'accompagne d'un renforcement des moyens attribués à la sûreté nucléaire. Force est de constater que nous n'avons pas été totalement entendus : en mai 2023, le rapport d'information de notre collègue Jean-François Rapin, au nom de la commission des finances, proposait une augmentation des moyens de l'IRSN à hauteur de 20 millions d'euros. L'augmentation prévue dans ce PLF est de 10 millions d'euros, soit moitié moins.

De même, l'ASN demandait, pour 2024, la création de douze postes supplémentaires. Dix postes lui ont été accordés. Ce choix pourrait conduire l'ASN à remettre en question ses projets les plus innovants, à un moment où nous en avons besoin...

Les choix de modération budgétaire du Gouvernement apparaissent surprenants alors que, dans le même temps, la relance du nucléaire mobilise des fonds sans commune mesure... C'est pourquoi je vous proposerai, par un amendement, d'augmenter les effectifs de l'ASN à hauteur de deux équivalents temps plein, afin de combler l'écart entre les besoins identifiés et les moyens alloués.

Je termine avec un mot sur la prévention du risque inondation, sujet malheureusement au coeur de l'actualité. L'année dernière, dans le cadre de mon avis, j'avais insisté sur la nécessité, dans le contexte du dérèglement climatique, de donner une priorité aux mesures de prévention du risque inondation. J'avais ainsi proposé, par amendement, de sécuriser l'attribution de 15 millions d'euros dédiés au renforcement de l'accompagnement des collectivités territoriales dans les actions de prévention, proposition qui n'avait malheureusement pas été retenue dans le texte définitif. Après la tempête Alex en 2020, le risque inondation est de nouveau sur le devant de la scène aujourd'hui, avec les événements dramatiques dans le département du Pas-de-Calais. Le déplacement de la commission prévu pour exprimer la solidarité du Sénat avec ce territoire a été reporté, il sera cependant nécessaire de l'organiser, afin d'identifier les leçons à tirer de cette crise météorologique.

Dans ce projet de loi de finances, à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a retenu un amendement sur le risque inondation qui prolonge pour deux ans supplémentaires l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » et a abondé le fonds Barnier de 20 millions d'euros supplémentaires. Je m'en félicite.

Au-delà de la réponse budgétaire, la prévention du risque inondation devrait évoluer compte tenu des événements actuels. Je pense notamment aux plans de prévention des risques naturels d'inondation (PPRi) ou à la simplification de la demande de reconnaissance de catastrophe naturelle. Une réflexion doit être engagée, à laquelle la commission prendra toute sa part.

Vous l'avez compris, le budget 2024 s'inscrit, comme les précédents, dans une trajectoire d'augmentation qui vise à accompagner la montée en puissance de la transition écologique et à permettre à l'administration de faire face à des défis toujours plus nombreux et sensibles pour la prévention des risques naturels comme technologiques. En conséquence et en cohérence avec les quatre avis favorables émis les années précédentes, je vous propose un avis favorable sur le vote des crédits des programmes 181, 190 et 217 relatifs à la prévention des risques, sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous ai présenté.

M. Ronan Dantec. -Je salue la grande qualité et l'expertise de ce rapport.

Je souhaite tout d'abord évoquer la nécessité de faire converger l'ensemble des dispositifs en matière de risques liés au dérèglement climatique, et en particulier aux inondations, afin de garantir leur cohérence. Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, nous proposons d'augmenter le montant prévu pour les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) à hauteur de 200 millions d'euros. Cette hausse permettra également de financer les diagnostics de vulnérabilité. Les territoires doivent pouvoir réaliser ces diagnostics avec des moyens suffisants, notamment dans le cadre des PPRT et des PPRi. Nous sommes aujourd'hui arrivés à mi-chemin s'agissant de la culture du risque. Certes des progrès ont été réalisés, en particulier lors de la tempête Ciarán, mais force est de constater que nous peinons toujours à anticiper les catastrophes.

Mon deuxième point concerne l'IRSN. Je partage les craintes du rapporteur. Je relève toutefois qu'il n'a pas mentionné l'arrivée des petits réacteurs modulaires dont on ne connaît pas encore l'encadrement et qui constitue un enjeu considérable en termes de sûreté nucléaire. Nous n'avons pas forcément pris toute la mesure du risque créé par le déploiement de ces petits réacteurs sur l'ensemble du territoire. En les ajoutant à la liste déjà bien fournie du rapporteur, la gestion des risques me paraît assez problématique. Je ne suis pas certain que l'on dispose aujourd'hui des moyens pour assurer une gestion efficiente de ces risques.

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - Je souhaite nuancer le constat de notre collègue Ronan Dantec, qui évoque une cruelle absence de culture du risque dans notre pays, en me référant à la gestion des risques technologiques dans le département de la Seine-Maritime. Le Havre a manifestement appréhendé depuis des années cette culture du risque notamment par des exercices récurrents, tandis que de Rouen ne semble pas avoir pris conscience du risque existant sur son territoire, comme en témoigne l'incendie de l'usine Lubrizol.

Nous devons renforcer notre culture du risque. La création d'une journée nationale de la résilience face au risque, le 13 octobre, illustre cette prise de conscience.

Ronan Dantec a également évoqué l'absence de cohérence globale des dispositifs de prévention des risques. Je partage son constat sur les PPRT et les PPRI. Un effort particulier doit être fourni en matière de prévention, sans oublier la prévision. La prévention du risque consiste à faire en sorte de prendre des mesures pour éviter que le risque ne survienne tandis que la prévision vise à se préparer notamment par des exercices, partant du constat que la prévention totale n'existe pas. Je suis un adepte inconditionnel des exercices de préparation auprès des populations. Force est toutefois de constater que de tels exercices sont plus simples à organiser en matière de risques industriels que de risques naturels. Un exercice de prévention des inondations est plus complexe à mettre en oeuvre qu'en cas de nuage toxique.

S'agissant de l'IRSN et de l'ASN, j'ai précisé que la liste était non-exhaustive, les petits réacteurs modulaires sont naturellement à prendre en compte. Ils vont arriver dans les toutes prochaines années.

M. Jean-François Longeot, président - Mes chers collègues, s'il n'y a plus de demande de prise de parole, je vais demander au rapporteur de présenter son amendement.

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-635 tend à prévoir la création de 2 ETP supplémentaires pour l'ASN en 2024, en plus des 10 ETP déjà attribués, conformément à la demande de l'ASN qui prévoyait un besoin de 12 ETP. En conséquence, l'amendement augmente de 200 000 euros les crédits de l'action 09 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection » du programme 181 « Prévention des risques » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » du projet de loi de finances.

L'amendement n°II-635 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption
des crédits relatifs à la prévention des risques de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sous réserve de l'adoption de son amendement.

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