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L'ESSENTIEL 5

I. MALGRÉ UNE CRISE DU POUVOIR D'ACHAT, UNE FORTE BAISSE DES CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » DANS UN CONTEXTE DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES 7

A. UN CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE PARTICULIÈREMENT TENDU DANS CERTAINS TERRITOIRES ULTRAMARINS QU'IL EST IMPÉRATIF DE PRENDRE EN COMPTE 7

B. PROGRAMME 138 - LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR UN SOUTIEN DURABLE AU TISSU ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER 9

C. UNE IMPRESSIONNANTE BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 11

II. LOGEMENT EN OUTRE-MER : PRÈS DE HUIT ANS APRÈS LA LOI ÉROM, DES SIGNAUX ENFIN ENCOURAGEANTS NE CACHANT TOUTEFOIS PAS DES RÉSULTATS TRÈS INSUFFISANTS 13

A. UNE POLITIQUE DU LOGEMENT EN OUTRE-MER DONT LES EFFETS PEINENT ENCORE À SE FAIRE SENTIR 13

B. AU-DELÀ DES NÉCESSAIRES CRÉDITS, L'ENGAGEMENT D'ACTEURS NOUVEAUX DU LOGEMENT OUTRE-MER 17

TRAVAUX EN COMMISSION 21

· Audition de M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer (Mercredi 20 novembre 2024) 21

· Examen en commission (Mercredi 27 novembre 2024) 36

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 43

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES 45

LA LOI EN CONSTRUCTION 47

L'ESSENTIEL

La commission des affaires économiques du Sénat, suivant la recommandation de sa rapporteure pour avis, s'est prononcée en faveur des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

Le budget de la mission « Outre-mer » est proposé à hauteur de 2,8 milliards d'euros (Mds€) en autorisations d'engagement (AE) et 2,5 Mds€ en crédits de paiement (CP) pour 2025, en diminution respectivement de 12,5 et 8,9 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

Ces baisses s'inscrivent dans un contexte d'effort de réduction de la dépense publique, mais aussi et surtout en pleine crise du pouvoir d'achat en Martinique, et plus généralement dans un moment de fortes tensions socio-économiques dans bon nombre de territoires ultramarins. Si la rapporteure pour avis assume et soutient un exercice budgétaire particulièrement complexe, elle partage également les inquiétudes exprimées par de nombreux acteurs, et jusqu'au ministre chargé des outre-mer lui-même, concernant certaines baisses de crédits qui peuvent légitimement interroger. L'heure est à la mobilisation en faveur des outre-mer, même si cette mobilisation ne saurait se résumer à une addition de crédits budgétaires.

Ainsi, la rapporteure a souhaité rappeler l'importance du soutien au tissu économique des outre-mer, alors même que des mesures en projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et en PLF font craindre son érosion. C'est par l'activité économique que les territoires ultramarins créeront davantage de richesses et donc de prospérité, cette activité doit dès lors continuer à être fortement soutenue, au regard des handicaps structurels auxquels font face ces territoires pour la plupart insulaires. Aussi, la commission a adopté sur proposition de la rapporteure un amendement visant à augmenter les crédits dédiés au « prêt développement outre-mer » (PDOM), outil efficace de soutien aux TPE et PME ultramarines.

De même, les crédits affectés à la continuité territoriale et à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) ne semblent pas être à la hauteur des engagements pris à l'occasion du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de juillet 2023, et de la réforme engagée à l'occasion du PLF pour 2024. Aussi, la commission a adopté, sur proposition de la rapporteure, un amendement visant à maintenir un haut niveau d'intervention de l'État en 2025, pour lutter contre le risque d'une assignation géographique des français ultramarins. Il en va du respect de la parole donnée et du lien de confiance entre les territoires ultramarins et l'État.

Enfin, souhaitant approfondir la problématique du logement, et à la veille du déploiement d'un troisième plan logement outre-mer (Plom), la rapporteure a salué le travail mené sur la question du marquage « régions ultrapériphériques » (RUP), tout en appelant à la poursuite des efforts autant en matière d'adaptation des normes que de production et de réhabilitation de logements. Elle a également voulu mettre l'accent sur l'accroissement des interventions d'acteurs désormais importants pour le logement en outre-mer, à l'instar de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ou encore d'Action logement.

La mission « Outre-mer » est loin de regrouper l'ensemble des crédits budgétaires à destination des outre-mer, disséminés au sein de 32 missions1(*). Rassemblant pour 2025 14 % des AE, la mission « Outre-mer » est la deuxième mission la plus importante2(*).

Selon le document de politique transversale annexé au PLF pour 2025 dédié aux outre-mer, l'effort global en faveur des outre-mer s'élèverait, pour 2025, à 19,38 Mds€ en AE et 21,07 Mds€ en CP, en diminution respectivement de 4 et 3 % par rapport à 2024. En y ajoutant les dépenses fiscales, estimées à 5,22 Mds€, l'effort total serait de 24,60 Mds€ en AE et 26,29 Mds en CP.

Crédits budgétaires demandés (en Mds€)

AE

CP

19,38

21,07

dont mission « Outre-mer »

2,78 (14 %)

2,55 (12 %)

Dépenses fiscales en faveur des outre-mer (en Mds€)

5,22

Effort global de l'État en faveur des outre-mer (en Mds€)

24,60

26,29

Variation avec le PLF 2024

- 7,69 %

- 7,14 %

Source : commission des affaires économiques,
d'après le document de politique transversale « Outre-mer »

I. MALGRÉ UNE CRISE DU POUVOIR D'ACHAT, UNE FORTE BAISSE DES CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » DANS UN CONTEXTE DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

A. UN CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE PARTICULIÈREMENT TENDU DANS CERTAINS TERRITOIRES ULTRAMARINS QU'IL EST IMPÉRATIF DE PRENDRE EN COMPTE

Les territoires ultramarins font depuis longtemps face à des difficultés structurelles, justifiant des interventions spécifiques :

· un taux de chômage structurellement plus élevé qu'en Hexagone, notamment celui des jeunes ;

· un taux de pauvreté, même calculé localement, élevé, allant de 16 % à La Réunion à 42 % à Mayotte, en passant par 21 % en Martinique ou encore 19 % en Nouvelle-Calédonie. En Hexagone, il est de 15 % ;

· des situations d'enclavement internes, surtout en Guyane, proches de l'intolérable, affectant jusqu'à la scolarisation des enfants3(*), rejoignant le besoin plus général de vastes investissements publics4(*) ;

· des services essentiels parfois mal assurés, comme l'approvisionnement en électricité5(*), ou encore la problématique de la distribution de l'eau et de son assainissement6(*) ;

 

Taux de chômage (en %)

 

2trim. 2021

2e trim. 2022

2e trim. 2023

2e trim 2024

Guyane

12,9

13,1

13,5

19,1

La Réunion

16,7

18,8

18,6

16,8

Guadeloupe

19,5

18,4

19,4

15,6

Martinique

14,7

13,8

10,6

14,3

Mayotte7(*)

30

34

37

NC

· une problématique structurelle de manque de logements, de vacance de ces logements ou encore, pour environ 150 000 d'entre eux, de leur insalubrité.

À ces difficultés nombreuses, vient se surajouter un coût de la vie structurellement plus élevé qu'en Hexagone, notamment en Martinique et en Guadeloupe. Dans sa contribution écrite, l'Insee indique, se fondant sur les données de l'enquête de comparaison spatiale de 2022 qu'« en moyenne sur l'ensemble des produits, il est plus élevé de l'ordre de 40 % pour la plupart des départements et régions d'outre-mer (Drom) et de 30 % à Mayotte. Dans tous les Drom, les écarts de prix sont plus élevés pour les produits alimentaires que pour les autres produits. L'écart de prix sur les produits alimentaires est récurrent, au moins depuis la première enquête de comparaison spatiale réalisée en 1985. » L'institut explique par ailleurs qu'« en une dizaine d'années, l'écart de prix des produits alimentaires s'est accru aux Antilles et à La Réunion et est resté à peu près stable en Guyane. À Mayotte, il a augmenté entre 2015 et 2022 ».

Face à cette situation, une mobilisation contre la vie chère a commencé en septembre 2024 en Martinique, aboutissant à un protocole d'accord le 16 octobre signé par l'ensemble des parties prenantes8(*). Il contient diverses mesures, dont certaines trouvent une traduction en PLF à l'instar de la suppression de la TVA sur les produits essentiels, et qui doivent, selon les mots du ministre, aboutir à des baisses de prix de l'ordre de 20 % début 2025. La rapporteure tient ici à souligner la grande implication et la grande responsabilité dont ont fait part tous les acteurs. Le protocole doit maintenant s'appliquer et inspirer les autres territoires ultramarins, et des contrôles doivent être organisés. La délégation sénatoriale aux outre-mer a lancé une mission flash sur la vie chère dont le ministère pourrait se nourrir des recommandations dans le cadre de l'organisation d'un « Oudinot de la vie chère ».

Recommandation n°1 : Dans le cadre de l'« Oudinot de la vie chère » annoncé par le ministre, prendre pleinement en compte les recommandations issues des travaux du Sénat.

C'est dans ce contexte particulièrement complexe que les arbitrages du PLF 2025 devront s'effectuer, sans jamais perdre de vue l'impérieuse nécessité d'apporter des réponses très concrètes aux problématiques des Ultramarins, au risque de voir s'accroitre les mouvements de mécontentement dans différents territoires.

La mission « Outre-mer » se divise en deux programmes, le programme 138, relatif au soutien à l'emploi en outre-mer, et le programme 123, visant à améliorer les conditions de vie des Ultramarins.

B. PROGRAMME 138 - LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR UN SOUTIEN DURABLE AU TISSU ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER

Le programme 138 « Emploi outre-mer » a pour finalité selon le projet annuel de performance (PAP) pour 2025, d'assurer le développement économique des territoires ultramarins et la création d'emplois dans les outre-mer9(*).

Ce programme, qui représente près des deux tiers du total des crédits de la mission, devrait connaître pour 2025 une variation positive de ses AE, de 3,81 %, comme de ses CP, de 3,43 %. Cette augmentation est en réalité due à l'évolution positive des crédits de l'action 1 « Soutien aux entreprises », qui mobilise à elle seule plus de 1,6 Md€ (en AE=CP), sur les 2,8 Mds€ de la mission.

Il s'agit donc de dépenses constatées, et non pilotables, sauf à directement faire évoluer les dispositifs d'exonérations existants, comme le prévoit l'article 6 du PLFSS pour 2025, tel que déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. À ce titre, et sans préjuger de l'issue finale du texte10(*), la rapporteure souhaite rappeler la nécessité, au regard des enjeux spécifiques des territoires ultramarins, de préserver les dispositifs d'exonérations de charges, qu'ils soient généraux ou spécifiques aux outre-mer.

De plus, une mission d'inspection11(*) portant spécifiquement sur les dispositifs dits « Lodeom » doit rendre ses conclusions en novembre 2024. Pour la rapporteure, c'est à la lumière de ces conclusions qu'une discussion avec les acteurs concernés pourrait le cas échéant s'engager, sans agir dans la précipitation, comme le précédent gouvernement a pu le faire à l'occasion du PLF pour 2024 en réformant le régime d'aide fiscale à l'investissement productif, sans consultation préalable, ce à quoi le Sénat s'était alors opposé.

La refonte des dispositifs d'exonérations de charges sociales
figurant à l'article 6 du PLFSS

L'article 6 du PLFSS prévoit de réformer les dispositifs de droit commun d'exonérations de charges sociales pour les entreprises. Cette réforme, appelée à s'étaler sur plusieurs années, impactera logiquement les entreprises ultramarines. De plus, elle affectera de façon indirecte les dispositifs spécifiques d'aides aux entreprises ultramarines, ceux-ci étant basés, pour leur calcul, sur les plafonds des aides de droit commun. En audition, le ministère a estimé l'incidence à 100 M€ au titre des exonérations générales et 80 M€ au titre des exonérations spécifiques. Auditionnée par la rapporteure, la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom) avance un impact total compris entre 200 et 265 M€12(*).

Par ailleurs, cet article entend habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnance les dispositifs spécifiques aux territoires ultramarins, les dispositifs « Lodeom ». Ces exonérations, dont le coût est d'environ 1,5 Md€ pour l'Etat, visent à soutenir l'activité économique en outre-mer en réduisant le coût du travail pour les employeurs13(*).

Recommandation n° 2 : Préserver les aides générales et spécifiques de soutien à l'emploi et à la compétitivité des entreprises ultramarines et ne réfléchir à d'éventuels ajustements que de manière concertée avec les acteurs économiques concernés.

Si les crédits affectés aux actions 2 et 3 n'évoluent peu voire pas, il n'en va pas de même pour l'action 4 « Financement de l'économie » qui connaît une baisse très sensible de ses crédits, de plus de 71 % en AE et de plus de 75 % en CP. Si la rapporteure souscrit à la nécessité de réaliser un effort budgétaire dans le cadre du redressement des comptes de la France, elle souhaite néanmoins alerter sur deux économies envisagées, qui portent sur des montants modestes à l'échelle du programme et de la mission, mais néanmoins stratégiques.

Premièrement, au sein de l'action 2 « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle », elle observe une forte baisse de la subvention pour charge de service public de Ladom, alors même que celle-ci, en pleine mutation, se voit chargée de déployer de nouveaux dispositifs de continuité territoriale, et singulièrement d'aide au retour des ultramarins dans leur territoire d'origine, actés en PLF 2024. La subvention inscrite en PLF pour 2025 s'établit à 6,28 M€ en AE et en CP, en baisse de plus d'un tiers par rapport aux crédits 2024, qui s'établissaient à 9,9 M€. 70 à 80 % des frais de fonctionnement de l'agence étant constitués du paiement des salaires, Ladom estime qu'une telle baisse la conduirait à supprimer environ 40 postes, un ordre de grandeur confirmé en audition par la DGOM. Au regard de l'importance de la mission s'attachant à la continuité territoriale, la rapporteure considère que la baisse envisagée doit être corrigée.

Recommandation n° 3 : Stabiliser pour 2026 la subvention pour charge de service public de Ladom (amendement 1).

Secondement, au sein de l'action 4, si la baisse des crédits est spectaculaire, elle est en partie le résultat de la non-reconduction d'amendements budgétaires ayant porté les crédits ouverts de 23 à 35 M€ en AE pour 2024. Néanmoins, on note une baisse significative des montants alloués au prêt de développement outre-mer (PDOM), qui passerait de 10 M€ en AE pour 2024 à 2,4 M€ pour 2025. Ce prêt, accordé par Bpifrance depuis 2017, vise à financer le besoin en fonds de roulement des entreprises. Dans sa contribution écrite, la Fedom souligne l'important effet levier de cette aide, de l'ordre d'un pour trois, effet levier également souligné par la DGOM lors de son audition. En tout état de cause, il s'agit d'une dépense particulièrement productive, bien que modeste à l'échelle de la mission, et qui ne saurait être inférieure à son niveau de 2024.

Recommandation n° 4 : Augmenter les crédits destinés au financement des PDOM (amendement 2).

C. UNE IMPRESSIONNANTE BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 123

Le programme 123 « Conditions de vie en outre-mer », composé de huit actions, vise notamment, comme l'indique le PAP pour 2025, à financer le logement social, les dispositifs de continuité territoriale, la solidarité nationale en cas de catastrophe naturelle et à accompagner financièrement les collectivités locales.

Le PLF 2025 prévoit d'allouer environ 811 M€ en AE et 606 M€ en CP au programme, soit une baisse par rapport à la LFI pour 2024 de 36,74 % en AE et 34,14 % en CP, ce qui est considérable. Une partie de cette baisse s'explique par le non-renouvellement de diverses dispositions adoptées par amendements à l'occasion du PLF pour 202414(*). Il n'en demeure pas moins que cette diminution des crédits est tout à fait notable, et que l'ensemble des huit actions du programme connaît une baisse des crédits, dans des proportions diverses15(*).

Comme l'indique la DGOM dans sa contribution écrite, les crédits pour 2025 nécessiteront une réorientation forte des actions dans les territoires ultramarins.

Concernant le logement, la baisse des crédits s'établit à près de 32 M€ en AE, soit près de 11 %, et d'un peu plus de 9,5 M€ en CP, soit 5 %. Certes ces baisses interviennent alors même que le niveau de consommation des crédits de l'action semble enfin connaître une augmentation durable puisque la DGOM a indiqué à la rapporteure que, pour 2024, ils seront vraisemblablement intégralement consommés, comme en 2023. Toutefois, il est à noter que les crédits pour 2025 - près de 260 M€ en AE - demeurent assez largement au-dessus des crédits pour 2023 (243 M€) et même de la moyenne des dotations entre 2015 et 2024, à savoir environ 239 M€. En matière de construction et de réhabilitation de logements, les crédits budgétaires sont de toute évidence nécessaires mais pas suffisants : la question de l'adaptation des normes et de l'engagement de tous les acteurs demeure centrale16(*).

La baisse des crédits de l'action 3 relative à la continuité territoriale est en revanche très préoccupante. Outre le déclin très significatif des crédits affectés à Ladom, évoqué précédemment, les crédits de l'action 3 sont en diminution de 17,5 % en AE et en CP, soit 13,4 M€ en AE et pratiquement le même montant en CP. Presque l'entièreté de la baisse est absorbée par le fonds de continuité territoriale, qui finance l'essentiel des aides à la continuité territoriale. Or, l'État s'est engagé, à l'occasion du Ciom de juillet 2023, à une profonde réforme de la continuité territoriale17(*), qui s'est traduite d'une part, par une hausse de près de 47 % des crédits affectés à cette politique à l'occasion du PLF pour 2024, destinée à financer les nouveaux dispositifs, et d'autre part, par l'adaptation de ceux déjà existants. Dans ces conditions, la baisse des crédits figurant au PLF pour 2025 est de nature à remettre en cause les engagements pris par l'État. Ces crédits doivent donc être sanctuarisés, position que la rapporteure partage avec le ministre chargé des outre-mer, qui s'est exprimé en ce sens lors de ses auditions devant les membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer le 7 novembre et de la commission des affaires économiques le 20 novembre.

Par ailleurs, la rapporteure s'inquiète des conséquences pour la mobilité des Ultramarins, et dans un contexte de crise du pouvoir d'achat, de la hausse annoncée du tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passagers (TTAP), introduite par le Gouvernement par amendement à l'Assemblée nationale. Un sous-amendement avait été adopté par les députés pour en exonérer les vols entre les outre-mer et l'Hexagone ainsi qu'entre la Corse et l'Hexagone. La première partie du PLF ayant été rejetée à l'Assemblée nationale, le débat aura lieu au Sénat, et la rapporteure souligne la nécessité de ne pas alourdir le coût de la continuité territoriale pour les Ultramarins. En séance, à l'Assemblée nationale, le ministre chargé du budget a indiqué proposer « une compensation à due concurrence sur le budget de Ladom ». La rapporteure y sera attentive.

Recommandation n° 5 : S'engager à neutraliser les effets de la hausse de la taxation du transport aérien de passager pour les territoires ultramarins.

La réforme de la continuité territoriale

Actée dans le cadre du Ciom, la réforme de la continuité territoriale s'est traduite en LFI pour 202418(*) par la création de trois « passeports » :

· passeport pour le retour ;

· passeport pour la mobilité des actifs salariés ;

· passeport pour la mobilité des entreprises innovantes.

L'une des priorités de cette vaste réforme est l'amélioration de l'attractivité des territoires ultramarins, ainsi que la mise en place d'un accompagnement au retour pour les publics aspirant à rejoindre leur territoire de naissance19(*), dans un contexte de quasi-effondrement démographique de certains territoires20(*).

La mise en oeuvre de ces dispositions semble toutefois prendre du retard, la DGOM indiquant que les textes réglementaires, un an après les annonces, sont en cours d'élaboration.

L'ensemble de ces nouveaux dispositifs ainsi que l'amélioration des dispositifs existants, a justifié la forte augmentation des crédits en PLF pour 2024, de même qu'une réforme du fonctionnement de Ladom et du périmètre de ses interventions.

Recommandation n° 6 : Respecter la parole de l'État en sanctuarisant les crédits de l'action 3 du programme 123, dédiés au financement des dispositifs de continuité territoriale (amendement n° 3).

II. LOGEMENT EN OUTRE-MER : PRÈS DE HUIT ANS APRÈS LA LOI ÉROM, DES SIGNAUX ENFIN ENCOURAGEANTS NE CACHANT TOUTEFOIS PAS DES RÉSULTATS TRÈS INSUFFISANTS

A. UNE POLITIQUE DU LOGEMENT EN OUTRE-MER DONT LES EFFETS PEINENT ENCORE À SE FAIRE SENTIR

La loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi Érom, prévoit, en son article 3, la construction de 150 000 logements sociaux en 10 ans. Par un amendement de Michel Magras, ancien président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, l'objectif de réhabilitation figure explicitement à l'article 3, de même que, par pragmatisme, celui de la nécessaire territorialisation de l'objectif général. Ces orientations fortes données par le Sénat, réhabilitation et territorialisation, demeurent d'une très grande actualité.

À la veille du lancement de la troisième mouture du plan Logement outre-mer (Plom 3), quel bilan tirer du Plom 221(*), qui s'est étalé de 2019 à 202322(*), dans des territoires où 64 % de la population est éligible au logement social23(*) ?

Source : Commission des affaires économiques du Sénat d'après les données DGOM

Quantitativement, les résultats demeurent fortement en deçà des objectifs et des besoins, puisque le chiffre de 15 000 logements livrés par an24(*) n'est évidemment pas atteint. En moyenne, entre 2017 et 2023, ce sont 3 793 logements qui ont été livrés, et 1 932 réhabilités25(*). Après une baisse continue de la production de logements entre 2017 et 2022, on constate cependant une nette inflexion à la hausse pour 2023, les perspectives pour 2024 étant raisonnablement optimistes. A contrario, depuis 2022, on observe une nette baisse des réhabilitations, pour atteindre, en 2023, le chiffre de 882 logements réhabilités. Ce mauvais résultat pour 2023 ne doit pas cacher une tendance à l'augmentation du financement des réhabilitations, du fait des besoins de certains territoires à la démographie déclinante26(*) et au parc de logement vieillissant. Dans d'autres territoires27(*), les besoins en constructions neuves demeurent criants, alors même que le taux de vacance dans les Drom, de l'ordre de 12 % du parc (120 000 logements) selon l'USH, demeure supérieur au taux national, s'établissant, selon les chiffres du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à 8,3 %28(*).

De manière générale, les acteurs interrogés par la rapporteure dressent un bilan mitigé du Plom 2, soulevant notamment l'échec à relancer véritablement l'offre de logements neufs, le manque chronique d'ingénierie sur les territoires, ou encore le manque d'outils de suivi territorialisé du plan. Si le plan ne s'est pas traduit par un « choc d'offre » de logement, il a permis, en complémentarité du Ciom, d'avancer sur des points essentiels et notamment la question centrale d'une meilleure territorialisation des politiques du logement, l'adaptation et la dérogation à certaines normes, comme en témoigne l'avancée récente sur le dossier du marquage, ou encore - et malgré leur baisse pour 2025 - la hausse des crédits dédiés à la Ligne budgétaire unique (LBU).

La rapporteure forme le voeu, pour la troisième mouture du Plom, que la territorialisation des objectifs et du suivi soit approfondie, en associant les collectivités, dont il est attendu l'élaboration d'une « feuille de route territoriale », mais aussi les acteurs locaux du logement. De même, elle considère que, si la baisse pour 2025 s'inscrit dans un contexte tout à fait particulier et doit dès lors être endossée, elle ne saurait se reproduire pour les années à venir, les acteurs de la construction ayant besoin de visibilité et de stabilité quant aux engagements de l'État. Comme le ministre chargé des outre-mer le déplorait le 7 novembre 2024 lors de son audition devant les membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer, il faut en moyenne cinq années pour livrer un immeuble neuf : la stabilité des financements est donc essentielle.

Recommandation n° 7 : Ne plus procéder, à l'avenir, à des baisses de crédits concernant la LBU, de manière à donner aux acteurs de la visibilité quant aux engagements de l'État.

Enfin, la rapporteure invite le Gouvernement et les acteurs locaux à poursuivre dans la voie de l'adaptation des normes aux réalités ultramarines. En la matière, le Ciom a permis de réelles avancées comme le report de la mise en application des diagnostics de performance énergétique (DPE), permettant de conduire une réflexion sur leur pertinence dans les climats ultramarins. De même, certaines souplesses dans la mise en oeuvre du zéro artificialisation nette (ZAN) ont été permises.

« Ce n'est pas aux outre-mer de s'adapter aux normes hexagonales, mais bien aux normes hexagonales de s'adapter
aux spécificités ultramarines »

Enfin, et à la suite de la mobilisation de longue date des acteurs de la construction et du logement en outre-mer, de la délégation sénatoriale aux outre-mer29(*) et des services du ministère chargé des outre-mer, le 10 avril 2024, le Parlement européen a ouvert la voie30(*) à la possibilité pour les territoires ultramarins de s'approvisionner en matériaux locaux, c'est-à-dire à déroger au marquage conformité européenne (CE), au bénéfice d'un marquage RUP. Cette évolution, attendue de très longue date, doit encore poursuivre son chemin législatif à Bruxelles, puis trouver sa traduction dans des textes réglementaires nationaux d'application. La rapporteure invite le Gouvernement à tout mettre en oeuvre pour clore ce dossier qui, sans mobiliser d'argent public, devrait être bénéfique à l'ensemble du secteur de la construction, par une réduction de ses coûts d'approvisionnement, et donc à la dynamique du logement en outre-mer.

Recommandation n° 8 : faire aboutir au plus vite le dossier du marquage RUP.

Les ratés de l'adaptation normative : l'exemple du décret QPV

La mesure 18 du Ciom du 18 juillet 2023 a acté l'extension du crédit d'impôt pour les rénovations des logements sociaux aux opérations situées hors des quartiers prioritaires politiques de la ville (QPV), dans le but d'accélérer ces opérations. L'article 71 du PLF pour 2024 a opportunément matérialisé cet engagement, en modifiant l'article 244 quater X du code général des impôts, et en renvoyant à un décret le soin de définir la nature des performances techniques, énergiques et environnementales que les logements doivent atteindre.

Or, le projet de décret prévoit la mise en place de critères parvenant à réunir contre eux l'unanimité des acteurs du logement que la rapporteure a rencontrés dans le cadre de ses auditions budgétaires. En effet, ces critères seraient, pour certains d'entre eux, en total décalage avec la réalité du climat ultramarin et des besoins en rénovation de logements. Ainsi, la question de l'isolation thermique des logements a pu surprendre. De plus, ces critères devraient engendrer, en l'état, et selon les interlocuteurs de la rapporteure des surcoûts considérables, de nature à sérieusement enrayer la dynamique que la mesure entendait initialement impulser.

Paradoxe de la situation et de l'attente de publication du décret, l'année 2024 sera, aux dires des acteurs, une année quasi blanche en termes de rénovations, hors QPV, mais également en QPV, ce qui est l'exact inverse de l'ambition du Ciom.

Auditionnée par la commission des affaires économiques du Sénat le 12 novembre31(*), la ministre du logement et de la rénovation urbaine a assuré travailler à la simplification du dispositif, en lien avec les services du ministère chargé des outre-mer.

B. AU-DELÀ DES NÉCESSAIRES CRÉDITS, L'ENGAGEMENT D'ACTEURS NOUVEAUX DU LOGEMENT OUTRE-MER

La rapporteure souhaite rappeler qu'au-delà des indispensables crédits de LBU, nécessaires à la conduite d'une ambitieuse politique du logement, deux facteurs également cruciaux entrent en compte à savoir l'engagement de l'ensemble des acteurs de la politique du logement, et l'indispensable travail sur l'adaptation des normes.

Premièrement, à la suite des auditions budgétaires qu'elle a conduites, la rapporteure a souhaité souligner le fort impact de certains acteurs, qui, malgré les difficultés, tendent à accroître leur action dans les territoires ultramarins. Ainsi, la rapporteure note un fort accroissement des interventions dans les Drom de l'agence nationale de l'habitat (Anah). D'un financement de l'ingénierie et de « MaPrimeRenov' » (MPR) pour les propriétaires bailleurs, l'Anah, sous l'impulsion des mesures du Ciom, a étendu son action aux propriétaires occupants. De même, depuis le 1er janvier 2024, le dispositif « MaPrimeAdapt' », destiné aux personnes âgées ou en situation de handicap, est ouvert aux Ultramarins. Aussi, si le montant total des interventions de l'Anah demeure modeste, celui-ci a été multiplié par quatre entre 2017 et 2023, passant d'un engagement de 984 000 € à 4,4 M€, la dotation initiale pour 2024 étant fixée à plus de 19 M€32(*). Il est également à noter que depuis 2024, l'Anah a étendu son action à Saint-Pierre-et-Miquelon en ce qui concerne la rénovation énergétique pour les propriétaires occupants, et à Saint-Martin en matière de soutien à l'ingénierie. Dans le cadre du Plom 3, son action est amenée à s'accroître encore.

De même, il convient de noter l'importance des vastes opérations de renouvellement urbain menées par l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) dans les territoires ultramarins33(*). Ces opérations sont pour partie financées sur des crédits LBU et pour partie par l'Anru. En audition, l'Anru a indiqué à la rapporteure que pratiquement toutes les conventions au titre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) ont été signées dans les outre-mer, ce qui n'est pas le cas en Hexagone. Au regard des difficultés d'ingénierie présentes dans ces territoires, l'Anru finance sur une longue période 43 emplois dédiés à l'ingénierie dans les outre-mer, à hauteur de 70 % de leur coût total.

Au regard de l'importance des interventions de l'Anru, et des montants engagés, la rapporteure rejoint le constat de la rapporteure pour avis des crédits « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires », Viviane Artigalas, de non-respect des engagements financiers de l'État, à la différence notable des bailleurs sociaux et d'Action logement. Cette situation, si elle devait se poursuivre, peut laisser craindre, à terme, le ralentissement voire l'abandon de certains projets, particulièrement en outre-mer, où ceux-ci ont tendance à entrer dans leur phase opérationnelle plus tardivement.

Recommandation n° 9 : Sécuriser dès le PLF pour 2025 un financement de l'État en faveur de l'Anru, conformément aux engagements pris.

Enfin, la rapporteure souhaite saluer et mettre en lumière l'implication forte dans les territoires ultramarins du groupe Action logement, et qui est par ailleurs le principal financeur du NPNRU34(*). Selon les chiffres transmis à la rapporteure, l'investissement dans les territoires ultramarins du groupe était de 20 M€ par an avant 2020. Cet investissement a été porté, dans le cadre du plan d'investissement volontaire (PIV), à 300 voire 330 M€ par an entre 2020 et 2022. Pour la période 2023-2027, ce sont 155 M€ par an qui devraient être investis, alors même que la participation de l'employeur à l'effort de construction (PEEC)35(*) en outre-mer ne représente que 14 M€ par an. De fait, les filières du groupe Action logement détiennent l'équivalent de 26 % du parc social dans les Drom, soit 47 214 logements au 31 décembre 2023, en faisant un acteur incontournable de la politique du logement dans ces territoires. Outre l'aspect quantitatif, les guichets uniques mis en place par le groupe sont une porte d'entrée indispensable pour de nombreux ménages propriétaires occupants en demande d'accompagnement dans le montage des dossiers de financement de l'amélioration de leur logement. De même, pour faire face à la problématique de la régression démographique en Martinique, le groupe a mis en place l'expérimentation « prêts accession jeunes actifs Martinique », permettant d'offrir à un jeune souhaitant s'installer durablement des conditions d'emprunt très avantageuses. Ce type d'initiative, et alors que davantage d'Ultramarins que d'Hexagonaux sont locataires, est à saluer et encourager.

L'impact du PIV dans les outre-mer

Au 31 décembre 2022, le plan d'investissement volontaire outre-mer a permis d'accompagner plus de 500 opérations immobilières pour 25 409 logements, dont 13 458 logements en construction neuve, 12 758 réhabilitations et 504 démolitions.

En octobre 2024, l'encours de prêts du PIV 2020-2022 est de 798 M€, avec 2/3 des opérations en chantier pour la production et réhabilitation de 20 000 logements sociaux.

À noter que 14 % des engagements financiers du PIV Drom ont fait l'objet d'un abandon, à mettre en perspective avec le taux d'abandon observé sur les crédits LBU par la Cour des comptes en 2020 (18 %). À ce jour, près de 418 M€ de prêts ont été débloqués et 2 600 des logements ont été livrés.

Source : contribution écrite d'Action logement

TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de M. François-Noël Buffet,
ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer
(Mercredi 20 novembre 2024)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous accueillir au sein de notre commission des affaires économiques. Le dernier ministre des outre-mer entendu, dans le cadre du budget, dans cette salle de commission était Madame George Pau-Langevin en 2015. Aujourd'hui, au regard des enjeux socio-économiques auxquels font face nos départements et régions d'outre-mer, nos collectivités d'outre-mer, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, il m'a paru important de vous entendre et nous le referons dans les mois à venir, en coordination avec la délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par notre collègue sénateur de Saint-Barthélemy Micheline Jacques, que je salue et qui est membre de notre commission.

Il n'est pas possible de décrire les enjeux des outre-mer de façon globale et univoque, tant chaque territoire est unique, de par son histoire, sa géographie, ses problématiques et ses aspirations.

Aussi, Monsieur le ministre, je ne donnerai que quelques coups de projecteurs et je commencerai logiquement par évoquer la crise du pouvoir d'achat en Martinique, d'où vous revenez d'une visite de quatre jours. Si un amendement du Gouvernement visant à exempter de TVA certains produits de première nécessité en Martinique et en Guadeloupe est un signal positif, de même que la signature du protocole de lutte contre la vie chère le 16 octobre, quelles réponses le Gouvernement entend-il apporter sur le long terme au fléau de la vie chère, vécue comme une profonde injustice par certains de nos compatriotes ?

Concernant plus spécifiquement les actions de la mission outre-mer, j'évoquerai un sujet qui me tient à coeur et pour lequel je sais que la délégation avait rendu un important rapport en 2021, celui du logement. Les chiffres en la matière sont assez inquiétants : la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (Erom) prévoyait la construction de 15 000 logements sociaux par an pendant 10 ans, la réalité est que moins de 4 000 logements sont en moyenne livrés chaque année depuis 2017, et du côté de la réhabilitation, les chiffres ne sont guère plus encourageants. Or, nous savons que ces territoires, pour des raisons démographiques et de faiblesse des revenus, ont un besoin crucial de logements sociaux, je pense à Mayotte ou à la Guyane, quand d'autres, pour des raisons également démographiques, tenant au vieillissement de la population, sont en demande de réhabilitation et de transformation des logements, je pense notamment à la Guadeloupe, à la Martinique, voire à la Réunion, où les besoins sont plutôt mixtes.

Enfin, un autre sujet de préoccupation concerne l'avenir du tissu économique ultramarin, au moment où des dispositions du PLFSS, si elles venaient à figurer dans le texte final, font craindre un effet boule de neige sur les entreprises ultramarines et où les crédits en loi de finances destinés à soutenir le « prêt développement outre-mer », qui intervient pour les besoins en fonds de roulement des entreprises, affichent une baisse spectaculaire.

Dans le contexte budgétaire que chacun sait délicat, et alors même que les besoins des territoires ultramarins sont parfois urgents, quelles sont les lignes de force du budget de votre ministère pour 2025 ? Vous avez déclaré devant la délégation aux outre-mer que la baisse de 37 % du programme 123, qui supporte l'essentiel des interventions de la mission en faveur des territoires ultramarins, n'était « pas négligeable », alors qu'il fallait respecter le lien de confiance entre l'État et ces territoires.

Et par-delà le débat budgétaire, quelle est votre vision des priorités pour les années à venir de la politique en faveur des outre-mer ? Je sais que vous êtes attaché à travailler à une meilleure adaptation des normes aux réalités ultramarines, de même qu'à l'importance d'éviter de produire de la norme non concertée depuis Paris, c'est sans doute là votre côté sénatorial qui s'exprime !

Monsieur le ministre, je vous cède sans plus tarder la parole en vous rappelant que cette audition est diffusée en direct sur le site internet et les réseaux sociaux du Sénat. Ce sont ensuite nos collègues qui vous interrogeront en commençant par Micheline Jacques, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer et rapporteur pour avis des crédits de la mission outre-mer.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. - Merci pour cet accueil, c'est un grand plaisir d'être parmi vous, ici au Sénat, et dans cette salle où j'ai parfois siégé. Je commencerai par vous présenter ma feuille de route, qui est en construction.

Les crédits de la mission « Outre-mer » viennent en appui des politiques sectorielles pour prendre en compte les spécificités ultramarines et des enjeux prioritaires. Les objets d'intervention sont très nombreux, très interministériels, ils concernent en particulier la politique du logement, le soutien aux collectivités territoriales dans le portage de leurs projets structurants, dans le redressement de leurs finances, ou encore dans le financement d'infrastructures essentielles. La situation actuelle demande des réponses rapides, dont certaines relèvent du bon sens et d'autres de l'urgence, dans le cadre de l'examen budgétaire.

Dans le PLF pour 2025, les crédits de cette mission baissent de 12 % en autorisations d'engagements (AE) et de 9 % en crédits de paiements (CP), par rapport à la loi initiale 2024. Cette baisse est beaucoup plus forte pour le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », avec - 37 % en AE, alors que pour le programme 138 « Emploi outre-mer » il y a une légère hausse liée à l'augmentation du montant du remboursement des exonérations de charges sociales à la sécurité sociale.

Face à cette baisse annoncée des crédits, j'ai dit clairement que j'entendais bâtir un budget autour d'une priorité simple : tenir les engagements de l'État, c'est sur cette ligne que l'on peut construire une relation de confiance entre l'État, les territoires d'outre-mer et leurs élus - je ne vous apprends rien, au Sénat, mais ce devrait être la base des relations entre l'État et les territoires. Je tiens un langage de vérité en prônant le nécessaire équilibre entre la juste contribution des outre-mer à l'effort national de redressement de nos comptes publics, dont vous savez la situation très dégradée, et la préservation des intérêts essentiels de nos territoires ultramarins, en faveur desquels je suis à l'ouvrage depuis mon arrivée, il y a deux mois.

Avant de vous parler du PLF 2025, je voudrais insister sur les crédits que j'ai obtenus auprès du ministre en charge des comptes publics, très attentif à mes demandes, pour assurer la fin de gestion 2024 et tenir les engagements de l'État : 220 millions d'euros en AE et 225 millions d'euros en CP ont été « dégelés » et nous avons obtenu des crédits nouveaux, pour 55 millions d'AE et 33 millions d'euros de CP.

Sur le PLF 2025 lui-même, nos échanges se poursuivent avec le ministre du budget et des comptes publics, j'ai bon espoir que mon budget soit rehaussé pour tenir les engagements de l'État, c'est une ligne forte. L'objectif est, en toute transparence, d'atteindre le niveau de crédits de 2024, même si, toujours en toute transparence, nous serons probablement légèrement en dessous, au titre de la participation de la mission au redressement des comptes de la France. Les négociations se poursuivent autour des besoins essentiels identifiés et nous convergeons sur cette ligne directrice consistant à préserver la continuité territoriale, les contrats de convergence et de transformation, les contrats de redressement en outre-mer (Corom), la ligne budgétaire unique (LBU) et les crédits d'intervention de l'Agence française du développement (AFD).

Comme vous le savez, les collectivités contribuent cette année à la réduction de la dépense publique à travers la mise en place d'un fonds de précaution inscrit à l'article 64 du PLF 2025. L'application de ce dispositif aurait conduit à prélever près de 86 millions d'euros aux collectivités ultramarines. Avec ma collègue aux collectivités locales, nous avons obtenu d'en écarter presque toutes les communes ultramarines ; il reste trois intercommunalités, dont deux à La Réunion, je ne suis pas sûr que nous parvenions à leur éviter de participer à ce fonds.

Mais je le dis aussi très simplement : les crédits obtenus doivent correspondre à la capacité des acteurs locaux de les dépenser dans de bonnes conditions. Nous constatons que des crédits disponibles ne sont pas utilisés, on doit s'interroger sur les raisons de cette situation. En particulier sur la consommation des fonds européens, on se demande parfois pourquoi des dossiers pourtant bien partis n'avancent pas et je pense qu'on fera des progrès en accompagnant les élus, en mettant à leur disposition une équipe technique réduite mais efficace, pour les aider à débloquer une procédure - parce que le problème, aussi, est que si les projets financés ne se font pas, les financements eux-mêmes risquent d'être repris...

Je veux vous présenter ma feuille de route autour de quatre axes.

Premier axe, je veux renforcer l'appui de l'État au développement des territoires et à la création de valeur - cette notion de création de valeur est décisive, nous devons optimiser le développement économique, il y a des pépites dans nos territoires, il y a aussi des pans entiers où nous avons des marges de progression claire, par exemple en matière agricole : l'autosuffisance alimentaire en Martinique est de 20 %, on peut créer les conditions pour faire largement mieux. L'investissement des collectivités est un moyen essentiel pour préparer l'avenir des outre-mer et réunir les conditions d'une croissance durable créatrice d'emplois - le chômage est très élevé dans les outre-mer. Cet investissement répond aux attentes légitimes de nos concitoyens, qu'il s'agisse d'infrastructures de transports ou d'équipement de santé.

Dans ce cadre, la nouvelle génération des contrats de convergence et de transformation (CCT) vient d'être signée avec un engagement de l'État à hauteur de 794 millions d'euros sur la période 2024-2027. Ces contrats contribuent au développement économique, social ainsi qu'à la transition écologique et énergétique des territoires ultramarins en cofinançant les projets d'investissements structurants portés par les collectivités territoriales d'outre-mer. La transition écologique et énergétique est décisive, parce qu'on part d'assez bas outre-mer et parce qu'on a une capacité de progrès importante, c'est intéressant pour les outre-mer.

Pour 2025, je souhaite que les crédits que nous allons mobiliser répondent à la capacité effective d'engagement des projets et qu'ils soient lissés sur une plus longue période, par exemple 6 ans, à l'instar des contrats de plan État-Régions. Ensuite, le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) est un levier pour financer des équipements structurants des territoires ultramarins et y améliorer les conditions de vie des populations, avec un fort impact sur l'emploi et la commande publique ; le PLF pour 2025 l'abonde de 110 millions d'euros en AE, c'était 160 millions d'euros l'an passé, mais nous avons constaté que des crédits n'étaient pas consommés - l'enjeu de se mettre au niveau de consommation effectif des crédits, c'est aussi de pouvoir les allouer d'autres secteurs.

Les communes les plus fragiles seront accompagnées dans l'assainissement de leurs finances au titre des Corom, contrats qui fonctionnent très bien - 12 contrats sont en cours, ils représentent 9,9 millions d'euros en AE et 21,7 millions d'euros en CP. Les maires qui se sont engagés dans ces contrats, parfois sans trop y croire, en sont contents.

Je souhaite que les moyens de l'AFD dédiés tant au financement des collectivités territoriales avec des prêts favorisant le développement durable des outre-mer, qu'au soutien à l'ingénierie locale, soient sanctuarisés.

Je n'oublie pas non plus les dispositifs fiscaux portés par la mission outre-mer et qui participent de cette croissance. La défiscalisation des investissements productifs est ainsi prolongée jusqu'en 2029.

Deuxième axe de ma feuille de route : donner des perspectives à la jeunesse. La jeunesse ultramarine rencontre des obstacles importants pour se former, trouver un emploi et tout simplement vivre dans leur propre territoire. Les besoins sont immenses et les réponses doivent être multiples - pour faire face aussi bien à la croissance démographique à Mayotte et en Guyane, qu'aux départs massifs de Martinique, de Guadeloupe ou encore de Wallis-et-Futuna, qui se traduisent par une diminution marquée de la population de ces territoires. En Martinique, on est passé en dix ans de 380 000 à 340 000 habitants, le recul démographique s'accélère, c'est un point d'alerte très important. En conséquence, l'État mobilise 115 millions d'euros pour financer des projets de construction, de rénovation ou d'extension d'établissements scolaires déjà existants pour accueillir, dans de bonnes conditions, l'ensemble des élèves du premier degré à Mayotte et en Guyane et du second degré en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, hors reconstruction des bâtiments détruits dans le cadre des événements du 13 mai dernier.

Parallèlement à cela, je souhaite porter un effort appuyé à la valorisation des talents et des résultats des jeunes ultramarins qui effectuent des parcours remarquables, mais également au développement du vivier des cadres locaux au travers du développement du programme « Cadres d'avenir », qui accompagne cette année près de 110 talents vers l'excellence. L'aide au retour des forces vives et l'accompagnement des étudiants seront également au centre des nouvelles mesures portées par l'Agence de mobilité des Ultramarins (Ladom). Au total, 22 millions d'euros financeront l'aide à la formation professionnelle, dont 11 millions d'euros seront dédiés aux dispositifs locaux de formation des cadres. Les moyens du service militaire adapté (SMA) s'élèveront à 73 millions d'euros en AE et 59 millions d'euros en CP. Fleuron de l'insertion professionnelle des publics les plus éloignés du marché de l'emploi, l'efficacité du SMA n'est plus à démontrer : il a su atteindre un taux d'insertion supérieur aux trois-quarts de ses 6 000 jeunes volontaires stagiaires, c'est un dispositif qui réussit et qu'il faut soutenir.

Plus largement en matière d'emploi, je suis particulièrement attentif à l'efficacité du dispositif d'exonération des cotisations sociales issu de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodeom). Vous le savez, le fameux article 6 du PLFSS pour 2025 entendait réformer cette exonération, les députés s'y sont opposés, mais l'article est réapparu hier au Sénat, dans une rédaction un peu différente, nous suivons cela de très près.

Troisième axe de ma feuille de route : conforter le pouvoir d'achat des Ultramarins. Nous constatons un écart de prix de 40 % sur certains produits avec l'Hexagone, c'est inacceptable, il faut dire les choses telles qu'elles sont
- je ne vois pas comment nous l'accepterions, nous, dans l'Hexagone. Le protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère pour la Martinique, signé le 16 octobre dernier entre le monde économique martiniquais, la collectivité territoriale de Martinique et l'État, vise quelque 6 000 produits - pas seulement alimentaires, il y a d'autres produits de première nécessité, en tout, 69 familles de produits -, avec l'engagement que leur prix baisse de 20 % à compter du 1er janvier prochain. La mécanique est en route, c'est essentiel, les conditions de son adaptation à d'autres territoires ultramarins doivent être étudiées, car cette dynamique est fondée sur la synergie des efforts de chacun.

Ces orientations complètent les outils déjà portés par mon ministère : appui à la négociation des « boucliers qualité-prix », moyens dédiés aux observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), dont les moyens d'étude s'élèveront à 600 000 euros en AE et CP l'an prochain. Ce montant sera revu pour tenir les engagements pris au profit de l'OPMR des Antilles. En parallèle de la mise en oeuvre de l'accord, il faut contrôler les choses, voir s'il n'y a pas d'effet d'aubaine. Il faut la vérité des prix, la vérité des situations, nous allons faire un audit de la vie chère, piloté par l'OPMR de Martinique, pour collationner les études qui existent déjà, je sais que la délégation sénatoriale aux outre-mer y travaille également : nous allons travailler ensemble et trouver une solution, dans le cadre d'un « Oudinot de la vie chère », contre ces écarts de prix - les prix ne peuvent pas être identiques, mais l'écart actuel n'est pas acceptable.

Quatrième axe : améliorer les conditions de vie du quotidien. Et d'abord par le logement ; les crédits inscrits à la ligne budgétaire unique (LBU) s'élèvent pour 2025 à 260 millions d'euros en AE et à 184 millions d'euros en CP, soit un recul de 32 millions d'euros en AE par rapport à cette année. Cette diminution des crédits ne remet en question ni le niveau d'intervention de l'État, ni la dynamique engagée depuis plusieurs années pour soutenir la construction et la réhabilitation de logements sociaux - nous avons, cette année, financé la construction et la réhabilitation de plus de 8 500 logements et il faut aussi compter, en plus de la LBU, avec les dispositifs fiscaux spécifiques, la TVA réduite et les crédits d'impôt. Cependant, nous demeurerons en deçà des objectifs, le nombre de logements financés n'augmente guère, car les opérations coûtent plus cher en raison notamment de l'augmentation des coûts des matériaux, de la rareté du foncier aménagé et du nombre plus important des opérations de réhabilitation en coeur de villes, qui sont plus onéreuses. Il y a la volonté de construire, mais il y a trop souvent un obstacle - il peut être foncier, ou normatif, ou encore budgétaire avec le décalage de coût entre le projet et la réalisation, les matériaux s'étant de beaucoup enchéris depuis la crise sanitaire. Une des pistes de maîtrise du coût des matériaux consiste à faciliter l'importation de produits en provenance d'États voisins. Pourquoi faire venir du bout du Rhône des matériaux à Papeete ou à Fort-de-France ? Pour cela, nous avons obtenu des institutions européennes la possibilité de nous affranchir du marquage « CE », avec un nouveau marquage « RUP » - régions ultrapériphériques -, pour les produits du BTP. Par ailleurs, je reste convaincu que l'action conjointe de l'ensemble des parties prenantes, dont les collectivités et les bailleurs, doit permettre d'innover, d'associer de nouveaux partenaires et de trouver des solutions moins coûteuses. D'ici le début de l'année, le troisième Plan logement outre-mer permettra de fixer les priorités de cette action commune et une stratégie pour y répondre.

S'agissant de la continuité territoriale, enjeu majeur d'équité et de solidarité à l'égard de nos compatriotes ultramarins, le nombre de ses bénéficiaires a quasiment doublé entre 2018 et 2023, passant de 38 879 à 78 810, du fait du relèvement du seuil de ressources - je vous l'ai dit, j'ai toutes les assurances que les moyens de la continuité territoriale seront maintenus l'an prochain.

Je veille aussi à ce que les crédits dédiés aux plans Chlordécone et Sargasse, - issus du programme 162 « Cohésion des territoires » - soient maintenus à un niveau compatible avec l'avancée de ces plans, ils fonctionnent très bien, je l'avais constaté dans le cadre des travaux de la commission des lois du Sénat en 2023, au sein de laquelle je siégeais.

Au-delà des crédits du ministère chargé des outre-mer, d'autres missions budgétaires ont un impact outre-mer, il faut y prêter attention dans le débat actuel sur la situation dans nos outre-mer. Je pense en particulier à Mayotte, un effort particulier de convergence est en cours de définition - une enveloppe de 100 millions d'euros devrait être mobilisée, soit dans la mission « Outre-mer », soit dans la mission « Collectivités territoriales ». Je pense également à l'effort de reconstruction de la Nouvelle-Calédonie, qui devra aussi faire l'objet d'un traitement budgétaire spécifique.

Le Comité interministériel des outre-mer (Ciom) qui se tiendra en mars prochain, sera l'occasion de réajuster notre action autour de quatre thèmes principaux : la création de valeur ; la jeunesse et l'insertion professionnelle ; la transition écologique et ses filières de décarbonation, l'énergie et les transports ; l'accès aux services publics : le logement, la santé et l'eau. Nous aurons l'occasion d'y revenir, je suis très attaché au développement économique de nos territoires, je crois aux opportunités de ce qu'on appelle « l'économie bleue » et je suis mobilisé contre la vie chère.

Nous avons besoin collectivement de mieux faire connaître nos outre-mer, c'est un lieu commun de le dire mais ils sont une chance pour la France, de même que la France est une chance pour les outre-mer, il faut en être conscient. Certaines filières sont très développées outre-mer, nos territoires ultramarins, au nombre de 13, dont 12 sont habités, ont un potentiel de développement sur l'économie bleue, sur l'agriculture, il faut aider à la création de valeur - attention à la fragilité de nos outre-mer, le recul démographique traduit un malaise, attention aussi à l'illusion que certaines réformes institutionnelles pourraient suffire à résoudre les problèmes, les évolutions institutionnelles sont un outil au service des projets des territoires, pas une fin en soi. Le projet doit donc venir en premier.

Le prochain Ciom sera accompagné d'un document stratégique qui fixera les grandes lignes du développement de nos outre-mer, globalement et par territoire ; il sera rédigé en collaboration avec les élus des territoires et il esquissera la ligne d'horizon à cinq ou dix ans. Ce document répondra à un besoin de clarifier les stratégies, il aidera à lire les actions actuelles et facilitera la contractualisation, pour donner plus de perspective, de stabilité et, comme le dit le Premier ministre, pour « lever la ligne d'horizon », nous en avons besoin. Peu importe le temps que le ministre reste en place, ce qui compte c'est de commencer par la stratégie, en espérant sa pérennité, au service de nos compatriotes ultramarins.

Mme Micheline Jacques. - Les crédits de la mission « Outre-mer » baissent cette année, comme ceux de bien d'autres missions budgétaires. Ce budget pour 2025 est difficile, et je suis déterminée, Monsieur le ministre, à soutenir votre action et vos demandes d'augmenter certains de vos crédits budgétaires.

Je pense, en particulier, aux crédits pour la continuité territoriale : leur baisse de près de 14 millions d'euros est incompatible avec le respect des engagements que l'État a pris l'année passée lors du dernier Ciom et qu'il a commencé à honorer cette année. Ma première question est donc simple : soutiendrez-vous mon amendement visant à rétablir ces crédits ? Vous pouvez compter sur mon plein soutien sur ce sujet, de même que pour rétablir les crédits de Ladom, bras armé de la réforme de la continuité territoriale, et qui pourrait connaître un effondrement de ses dotations de près de 40 %.

Par ailleurs, le 10 avril dernier, le Parlement européen a ouvert la voie à la possibilité pour nos territoires de s'approvisionner en matériaux locaux, mieux adaptés à nos besoins et souvent moins onéreux - ces produits seront labellisés « RUP ». C'est un levier pour améliorer le rythme des constructions de logements, il ne coûte pas un centime à l'État : confirmez-vous votre engagement à faire aboutir rapidement ce dossier, que notre délégation aux outre-mer porte depuis 2017 ?

Enfin, nos collectivités d'outre-mer n'ont pas toujours les moyens pour abonder les fonds complémentaires aux subventions européennes
- quand bien même le taux de subvention européen atteint 80 %. Dans ces conditions, je proposerai d'exonérer les collectivités d'outre-mer de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ; cela représente entre 30 et 35 millions d'euros par an, que les collectivités pourront utiliser pour leurs projets, en particulier ceux que l'Europe subventionne pour revaloriser les déchets : qu'en pensez-vous ?

M. François-Noël Buffet, ministre. - Je veux rappeler le prêt développement outre-mer (PDOM) porté par Bpifrance, financé par le programme 138 et qui représente 2,4 millions d'euros pour 2025 : c'est insuffisant, je veux augmenter ce montant et je compte sur votre soutien pour y parvenir.

La continuité territoriale est un enjeu fort, l'aide a été élargie ces dernières années, elle prend en charge les frais de billets d'avion longue distance jusqu'à 100 % pour les étudiants ; nous maintenons cette action, elle est prioritaire, et si le prix des billets augmente, nous suivrons l'augmentation. La ligne budgétaire passe de 76 à 63 millions d'euros l'an prochain - si on peut revenir au montant de l'an dernier, nous le ferons.

Le marquage « RUP » est important, nous attendons la désignation du commissaire européen en charge de ce dossier, elle doit intervenir dans la première semaine de décembre. Nous le contacterons aussitôt pour plaider notre cause, et bien marquer que nos territoires ultramarins aussi ont besoin des financements européens.

La TGAP outre-mer fait l'objet d'une évaluation, si l'on peut avancer sur le sujet, nous le ferons.

M. Frédéric Buval. - Madame la présidente, je tiens à saluer vos propos sur la Martinique.

Monsieur le ministre, votre venue récente en Martinique vous a montré les défis mais aussi les extraordinaires potentialités de développement économique de notre territoire. Les mobilisations contre la vie chère révèlent des dysfonctionnements résultant de notre histoire commune, mais également la sous-capitalisation de nos entreprises, - qui sont à 90 % des PME -, et la sous-dotation systémique des collectivités territoriales, alors qu'elles sont les véritables moteurs de l'investissement local.

Vous comprendrez donc bien que ce projet de loi de finances nous inquiète, tant sur les moyens mobilisés par l'État pour la reconstruction des entreprises et des équipements détruits lors des manifestations contre la vie chère, que sur le maintien des niveaux d'investissements accordés par le précédent gouvernement, en particulier dans le cadre des Corom.

Je prendrai l'exemple des investissements annoncés pour la reconstruction de l'hôpital de la Trinité, attendue depuis déjà 17 ans, alors que ce projet structurant fait l'unanimité. L'Agence régionale de santé (ARS), le 9 février 2024, a validé une aide de l'État de 90 millions d'euros pour la reconstruction de cet hôpital : l'État va-t-il tenir son engagement ?

M. Patrick Chaize. - Nous avons, l'an passé, voté des crédits pour que Mayotte déploie son plan de desserte du numérique à très haut débit sur l'ensemble du territoire ; or, ces crédits ont été annulés par le décret désormais bien connu de février dernier, alors même qu'il s'agissait d'autorisations d'engagement, et non de crédits de paiement. Trois ministres, dont votre prédécesseur, se sont engagés à ce que ces autorisations d'engagement figurent dans le PLF pour 2025, ce n'est pas le cas. Nous allons proposer d'y remédier par amendement : nous soutiendrez-vous ?

M. François-Noël Buffet, ministre. - Tout ce que pourra faire le Gouvernement pour soutenir les territoires ultramarins sera fait. Concernant plus spécifiquement la Martinique, les événements très violents qui se sont produits ne sont pas neutres, j'ai eu des commerçants au téléphone qui ont été pillés, ce n'est pas supportable. Il y a un sujet d'assurance, puisque si les assureurs couvrent les dégâts causés, ils posent des problèmes pour assurer de nouveau. En commun avec le ministère de l'économie et des finances, nous demandons aux assureurs de tenir leurs engagements, et nous travaillons sur la poursuite de l'assurance ; il y a un dispositif à l'échelon européen, mais il ne concerne que les catastrophes naturelles, pas les émeutes, il faut trouver une solution. Il y a d'autres pistes, nous en avions évoqué, au Sénat, dans un rapport d'information publié en avril dernier par la commission d'enquête sur les émeutes urbaines de juin 2023 - en particulier à Nanterre -, par exemple la création d'un fonds national de secours en cas d'émeutes : il serait peut-être temps d'initier un tel fonds. En attendant, nous avons mis en place du chômage partiel, et allongé les délais de paiement pour les charges sociales et fiscales, c'est une aide supplémentaire.

Je n'ai pas la réponse sur l'hôpital de La Trinité, je vous répondrai ultérieurement. Il y a de toute évidence un besoin. Je note d'ailleurs que dans le cadre du Corom en court pour la commune de La Trinité, il est prévu 2 640 000 euros d'aide.

Sur les contrats de convergence et les Corom, les chiffres montrent que l'ensemble fonctionne assez bien, on est à pleine charge pour la commande publique, mais il faut aussi que les collectivités assurent le paiement de leurs fournisseurs et l'engagement des projets. Les crédits sont parfois sous-consommés, pour diverses raisons qu'il faut regarder, mais qui ont toutes pour effet de priver l'économie locale d'un levier de création de valeur, il faut y faire attention. Pour la Martinique, le contrat de convergence 2024-2027 porte sur 23 365 000 euros, c'est loin d'être négligeable. Les montants sont proches de ceux du contrat précédent, pour lequel tout avait été consommé.

Quant au développement de la fibre à Mayotte, l'objectif est maintenu d'une couverture complète en 2028-2030, c'est une action du plan France Très Haut Débit, qui déploie plus de 50 millions d'euros, l'État s'était engagé à mobiliser des crédits additionnels pour 2025, c'est un sujet essentiel sur lequel allons tenir les crédits. La fibre fait partie des sujets fondamentaux de développement de ce territoire, tout comme la gestion de l'eau.

M. Fabien Gay. - Vous ne niez pas la baisse des crédits et vous voulez faire face à une situation complexe et diverse - je ne connais pour ma part que la Guyane et la Guadeloupe, je ne me permettrais donc pas de faire comme si je connaissais tous les outre-mer. Je suis élu de Seine-Saint-Denis, un département où la population est jeune et qui est discriminé en matière de services publics, Édouard Philippe l'a reconnu, car nous recevons proportionnellement moins de service public que les autres départements, alors que nous payons notre quote-part d'impôts. Je connais donc ce qu'est le manque de services publics ; cependant, lorsque je me rends en Guyane, j'ai le sentiment d'un autre monde - il y a des similitudes, on essaie de nous opposer entre mal lotis, mais nous avons en commun de subir le recul et la carence des services publics. On le vit différemment entre territoires et je trouve les élus ultramarins bien patients face à l'État : si j'étais sénateur d'un de ces territoires en souffrance, vous m'entendriez davantage encore ! En Guyane, on parle de 10 000 enfants non scolarisés, la ville de Maripasoula, la plus étendue du territoire, n'est pas reliée par la route - en Guadeloupe, 30 % de la population n'a pas accès à l'eau courante, c'est hors norme, et on ne peut le comprendre qu'en allant sur place ! J'ai passé une semaine avec des Amérindiens à Saint-Laurent-du-Maroni, je peux vous dire qu'en revenant, j'ai relativisé pendant quelques semaines au moins les problèmes que nous avons en métropole...

En sortant un peu du débat budgétaire de cette année, on devrait prendre la mesure de la situation outre-mer, se mettre autour de la table et voir qu'avant d'en arriver à appliquer nos politiques publiques ordinaires, il y a besoin d'un vaste, d'un très vaste plan de rattrapage pour certains territoires ultramarins ! Je ne saurais le chiffrer, mais je pense qu'il faudra compter en milliards d'euros, voire en dizaines de milliards d'euros, ou bien on n'y arrivera pas, ou bien on ne fera que poser quelques pansements ici ou là...

Cependant, vous le dites, tout n'est pas qu'une question de moyens : sur la construction par exemple, des crédits disponibles ne sont pas dépensés, faute de matériaux, d'entreprises, de savoir-faire. Alors, il faut commencer par arrêter des aberrations que l'on connaît, comme ces normes qui obligent à tout faire passer par Paris - il y a un travail réglementaire à faire, il est long et fastidieux, mais il est nécessaire.

Une question sur le projet de réserver 20 000 hectares en Guyane pour la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), tel qu'il résulte d'un accord passé en 2017 ; un amendement avait été adopté à l'Assemblée nationale, nous allons le représenter en séance publique : allez-vous le soutenir ? Il y a une vraie question d'autonomie alimentaire en Guyane.

M. Gilbert Favreau. - Les habitants des territoires d'outre-mer doivent faire face, ce n'est pas nouveau, à une inflation très importante du coût des transports - en particulier aériens, ce qui est décisif dans la mobilité et les liens économiques avec la métropole. Or, le PLF 2025 augmente la taxe de solidarité sur les billets d'avion : quelle est votre position sur ce sujet et comment garantir une meilleure accessibilité des Ultramarins à la métropole ?

La gestion de l'eau, ensuite, entre dans vos compétences, elle est défaillante outre-mer. Dans les Antilles, l'eau potable est diffusée de manière intermittente. À Mayotte, la mauvaise gestion de l'eau a même fait ressurgir, cet été, une maladie qu'on ne connaissait plus que dans les pays du tiers-monde : le choléra. Ces difficultés d'infrastructures freinent le développement économique de ces territoires. Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer ce service public ?

M. François-Noël Buffet, ministre. - Je partage votre constat, Monsieur Gay. Le fleuve Maroni étant à sec, toute une partie de Guyane se trouve isolée, nous avons dû déclencher le plan Orsec pour répondre aux urgences, notamment par voie aérienne ; une étude va être rendue publique sur la modernisation d'une alternative routière aujourd'hui impraticable. De manière générale, les équipements publics demandent des travaux importants mais on ne sait même pas précisément où l'on en est, c'est pourquoi je veux de la méthode - l'objectif est de contractualiser sur des objectifs et un rythme de consommation des crédits. Vous le dites aussi, parfois on a les crédits, mais des procédures freinent, des volontés manquent - il faut débloquer des freins, cela ne coûtera pas et accélérera les choses. On a de quoi s'étonner quand on découvre le problème, je veux y mettre de la méthode.

Sur le projet concernant la Safer en Guyane, un effort est en cours pour le transfert de foncier, on prévoit un amorçage sur trois ans avec 250 000 euros annuels.

La taxe de solidarité sur les billets d'avion va passer de 2,63 euros à 9 euros par trajet : nous compenserons intégralement cette hausse par l'intermédiaire de Ladom, c'est une première réponse.

Les problèmes de gestion de l'eau dans les outre-mer ont diverses origines ; à Mayotte, c'est un problème de retenues collinaires ; en Guadeloupe, nous sommes face surtout à un problème de gestion, nous avons légiféré en 2021 pour constituer un syndicat de gestion de l'eau, il a été mis en place, son président vient tout juste d'être élu ; à La Réunion, les mouvements de terrain coupent les réseaux, il faut les réparer. À chaque territoire sa complexité ! Les conséquences sont importantes : en Martinique, on a parfois 26 jours de coupure d'eau, je défie quiconque d'accepter cela dans l'Hexagone. On a les outils pour avancer, il faut aller plus vite dans leur application.

Faudrait-il une sorte de plan Marshall pour les outre-mer ? Le budget des outre-mer représente plus de 25 milliards d'euros lorsqu'on comptabilise l'ensemble des transferts, mon ministère n'en gère que 15 %. Les transferts vers la Nouvelle-Calédonie représentent, en dehors de toute crise, 1,7 milliard d'euros, c'est considérable... Je crois que nous devons définir et mettre en place une stratégie, avec une forte détermination financière et qui passe par tous les leviers possibles. Ils sont là, je pense au port de Fort-de-France, l'État participe à hauteur de 35 millions d'euros, cet équipement portuaire sera un levier pour La Martinique tout entière, ne serait-ce que parce que de plus grands bateaux vont pouvoir apporter des produits à moindre coût, au-delà des emplois liés au port modernisé. Je pense aussi à l'usine de désalinisation prévue à Mayotte, c'est un atout de développement, de même que la construction d'une nouvelle piste pour son aéroport. On peut relever le défi mais il faut de la méthode et, c'est ma conviction, un plan à 5 ou 6 ans pour mettre l'action publique en perspective.

M. Philippe Grosvalet. - Un grand port maritime est un atout, effectivement, à condition que les grands armateurs français n'imposent pas leurs conditions en menaçant de passer par une autre route - je parle d'expérience à Nantes-Saint-Nazaire, mais cela vaut pour les Antilles.

On s'émeut de la cherté de la vie, mais nos compatriotes ultramarins subissent une double peine, parce que non seulement les prix sont plus élevés outre-mer, mais les revenus y sont plus faibles qu'en métropole. Les taux d'allocataires du RSA pour les 15-69 ans est de 2,63 % en Ille-et-Vilaine, 8,63 % en Seine-Saint-Denis, 15,29 % à La Martinique, et 19,59 % à La Réunion, les écarts sont comparables sur le taux de chômage, la proportion de familles monoparentales, qui s'élève à 41 % : tous ces indicateurs auraient dû, depuis longtemps, nous alerter sur les risques majeurs d'explosion sociale. L'information que je vais vous donner, vous fera faire des économies en bureau d'études : des citoyens ont créé un comparateur de prix entre les outre-mer et la métropole, il s'appelle Kiprix et il compare les prix de plus de 12 000 produits en direct - chacun peut y constater les écarts.

Nos compatriotes ultramarins subissent même une triple peine, quand certains s'emparent d'une colère citoyenne légitime et la transforment en violences insupportables, des milliers d'emplois sont alors menacés par les destructions, les incendies, l'insécurité d'ensemble - et il y a des conséquences sur le tourisme, dans un moment où certains territoires ultramarins retrouvaient de l'attractivité.

L'année dernière, une commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les mécanismes qui concourent à la vie chère outre-mer, a détaillé le fonctionnement de la chaîne logistique et de la distribution, en particulier la situation d'oligopole en Martinique. Il y a eu depuis des discussions avec le préfet, un accord a été signé, mais l'État se donne-t-il les moyens d'enquête pour objectiver cette chaîne logistique ? Quand les prix sont à ce point plus chers, on a de quoi s'interroger sur la raison d'être de l'écart...

Ensuite, il faut donner de l'espoir à la jeunesse, les jeunes martiniquais qui peuvent étudier partent et ne reviennent plus vivre à La Martinique, ceux qui ne le peuvent pas restent et n'accèdent pas à l'emploi : qu'est-ce que cela va donner dans le temps ? Ne faut-il pas lancer un plan d'ensemble, un plan « Buffet » ? Donnons de l'espoir aux jeunes par l'emploi, ou bien nous aurons davantage de révoltes, légitimes dans leurs causes.

M. Éric Dumoulin. - Une seule question sur la Nouvelle-Calédonie, préoccupation majeure du Gouvernement et d'où reviennent d'ailleurs la présidente de l'Assemblée nationale et le président du Sénat : quelles sont vos lignes d'horizon ?

Mme Annick Jacquemet. - Ma fille, qui habitait en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans, revient vivre en métropole, j'ai donc suivi la situation locale au quotidien - on a vu les entreprises pillées et détruites, la mise au chômage de 25 000 salariés, soit l'équivalent de 6 millions de personnes à l'échelle de l'Hexagone, les hôpitaux se vident - deux blocs opératoires ont déjà fermés - , la tribu Saint-Louis bloque la route entre Nouméa et le Mont-Dore, au point qu'il a fallu organiser des navettes par voie de mer, on parle de manifestations contre la faim, le pouvoir d'achat diminue drastiquement : quel est votre calendrier d'action ? Va-t-il falloir recommencer tous les dix, vingt ou trente ans car la prochaine génération sera en désaccord avec les décisions prises maintenant ?

M. François-Noël Buffet, ministre. - À La Martinique, dans un lycée où l'enseignement est de très bonne qualité, des jeunes m'ont dit leur peu d'espoir de trouver du travail sur place et la difficulté qu'ils auraient à revenir s'ils trouvaient un travail ailleurs. Tout l'enjeu, c'est que les jeunes formés dans les lycées et les centres de formation professionnels sur place puissent travailler sur place, mais il faut aussi permettre la mobilité et pouvoir revenir pour un poste à la hauteur de leurs qualifications. Tout ne va pas mal cependant, il faut relativiser, les élus travaillent - mais je suis convaincu qu'on ne fera progresser la situation que par la relance économique, pour générer de la valeur, des emplois sur place. L'agriculture est un bon exemple.

L'accord du 16 octobre sur les prix prévoit de comparer l'évolution des prix entre les outre-mer et la métropole, il faut des contrôles en continu, l'Autorité de la concurrence en est saisie et 13 ETP assureront ce travail. Au-delà, il faudra se poser la question de la vie chère, c'est l'objet du « Oudinot de la vie chère » que j'organiserai. Quant aux armateurs, sachez que nous leur parlons, c'est ce que je peux vous dire.

Les événements du 13 mai dernier en Nouvelle-Calédonie ont fait baisser le PIB calédonien de 15 %, des dégâts matériels sont considérables, dans le privé et le public, en particulier les écoles. On a été au bord du chaos. Beaucoup de nos compatriotes sont partis, en particulier le personnel médical, ils sont allés en Nouvelle-Zélande, en Australie, dans l'Hexagone, certains ne veulent pas revenir, d'autres l'envisagent. L'État a immédiatement mobilisé 400 millions d'euros pour aider les entreprises et les collectivités, puis, en octobre, je suis allé sur place, on a ajouté 250 millions d'euros de soutien aux collectivités locales, en prolongeant l'indemnisation du chômage partiel, nous avons aussi aidé la province Sud pour les navettes maritimes à hauteur de quatre millions d'euros. Aujourd'hui les choses sont apaisées, les forces de l'ordre ont fait un travail remarquable, il faut le souligner, la route de Saint-Louis vient de rouvrir, l'usine de nickel au sud vient d'être remise en route, celle du nord est toujours fermée, les fours sont froids - mais des repreneurs se présentent, c'est bon signe. En revanche, les installations de la mine de Thio ont été détruites. En plus des crédits d'intervention, nous avons assoupli les règles pour que les collectivités puissent payer directement leurs fournisseurs, sans passer par le gouvernement local. En recevant avant-hier le président du gouvernement calédonien Louis Mapou, le Premier ministre vient de rehausser à 1 milliard d'euros le volume de prêts garantis, initialement fixé à 500 millions d'euros. Une enveloppe de 170 millions d'euros sera également bientôt discutée. Ces prêts s'ajoutent à la prise en charge par l'État de la reconstruction des bâtiments publics, à 100 % pour les écoles pour 2025. Va-t-on s'arrêter là ? Je crois qu'il faut s'inscrire dans la durée, et entrer dans une démarche contractuelle ; le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie a présenté un Plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction (PS2R) sur trois ans, il comprend aussi des réformes institutionnelles et fiscales, l'État accompagne le mouvement. Le congrès calédonien porte lui-même un projet de plan, nous allons faire la synthèse pour une contractualisation avec l'État.

L'hôpital est un sujet d'inquiétude, des médecins sont partis, d'autres en ont le projet - certains peuvent venir mais ils attendent de voir comment évolue la situation et comment se profile l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Emmanuel Moulin a été mandaté par le Premier ministre pour préfigurer et accompagner ce PS2R, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ont mis en place un calendrier de discussions sur le volet institutionnel avec une première étape le 5 décembre prochain. L'objectif, c'est d'arriver à une solution l'an prochain. Nous sommes parvenus à renouer le dialogue et à remettre chacun autour de la table, nous progressons par étapes, tout le monde est conscient que la Nouvelle-Calédonie a frôlé la catastrophe et que ce sera la catastrophe si on ne se mobilise pas - nous avançons.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour l'ensemble de vos réponses, nous vous souhaitons succès et courage !

Examen en commission
(Mercredi 27 novembre 2024)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je cède immédiatement la parole à notre collègue Micheline Jacques, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Outre-mer » dans le cadre du projet de loi de finances.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - L'exercice budgétaire de cette année s'inscrit dans un contexte délicat pour nos finances publiques, et la mission « Outre-mer » n'échappe pas à l'effort demandé. S'il est tout à fait normal que les territoires ultramarins participent à l'effort de redressement des comptes de la Nation, encore faut-il que cet effort soit juste, proportionné et tienne compte du contexte particulier des territoires ultramarins.

Par rapport à la situation en Hexagone, le taux de chômage y est structurellement plus élevé, notamment chez les jeunes, et le niveau de pauvreté - même calculé en fonction du niveau de vie local - plus important. Le contexte est également marqué par des besoins d'investissement colossaux, difficilement imaginables depuis Paris, et une problématique du logement aiguë, qu'il s'agisse de la construction ou de la réhabilitation. Enfin, et c'est peut-être le sujet le plus brûlant du moment, le coût de la vie y est structurellement plus élevé : selon l'Insee, le prix des produits est en moyenne 40 %plus élevé en outre-mer et, pire, les écarts se sont accrus ces dix dernières années aux Antilles, à La Réunion et à Mayotte.

La mobilisation contre la vie chère, qui a débuté en septembre 2024 en Martinique et que suivent avec attention de nombreux territoires ultramarins, a abouti le 16 octobre à un protocole d'accord ambitieux, prévoyant, par diverses mesures, notamment dans le projet de loi de finances pour 2025 que nous examinons, une baisse des prix de l'ordre de 20 % au 1er janvier 2025. C'est un signe très encourageant de la bonne volonté de l'ensemble des acteurs concernés. Tout le monde s'accorde à dire que des réponses structurelles, de long terme, et à destination de l'ensemble des territoires ultramarins devront être apportées. C'est le sens du « Oudinot de la vie chère » annoncé par le ministre : souhaitons-lui meilleure fortune que le « Oudinot du pouvoir d'achat » de fin 2022 qui, à l'évidence, n'a pas donné pleinement satisfaction.

Dans ce contexte particulièrement tendu - sans oublier le défi de la reconstruction en Nouvelle-Calédonie -, les crédits de la mission « Outre-mer » affichent une baisse assez nette, de l'ordre de 12,5 % en autorisations d'engagement (AE) et de 8,9 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

Cette mission se divise en deux programmes : le programme 138 « Emploi outre-mer », et le programme 123 « Conditions de vie en outre-mer ».

Le programme 138 représente les deux tiers du total des crédits de la mission, en raison du poids prépondérant des compensations d'exonérations de charges pour les entreprises. Ces crédits sont non pilotables et pourraient bien connaître une forte baisse mécanique dans la prochaine loi de finances si la réforme des dispositifs d'exonérations, de droit commun comme spécifiques aux outre-mer, venait à s'appliquer. À ce titre, j'invite à la plus grande prudence : au regard de la situation économique déjà fragile de nos territoires, le maintien d'un haut niveau de soutien aux entreprises ultramarines est crucial.

Parmi les baisses de crédits que le programme 138 affiche, je souhaiterais attirer votre attention sur deux points qu'il me semble indispensable de corriger.

Premièrement, il est prévu une baisse drastique - de près de 40 % - des crédits affectés au fonctionnement de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom). Cette baisse n'est pas acceptable à l'heure de la mise en oeuvre d'une ambitieuse réforme de la continuité territoriale, attendue de longue date et découlant des engagements pris à l'occasion du comité interministériel des outre-mer (Ciom). Je proposerai un amendement pour corriger cela.

Secondement, toujours dans la perspective de soutenir nos entreprises, et notamment nos TPE et PME, la baisse massive des crédits alloués à Bpifrance dans le cadre du prêt de développement outre-mer (PDOM) qu'elle propose et qui vise à soutenir, dans des conditions avantageuses, les besoins en investissement et en fonds de roulement des petites entreprises, n'est pas souhaitable. Je vous proposerai donc de revenir à la même enveloppe que pour 2024, à savoir 10 millions d'euros.

J'en viens au programme 123 qui finance l'essentiel des interventions du ministère en faveur des territoires ultramarins. Les crédits de ce programme affichent une baisse spectaculaire de près de 37 % en AE et 34 % en CP. Aucune des huit actions n'est donc épargnée.

Le ministre chargé des outre-mer a déclaré à plusieurs reprises - et notamment au Sénat -, que le tir allait être corrigé pour un certain nombre d'actions essentielles pour nos outre-mer. Le ministre chargé du budget et des comptes publics a également déclaré que des ajustements auraient lieu, ce qui est bienvenu et même nécessaire, conformant d'ailleurs le rôle prépondérant du Sénat dans cet exercice budgétaire.

En lien avec ce que je disais il y a quelques instants, concernant la continuité territoriale, dont les crédits sont en diminution de plus de 17 %, il convient de respecter la parole de l'État. Des engagements forts ont été pris à l'occasion du Ciom et ont trouvé une première traduction législative à l'occasion de la loi de finances pour 2024. Le projet de loi de finances pour 2025 ne saurait remettre en cause la dynamique amorcée.

Je vous proposerai donc un amendement visant à porter les crédits de la continuité territoriale au même niveau que dans le précédent budget, soit un amendement de 14 millions d'euros.

Enfin, par-delà les indispensables crédits budgétaires, j'ai souhaité, dans l'avis budgétaire que je vous présente, aborder la question de la politique du logement outre-mer dans sa globalité.

Certes, les crédits en faveur du logement baissent pour 2025 - et je pense que le débat aura lieu dans l'hémicycle - mais je tiens à souligner que, depuis le vote de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi Érom, qui prévoyait la construction de 15 000 logements sociaux par an dans les outre-mer, c'est en moyenne moins de 4 000 logements qui voient effectivement le jour annuellement. La réhabilitation, priorité de longue date du Sénat, n'atteint également pas des niveaux qui correspondent aux besoins de ces territoires. Ce triste constat souligne que tout n'est pas une question de crédits, même si je le répète, ils sont indispensables.

En la matière, il faut aussi aborder de front la question des normes et de leur nécessaire adaptation aux contextes ultramarins. La délégation sénatoriale aux outre-mer a de longue date identifié cette problématique et formulé des propositions. Je me réjouis d'ailleurs qu'un dossier majeur, à savoir la possibilité de déroger, pour les matériaux de construction, au fameux marquage « CE », ait enfin connu une avancée significative au niveau européen. Si tout va bien, courant 2025, les outre-mer pourront bénéficier du marquage « régions ultrapériphériques » (RUP), leur permettant d'importer des matériaux issus de leur environnement proche. Voilà un beau facteur de baisse des coûts de construction, neutre pour nos finances publiques.

D'autres leviers permettant d'accroître le nombre de logements sortant de terre demeurent à activer plus fortement encore. Je pense à la nécessaire territorialisation des politiques. Le premier plan Logement outre-mer 2015-2019 (Plom 1) a échoué en raison de sa centralisation excessive. Le Plom 2 (2019-2022) a progressé en la matière et le futur Plom 3 (2024-2027) doit aller plus loin dans la définition de feuilles de route territorialisées et d'indicateurs de suivi. De même, une attention accrue aux besoins en ingénierie doit être portée, pour que les logements financés soient bel et bien construits.

Enfin, en matière de logement, et au-delà de la ligne budgétaire unique (LBU) qui, outre-mer, est le support des aides à la pierre, il convient de noter et de saluer l'accroissement significatif des interventions de certains acteurs ces dernières années : l'Agence nationale de l'habitat (Anah) - notamment par l'intermédiaire de l'aide « MaPrimeRenov' » (MPR) -, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) - qui finance 14 projets structurants au titre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) dans les départements et régions d'outre-mer (Drom), et enfin Action Logement, qui investissait dans les outre-mer environ 20 millions d'euros par an avant 2020 et portera son effort pour la période 2023-2027 à 155 millions d'euros par an, après avoir mené un programme d'investissements massifs entre 2020 et 2022.

Je conclus en formulant un soutien exigeant aux crédits de la mission « Outre-mer ». J'ai tout espoir que des avancées substantielles, grâce au Sénat, seront obtenues en séance publique. Je nous invite donc, en responsabilité, à voter les crédits de la mission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je remercie Micheline Jacques, qui préside la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Mme Viviane Artigalas. - Je remercie Micheline Jacques pour ce rapport très intéressant.

La mission « Outre-mer » ne porte que sur 15 % du montant total des dépenses de l'État en faveur des outre-mer, ce qui pose un problème de visibilité sur l'ensemble des moyens dédiés et d'évaluation des politiques publiques. S'il est vrai que la question des financements ne saurait à elle seule régler les difficultés en outre-mer, ils n'en demeurent pas moins indispensables.

Je regrette la baisse des crédits, et particulièrement concernant la LBU. Ces crédits ne sont pas à la hauteur des problèmes de logement extrêmement importants et les difficultés économiques que rencontrent les Ultramarins, de même que la situation en Nouvelle-Calédonie.

Je note tout de même une stabilité des crédits du programme 138, c'est un point positif, et nous devrons travailler, en séance publique, à l'amélioration de ce budget pour qu'il aille au mieux des endroits qui sont les plus nécessaires.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain réservera son vote aux évolutions qui seront apportées en séance publique. Aujourd'hui, nous ne prendrons donc pas part au vote sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Daniel Salmon. - Les crédits de cette mission sont effectivement très en deçà de ce que l'on pourrait attendre. Nous sommes conscients de toutes les crises qui secouent les territoires d'outre-mer. Nous disposons d'un grand nombre de données relatives au mal-logement et à l'habitat indigne - qui ne concerne pas que La Réunion - ainsi qu'à la vie chère et au chômage. Ces maux sont certes présents en Hexagone mais décuplés en outre-mer.

Les crédits du programme 123 relatif aux conditions de vie en outre-mer sont amputés de 400 millions d'euros en AE : c'est vraiment dramatique ! Je pense que ces millions d'euros sont employés aujourd'hui à bon escient et que la baisse des crédits aura des répercussions très importantes, par exemple sur les conditions de vie à Mayotte avec une diminution des crédits de 100 millions d'euros mais également dans le secteur de la petite enfance dont le budget affiche un recul de 50 %. Les crédits dédiés à la lutte contre la pollution par le chlordécone en Martinique et en Guadeloupe diminuent de près de 700 000 euros tandis que ceux du plan séisme Antilles (PSA) sont en chute de 86 %. Les crédits destinés à la construction et à la réhabilitation des abris anticycloniques en Polynésie sont également affectés.

Ce budget ne prépare pas l'avenir, alors que les aléas climatiques seront de plus en plus importants et qu'il faudrait s'y adapter. Il ne vise pas non plus à améliorer les conditions de vie des Ultramarins. C'est presque un abandon en rase campagne. L'argent non investi aujourd'hui engendrera demain des coûts bien plus importants.

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera contre les crédits de cette mission malgré les avancées proposées par le rapporteur.

M. Fabien Gay. - Je remercie notre collègue Micheline Jacques pour son rapport.

L'échange que nous avons eu, dans notre commission, avec le ministre chargé des outre-mer, M. François-Noël Buffet, était important. La question des moyens est cruciale, mais également celle de leur mise en oeuvre. Celle-ci n'est pas toujours aisée dans les territoires ultramarins, extrêmement différents les uns des autres.

Je ne prétends pas connaître tous les territoires ultramarins. Mais pour ceux que j'ai approchés, notamment la Guyane et les Antilles, j'ai pu constater que des projets sont parfois bloqués par manque de matériaux ou de savoir-faire alors que les moyens existent. Il s'agit là d'un problème au long cours qui ne se réglera pas uniquement par voie budgétaire.

Il me semble important de rappeler que la crise sociale que l'on observe en France est démultipliée dans des territoires ultramarins. En Martinique et en Guadeloupe par exemple, le système de « profitation », pour reprendre le mot utilisé aux Antilles, ne date pas d'hier. L'absence de transparence sur les marges, les prix 30 % plus élevés qu'ailleurs, les systèmes de duopoles et d'oligopoles sont autant de problèmes qui ne peuvent pas être résolus par la seule voie budgétaire. Il est important de connaître la volonté du Gouvernement sur ces questions.

Le budget est en baisse, les questions du chômage, du logement et de l'accès à l'eau ont déjà été évoquées, mais je souhaite revenir sur ce dernier sujet : 30 % de la population à Mayotte est privée d'accès à l'eau potable. En métropole, une telle situation serait insupportable pour nous tous et nous serions tous sur des barricades en feu !

Ce budget ne répondra donc pas à l'urgence et aux problèmes structurels de fond. C'est pourquoi le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky votera contre les crédits de cette mission.

Je note les propositions que vous faites, madame le rapporteur : si elles vont dans le bon sens, nous les voterons. Nous serons aussi extrêmement offensifs sur un grand nombre de questions.

Enfin, je voudrais dire un mot sur la Nouvelle-Calédonie en lien avec l'examen du projet de loi de finances qui a commencé au Sénat. Quels que soient nos avis politiques sur la question, il faut maintenant un moment d'apaisement et retrouver le chemin politique. Il va falloir investir beaucoup d'argent pour reconstruire un pays très touché, comme le savent bien ceux qui y vivent, je pense par exemple à Robert Xowie, l'un des deux sénateurs de Nouvelle-Calédonie, membre de notre groupe. Cet investissement représente plusieurs dizaines, voire centaines de millions d'euros sur les dix prochaines années. Or, les premiers gestes faits par le gouvernement ne nous semblent pas aller dans le bon sens, notamment en ce qui concerne le soutien au tissu local et aux petites et moyennes entreprises. En raison de la baisse du budget et de l'action gouvernementale que nous jugeons insuffisante - et je précise que nous ne sommes pas dans une confrontation de principe -, nous voterons contre les crédits de cette mission.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Je vous remercie de prendre conscience de la situation des territoires ultramarins. Les raisons et les causes sont partagées ; il faut être lucide et réaliste. Le sujet normatif est un véritable sujet. La délégation sénatoriale aux outre-mer a débuté une étude portant sur la vie chère dans les outre-mer afin d'en comprendre tous les rouages. En effet, il est parfois facile d'accuser les uns ou les autres. Personnellement, j'ai pu constater qu'une bière produite dans les territoires - à La Réunion d'une part et en Martinique d'autre part - se vend à Paris 6,80 euros alors qu'elle est produite pour moins d'un euro. Se pose donc la question de la distance : territorialiser les achats pourrait contribuer à diminuer le coût de la vie. Mais il faudra, bien entendu, veiller aux équivalences normatives car il n'est pas envisageable que nos compatriotes ultramarins puissent se nourrir d'aliments ne respectant pas les normes sanitaires. Nous serons très vigilants sur ce sujet.

Des aberrations normatives existent et j'en citerai deux. La Guyane importe du bois de charpente de Scandinavie alors qu'elle pourrait développer une industrie pour satisfaire ses besoins en bois et approvisionner les Antilles. Par ailleurs, il faut savoir que la crevette de Madagascar vendue à Mayotte est conditionnée dans une usine de Bretagne. Il nous faut donc travailler sur ces questions et réfléchir au moyen d'intégrer les territoires ultramarins dans les échanges commerciaux, de sorte qu'ils puissent s'approvisionner dans leur environnement régional. Notons que c'est aussi un levier de réduction de notre empreinte carbone, dans un contexte de réchauffement climatique.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 35

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Le premier amendement vise à augmenter de 14 millions d'euros les crédits dédiés à la continuité territoriale, pour atteindre un niveau similaire à celui de 2024. La réforme de la continuité territoriale est un axe important des engagements du Ciom, et cette réforme nécessite de maintenir l'engagement budgétaire initié l'année dernière.

L'amendement n°  II-324 est adopté à l'unanimité.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Le deuxième amendement, en cohérence avec celui que je viens de vous faire adopter, vise à stabiliser le budget de fonctionnement de Ladom, l'agence organisant la continuité territoriale. En effet, sans ce financement, une quarantaine de postes dans les territoires ultramarins seraient supprimés. Je vous propose donc de revenir au financement de l'année dernière en votant cet amendement de 4 millions d'euros.

L'amendement n°  II-325 est adopté à l'unanimité.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Le dernier amendement vise à augmenter les crédits permettant à Bpifrance de distribuer le prêt développement outre-mer (Pedom). Ce prêt est à destination des TPE et PME ultramarines qui ont besoin de financer des investissements ou encore leur fonds de roulement. Les crédits inscrits en PLF pour 2025 font état d'une baisse de 80 % des crédits servant à financer ce Pedom, ce qui sera fortement dommageable au tissu économique ultramarin. Bien que modestes, ces sommes sont très utiles aux entreprises.

L'amendement n°  II-326 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Lundi 4 novembre 2024

- Direction générale des outre-mer (DGOM) : MM. Olivier JACOB, directeur général des outre-mer, Etienne GUILLET, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État (SDEPDE), et Baptiste LE NOCHER, adjoint au sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État.

- Union sociale pour l'habitat outre-mer (Ushom) : Mme Sabrina MATHIOT, directrice.

- Union sociale pour l'habitat (USH) : M. Brayen SOORANNA, directeur Outre-mer.

- Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) : Mme Anne-Claire MIALOT, directrice générale.

- Caisse des dépôts et consignations Habitat (CDCH) : Mme Anne-Sophie GRAVE, présidente du directoire, M. Philippe POURCEL, directeur général adjoint, et Mme Anne FREMONT, directrice des affaires publiques.

- Agence nationale de l'habitat (Anah) : Mme Valérie MANCRET-TAYLOR, directrice générale, MM. Mathieu PRZYBYLSKI, directeur de cabinet, et Antonin VALIÈRE, responsable des relations institutionnelles.

Vendredi 8 novembre 2024

- Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom) : MM. Hervé MARITON, président, Laurent RENOUF, délégué général, et Mme Mélinda JERCO, chargée de mission Antilles, Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon.

- L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) : M. Saïd AHAMADA, directeur général, et Mme Sandrine VENERA, secrétaire générale.

- Action Logement Groupe (ALG) : Mme Nadia BOUYER, directrice générale, M. Ibrahima DIA, directeur Outre-mer, Mmes Elodie VANACKÈRE, directrice Projet Outre-Mer, et Akila MAT, responsable des relations institutionnelles.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Et, en leur sein, 105 programmes budgétaires.

* 2 Loin derrière la mission « Enseignement scolaire » (34 %) et devant la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (10 %).

* 3 Comme l'a souligné Marie-Laure Phinera-Horth lors de l'audition du 7 novembre 2024 du ministre chargé des outre-mer devant la délégation sénatoriale aux outre-mer, il devient urgent d'entamer les travaux de construction d'une piste entre Apatou et Papaichton, au moment où le niveau du fleuve Maroni est tellement bas qu'il ne permet plus aux enfants de pouvoir se déplacer pour se rendre à l'école.

* 4 Lors de l'audition du 20 novembre 2020 du ministre chargé des outre-mer devant la commission des affaires économiques, Frédéric Buval a souligné que l'hôpital de la Trinité, en Martinique, attend depuis 17 ans sa reconstruction.

* 5 Annick Petrus a souligné, lors de la même audition, le caractère urgent de régler la problématique des coupures d'électricité à Saint Martin, qui empoisonnent la vie des Saint-Martinois et hypothèquent la vocation touristique de l'île.

* 6 La Martinique connaît des dizaines de coupures d'eau par an.

* 7 Source : Enquête emploi.

* 8 État, collectivité et acteurs économiques

* 9 Et cela via les exonérations de charges sociales, la prise en charge de dispositifs de qualification professionnelle des actifs ultramarins et spécifiquement des jeunes et l'accompagnement des entreprises et spécifiquement celles relevant de l'économie sociale et solidaire.

* 10 L'article 6 a été supprimé au cours de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

* 11 Mission d'inspection commune de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection des finances (IGF).

* 12 Il est à noter que, si la réforme des dispositifs d'allègements généraux et spécifiques de charges en faveur des entreprises venait à aboutir, les crédits de l'action 1, et donc de facto de l'ensemble de la mission, afficheraient une forte baisse pour le budget 2026.

* 13 Il existe trois régimes en fonction de la taille et du secteur d'activité de l'entreprise, permettant une exonération totale de charges patronales, pouvant atteindre 2 Smic, et des exonérations dégressives jusqu'à des seuils différents, pouvant aller jusqu'à 3,5 Smic.

* 14 Ainsi, par rapport au PLFI pour 2024, la baisse est de 20,74 % en AE, et de 23,27 % en CP, le Gouvernement faisant le choix de ne pas reconduire les 259 M€ d'AE et 131 M€ de CP supplémentaires votés pour le seul programme 123 dans le cadre du débat parlementaire de l'an dernier.

* 15 L'action 1 « Logement  » voit ses AE baisser de près de 11 %, l'action 2 « Aménagement du territoire  » affiche une baisse de près de 63 %, l'action 3 « Continuité territoriale  » de 17,5 %, l'action 4 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports  » de près de 52 %, l'action 6 « Collectivités territoriales  » de 40 %, l'action 7 « Insertion économique et coopération régionale affiche une stabilité et l'action 9 « Appui à l'accès aux financements bancaires  » voit ses crédits diminuer de 66 %.

* 16 Voir la seconde partie du présent avis.

* 17 Mesures 27 et 47 du Ciom.

* 18 Article 236 de la loi°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 19 Le document de restitution des conclusions du Ciom indique à ce titre que le taux de natifs de 15 à 64 ans résidant hors de leur région de naissance s'élève à 44 % pour la Guadeloupe et la Martinique (2021), ce qui est considérable.

* 20 Par ailleurs, les aides à la mobilité des étudiants ont été renforcées par le relèvement de certains seuils et taux de prise en charge, de même que l'aide à la continuité territoriale (ACT) a été ouverte à un public plus large par l'augmentation du plafond du quotient familial en deçà duquel les foyers sont éligibles. Enfin, des mesures visant à intervenir dans le cadre de violences intrafamiliales, et améliorer la mobilité des personnes en situation de handicap et des talents issus des milieux sportifs, universitaires et culturels ont également été mises en place.

* 21 Le Plom 2 comptait 77 mesures réparties en quatre axes : mieux connaître et mieux planifier pour mieux construire, adapter l'offre aux besoins des territoires, maîtriser les coûts de construction et de réhabilitation, accompagner les collectivités en matière de foncier et d'aménagement. Selon l'USH, citant un rapport de fin 2023 de l'IGEDD, le taux de mise en oeuvre des mesures du plan est estimé à 80 %.

* 22 Le Plom 2 devait initialement s'étaler sur la période 2019-2022. Il a été prolongé pour 2023, afin de permettre son évaluation.

* 23 Contribution écrite de l'USH.

* 24 Il s'agit de l'objectif de la loi Érom, le Plom 2 ne s'étant pas risqué à chiffrer les objectifs de production, quand le Plom 1 fixait un objectif de 10 000 logements par an.

* 25 Comme le souligne l'Insee dans sa contribution écrite : « Dans les départements d'outre-mer (DOM) hors Mayotte, le parc de logements augmente plus rapidement qu'en France métropolitaine. Cependant, le rythme ralentit également : +1,6 % en moyenne par an entre 2010 et 2024, contre +2,4 % entre 2000 et 2010 et +2,9 % entre 1982 et 2000 ».

* 26 Réunion, Martinique, Guadeloupe.

* 27 Mayotte, Guyane.

* 28 À noter qu'il semble possible d'agir sur la vacance. Ainsi, dans sa contribution écrite, la Caisse des dépôts et consignations habitat (CDCH) indique que la diminution du taux de vacance des logements gérés par leurs Sidom et SEM a permis de remettre 2 000 logements vacants sur le marché.

* 29 Citons le rapport d'information du 17 septembre 2024 fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur la coopération et l'intégration régionales des outre-mer volet 1 : bassin océan Indien, par MM. Christian Cambon, Stéphane Demilly et Georges Patient, le rapport d'information du 1er juillet 2021 fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur la politique du logement dans les outre-mer, par M. Guillaume Gontard, Mme Micheline Jacques et M. Victorin Lurel, ou encore le rapport d'information du 29 juin 2017 fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur les normes en matière de construction et d'équipements publics dans les outre-mer, par M. Éric Doligé, rapporteur coordonnateur, Mmes Karine Claireaux et Vivette Lopez, rapporteurs,

* 30 https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2023-0207_FR.html

* 31 https://videos.senat.fr/video.4830407_67313f04438b7.budget-2025--audition-de-valerie-letard

* 32 À noter que l'ensemble ne sera pas consommé, la dynamique étant une consommation de +35 M€ par rapport à 2023, en octobre 2024.

* 33 14 projets au titre du NPNRU, répartis dans les cinq Drom, pour un volume total de 2 910 logements sociaux et logements privés indignes à démolir, 1 000 logements privés à recycler, 6 100 logements neufs à produire, dont 1 530 logements sociaux hors site, 4 046 logements à résidentialiser et 2 300 à réhabiliter (source : contribution écrite de l'Anru).

* 34 10,1 Mds d'euros sont versés à l'Anru dans le cadre du NPNRU (3,3 Mds€ en prêts, 6,6 Mds€ en subventions, sur 14,1 Mrds€).

* 35 Successeur du 1% logement.

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