N° 146

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées (1)
sur le projet de loi de finances,
considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

TOME XI

SÉCURITÉS

Gendarmerie nationale (Programme 152)

Par MM. Philippe PAUL et Jérôme DARRAS,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. Joël Guerriau, Jean-Baptiste Lemoyne, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury,
Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, André Guiol, Ludovic Haye,
Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi,
Ronan Le Gleut, Claude Malhuret, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot,
MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Le projet de loi de finances pour 2025 fait porter un effort important sur l'investissement immobilier et sur le renouvellement du parc de véhicules légers, après deux années quasi-blanches. C'est incontestablement une bonne nouvelle, les rapporteurs ayant manifesté leur vive préoccupation à cet égard lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024. Cependant, nous sommes encore loin de ce qui serait nécessaire pour maintenir le parc immobilier domanial à un niveau d'entretien satisfaisant et pour lancer de grands projets. La trajectoire de l'immobilier sera l'un des grands sujets de la gendarmerie pour les prochaines années.

Autre sujet de préoccupation, l'absence de recrutements nets, également prévue dans la police nationale, qui remet en cause la trajectoire prévue par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Elle risque de mettre un coup d'arrêt au déploiement des 239 nouvelles brigades commencé en octobre 2023. À ce jour, 80 brigades ont été mises en place, 57 nouvelles sont prévues sur l'exercice 2025.

I. UN RÉEL EFFORT SUR L'INVESTISSEMENT ET LE FONCTIONNEMENT

La hausse globale du budget de la gendarmerie nationale, en conformité avec la trajectoire prévue par la Lopmi, est marquée, avec 11,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 10,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), contre 10,9 milliards en AE et 10,4 mds en CP dans la loi de finances initiales pour 2024 - soit une augmentation de 500 millions d'euros. Le maintien de cette trajectoire dans un contexte budgétaire aussi contraint est un vrai motif de satisfaction.

De plus, contrairement à l'année dernière, ou une augmentation équivalente avait en réalité été largement absorbée par les dépenses de personnel au titre des diverses mesures de revalorisation issues du Beauvau de la sécurité (290 millions d'euros) et par l'inflation (100 millions d'euros), cette année c'est le « hors titre 2 » qui bénéficie de l'essentiel de la hausse. Les crédits du titre 2 ne sont en hausse que de 80 millions d'euros, qui correspondent à la prise en compte en année pleine des mesures de revalorisation et du schéma d'emploi positif.

A. APRÈS UNE ANNÉE 2024 QUASI-BLANCHE, L'INVESTISSEMENT IMMOBILIER ET EN MOYENS MOBILES EST RELANCÉ...

Les 500 millions d'euros d'augmentation du « hors titre 2 » ont été principalement consacrés à l'investissement, qui bénéficie d'une augmentation de 218 millions d'euros en AE et 129 millions d'euros en CP.

1. Immobilier : réamorcer la pompe

Cette hausse considérable finance d'abord la relance de l'investissement immobilier, grand oublié des deux derniers exercices. L'exercice 2024 avait été une quasi-année blanche, avec 50 millions d'euros en AE et surtout 13,4 millions d'euros de CP engagés pour les nouvelles opérations immobilières.

Or le besoin annuel en investissement immobilier, incluant les acquisitions et constructions, la maintenance-réhabilitation et les opérations immobilières en partenariat public-privé, d'abord estimé par les services de la gendarmerie à 300 millions d'euros, a été revalorisé à 400 millions pour tenir compte de deux éléments : l'inflation des coûts de construction - environ 30% depuis 2012 - et des dépenses de sécurisation des casernes de plus en plus importantes : le montant des travaux de sécurisation est estimé à 300 millions d'euros, selon le rapport consacré par notre collègue Bruno Belin, de la commission des finances, à l'immobilier de la gendarmerie nationale1(*).

Cette année, les crédits d'investissement immobilier ont été portés à 295,2 millions d'euros en AE - le signe d'une volonté de « réamorcer la pompe » de l'investissement, et 175,5 millions d'euros en CP.

Le programme immobilier inclut 120 millions d'euros de maintenance non spécialisée, « notamment un plan d'urgence permettant de traiter des points noirs immobiliers relatifs à la sécurité des biens et des personnes et de réinvestir sur la sécurisation des casernes2(*) ». L'urgence est réelle, avec 649 casernes domaniales dont les logements ont 51 ans en moyenne, les locaux de service et techniques 58 ans3(*).

Il comprend également 180 millions d'euros consacrés aux opérations de construction et de maintenance spécialisée :

· 70 millions au titre d'opérations de réhabilitation,

· 17,5 millions au titre d'opérations de réhabilitation avec extension ou déconstruction,

· 57 millions au titre d'opérations de construction, qui incluent 22,8 millions d'euros d'études,

· 3 millions en AE et 5,9 millions en CP au titre de l'amorçage du marché de partenariat de Versailles-Satory.

A plus long terme, la programmation immobilière sera dominée par quatre projets structurants :

· celui de Satory, où sont hébergés le groupement blindé de la gendarmerie nationale (GBGM) et le GIGN, avec la réhabilitation d'un millier de logements et la construction de plus de 200 autres, pour un coût estimé de 600 millions d'euros ;

· celui de Dijon, qui comprend l'école de gendarmerie et le quartier Deflandre, caserne très vétuste, pour un coût de 200 millions d'euros ;

· celui du COMGEND (commandement de la gendarmerie) de Mayotte, pour un coût de 164 millions d'euros,

· celui de Melun, avec la rénovation du quartier Lemaître et la restructuration de l'académie militaire de la gendarmerie nationale, pour un coût de 400 millions d'euros.

2. Moyens mobiles : un effort bienvenu

Un effort a également été consenti sur les moyens mobiles, avec 119,8 millions d'euros en AE et en CP qui permettront d'acquérir 1 850 véhicules légers l'an prochain. C'est beaucoup, comparé aux 7 millions d'euros l'an dernier qui ont servi à acquérir 185 véhicules, dont 160 pour doter les nouvelles brigades - autrement dit, la quasi-totalité du parc existant a vieilli d'un an. Mais c'est environ la moitié de ce qui serait nécessaire pour maintenir l'âge du parc à son niveau actuel, sachant qu'il est nécessaire de renouveler l'ensemble du parc tous les dix ans environ. Rappelons qu'au regard des zones dans lesquelles intervient la gendarmerie, le véhicule est, plus encore que dans la police, un composant essentiel de la mission du gendarme.

B. ... MAIS RESTE INSUFFISANT POUR RÉSOUDRE CE QUI EST UN PROBLÈME STRUCTUREL

1. Le lourd héritage du sous-investissement...

Au total, le rapport d'information de notre collègue Bruno Belin a mis en évidence une « dette grise », constituée du différentiel entre les besoins d'investissements annuels de 300 millions, puis 400 millions d'euros et les investissements réalisés, de 2,2 milliards d'euros sur dix ans :

Source : commission des finances du Sénat

Ce sous-investissement constant s'est accompagné d'un recours de plus en plus fréquent au locatif, notamment grâce à deux décrets : celui du 28 janvier 1993 qui permet aux collectivités de participer au financement d'immeubles destinés à la gendarmerie avec un concours de l'État, et celui du 26 décembre 2016 qui s'applique aux organismes publics d'habitations à loyer modéré (OPHLM), avec la garantie financière des collectivités.

2. ... et le poids croissant des loyers

Le locatif, qui revient à terme plus cher que le domanial, présente en revanche l'avantage de ne pas comporter de coûts d'amorçage. C'est ainsi en opportunité qu'il a été décidé de recourir au locatif pour le logement des 239 nouvelles brigades (voir plus loin). Ainsi, sur les 923 millions d'euros que la gendarmerie nationale a consacrés en 2023 à son parc immobilier, 64 % étaient constitués par les loyers - soit 590 millions d'euros en CP. Cette dépense non pilotable représentait ainsi en 2023 38% du total du « hors T2 », ce qui réduit considérablement les marges de manoeuvre du responsable du programme. En 2024, l'enveloppe loyers consommée s'élevait à 603 millions d'euros - contre 497 millions d'euros en 2019, c'est-à-dire une hausse de 21,3%. Pour 2025, l'enveloppe sera de 628 millions d'euros.

Au-delà des conséquences financières, le recours au locatif auprès des collectivités et des OPHLM présente également des difficultés intrinsèques liées à l'absence de révision des coûts-plafonds, indice utilisé pour fixer le loyer versé aux collectivités et OPHLM qui s'engagent dans la construction de casernes4(*). Ces coûts-plafonds sont révisés chaque trimestre en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction (ICC) publié par l'Insee, mais celui-ci ne tient pas compte des coûts spécifiques aux exigences de sécurisation des emprises de la gendarmerie. De l'aveu même de la direction générale de la gendarmerie nationale, les coûts-plafonds applicables sont inférieurs de 30% à 50% aux coûts réels supportés par le maître d'ouvrage5(*), ce qui a évidemment un effet puissamment désincitatif pour les collectivités, à l'heure où elles sont sollicitées pour l'implantation des 239 nouvelles brigades.

Un groupe de travail associant les ministères de l'intérieur et des finances formé en 2019 a donc recommandé une révision des conditions financières pour les collectivités et OPHLM. Or la révision des coûts-plafonds n'a toujours pas eu lieu. Le général Christian Rodriguez, alors DGGN, s'était pourtant déclaré optimiste quant à la parution prochaine du décret lors de son audition par l'Assemblée nationale le 11 octobre 2023. Les rapporteurs ne peuvent donc que s'associer au rapporteur Bruno Belin de la commission des finances pour réclamer une révision rapide des coûts-plafonds, qui, si elle entraînera un renchérissement de 3 à 5 millions d'euros par an des loyers, est indispensable pour impliquer les collectivités et les OPHLM dans une relation de confiance avec la gendarmerie - confiance qui a pu être ébranlée par ailleurs par le non-paiement de loyers intervenu en fin d'année 2024 (voir encadré).

Le retard de paiement des loyers de certaines casernes : un dangereux précédent

Le ministère de l'intérieur a annoncé, le 8 octobre, que la gendarmerie avait suspendu le paiement des loyers de certaines casernes aux collectivités. La première raison est la crise en Nouvelle-Calédonie, qui a fortement mobilisé la gendarmerie et représente, selon le responsable du programme, un coût estimé, hors titre 2, de 127 millions d'euros. La seconde est une sous-estimation importante des dépenses consacrées à la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques : l'évaluation initiale était de 89 millions d'euros, les dépenses finales ont été de 122 millions d'euros.

Dans un cadre de sous-budgétisation du « hors T2 » dans la loi de finances pour 2024, et de la priorité donnée à l'activité opérationnelle, il a été décidé de suspendre le paiement de certains loyers sur les mois de septembre, octobre et novembre. Le report porte exclusivement sur les bailleurs institutionnels de métropole, au nombre de 5 079, pour un montant total de 90,1 millions d'euros de loyers suspendus.

Cette situation devrait être résolue sous réserve du vote de la loi de fin de gestion, qui permettra de mettre à disposition du responsable du programme les crédits nécessaires.

Cet incident de gestion a des conséquences sur trois plans :

- des conséquences financières, avec 1,6 million d'euros de pénalités de retard attendues ;

- des conséquences sur la confiance des collectivités envers la gendarmerie, alors qu'elles seront particulièrement sollicitées pour le logement des 239 nouvelles brigades ;

- des conséquences d'image auprès du grand public : la nouvelle a eu un large écho, écornant la réputation de fiabilité et de solidité de la gendarmerie nationale.

3. Explorer des montages alternatifs

Il conviendrait donc d'inverser la tendance en recourant, lorsque cela est possible, aux marchés de partenariat ; ce cadre juridique, qui a succédé aux AOT/LOA6(*) avec l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, porte une forme de partenariat public/privé qui présente l'avantage de lisser les coûts, tout en garantissant, à terme, le retour en propriété à la gendarmerie. À cet égard, les rapporteurs notent avec satisfaction que le marché de partenariat est l'option privilégiée pour le projet de Versailles-Satory, l'opération la plus structurante pour l'immobilier de la gendarmerie dans les prochaines années.

Pour le locatif, une solution est également à l'étude par la Caisse des dépôts et consignations pour le financement de constructions de casernes par les collectivités et leur prise à bail par la gendarmerie. C'est le système de la redevance transparente, déjà utilisé dans le logement social, où le loyer payé par le locataire est égal aux annuités payées par le bailleur pour financer le bâtiment, auxquelles s'ajoutent une provision pour financer les travaux à venir et ses coûts annexes (TFPB, frais de gestion)7(*). Cela permettrait de rationaliser la gestion du locatif,

Ils se félicitent également de l'annonce d'une « programmation budgétaire triennale voire quinquennale » qui permettra de « lister de manière priorisée les investissements immobiliers à réaliser » puis de les intégrer aux schémas directeurs immobiliers régionaux »8(*). Cette annonce est complétée et confirmée par celle du nouveau DGGN, le général Bonneau, lors de son audition du 13 novembre 2024 devant le Sénat : « J'ai demandé au directeur des soutiens et des finances d'élaborer un schéma directeur de l'immobilier qui intègre non seulement la partie domaniale, mais aussi la partie locative ». Au-delà des moyens financiers, un véritable pilotage de l'immobilier de la gendarmerie est une urgence et une nécessité.

II. MAIS UN COÛT D'ARRÊT DANS LA PROGRESSION DES EFFECTIFS

Au total, le titre 2 de ce projet de budget n'est pas mal servi, avec 5 milliards d'euros hors CAS pensions, soit une hausse de 83 millions par rapport à la LFI 2024. Cette augmentation couvre la hausse des rémunérations en application des mesures catégorielles dites « coups partis », correspondant à l'extension en année pleine des mesures mises en oeuvre en 2024 - notamment la refonte de la grille indiciaire des sous-officiers. Cependant, le schéma d'emplois à zéro en 2025 (soit aucun recrutement net) est le véritable point noir de ce projet de budget. En effet, il brise la trajectoire de recrutement dessinée par la Lopmi et compromet la montée en puissance des effectifs qui doit accompagner la création des 239 brigades.

1. Une attrition relative des effectifs de la gendarmerie
a) Une baisse marquée des effectifs suivie d'une reprise lente, qui n'a pas suivi l'augmentation de la population

La gendarmerie a subi, au tournant des années 2000 et 2010, une diminution importante de ses effectifs du fait de choix politiques. Entre 2007 et 2014, elle a ainsi perdu environ 5 000 ETPT ; le mouvement s'est ensuite inversé pour revenir à peu près, en 2024, au niveau d'effectifs de 2007.

Mais compte tenu de la courbe d'évolution de la population en zone gendarmerie, on compte aujourd'hui 2,9 gendarmes pour 1 000 habitants, contre 3,2 en 2007. Pour la police nationale les évolutions depuis 2007 ont été semblables, mais avec une chute moins marquée et une reprise plus rapide : les taux sont respectivement de 4,5 et 4,7.

Source : gendarmerie nationale

b) La Lopmi : une trajectoire de remontée, mais plus progressive en gendarmerie que dans la police

La Lopmi a prévu une évolution marquée des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale ; mais la première a réalisé l'essentiel de la trajectoire (86%) au cours des deux premières années d'exécution, contre 55% pour la seconde.

La montée en puissance des effectifs devait ainsi accompagner le déploiement des 239 brigades, ce qui supposait un effort de formation soutenu et régulier. De ce point de vue, la direction générale de la gendarmerie nationale a fait l'objet d'un satisfecit de la Cour des comptes dans son analyse d'exécution budgétaire de la mission « Sécurités » publiée en avril 2024 : « Le schéma d'emplois pour 2023 était le plus ambitieux depuis 2016 » avec 950 postes ; mais « la gendarmerie nationale est parvenue en schéma d'emplois comme prévu, car elle avait anticipé la montée en puissance du commandement des écoles de la gendarmerie nationale pour absorber les incorporations ». La gendarmerie a ainsi, globalement, respecté ses schémas d'emplois depuis dix ans.

c) 239 brigades : le coup d'arrêt

Pour servir les 57 brigades qui doivent être créées au cours de l'exercice 2025, il était prévu de flécher 464 des 500 créations d'emplois prévues par la Lopmi.

En ETP

2023

2024

2025

2026

2027

Schéma d'emplois par annuité

950

1045

500

400

645

Dont 239 Brigades

0

690

464

385

605

Réalisation

955

ND*

     

Dont 239 Brigades

0

ND*

     

Source : gendarmerie nationale

Cet objectif est clairement remis en cause par le schéma d'emplois nul prévu pour 2025 - d'autant que la montée en puissance des effectifs doit aller de pair avec l'effort de formation dans les écoles de gendarmerie, étant entendu que l'on ne saurait déployer vers ces nouvelles brigades des effectifs présents ailleurs, alors même que les trous à l'emploi sont déjà nombreux en gendarmerie départementale. Il est donc malaisé de procéder à des rattrapages l'année suivante pour tenir le calendrier quinquennal de la Lopmi.

Le ministre de l'intérieur a toutefois souligné à deux reprises, lors de son audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale, puis par la commission des lois du Sénat le 12 novembre, son intention d'obtenir une modification du schéma d'emplois. L'autre hypothèse, en cas de schéma d'emplois nul ou incomplet, serait d'échelonner le déploiement des brigades au-delà du terme de la Lopmi, soit 2027.

Pour 2025, si les 57 nouvelles brigades prévues ne devaient être réalisées que partiellement, priorité serait donnée aux collectivités s'étant déjà engagées dans des projets. Le responsable du programme indique ainsi que « 37 collectivités ont déjà engagé des dépenses et/ou obtenu un agrément ministériel de programme immobilier (API) pour les 159 brigades restant à créer »9(*) ; surseoir à ces projets, dans les cas où les locaux seraient déjà disponibles, impliquerait des coûts supplémentaires et ne serait pas compréhensible pour les collectivités concernées.

Dans ces conditions, une évolution du schéma d'emplois est indispensable afin de permettre le déploiement des brigades, qui sont très attendues par les collectivités.

2. Réserves : un appoint indispensable, une baisse préoccupante

Dans le contexte de mobilisations multiples de la gendarmerie nationale, voire de sur-sollicitation de certains corps comme la gendarmerie mobile, dont le taux d'emploi a atteint les 100% au cours de l'été, la réserve de la gendarmerie nationale assume un rôle de plus en plus important. Les réservistes, lorsqu'ils sont convoqués, disposent des mêmes droits et obligations qu'un militaire d'active en matière d'usage des armes, d'accès aux systèmes d'information et d'habilitations judiciaires.

Or la réserve a elle aussi connu un coup d'arrêt dans ce PLF pour 2025 : alors que son budget avait entamé une trajectoire de hausse depuis 2022, il passe de 90 millions d'euros (113,6 millions en comptant la mobilisation exceptionnelle pour les JOP) à 75,6 millions d'euros, soit une baisse de 16%. Autrement dit, la trajectoire de hausse des effectifs de la réserve jusqu'à 50 000 en 2027, au terme de la Lopmi, est sérieusement compromise. Déjà en avril 2024, la Cour des comptes constatait dans son analyse de l'exécution budgétaire concernant cet objectif qui implique le recrutement de 3 800 réservistes supplémentaires par an - 6 000 par an pour la police - « les objectifs que se sont assignés les deux forces apparaissent peu réalistes à ce stade. »

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Effectifs R0110(*)

30 301

29 183

29 284

31 414

31 482

33 211

35 916

 

Jours/ESR11(*)

24,6

16,3

19,2

20,2

22,8

26,6

26,7

 

Enveloppes

98,7

98,7

70,7

70,7

70,7

84,7

113,6

75,6

Source : gendarmerie nationale

Pour 2025, il faudra donc faire un choix entre une réduction du nombre de recrutements, et une réduction du nombre de jours d'emploi, avec le risque de démotiver les réservistes.

3. Focus sur le dispositif de lutte contre l'immigration illégale et clandestine (LIIC) sur les côtes de la Manche/mer du Nord

Les rapporteurs se sont intéressés cette année à un dispositif dans lequel la réserve est particulièrement sollicitée : la lutte contre l'immigration illégale et clandestine sur les côtes de la Manche et de la mer du Nord. Cette façade est en effet devenue le principal point de franchissement maritime vers un État hors de l'Union européenne ; même si le nombre de tentatives a baissé d'environ 30% en 2023, il reste à un niveau élevé, avec 1 400 tentatives à ce stade en 2024.

À ce jour, le dispositif de surveillance du littoral, visant à empêcher en amont l'embarquement dans les bateaux, implique 441 réservistes par jour, pour une cible à 473 au 1er avril 2025. Ils constituent donc la grande majorité des effectifs impliqués, qui comprennent également 150 gendarmes départementaux et 72 gendarmes mobiles. L'emploi de ces réservistes est financé par le Royaume-Uni dans le cadre des accords de Sandhurst.

Ce dispositif illustre bien le degré d'intégration de nos réservistes dans les missions de la gendarmerie, car loin de constituer une force de seconde ligne, ils sont employés dans des conditions particulièrement dures sur le littoral, avec une organisation de passeurs qui se professionnalise et ne recule devant rien, n'hésitant pas à se servir d'enfants comme boucliers contre l'intervention des gendarmes. Ils sont également confrontés à des méthodes de plus en plus sophistiquées, comme l'emploi de « taxi boats » qui récupèrent les candidats au passage sur les rives des fleuves côtiers ou sur la côte afin d'empêcher l'intervention, qui ne peut se dérouler qu'à terre - en mer. L'interception ne peut relever que d'une action de sauvetage. Là aussi les passeurs savent employer la ruse en se signalant en difficulté tout en refusant le secours proposé, aux seules fins de se faire accompagner par les moyens de l'État.

La réserve est donc un élément indispensable du dispositif global de la gendarmerie, même si l'on peut s'interroger sur son emploi dans des conditions aussi dures. Une baisse de son budget, qui se répercute inévitablement sur le nombre de jours effectués, risque de déboucher sur une équation impossible à tenir, entre doctrine de l'aller-vers, sollicitations de plus en plus nombreuses et variées, stagnation des effectifs et réduction de la force d'appoint.

Plus largement, un point sur l'exécution de la Lopmi côté gendarmerie serait bienvenu, alors que nous approchons de la mi-parcours, car la trajectoire de croissance des effectifs a incontestablement été cassée. De plus, la gestion des effectifs inspire les mêmes remarques que celles sur la gestion immobilière : même s'ils résultent directement de la contrainte budgétaire, les à-coups constatés sont en contradiction avec l'objectif de mise en oeuvre d'une vision stratégique portée par la Lopmi.

Ces réserves faites, les rapporteurs recommandent l'adoption des crédits du programme 152, eu égard au contexte dégradé des finances publiques et à la volonté du Gouvernement d'engager un effort de redressement de l'investissement immobilier.

Le mercredi 27 novembre 2024, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités » dans le projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 27 novembre 2024, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Sécurités » - programme 152 -Gendarmerie nationale.

M. Philippe Paul, co-rapporteur. - Cette année, la hausse globale du budget de la gendarmerie nationale, en conformité avec la trajectoire prévue par la Lopmi, est marquée, avec 11,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 10,9 milliards d'euros en crédits de paiement, contre 10,9 milliards en AE et 10,4 mds en CP dans la loi de finances initiales pour 2024 - soit une augmentation de 500 millions d'euros. Le maintien de cette trajectoire dans un contexte budgétaire difficile est un vrai motif de satisfaction. Ce chiffre global recouvre néanmoins une situation assez binaire que l'on pourrait résumer ainsi : effort sur l'investissement, coup d'arrêt sur les effectifs. Je m'arrêterai sur le premier point, et mon co-rapporteur Jérôme Darras sur le second.

En effet, contrairement à l'année dernière, où l'augmentation des crédits avait été largement absorbée par les dépenses de personnel au titre des diverses mesures de revalorisation issues du Beauvau de la sécurité et par l'inflation, cette année c'est le « hors titre 2 », et principalement l'investissement, qui bénéficie - enfin - de l'essentiel de la hausse.

L'investissement immobilier avait été le grand oublié des deux derniers exercices. 2024, surtout, avait été une quasi-année blanche, avec 50 millions d'euros en autorisations d'engagement et surtout 13,4 millions d'euros de crédits de paiement engagés pour les nouvelles opérations immobilières - alors que le besoin d'investissement annuel est désormais estimé par la gendarmerie elle-même à 400 millions d'euros.

Cette année, les crédits d'investissement immobilier sont portés à 295,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 175,5 millions d'euros en crédits de paiement. C'est le signe d'une véritable volonté de « réamorcer la pompe » : la réinjection de crédits financera notamment un plan d'urgence de maintenance pour résorber les « points noirs » du parc immobilier, à hauteur de 120 millions d'euros, et 180 millions des opérations de construction et de maintenance spécialisée : 70 millions pour des opérations de réhabilitation, 17,5 millions pour des opérations de réhabilitation avec extension ou déconstruction, et 57 millions pour des opérations de construction notamment.

À plus long terme, quatre projets structurants entreront dans la programmation immobilière, à Satory au bénéfice du GIGN et du GBGM, à Melun, à Mayotte et à Dijon.

Il faut évidemment se féliciter de cet effort notable, car on connaît l'importance du casernement, qui est intimement lié à la condition militaire du gendarme et à sa capacité à intervenir en tout lieu et en toute heure. Le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Bonneau, a reconnu lui-même lors de son audition par notre commission que les conditions de logement de certains de nos gendarmes étaient indignes.

Pourtant, cet effort n'est toujours pas suffisant, puisqu'il y a loin des 295 millions d'euros de crédits de paiement aux 400 millions d'euros nécessaires.

De plus, il faudrait que l'effort financier s'accompagne d'un effort comparable en direction des collectivités. Celles-ci seront très sollicitées dans le cadre du déploiement des 239 nouvelles brigades, toutes en locatif, or les conditions financières des montages immobiliers ne sont pas satisfaisantes. Les coûts-plafonds, qui déterminent le montant maximum des loyers versés aux collectivités propriétaires des logements, sont inférieurs de 30 à 50% aux coûts réels supportés par le maître d'ouvrage ; et le décret devant réviser ces coûts, recommandé depuis 2019 par un groupe de travail interministériel sur le sujet, n'a toujours pas été publié.

L'incident de gestion de la suspension du paiement de certains loyers, annoncée en octobre, n'aura pas contribué à renforcer la confiance entre la gendarmerie et les collectivités. En raison des coûts imprévus liés à la situation en Nouvelle-Calédonie - 127 millions - et du dérapage lié à la sécurisation des Jeux olympiques (122 millions contre 89 millions initialement prévus), il a été décidé de suspendre le paiement des loyers à environ 5 000 collectivités propriétaires de casernes, pour un montant total de 90 millions d'euros. Le paiement devrait intervenir au mois de décembre, grâce à la loi de fin de gestion qui débloquera les crédits nécessaires, assorti de pénalités d'environ 1,6 million d'euros. Mais au-delà du coût financier, ce retard de paiement est un coup de canif à la relation de confiance entre la gendarmerie et les collectivités.

Concernant l'investissement en moyens de mobilité, le tableau est très similaire : un réel effort, avec des crédits à 104 millions euros en autorisations d'engagement et 106 millions en crédits de paiement, après une année quasi-blanche. Mais il ne financera que 1 850 véhicules, soit la moitié des besoins d'investissement annuel pour maintenir le parc en l'état.

Au total, s'il y a de quoi se satisfaire de l'effort consenti en matière d'investissement, les motifs d'inquiétude restent nombreux pour l'avenir. Ce « stop and go » d'une année sur l'autre est incompatible avec une vision à long terme de l'immobilier de la gendarmerie, pourtant seul moyen d'éviter une dégradation irrémédiable du parc et un glissement vers le locatif, qui coûtera plus cher et privera le gestionnaire de ses marges de manoeuvre.

Il existe néanmoins des pistes d'amélioration. On peut déjà se féliciter de l'annonce, par le directeur général de la gendarmerie nationale, d'un schéma directeur de l'immobilier lors de son audition par notre commission - reste à déterminer quelles formes prendra ce schéma, et surtout s'il s'accompagnera d'un financement à la hauteur.

Il conviendra également d'imaginer de nouveaux montages financiers avantageux à la fois pour la gendarmerie et pour les constructeurs. Les marchés de partenariat, qui consistent à confier le financement d'un projet immobilier à un acteur économique, qui se rémunère par le versement d'une redevance par la gendarmerie nationale pendant une période donnée jusqu'au retour en propriété à l'État, est une solution à privilégier pour les opérations de grande ampleur. Il devrait être utilisé pour les projets structurants de Satory, Melun, Mayotte et Dijon.

Une solution est également à l'étude par la Caisse des dépôts et consignations pour le financement de constructions de casernes par les collectivités et leur prise à bail par la gendarmerie. C'est le système de la redevance transparente, déjà utilisé dans le logement social, où le loyer payé par le locataire est égal aux annuités payées par le bailleur pour financer le bâtiment, auxquelles s'ajoute une provision pour financer les travaux à venir et ses coûts annexes (TFPB, frais de gestion).

Au fond, la trajectoire budgétaire de la gendarmerie ressemble à un mouvement de balancier : soit on finance les augmentations d'effectifs en sacrifiant l'investissement immobilier, soit, comme cette année, on fait porter l'effort sur l'investissement en gelant les augmentations prévues par la Lopmi. Ce n'est pas une situation satisfaisante, mais il n'y a pas de solution miracle. Nous vous proposerons donc d'adopter les crédits du programme 152, avec les limites que moi-même et mon co-rapporteur aurons détaillées.

M. Jérôme Darras, co-rapporteur. - De prime abord, le titre 2 de ce projet de budget de la gendarmerie apparaît correctement doté, avec 5 milliards d'euros hors Compte d'affectation spécial pensions, soit une hausse de 83 millions par rapport à la Loi de finances initiale 2024. Mais cette augmentation ne couvre en fait que la hausse des rémunérations, en application des mesures catégorielles dites « coups partis », correspondant à l'extension en année pleine des décisions mises en oeuvre en 2024 - notamment la refonte de la grille indiciaire des sous-officiers.

Cela signifie en conséquence un coup d'arrêt marqué au mouvement de reconstitution des effectifs engagé en 2012, après une période d'attrition des forces de sécurité intérieure. Cette reconstitution a été lente car on compte aujourd'hui le même nombre de gendarmes qu'en 2007, mais avec 3,5 millions d'habitants supplémentaires, soit 2,9 gendarmes pour 1 000 habitants, contre 3,2 en 2007. Elle a été sanctuarisée par la Lopmi, qui prévoyait des schémas d'emploi positifs respectivement de 950, puis 1045, 500, 400 et enfin 645 ETP sur les cinq années de programmation, dans une volonté affirmée de retour à la proximité et de déploiement de la doctrine de « l'aller vers ».

La plus grande partie de ces nouveaux effectifs a été fléchée sur le déploiement des 239 nouvelles brigades annoncées par le Président de la République et déployées à partir de l'exercice 2024. Sur les 500 emplois prévus initialement en 2025, 464 devaient alimenter les 57 nouvelles brigades prévues par le plan de charge initial.

Or le schéma d'emplois est finalement à zéro, avec 12 970 entrées prévues, dont 10 701 primo-recrutements, pour 12 970 départs anticipés. Ce coup d'arrêt est d'autant plus dommageable qu'il est difficile ensuite de combler le retard, l'appareil de formation par exemple devant en effet monter en charge de manière anticipée et coordonnée avec les recrutements.

Monsieur le ministre de l'Intérieur a exprimé à deux reprises, lors de ses auditions par la commission des finances de l'Assemblée nationale, puis par la commission des lois du Sénat le 12 novembre, son intention d'obtenir une modification de ce schéma d'emplois. La suite de la discussion budgétaire nous éclairera donc sur la mise en oeuvre effective du déploiement des brigades, qu'il ne nous semble ni raisonnable, ni compréhensible de suspendre pour les communes d'implantation identifiées. Mon co-rapporteur a montré avant moi combien la relation de confiance entre la gendarmerie et les communes a besoin d'être renforcée. Elle est d`autant plus nécessaire, alors que les quelque 3000 casernes que la gendarmerie occupe hors parc domanial appartiennent le plus souvent à des collectivités ou à des organismes HLM, et que les communes ne peuvent déduire la TVA sur l'opération de construction et sont aujourd'hui confrontées aux contraintes budgétaires sans précédent imposées par ce projet de loi de finances.

Pour le cas où le plan de charge initial ne serait pas respecté, priorité serait donnée aux communes qui ont déjà entrepris les démarches d'accueil ; 37 sont dans cette situation. Un étalement serait alors envisagé au-delà du terme prévu de 2027.

Le second sujet de préoccupation concernant les effectifs est la baisse très marquée du budget de la réserve, là encore en contradiction avec la trajectoire prévue dans le cadre de la Lopmi. L'objectif fixé pour 2027 est en effet de 50 000 réservistes. En 2024, nous en étions à un peu moins de 36 000 avec un budget de 90 millions d'euros hors mobilisation pour les Jeux olympiques et paralympiques. En 2025, les crédits alloués passent à 75,6 millions d'euros, soit une baisse significative de 16 %.

C'est d'autant plus dommageable que la réserve assume un rôle de plus en plus important au sein de la gendarmerie. Elle est plus particulièrement sollicitée lors des évènements de grande ampleur, comme on l'a constaté à l'occasion des jeux olympiques et paralympiques, événements qui tendent à se multiplier. Plus généralement, elle assume la plus grande partie du spectre des missions de la gendarmerie nationale, à l'exception des opérations programmées de maintien de l'ordre. La baisse du budget obligera à opérer un choix : soit reconnaître que l'objectif de 50 000 réservistes, que la Cour des comptes jugeait déjà irréaliste dans son analyse de l'exécution budgétaire 2023, ne sera pas tenu, soit diminuer le nombre de jours annuels effectués, au risque d'un effet délétère sur la motivation de nos réservistes.

Avec mon collègue, nous avons souhaité plus particulièrement étudier un dispositif dans lequel la réserve est significativement sollicitée : la lutte contre l'immigration illégale et clandestine sur les côtes de la Manche et de la Mer du Nord. Cette façade maritime est en effet devenue le principal point de franchissement vers un État hors de l'Union européenne. Si le nombre de tentatives de franchissement a baissé d'environ 30 % en 2023, il reste à un niveau élevé, avec depuis le début de l'année 53 000 tentatives individuelles, 34 000 passages et malheureusement le record de 71 décès enregistrés.

Le dispositif de surveillance du littoral, visant à empêcher en amont l'embarquement dans les bateaux, implique 441 réservistes par jour, pour une cible à 473 au 1er avril 2025. Ils constituent donc la grande majorité des effectifs déployés, qui comprennent également 150 gendarmes départementaux et un escadron de 72 gendarmes mobiles.

Il est à souligner que l'emploi de ces réservistes est financé par le Royaume-Uni dans le cadre des accords de Sandhurst.

Cet exemple illustre le degré d'intégration de nos réservistes dans l'ensemble des missions de la gendarmerie. Loin de constituer une force de seconde ligne, ils sont ici employés dans des conditions particulièrement difficiles, avec une organisation de passeurs qui se professionnalise, employant de plus gros bateaux et n'hésitant pas à user de violence ou à se servir d'enfants comme boucliers contre l'intervention des gendarmes. Ils sont également confrontés à des méthodes de plus en plus sophistiquées, comme l'emploi de « taxi boats » qui récupèrent les candidats au passage sur les rives des fleuves côtiers ou sur la côte afin de compliquer l'intervention. Celle-ci ne peut en effet se dérouler qu'à terre, l'interception en mer ne pouvant relever que d'une action de sauvetage. Ensuite, les passeurs n'ont plus qu'à se signaler en difficulté, tout en refusant le secours proposé, aux seules fins de se faire accompagner par les moyens de l'État jusqu'aux limites des eaux britanniques.

La réserve apparaît donc bien comme une composante indispensable à la gendarmerie, y compris dans des conditions d'emploi les plus dures.

En conclusion, un point général sur l'exécution de la Lopmi pour la gendarmerie serait bienvenu, alors que nous approchons de la mi-parcours, afin d'évaluer si les à-coups constatés résultant des contraintes budgétaires, dans la trajectoire des effectifs ou dans la gestion immobilière, comme le souligne mon co-rapporteur, ne remettent pas en cause l'objectif de mise en oeuvre de la vision stratégique initiale.

En l'attente, nous préconisons un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme.

M. Jean-Pierre Grand. - Arrêtons de dire que ce sont les mairies qui doivent mettre la main à la poche pour le terrain, ceci ou cela. Ce n'est plus l'ingénierie financière d'aujourd'hui ! Tous les outils sont disponibles pour que la construction de gendarmeries rapporte un peu d'argent aux communes. Il y a de grands opérateurs - avant la société nationale immobilière (SNI), aujourd'hui CDC Habitat - qui savent le faire, et les communes ne devraient pas s'en charger à leur place.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 23 octobre 2024 :

M. François Desmadryl, chef du bureau des soutiens et des finances de la Gendarmerie nationale

Mardi 5 novembre 2024 :

Conseil de la Fonction Militaire de la Gendarmerie (CFMG)

Mercredi 6 novembre 2024 :

Général de division Frédéric Boudier, adjoint au major général de la Gendarmerie nationale, sur le déploiement des 239 nouvelles brigades

Mardi 26 novembre 2024 :

Général de corps d'armée André Pétillot, major général de la Gendarmerie nationale, et général de division Frédéric Boudier, major général adjoint, sur le dispositif de lutte contre l'immigration illégale et clandestine (LIIC) en Manche/mer du Nord

ANNEXE 1

ANNEXE 2

LE DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION ILLÉGALE ET CLANDESTINE MANCHE/MER DU NORD

Montée en puissance du dispositif réservistes gendarmerie Sandhurst

1 = Mises en échec par FSI + échecs en mer / Données DNPAF arrêtées au 27/10 - 2 = Données DZOE Nord et Ouest (pas de comparatif 2022-2023 : changement mode de calcul ) -

3 = Données gendarmerie (Infocentre BI - MIS OPS 01)


* 1 Rapport d'information sur l'immobilier de la gendarmerie nationale, adopté par la commission des finances le 10 juillet 2024.

* 2 Réponse à un questionnaire adressé par les rapporteurs à la direction des soutiens et des finances de la gendarmerie nationale.

* 3 Données issues du rapport d'information sur l'immobilier de la gendarmerie nationale.

* 4 Respectivement dans le cadre fixé par la circulaire du 28 janvier 1993 relative aux conditions de prise à bail par l'État des locaux destinés aux unités de gendarmerie départementale, édifiés par les collectivités territoriales, et celui du décret du 26 décembre 2016 relatif aux conditions de réalisation et de financement d'opérations immobilières par les offices publics de l'habitat et les sociétés d'habitations à loyer modéré financées par des prêts garantis par les collectivités territoriales et leurs groupements, destinées aux unités de gendarmerie nationale, aux forces de police nationale, aux services départementaux d'incendie et de secours et aux services pénitentiaires.

* 5 Selon le rapport sur l'immobilier de la gendarmerie nationale.

* 6 Autorisations temporaires d'occupation du domaine public assorties d'une location avec option d'achat, créées par la loi d'orientation pour la sécurité intérieure (Lopsi) du 29 août 2002.

* 7 Dans le prolongement du rapport sur l'immobilier de la gendarmerie nationale, la commission des finances

* 8 Réponse au questionnaire adressé par les rapporteurs à la direction des soutiens et des finances.

* 9 Réponse au questionnaire adressé à la direction générale de la gendarmerie nationale

* 10 Réserve opérationnelle de niveau 1.

* 11 Personnel sous contrat d'engagement à servir dans la gendarmerie (ESR), acronyme qui désigne les réservistes.

Partager cette page