EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 4 décembre 2024 sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission des affaires sociales a examiné le rapport pour avis de Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis, sur le projet de loi de finances pour 2025 (mission « Régimes sociaux et de retraite » et compte d'affectation spéciale « Pensions »).

M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons trois rapports pour avis dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

Nous commençons par l'examen du rapport de Mme Gruny sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » du PLF pour 2025.

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ». - Dans le cadre de ce PLF pour 2025, il me revient de présenter le rapport sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le CAS « Pensions ». Les dépenses de ces programmes servent à équilibrer des régimes de retraite déficitaires en raison d'un ratio démographique défavorable, de surcroît accentué par la fermeture de plusieurs d'entre eux.

L'évolution des crédits budgétaires dévolus dépend, d'une part, de l'évolution démographique - soit du nombre de départs en retraite et de décès - et, d'autre part, de la revalorisation annuelle des pensions sur l'inflation, qui influe sur le montant des pensions. Nous avons entièrement réécrit l'article 23 du PLFSS pour 2025, de sorte que les prévisions de dépenses, effectuées sur l'hypothèse d'une revalorisation des pensions au 1er juillet à un taux de 1,8 %, devront être révisées. La tendance baissière de l'inflation nous assure toutefois que la revalorisation des pensions sera nécessairement moindre qu'au 1er janvier 2024 ; pour rappel, celle-ci s'élevait à 5,3 %, ce qui explique la baisse de crédits de nombreux programmes.

Je présenterai d'abord les évolutions notables du financement de la mission « Régimes sociaux et de retraite », dont presque l'ensemble des régimes sont désormais fermés, à l'exception de celui des marins, de la Comédie-Française et de l'Opéra national de Paris. Au titre de l'année 2025, la mission bénéficie de 5,9 milliards d'euros de crédits, soit une augmentation de 3,5 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024.

Permettez-moi de m'attarder un instant sur les régimes de la SNCF et de la RATP, qui figurent dans le programme 198 et représentent 69 % des crédits de la mission. Si ces régimes sont fermés depuis le 1er janvier 2020 pour la SNCF et le 1er septembre 2023 pour la RATP, ils continuent de percevoir le versement des cotisations des agents affiliés avant la fermeture, et conservent la responsabilité du versement des pensions de ceux qui sont désormais retraités. Les nouveaux agents de la SNCF et de la RATP sont maintenant affiliés à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et à l'Agirc-Arrco, qui perçoivent leurs cotisations sans avoir à financer leurs pensions avant plusieurs décennies ; cela justifie que celles-ci reversent une compensation à ces régimes.

L'année 2025 sera marquée par l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien, qui relevait jusqu'à présent du monopole de la RATP. Les agents transférés dans des entreprises concurrentes pourront conserver le bénéfice de leur régime spécial. Il n'est donc pas certain que le montant des crédits alloués varie substantiellement dans les années à venir.

Jusqu'à l'année dernière, le financement de ces régimes était assuré par trois flux distincts : la compensation généralisée vieillesse ou compensation démographique, versée par des régimes de retraite excédentaires afin d'en équilibrer d'autres ; la compensation de la fermeture des régimes de la SCNF et de la RATP par l'Agirc-Arrco et la Cnav ; et une subvention d'équilibre versée par l'État.

L'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2024 a réformé le financement de l'ensemble des régimes spéciaux mis en extinction, pour les intégrer progressivement au régime général. Désormais, ces trois flux sont remplacés par une subvention d'équilibre versée par la Cnav, qui reste elle-même bénéficiaire d'une contribution versée par l'Agirc-Arrco et d'une subvention d'équilibre versée par l'État.

Si je me félicite que la mission renseigne toujours le montant de la subvention versée par la Cnav - cela n'était pas acquis l'année dernière et ne le sera pas non plus à l'avenir -, je déplore le fait qu'il ne soit désormais plus possible de suivre la subvention d'équilibre versée par l'État à la Cnav, à savoir la part de financement issue de la solidarité nationale.

Enfin, les effets à court terme de la réforme des retraites de 2023 ne sont pas significatifs pour les régimes de transport terrestre, dont les affiliés partent à la retraite après l'âge d'ouverture légal. Ces effets devraient être plus marqués à mesure de la montée en charge de la réforme.

La mission mentionne également, dans le cadre de son programme 197, les subventions allouées par l'État au régime de retraite des marins ; l'État équilibre le régime à hauteur de 75 %. Ce dernier confère des avantages certains, qualifiés de « hors normes » par la Cour des comptes dans son rapport annuel de mai 2023 sur les LFSS, et entraînant des dépenses « disproportionnées ». Les cotisations, en effet, sont calculées selon un taux unique, sur la base des annuités validées, et ouvrent des droits à pension dès trois mois de cotisations. Plus de la moitié des pensions liquidées par l'Établissement national des invalides de la marine (Enim) le sont ainsi pour une durée médiane d'affiliation de trois ans et demi. Une réflexion sur le maintien de certains de ces avantages pourrait être menée dans le cadre de la convergence entre les régimes de retraite actuellement en cours.

Le programme 195 répertorie les crédits de divers régimes de retraite fermés, dont le nombre de pensionnés diminue progressivement jusqu'à leur extinction, comme le régime des mines et celui de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (Seita). Depuis 2024, les régimes de la Comédie-Française et de l'Opéra national de Paris ont également été transférés dans ce programme, selon une logique de rassemblement des régimes spéciaux percevant des subventions d'équilibre. Leur financement est en hausse, en raison d'une dégradation du ratio démographique de la caisse de retraites des personnels de l'Opéra national de Paris. Par ailleurs, ils sont tous deux exclus de la réforme des retraites de 2023.

Le second volet de mon avis budgétaire concerne le CAS « Pensions ». Celui-ci retrace les opérations relatives aux pensions et aux avantages accessoires gérés par l'État. Ses recettes et ses charges sont respectivement en hausse de 3,5 % et 1,33 % par rapport à la LFI de 2024.

Dans le détail, 95 % des dépenses du CAS sont attribuées au programme 741, relatif aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État. Or, le solde budgétaire annuel de ce programme est désormais déficitaire, et cette tendance doit s'aggraver à l'avenir. Selon les projections de la direction du budget, ce déficit s'élèvera à 1,107 milliard d'euros en 2025 ; 1,567 milliard d'euros en 2026 et 2,026 milliards d'euros en 2027. Cette évolution s'explique par la politique de réduction de la masse salariale de la fonction publique menée depuis plusieurs années, conjuguée à l'augmentation du nombre de retraités et à la hausse du montant moyen des pensions revalorisées sur l'inflation. Si les effets positifs de la réforme des retraites sont visibles et que le nombre de départs en retraite se contracte progressivement, cela n'est toutefois pas suffisant pour juguler l'augmentation des dépenses.

Or, le CAS « Pensions » est soumis par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) à une obligation d'équilibre, en vertu de laquelle son solde budgétaire cumulé doit être excédentaire en tout instant. Jusqu'en 2021, le CAS enregistrait des soldes annuels excédentaires, portés par la dynamique vertueuse d'une faible inflation, du relèvement des taux de contribution employeur de l'État, et de la montée en charge de la réforme des retraites de 2010.

Cette tendance s'est inversée depuis 2022, et le CAS enregistre désormais des soldes annuels déficitaires de plus en plus importants. Le déficit s'élevait à 500 millions d'euros en 2023, et s'est aggravé en 2024, à hauteur de 3,5 milliards d'euros, en raison de la forte revalorisation des pensions sur l'inflation. Les prévisions de 2024 projetaient un solde cumulé déficitaire dès 2025. Cela justifie l'augmentation de 4 points du taux de contribution employeur au titre des personnels civils dans le PLF pour 2025, qui s'élèvera ainsi à 78,28 %. Selon la direction du budget, la hausse d'un point de taux permet d'augmenter les recettes du CAS « Pensions » de 550 millions d'euros en 2025 - soit 2,022 milliards d'euros au total, et une hausse de 6,7 % par rapport à l'exécution de 2023.

Cette mesure, couplée à l'économie projetée d'une moindre revalorisation des pensions sur l'inflation, permettra ainsi de redresser provisoirement la trajectoire du solde cumulé du CAS, qui restera toutefois déficitaire à l'horizon 2027.

Nous ne pouvons nous satisfaire d'un tel sursis, d'autant que les prévisions de revalorisation sur l'inflation ne sont désormais plus d'actualité. Dans ce contexte, une refonte du mode de financement du CAS me semble nécessaire. Le relèvement du taux de contribution employeur de l'État, dont les documents budgétaires indiquent qu'il pourrait être réitéré à court terme, ne peut être le seul levier pour maintenir le solde cumulé du CAS « Pensions » à un niveau excédentaire.

À l'aune de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ». Comme je l'ai déjà indiqué l'année dernière, nous ne pouvons faire obstacle au paiement des pensions des assurés des régimes spéciaux et des fonctionnaires. Je formule néanmoins des réserves relatives, d'une part, à la nécessaire actualisation des dépenses sur l'hypothèse de revalorisation des pensions finalement retenue et, d'autre part, à la fragilité de la situation du CAS « Pensions », au regard de son obligation de solde cumulé excédentaire. Si je me félicite que le périmètre de la mission reste inchangé et que le Parlement puisse toujours suivre les crédits d'équilibres alloués par la Cnav aux régimes fermés, je souhaite que la comptabilité soit plus transparente et qu'elle renseigne clairement le montant de la subvention d'équilibre versée par l'État à la Cnav.

Mme Monique Lubin. - Je partage la nécessité de transparence sur le montant de la subvention d'équilibre versée par la Cnav.

Nous nous abstiendrons sur le vote de cette mission. Nous partageons l'idée d'abonder les comptes pour verser les pensions mais, par cette abstention, nous montrons notre désaccord concernant la non-revalorisation des pensions au 1er janvier 2025.

Le CAS « Pensions » mérite des explications et un débat. L'État et les collectivités locales paient les salaires et les retraites des fonctionnaires. Ces sommes doivent être inscrites au budget. Si le CAS « Pensions » est déficitaire, l'État devra compenser.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - À l'origine, tous les retraités devaient bénéficier d'une revalorisation de leur pension ; finalement, après discussion, seules les petites retraites sont aujourd'hui concernées. Si la motion de censure devait être votée cet après-midi, toutes les retraites seraient revalorisées au 1er janvier 2025, ce qui serait une bonne nouvelle.

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis. - Madame Lubin, il serait intéressant d'avoir un débat sur le CAS « Pensions ». Le système, en effet, est très complexe.

M. Philippe Mouiller, président. - Je propose d'élargir le débat au fonctionnement du Fonds de réserve pour les retraites (FFR) et de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

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