- L'ESSENTIEL
- I. LES DÉPENSES EN FAVEUR DE LA
SOLIDARITÉ ET DE L'INCLUSION FONT L'OBJET D'UN EFFORT SOUTENU DANS UN
CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT
- A. DES DÉPENSES DYNAMIQUES DU FAIT DES
REVALORISATIONS SUCCESSIVES DE PRESTATIONS
- B. LE PÉRIMÈTRE DE LA MISSION
ÉVOLUE À LA FAVEUR DU REGROUPEMENT DES PROGRAMMES DE SOUTIEN
DES MINISTÈRES SOCIAUX
- C. UNE QUESTION RÉCURRENTE À
L'ÉCHELLE DE LA MISSION : LA NON-COMPENSATION DES EXTENSIONS DU
SÉGUR SUR LES SALAIRES
- A. DES DÉPENSES DYNAMIQUES DU FAIT DES
REVALORISATIONS SUCCESSIVES DE PRESTATIONS
- II. INCLUSION SOCIALE : UN PROGRAMME DONT LES
CRÉDITS SONT MAINTENUS AU SOUTIEN DES PLUS VULNÉRABLES
- A. PRIME D'ACTIVITÉ ET RSA : UNE
DIMINUTION DES DÉPENSES PERMISE PAR LES PREMIÈRES
AVANCÉES DE LA SOLIDARITÉ À LA SOURCE
- B. PROTECTION DES PERSONNES
VULNÉRABLES : UN EFFORT BUDGÉTAIRE SOUTENU DANS UN CONTEXTE
DE CRISE RENCONTRÉE PAR LES DÉPARTEMENTS
- C. LE RALENTISSEMENT DE L'INFLATION SUR LES
DENRÉES ET LE MAINTIEN DES CRÉDITS DÉDIÉS DOIT
PERMETTRE UNE AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES BANQUES
ALIMENTAIRES
- D. LA MISE EN PLACE DU SERVICE PUBLIC DE LA PETITE
ENFANCE : UNE AMBITION DONT LE FINANCEMENT PEINE À SE
CONCRÉTISER
- A. PRIME D'ACTIVITÉ ET RSA : UNE
DIMINUTION DES DÉPENSES PERMISE PAR LES PREMIÈRES
AVANCÉES DE LA SOLIDARITÉ À LA SOURCE
- III. HANDICAP ET DÉPENDANCE : UNE
SOUTIEN RENFORCÉ À L'INCLUSION DES PERSONNES ET AU RAPPROCHEMENT
DES DROITS DES SALARIÉS
- IV. ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES
HOMMES : UN RENFORCEMENT DE L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE POUR LES
PERSONNES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES
- I. LES DÉPENSES EN FAVEUR DE LA
SOLIDARITÉ ET DE L'INCLUSION FONT L'OBJET D'UN EFFORT SOUTENU DANS UN
CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
N° 147 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
TOME V SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES |
Par M. Laurent BURGOA, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de :
M. Philippe Mouiller, président ;
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale
; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou,
MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy
Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing,
Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ;
Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne
Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do
Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin,
M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère,
|
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
La commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Cette mission se distingue, dans un contexte budgétaire contraint, par un soutien renouvelé des dépenses en faveur de la solidarité.
Elle a également proposé l'adoption d'un amendement de crédits relatif au financement des établissements et services d'accompagnement par le travail afin de compenser le financement de la complémentaire santé des travailleurs en situation de handicap.
I. LES DÉPENSES EN FAVEUR DE LA SOLIDARITÉ ET DE L'INCLUSION FONT L'OBJET D'UN EFFORT SOUTENU DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT
A. DES DÉPENSES DYNAMIQUES DU FAIT DES REVALORISATIONS SUCCESSIVES DE PRESTATIONS
Pour 2025, les crédits de paiement demandés s'élèvent à 30,37 milliards d'euros - contre 30,38 milliards en autorisations d'engagement - ce qui représente une hausse à périmètre constant de 2,13 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Cette appréciation des crédits, qui correspond globalement à l'inflation, marque un effort particulier dans un contexte budgétaire contraint.
Cette mission totalise 5,86 % des crédits de paiement du budget général proposé dans le PLF, et les dépenses fiscales qui y sont rattachées de façon principale sont évaluées à 12,85 milliards d'euros, soit 42,33 % du montant total des dépenses budgétaires de la mission.
Rassemblant les crédits destinés à financer les politiques publiques visant à lutter contre la pauvreté, à défendre et inclure les personnes vulnérables et à renforcer l'égalité des droits, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est désormais quasi intégralement constituée de dépenses d'intervention - qui représentent 99,94 % des crédits de la mission. Cela explique également un taux d'exécution des crédits de 101,73 % en 2023, permis par l'ouverture de crédits supplémentaires par la loi de finances de fin de gestion de 2023.
B. LE PÉRIMÈTRE DE LA MISSION ÉVOLUE À LA FAVEUR DU REGROUPEMENT DES PROGRAMMES DE SOUTIEN DES MINISTÈRES SOCIAUX
La mission voit son périmètre changer, puisque le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », doté de 1,35 milliard d'euros en LFI 2024, a été fusionné au sein du programme 155 « Soutien des ministères sociaux » de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».
Les crédits sont donc répartis entre trois programmes, dont la charge budgétaire est principalement constituée de la prime d'activité, soit 10,46 milliards d'euros financés par le programme « Inclusion sociale et protection des personnes », et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH, 13,7 milliards d'euros) inscrite sur le programme « Handicap et dépendance ». À elles seules, ces deux prestations représentent plus de 81 % des crédits de la mission.
Le programme « Égalité entre les femmes et les hommes », qui finance notamment l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, ne représente que 0,28 % des crédits de la mission. Il ne totalise cependant pas l'ensemble des dépenses en faveur des droits des femmes, qui sont disséminées entre plusieurs missions, et se voient retracées au sein du document de politique transversale « Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes ». Ce document retrace près de 5,78 milliards d'euros de dépenses du budget général de l'État y concourant.
Répartition et évolution des crédits entre les programmes de la mission
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
Après une hausse marquée en 2024 à la faveur de l'inflation (+ 4,64 %), les crédits de la mission retrouvent leur progression tendancielle. Cette stabilité apparente est en réalité le fait de compensations internes :
- une baisse des dépenses liés à la prime d'activité (- 154 millions d'euros), qui tient à la fois à la stagnation du nombre de bénéficiaires et à la diminution du risque d'indus permise par le déploiement du pré-remplissage des déclarations trimestrielles de ressources ;
- la mise en place d'un accompagnement financier des autorités organisatrices du service public de la petite enfance (SPPE) pour l'accueil du jeune enfant dans le cadre de la réforme issue de la loi du 18/12/2023 pour le plein emploi (+ 86 millions d'euros) ;
- le financement de la montée en charge de la tarification sociale des cantines proposée par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents (+ 35,4 millions d'euros) ;
- la hausse de + 5 % des dépenses liées à l'allocation aux adultes handicapés (AAH), tenant à la fois à l'augmentation du nombre de bénéficiaires, à la revalorisation légale attendue au 1er avril et à l'impact de la mesure de déconjugalisation déjà entrée en vigueur.
C. UNE QUESTION RÉCURRENTE À L'ÉCHELLE DE LA MISSION : LA NON-COMPENSATION DES EXTENSIONS DU SÉGUR SUR LES SALAIRES
Le 18 juin dernier deux accords de la branche associative, sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass) ont été signés par les partenaires sociaux, puis étendus à l'ensemble de la branche par la ministre du Travail. Ces accords étendent à l'ensemble des salariés de la branche le bénéfice des mesures Ségur, soit 238 euros bruts mensuels, et s'applique de manière rétroactive au 1er janvier 2024. Au niveau national, cela représente 600 millions d'euros supplémentaires à la charge de la sécurité sociale, de l'État et des départements.
L'ensemble des représentants du secteur associatif, ainsi que des départements, se félicitent de cette avancée au profit du maintien du pouvoir d'achat de leurs salariés. Cependant, cette mesure n'a fait l'objet d'aucun abondement des dotations dévolues à ces entités. Cette absence de compensation par l'État des revalorisations salariales, pourtant décidées par le Gouvernement, pose question, tant sur la méthode que sur le principe. Par ailleurs, cette charge vient s'imposer aux départements qui voient déjà leur situation financière se dégrader du fait de leur mise à contribution grandissante dans le cadre de leurs compétences sociales.
Le rapporteur invite le Gouvernement à se saisir de ces enjeux dans le cadre des négociations annoncées avec les collectivités territoriales.
II. INCLUSION SOCIALE : UN PROGRAMME DONT LES CRÉDITS SONT MAINTENUS AU SOUTIEN DES PLUS VULNÉRABLES
A. PRIME D'ACTIVITÉ ET RSA : UNE DIMINUTION DES DÉPENSES PERMISE PAR LES PREMIÈRES AVANCÉES DE LA SOLIDARITÉ À LA SOURCE
Après des années d'augmentation du nombre de bénéficiaires de la prime d'activité portée par la reprise économique, celui-ci reste stable en 2025 avec 4,57 millions de foyers bénéficiaires. Parallèlement, la revalorisation légale de 1,9 % du revenu de solidarité active (RSA) attendue au 1er avril 2025 concernera également dans les mêmes proportions la prime d'activité.
Les montants proposés pour 2025, à hauteur de 10,31 milliards d'euros, conduisent pourtant à une baisse de 1,05 % par rapport à 2024. Cette baisse des crédits peut sembler paradoxale compte tenu des éléments évoqués plus tôt, mais s'explique en réalité grâce aux premières avancées du chantier de la solidarité à la source. La généralisation au 1er trimestre 2025 du pré-remplissage des déclarations trimestrielles de ressources pour les bénéficiaires du RSA et de la prime d'activité, actuellement expérimentée dans cinq départements, permettra de simplifier les démarches administratives des bénéficiaires, mais également de réduire le risque d'indus qui représentent près de 6 % des prestations versées à ce titre.
Parallèlement, les dépenses de RSA augmentent de 8,26 % :
- dans le cadre du transfert de la compétence RSA en outre-mer1(*) et de l'expérimentation ouverte en 20222(*) pour les départements de Seine-Saint-Denis, de l'Ariège et des Pyrénées-Orientales, elles représentent 147 millions d'euros de dépense supplémentaire compte tenu de l'augmentation attendue des bénéficiaires dans ces territoires ;
- en lien avec l'aide exceptionnelle de fin d'année, dont les 466 millions d'euros de crédits concernent près de 90 % des bénéficiaires du RSA.
B. PROTECTION DES PERSONNES VULNÉRABLES : UN EFFORT BUDGÉTAIRE SOUTENU DANS UN CONTEXTE DE CRISE RENCONTRÉE PAR LES DÉPARTEMENTS
• La mission consacre 893 millions d'euros à la protection juridique des majeurs en 2025, soit une hausse de 4,15 % des crédits, pour assurer le financement des services de mandataires, des mandataires individuels et d'action d'information et de soutien aux tuteurs familiaux (ISTF). Cette augmentation traduit à la fois l'augmentation attendue de la masse salariale sous l'effet de l'inflation et l'augmentation du nombre de mesures prononcées par les juges des contentieux de la protection. Ces crédits reprennent le bénéfice de l'amendement déposé par la commission des affaires sociales en 2024 visant à augmenter le nombre de mandataires judiciaires pour faire face au vieillissement de la population.
• Les crédits consacrés à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) s'élèvent à 101,3 millions d'euros pour 2025, en augmentation de 1 %. Ce financement correspond à la compensation aux départements des frais relatifs à la mise à l'abri et à l'évaluation de la minorité des mineurs non accompagnés (MNA) et pour les MNA confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) respectivement pour 66,2 millions d'euros et 35,1 millions d'euros.
Évolution du financement de la prise en
charge des MNA
par les départements (2021-2025)
Dans un contexte de situation dégradée des finances des départements, les crédits de la mission n'ont compensé que 75 % du flux de mineurs non accompagnés supplémentaires en 2023 par rapport à 2022.
• Par ailleurs, la mission finance également l'obligation pour les départements, prévue par la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, d'accompagner les jeunes majeurs de moins de 21 ans sortant de l'ASE. Cette compensation s'élève à 50 millions d'euros pour 2025, soit le même montant qu'en 2024, alors que les départements soulignent l'augmentation des dépenses en cause.
C. LE RALENTISSEMENT DE L'INFLATION SUR LES DENRÉES ET LE MAINTIEN DES CRÉDITS DÉDIÉS DOIT PERMETTRE UNE AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES BANQUES ALIMENTAIRES
En augmentation de 1,95 %, les crédits consacrés à l'aide alimentaire atteindraient 147 millions d'euros pour 2025. Cette hausse intervient après l'augmentation exceptionnelle en LFI pour 2024 (+ 20,6 %) qui visait à répondre à la crise inflationniste. Le prix des denrées alimentaires connaît une relative accalmie (+ 0,3 % selon l'Insee), permettant un peu de répit aux banques alimentaires après plusieurs années d'intense mise à contribution. Le rapporteur constate que les associations concernées se déclarent globalement satisfaites par le niveau des crédits, bien qu'elles alertent sur la nécessité de mise en oeuvre d'actions spécifiques sur les territoires ultramarins où le coût de la vie se renchérit.
Cependant ce maintien des crédits ne doit pas masquer l'aggravation de la précarité alimentaire en France, qui se traduit notamment par la hausse de la fréquentation des dispositifs proposés par les banques alimentaires. L'évolution du profil des personnes concernées demeure également préoccupante, avec une augmentation du nombre d'étudiants bénéficiaires de l'aide alimentaire, mais aussi de personnes en contrat à durée indéterminée (CDI).
de personnes ont eu recours |
des personnes ayant recours |
Le rapporteur se félicite également des progrès réalisés par les Banques alimentaires, en lien avec les services de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et France Agrimer, en matière de lots infructueux. La diminution de ces lots infructueux, dont la procédure de passation ne permet pas de mobiliser les fonds du programme européen du FSE+, assure une meilleure utilisation du soutien public.
Le programme « Mieux manger pour tous »
Créé en 2022 dans le cadre du Pacte des solidarité, le programme « Mieux manger pour tous » est un fonds d'aide alimentaire qui vise à renforcer la qualité nutritionnelle et gustative, ainsi que l'impact environnemental de l'aide alimentaire. Très apprécié par les banques alimentaires, il voit ses crédits augmenter de 10 millions d'euros dans le cadre de la présente mission.
Au niveau national il finance l'offre de l'aide en fruits, légumes, légumineuses et produits sous labels de qualité. Au niveau local, il finance des partenariats de solidarité alimentaire « producteurs-associations-collectivité » afin de développer l'innovation dans les territoires : expérimentations de chèques portées par les collectivités territoriales, financement de projets alimentaires territoriaux, couverture des zones blanches de l'aide alimentaire.
D. LA MISE EN PLACE DU SERVICE PUBLIC DE LA PETITE ENFANCE : UNE AMBITION DONT LE FINANCEMENT PEINE À SE CONCRÉTISER
Créé dans le cadre de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, le « Service public de la petite enfance » (SPPE) vise à faire des communes les autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant. Les communes de plus de 3 500 habitants se voient dotées de compétences obligatoires d'information des familles, de planification du développement et de soutien à la qualité d'accueil, tandis que l'État doit assurer la compensation financière de cette charge. Cette compensation financière s'élève donc pour l'année 2025, qui voit la mise en place du SPPE au 1er janvier, à 86 millions d'euros.
Le rapporteur souligne à ce titre l'incompréhension des intercommunalités face à la mise en oeuvre de cette réforme, dont les modalités de compensation ne semblent pas stabilisées - notamment dans le cas d'intercommunalités mettant en oeuvre cette compétence en l'absence de commune de plus de 3 500 habitants en leur sein.
III. HANDICAP ET DÉPENDANCE : UNE SOUTIEN RENFORCÉ À L'INCLUSION DES PERSONNES ET AU RAPPROCHEMENT DES DROITS DES SALARIÉS
A. LES DÉPENSES EN FAVEUR DE L'ALLOCATION ADULTES HANDICAPÉS CONNAISSENT UNE FORTE AUGMENTATION
Au sein du programme « Handicap et dépendance », les crédits dédiés au versement de l'AAH représentent 15,9 milliards d'euros pour 2025, soit une augmentation de 4,8 %. Cette dépense est haussière du fait de l'augmentation tendancielle du nombre de bénéficiaires et de la revalorisation légale au 1er avril - estimée à 2,3 % en 2025. La dynamique concerne particulièrement l'AAH 2, concernant les personnes présentant une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE). Ces dépenses augmentent aussi à la suite de la déconjugalisation de l'AAH, soutenue par le Sénat, qui a été mise en place par la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. L'exclusion des ressources du conjoint dans le calcul du montant de l'AAH se traduirait par une dépense de 299 millions d'euros supplémentaires en 2025.
Décomposition des facteurs d'augmentations de la dépense liée à l'AAH en 2025
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
Le rapporteur se félicite également des mesures prises en faveur de l'harmonisation des modalités de calcul de l'AAH pour les travailleurs en situation de handicap qui sont en établissement et service d'accompagnement par le travail (Ésat) ou en milieu ordinaire. Ce rapprochement doit en effet faciliter les transitions du milieu protégé vers le milieu ordinaire. Cependant, il souligne l'absence d'information suffisante auprès des personnes concernées, et notamment via un simulateur de ressources, qui permettrait de renforcer l'effet de cette mesure.
B. LES ÉSAT : UN MODÈLE DE FINANCEMENT À PÉRENNISER AU PLUS VITE
L'autre volet du programme « Handicap et dépendance » contribue également à soutenir les établissements et services d'accompagnement par le travail (Ésat) via l'aide au poste au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Les crédits consacrés s'établissent à hauteur de 1,59 milliard d'euros en 2025, en légère baisse par rapport à 2024 (- 0,93 %).
Au terme d'un plan de transformation peu concluant (2021-2023), les Ésat ont vu les mesures de rapprochement des droits sociaux de leurs travailleurs du droit des salariés en milieu ordinaire se succéder : droits collectifs fondamentaux, association aux travaux du comité social et économique, prise en charge des frais de transports domicile-travail, bénéfice des titres-restaurants et d'une complémentaire santé, etc.
Si le rapporteur, de même que les représentants d'Ésat auditionnés, se félicite de cette meilleure inclusion des travailleurs en situation de handicap dans le milieu professionnel, il constate cependant que la charge qui en découle fragilise encore la situation financière de ces établissements. La seule mise en place d'une complémentaire santé pour les travailleurs handicapés représente un coût de 338 euros annuel par travailleur pour les Ésat. Plus encore, un récent rapport d'inspection évalue le bénéfice de la mise en place d'un statut de quasi-salariat - envisagé dans la lettre de mission - à 96 euros par mois pour un travailleur d'Ésat, soit un surplus de dépense conséquent pour les employeurs.
Ces évolutions, qui sont à saluer, posent de manière accrue la question du bon fonctionnement, voire de la pérennité, des Ésat dont les finances sont particulièrement éprouvées.
Aussi le rapporteur propose-t-il d'adopter un amendement visant à compenser la moitié du coût de la complémentaire santé pour les Ésat, soit 18 millions d'euros, afin de sécuriser leur situation dans l'attente d'une réforme globale de leur modèle de financement.
IV. ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES : UN RENFORCEMENT DE L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE POUR LES PERSONNES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES
Les crédits du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » représentent 85 millions d'euros, en hausse de 9,96 % par rapport à 2024. Cette hausse est à relativiser dans la mesure où, à périmètre égal, c'est-à-dire sans la création de l'aide aux victimes de violences conjugales, les crédits seraient en baisse de 3,65 %.
A. L'AIDE UNIVERSELLE D'URGENCE POUR LES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES : UNE PROMESSE DE NOUVEAU DÉPART À RENFORCER
Créée à l'initiative du Sénat par la loi n° 2023-140 du 28 février 2023, l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales est destinée aux personnes victimes de violences commises par leur conjoint, leur concubin ou partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité. Elle vise à soutenir financièrement les victimes afin de permettre un départ le plus rapide possible de leur domicile, en pourvoyant aux dépenses nécessaires à cette mise en sûreté.
Cette aide ayant connu un recours important, les crédits consacrés sont augmentés de 7,4 millions d'euros pour 2025, soit une augmentation de 56 %.
Le rapporteur souligne que la réussite de la mise en oeuvre de l'aide universelle d'urgence tient en partie également au rôle d'accompagnement et d'information du secteur associatif. Il rejoint également le souhait de ces associations que le « pack nouveau départ » trouve une traduction rapide sur le terrain, afin d'accompagne dans la durée les victimes sur le chemin d'une reconstruction personnelle et d'une stabilité financière durable.
B. LES CCIDF : UN RÔLE À PRÉSERVER DANS LES TERRITOIRES
Les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CDIFF) sont financés à hauteur de 8 millions d'euros par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », soit le même niveau qu'en 2024.
Avec leurs 2 500 permanences dans l'ensemble du territoire, les CDIFF oeuvrent en faveur de l'information de de l'accompagnement des femmes pour faire valoir leurs droits, renforcer leur autonomie et garantir l'égalité. Comme les autres associations, les CDIFF voient leur trésorerie mise à mal par les revalorisations salariales dans le sillage de l'extension du Ségur. Le rapporteur appelle à une réponse coordonnée des différents financeurs de ce réseau d'associations afin de maintenir l'action en faveur des droits des femmes dans les territoires.
Réunie le mercredi 4 décembre 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a examiné le rapport pour avis de Laurent Burgoa sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2025.
Elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement n° II-1734 visant à garantir le financement de la complémentaire santé des travailleurs en Ésat par l'État.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 4 décembre 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport pour avis de M. Laurent Burgoa sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2025.
M. Philippe Mouiller, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis. - Il m'appartient de vous présenter les crédits alloués à cette mission dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Les crédits de paiement (CP) proposés pour la mission s'élèvent à 30,37 milliards d'euros, soit une hausse de 2,13 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Il s'agit d'une des rares missions qui, dans un contexte budgétaire contraint, sachant le risque qui pèse sur nos finances publiques, connaît une augmentation de ses moyens à la mesure de l'inflation.
Cette mission représente près de 5,86 % des crédits du budget général de l'État. Cela dénote un effort important, mais nécessaire, puisque les conséquences des crises sociales et économiques survenues continuent de peser sur nos concitoyens.
Rassemblant les crédits destinés à financer de nombreuses politiques publiques, visant à lutter contre la pauvreté, à défendre et inclure les personnes vulnérables et à renforcer l'égalité des droits, le périmètre de la mission évolue cette année. Dans un objectif de rationalisation, le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », doté de 1,35 milliard d'euros en LFI 2024, a fusionné avec le programme 155 « Soutien des ministères sociaux » de la mission « Travail et emploi ».
La mission s'avère ainsi, pour une large part, constituée de dépenses d'intervention ; à elles seules, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d'activité représentent plus de 81 % des crédits de la mission. Cette prépondérance des dépenses d'intervention se traduit également par un taux d'exécution des crédits de 101,73 % en 2023, autorisé par l'ouverture de crédits supplémentaires dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion (LFG).
Au sein du programme « Inclusion sociale et protection des personnes », doté de 14,26 milliards d'euros au total, les crédits inscrits au titre de la prime d'activité s'élèvent à 10,31 milliards d'euros, pour la première fois en baisse depuis la reprise économique après la crise sanitaire. L'effectif des bénéficiaires reste stable et atteint 4,57 millions de foyers en 2025 ; cela s'explique par un ralentissement de l'amélioration des conditions du marché du travail.
Dans ces conditions, et compte tenu de la revalorisation légale attendue au 1er avril, la baisse de crédits peut sembler paradoxale. Elle trouve son explication dans les premières avancées du chantier de la solidarité à la source. Lors de son audition devant notre commission, le ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes a confirmé la généralisation au premier trimestre 2025 du préremplissage, actuellement expérimenté dans cinq départements, des déclarations trimestrielles de ressources pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et de la prime d'activité. Ce préremplissage doit permettre de faciliter les démarches administratives et de réduire le taux de non-recours ; il aboutira également à une réduction du risque d'indus qui représentent encore près de 6 % des prestations versées.
Sur le plan de la protection juridique des majeurs, j'ai la satisfaction de vous annoncer que la hausse de 4,15 % des crédits intègre le bénéfice de l'amendement déposé par la commission des affaires sociales l'année dernière. Cela doit permettre de répondre à l'augmentation du nombre de mesures prononcées par les juges des contentieux de la protection, sous l'effet du vieillissement de la population.
Les crédits liés à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) s'élèvent à 101,3 millions d'euros, en augmentation de 1 % par rapport à l'année dernière. Ces crédits concourent à la fois à la compensation aux départements des frais relatifs à la mise à l'abri et à l'évaluation de la minorité des MNA, ainsi qu'au financement d'une partie du coût des MNA confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE).
De l'audition des représentants des départements de France, il ressort ce que nous constatons tous sur nos territoires : la mise à contribution des départements dans le domaine social, et les compensations partielles des charges directes et indirectes de l'exercice ont fortement dégradé la situation de leurs finances. Cette situation appelle une réponse structurelle, qui dépasse le cadre de nos travaux mais ne saurait être ignorée.
Les crédits consacrés à l'aide alimentaire augmentent de 1,95 % et atteignent 147 millions d'euros. Cette hausse peut sembler limitée après les 20 % d'augmentation en 2024, mais elle traduit le ralentissement de l'inflation sur les denrées alimentaires, qui devrait atteindre 0,3 % selon l'Insee. Cette relative accalmie est bienvenue pour les banques alimentaires, rudement éprouvées durant les dernières années, même si celle-ci ne doit pas masquer la persistance de la précarité alimentaire en France, avec une augmentation du nombre d'étudiants et de retraités bénéficiaires de l'aide.
Une attention particulière doit également être portée aux territoires d'outre-mer. Les banques alimentaires ont indiqué que la problématique de la vie chère dans ces territoires rendait d'autant plus nécessaire leur action, en dépit des limites de leurs moyens. Je salue l'effort de celles-ci pour fiabiliser leurs procédures d'achats ; cela a permis de limiter le nombre de lots infructueux, qui ne permettent pas de mobiliser les fonds européens.
Enfin, le programme « Inclusion sociale » finance pour la première fois la mise en place du service public de la petite enfance (SPPE), créé par la loi pour le plein emploi. Lors de notre audition commune avec le rapporteur de la branche famille et la rapporteure de la loi pour le plein emploi, nous avons constaté que les nouvelles compétences obligatoires, dont sont dotées les communes de plus de 3 500 habitants, étaient le plus souvent déjà investies par les édiles. Une clarification par les services de l'État doit intervenir au sujet des intercommunalités exerçant ces compétences en l'absence de commune de plus de 3 500 habitants en leur sein.
Une problématique concerne l'ensemble des acteurs du secteur médico-social, qu'ils soient associatifs ou liés aux collectivités locales. Le 18 juin dernier, deux accords de la branche associative, sanitaire, sociale et médico-sociale (BASSMS) ont été signés par les partenaires sociaux, puis étendus à l'ensemble de la branche par la ministre du travail. Ces accords permettent à l'ensemble des salariés de la branche de bénéficier des mesures du Ségur, soit 238 euros bruts mensuels ; la mesure s'applique de manière rétroactive au 1er janvier 2024. Au niveau national, cela représente 600 millions d'euros supplémentaires à la charge de la sécurité sociale, de l'État et des départements pour la seule année 2024.
Tous les représentants du secteur associatif, ainsi que des départements, se sont félicités de cette avancée au profit du maintien du pouvoir d'achat de leurs salariés. Cependant, cette mesure n'a fait l'objet d'aucun abondement des dotations, et cette absence de compensation par l'État des revalorisations salariales, pourtant décidées par le Gouvernement, questionne tant sur la méthode que sur le principe. Une réflexion est à mener prochainement afin de pérenniser les acteurs de la solidarité dans nos territoires.
Au sein du programme « Handicap et dépendance », les dépenses en faveur de l'AAH connaissent cette année encore une forte augmentation, de 4,8 %, pour atteindre 15,9 milliards d'euros. Cette dynamique concerne particulièrement l'AAH 2, en faveur des personnes présentant une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE). Cette tendance naturelle est renforcée par la « déconjugalisation » de l'AAH, dans la mesure où l'exclusion des ressources du conjoint dans le calcul du montant se traduit par une dépense de 299 millions d'euros supplémentaires en 2025.
Plus récemment, des mesures d'ordre réglementaire ont été prises en faveur de l'harmonisation des modalités de calcul de l'AAH pour les travailleurs en situation de handicap en établissement et service d'aide par le travail (Ésat) ou en milieu ordinaire. Cette évolution, qui trouve sa traduction budgétaire en 2025, doit permettre de faciliter les transitions du milieu protégé vers le milieu ordinaire. Cependant, les associations auditionnées ont souligné que l'information auprès des personnes concernées n'était pas suffisante, et que l'absence d'un simulateur de ressources ne permettait pas aux personnes en situation de handicap d'anticiper les effets de leurs choix dans le monde du travail. Par ailleurs, l'harmonisation des modalités de calcul doit être renforcée, notamment concernant les différences subsistantes entre la caisse d'allocations familiales (CAF) et la Mutualité sociale agricole (MSA).
L'autre action du programme « Handicap et dépendance » permet le financement des Ésat via l'aide au poste, au titre de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH). Les crédits consacrés s'établissent à hauteur de 1,59 milliard d'euros, en légère baisse de 0,93 %, par rapport à 2024.
Les Ésat ont connu un plan de transformation peu concluant, et ont vu au fil des années se succéder les mesures de rapprochement des droits sociaux de leurs travailleurs du droit des salariés en milieu ordinaire : garantie des droits collectifs fondamentaux ; prise en charge des frais de transports domicile-travail ; bénéfice des titres-restaurant, puis d'une complémentaire santé.
Plus récemment, un rapport d'inspection invite à la mise en place d'un statut de quasi-salarié. Nous ne pouvons que nous féliciter du renforcement des droits des travailleurs en situation de handicap, et de leur meilleure inclusion dans le collectif de travail. Cependant, ces avancées ne peuvent se réaliser au prix de la stabilité financière des établissements. La seule mise en place d'une complémentaire santé représente un coût annuel de 338 euros par travailleur, auquel s'ajoutent les 96 euros mensuels en cas de mise en place du scénario préconisé par le rapport. Ce dernier précise qu'une telle décision conduirait 55 % des Ésat à être en situation déficitaire à la fin de l'année 2025.
Il est temps de poser la question de la pérennité du modèle financier des Ésat ; je suis convaincu que les travaux des rapporteures de la mission d'évaluation de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, permettront de trouver des pistes en ce sens. D'ici là, je vous propose d'adopter un amendement visant à compenser le seul coût de la complémentaire santé pour les Ésat, soit 18 millions d'euros, afin de les soutenir dans l'attente d'une réforme structurelle de leur modèle de financement.
Enfin, les crédits du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » s'élèvent à 85 millions d'euros, en hausse de 3,65 % par rapport à l'année dernière. Ce programme ne totalise cependant pas l'ensemble des dépenses en faveur des droits des femmes, disséminées entre plusieurs missions et retracées au sein du document de politique transversale « Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes » ; dans ce document, il est précisé que près de 5,78 milliards d'euros de dépenses, au sein du budget général de l'État, y concourent.
Au sein de la mission, l'augmentation est principalement portée par le recours à l'aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales (AVVC), créée sur l'initiative du Sénat. Les premiers retours font état de 26 000 bénéficiaires au 1er juillet 2024, dont plus de 99 % se sont vus proposer une aide non remboursable.
La réussite de la mise en oeuvre de cette aide tient en majeure partie au rôle d'accompagnement et d'information du secteur associatif. Espérons maintenant que les annonces faites au sujet du pack nouveau départ trouveront une traduction rapide sur le terrain, afin d'accompagner les victimes sur le chemin d'une reconstruction personnelle et d'une stabilité financière.
Les crédits de cette mission traduisent une ambition forte en faveur de l'inclusion sociale et de l'égalité. Ils sont le reflet d'un engagement politique au service des plus vulnérables. À l'issue de cet examen, j'émets un avis favorable aux crédits de la mission, et je propose l'adoption d'un amendement augmentant de 18 millions d'euros les crédits de l'action « Allocations et aides en faveur des personnes handicapées ».
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le principe de la solidarité à la source a permis d'économiser 800 000 euros. Les erreurs liées à des indus étaient suffisamment traumatisantes pour que certains renoncent à la prestation. À ce titre, avec M. Savary, dans le cadre de notre rapport sur la solidarité à la source, nous avions préconisé de flécher le financement vers des actions spécifiques contre le non-recours. En luttant contre le non-recours, on lutte contre la pauvreté.
Concernant les Ésat, nous sommes favorables au rapprochement des droits. À l'époque, un tiers des Ésat étaient en difficulté ; aujourd'hui, dans la mesure où nous n'avons rien fait, on estime que plus de la moitié le sont. Il s'agit de mieux anticiper et de prévoir, dans un premier temps, un accompagnement financier ; votre amendement va dans ce sens.
Sur le sujet du Ségur, après l'accord en juin dernier et l'extension de la convention collective unique étendue (CCUE) en septembre, demeure un manque d'anticipation. De nouveau, il s'agira d'intervenir pour prendre en charge la compensation. On sait, par exemple, que le Ségur hospitalier n'a pas été financé. La convention collective de l'aide à domicile attend toujours son Ségur, et nous en sommes encore à nous demander qui devra compenser. Auparavant, un régime dérogatoire prévoyait que 100 % des besoins étaient financés par l'État ; désormais, il semblerait que l'on se tourne vers les collectivités territoriales.
Mme Annie Le Houérou. - Les augmentations de crédits sont en trompe-l'oeil. Il s'agit le plus souvent de droits nouveaux ; je pense notamment à la « déconjugalisation » de l'AAH, avec une augmentation mécanique des besoins. Sur de nombreux programmes, on observe même une baisse des crédits.
Les Ésat ne bénéficient d'aucune hausse des crédits, alors même que ces établissements connaissent d'importantes difficultés et que les nouveaux droits ne sont pas financés.
L'AAH 2 concerne les personnes en situation de handicap avec un taux d'incapacité de 50 % à 79 %. Pendant deux ans, les bénéficiaires ont cumulé cette allocation avec la RSDAE. Cette disposition n'a pas été reconduite au printemps dernier. Avez-vous des éléments sur le sujet ? Après le succès des jeux Olympiques et Paralympiques, il est nécessaire d'accroître nos efforts pour réduire les inégalités de traitement. Pour rappel, le taux de chômage concernant les personnes en situation de handicap est deux fois plus élevé.
Je souhaite également évoquer le sujet de l'égalité entre les femmes et les hommes, et notamment l'action 24 qui concerne l'accès aux droits. Les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) peuvent bénéficier de la prime Ségur, mais aucune compensation financière n'est prévue à ce sujet. La dotation de l'action est identique à celle de 2024, alors que les femmes victimes de violences conjugales sont de plus en plus nombreuses à demander de l'aide. Les CIDFF vont devoir réduire la voilure et licencier du personnel pour faire face à leurs obligations.
De même, on ne constate aucune valorisation du budget des espaces vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) qui interviennent dans les établissements scolaires dans le cadre de l'éducation affective et sexuelle ; eux aussi seront contraints de réduire la voilure, alors que les demandes d'intervention s'accroissent.
Enfin, je souhaite évoquer le sujet de la prostitution. Le faible montant de l'aide à l'insertion professionnelle - 343 euros - ne permet pas à ces femmes de sortir de la situation dans laquelle elles se trouvent. Nous demandons à ce que cette allocation soit, au minimum, équivalente à celle du RSA.
Pour toutes ces raisons, nous ne suivrons pas l'avis du rapporteur sur cette mission.
Mme Frédérique Puissat. - Je souhaite revenir sur l'accord de revalorisation salariale signé en juin dernier dans le cadre du Ségur. Pour l'heure, il n'existe pas de compensation. Alors que l'Assemblée des départements de France (ADF) a demandé aux départements de ne pas verser la prime dans l'attente d'une compensation, des associations ont revalorisé les salaires ; il s'agit d'une bombe à retardement. Disposez-vous d'un état des lieux pour chaque département sur le sujet ?
Mme Jocelyne Guidez. - Sur le sujet des violences conjugales, je m'étonne de ces 99 % liés à l'aide non remboursable. Pouvez-vous nous préciser à quoi cela correspond ?
M. Daniel Chasseing. - Les départements ont besoin d'une compensation pour répondre à l'augmentation du nombre de MNA.
En ce qui concerne les Ésat, je soutiens l'amendement proposé par le rapporteur. Les nouveaux droits accordés aux travailleurs de ces établissements appellent une augmentation des crédits.
Enfin, les moyens alloués à la lutte contre les violences conjugales sont insuffisants, mais l'apport n'est pas négligeable pour les associations.
Mme Marion Canalès. - Sur les crédits alloués au SPPE, la compensation apparaît approximative et insuffisante au regard des enjeux. Les besoins dans les territoires, évalués à 86 millions d'euros par l'État, sont encore incertains. Par ailleurs, ce service public connaît également des difficultés de recrutement.
En ce que qui concerne la protection de l'enfance, la loi Taquet avait défini un certain nombre d'avancées pour les jeunes majeurs protégés par l'ASE. Presque trois ans plus tard, les jeunes majeurs constituent un véritable sujet ; il convient d'inscrire dans le budget un fonds de mobilisation départementale pour répondre aux besoins.
Sur le sujet de l'aide alimentaire, les promesses ne sont pas à la hauteur du précédent budget. On observe une forte augmentation des demandes, et le ralentissement de l'inflation sur les denrées alimentaires ne peut constituer un amortisseur. Le contexte budgétaire est certes difficile, mais nous allons déposer un amendement en ce sens.
Mme Anne-Marie Nédélec. - Les accords liés au Ségur vont-ils s'étendre aux salariés des maisons d'accueil spécialisées (MAS) qui ne sont pas rattachées à un établissement hospitalier ? Cela pose également des problèmes de recrutement, avec des écarts de salaires importants d'une maison à l'autre.
M. Xavier Iacovelli. - Les crédits alloués à l'égalité entre les femmes et les hommes ont été multipliés par 2,7 en cinq ans. Un effort significatif a été réalisé ; je pense également à la mise en application de la proposition de loi (PPL) de Mme Létard.
Le Gouvernement a manifesté sa volonté d'accompagner les communes pour la mise en place du SPPE. Le montant de 86 millions d'euros s'avère encore approximatif, mais il s'agit d'un premier pas. Nous ferons le bilan à la fin de l'année. Au-delà de l'aspect financier, se posent également les questions de la formation, du recrutement et de l'attractivité des métiers après les scandales de ces derniers temps.
Le budget de la protection de l'enfance me semble, encore une fois, insuffisant. Je pense notamment à la question des MNA, ainsi qu'à l'accompagnement des jeunes majeurs et à la nécessité de recourir à un fonds de mobilisation en soutien des départements sur le sujet.
Je soutiens la création de 25 unités d'accueil pédiatriques des enfants en danger (Uaped) supplémentaires, mais celle-ci s'effectue à budget constant. Je compte déposer un amendement ouvrant un crédit de 4 millions d'euros sur le sujet. Au-delà de la nécessité de disposer d'une unité d'accueil par département, il s'agit également de s'interroger sur la composition de ces Uaped, et notamment sur le nombre d'équivalents temps plein (ETP) nécessaires à un accompagnement efficace.
Mme Chantal Deseyne. - Je souhaite revenir sur l'aide universelle d'urgence. Dans ce cas particulier des violences conjugales, les auteurs sont identifiés. La prise en charge doit-elle relever de la solidarité nationale ? Un recours n'est-il pas envisageable contre ces auteurs ?
Mme Silvana Silvani. - En dépit du contexte et de l'augmentation des demandes, je déplore l'application d'une politique d'austérité pour cette mission.
Les dispositions de ce budget sont à mettre en regard d'autres décisions. Certains opérateurs subissent ainsi de véritables ponctions ; je pense à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), à qui l'on retire 50 millions d'euros de subventions, ou encore à certains opérateurs sur la question des violences.
Concernant les victimes de violences, le budget s'avère insuffisant. Par ailleurs, les départements contribuent déjà à un certain nombre de décisions financièrement non compensées.
En conclusion, nous ne suivons pas l'avis du rapporteur sur ce budget.
M. Khalifé Khalifé. - Nous n'avons pas évoqué un point important : la coordination de toutes ces actions. J'ai coordonné, jusqu'à un passé récent, la politique de cohésion sociale de la ville de Metz. Un certain nombre de structures travaillent sur le sujet des violences faites aux femmes, mais on observe de nombreux trous dans la raquette. Dans un budget aussi restreint, il s'agit de mieux coordonner les actions afin que celles-ci soient plus lisibles et efficaces.
M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis. - Madame Poncet Monge, concernant la solidarité à la source, le fléchage des ressources s'avère complexe à mettre en place, aussi bien d'un point de vue technique que juridique, dans la mesure où cela est contraire au principe de non-affectation.
Mesdames Le Houérou et Silvani, vos jugements sur ce budget me semblent sévères. Sans doute des points sont-ils améliorables mais, dans le contexte budgétaire actuel, il s'agit d'une des rares missions dont les crédits augmentent.
Les remarques sur les CIDFF sont pertinentes. Les centres se réjouissent de l'enveloppe au niveau national, mais, dans les départements, certains se trouvent dans des situations difficiles, voire en liquidation judiciaire. Ces difficultés doivent autant à la baisse du financement de l'État qu'à celle du financement des collectivités.
Sur le financement des Ésat, j'ai proposé un amendement afin d'améliorer la situation.
Le cumul de l'AAH 2 et d'un travail est possible un temps en milieu ordinaire, et durablement dans les Ésat. Un travail d'harmonisation des calculs est en cours ; vous serez informés de l'état de la situation.
Madame Puissat, concernant le Ségur et les départements, aucun état des lieux n'a été réalisé. Il serait utile de sensibiliser les départements sur le sujet.
Madame Guidez, les deux possibilités existent : un prêt remboursable à taux zéro ou une aide non remboursable. Cette dernière est proposée dans 99 % des cas.
Madame Canalès, il est prévu 86 millions d'euros pour le SPPE. Lors des auditions, les associations d'élus ont alerté sur l'insuffisance de ce budget, mais nous pourrons le corriger en cours d'année.
Sur la question de l'aide alimentaire, les associations ont indiqué que la pauvreté demeurait stable et que les financements, prévus dans le budget de l'année dernière, correspondaient à leurs attentes.
Le sujet des MAS n'entre pas dans le cadre de notre mission et relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
M. Philippe Mouiller, président. - À ce jour, aucune compensation financière de l'État n'est prévue.
M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis. - Madame Deseyne, vous avez attiré notre attention sur l'aide universelle d'urgence. Le recours contre le conjoint violent est prévu, mais il est difficile à mettre en oeuvre. Par ailleurs, la limite de ce recours s'élève à 5 000 euros.
Monsieur Khalifé, je partage votre avis sur le nécessité de la coordination. Mais, là encore, la mise en place est difficile.
Enfin, sur les jeunes majeurs, rien n'est prévu à ce jour dans le budget.
M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-1734 propose de traduire d'un point de vue budgétaire l'annonce gouvernementale prévoyant de prendre en charge la moitié du coût employeur de la complémentaire santé. Pour cela, je demande une hausse de 18 millions d'euros des crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » et, afin de respecter les règles de recevabilité financière, une baisse d'un montant identique des crédits du programme 304.
L'amendement n° II-1734 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sous réserve de l'adoption de son amendement.
LISTE DES
PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Auditions
· Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)
Emmanuel Bougras, responsable du service stratégie analyse des politiques publiques
Rémi Boura, responsable des relations parlementaires et de la recherche-action
· Assemblée des départements de France (ADF)
Frédéric Bierry, président de la collectivité d'Alsace et président de la commission politiques sociales des Départements de France
· Inter-fédération de la protection juridique des majeurs (IFPJM)
Ange Finistrosa, président de la Fnat
Hadeel Chamson, délégué général de la Fnat
Gabin Chapelet, consultant
· Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei)
Luc Gateau, président
Lina Nathan, chargée de plaidoyer et campagnes
· Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath)
Raphaël Lenoir, assistant au plaidoyer
Karim Félissi, avocat conseil
· Fédération française des banques alimentaires (FFBA)
Barbara Mauvilain, responsable du service des relations institutionnelles
· Restos du coeur
Yves Merillon, membre du conseil national
· Fédération nationale solidarité femmes (FNSF)
Mine Günbay, directrice générale
· Fondation des femmes
Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques
· Collectif féministe contre le viol
Dr Emmanuelle Piet, présidente
Élodie Cozic, coordinatrice de la ligne Violences sexuelles dans l'enfance
· Fédération nationale des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF)
Clémence Pajot, directrice générale
Capucine Blouet, juriste
· Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)
Jean-Benoît Dujol, directeur général
Katarina Miletic-Lacroix, adjointe à la sous-direction des affaires financières et modernisation
Catherine Morin, adjointe à la cheffe de service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes
Fanny Vermorel, cheffe du bureau des budgets
Barnabé Lamy, chargé de mission
· Anne Rubinstein, déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté
Table ronde sur le service public de la petite enfance
(en commun avec Olivier Henno, rapporteur de la
branche famille du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2025, et Pascale Gruny,
rapporteur de la
loi pour le plein emploi)
· Association des maires de France (AMF)
Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d'Albi, présidente de l'agglomération du grand albigeois et co-présidente de la commission intercommunalités de l'AMF
Marie-Cécile Georges, collaboratrice
Sarah Reilly, conseillère petite enfance
Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement
· Association des petites villes de France (APVF)
Charlotte Blandiot-Faride, vice-présidente, maire de Mitry-Mory
Emma Chenillat, responsable finances et fiscalité locales
· Intercommunalités de France
Thomas Fromentin, président de l'agglomération Foix Varilhes et vice-président ressources humaines et administration d'Intercommunalités de France
Romain Briot, directeur général adjoint
Marie Morvan, conseillère cohésion sociale
Amélie Worms, conseillère action régionale
Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement
Contributions écrites
· Nexem
· Association des paralysés de France (APF France Handicap)
* 1 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 et loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
* 2 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.