N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet
de
loi de finances, considéré comme rejeté
par l'Assemblée nationale, pour
2025,

TOME VI

TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION
DES MINISTÈRES SOCIAUX

Par Mme Frédérique PUISSAT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère,
Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud,
M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat,
Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

Avec des crédits en baisse de 10,2 % par rapport à 2024, la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » porte un des efforts principaux de réduction des dépenses de l'Etat demandée pour 2025.

La commission soutient cette réduction des dépenses alors que les crédits en 2025 resteraient bien au-delà des budgets antérieurs à la crise sanitaire. Elle propose en outre d'autres baisses afin d'équilibrer le budget de France compétences.

Elle appelle néanmoins à ce que la diminution du financement de l'apprentissage ne soit pas trop brutale en portant l'aide aux employeurs à 5 000 €.

*

**

En PLF, les crédits demandés pour 2025 au titre de la mission s'élèvent à 21,63 Mds d'euros en crédits de paiement (CP) soit une diminution de 4,49 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. La mission connait un changement important de périmètre en absorbant au sein du programme (P) 155 l'ancien P124 rattaché jusqu'alors à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». À périmètre constant, la diminution des crédits entre 2024 et 2025 atteint 2,32 Mds d'euros soit une baisse de 10,2 %.

Néanmoins, les crédits inscrits dans le PLF 2025 demeurent toujours supérieurs de 6,1 Mds d'euros par rapport à la période antérieure à la crise sanitaire (2019). Même corrigée de l'inflation, cette hausse reste de 22 %.

La rapporteure estime que l'année 2025 doit marquer le retour à une trajectoire soutenable pour les dépenses de cette mission et doit engager une réduction pérenne des crédits. La priorité est d'assurer la consolidation qualitative des dispositifs financés.

Budget de la mission (2019-2025) à périmètre constant

en CP, en milliards d'euros

Source : Commission des affaires sociales (données : PAP/RAP 2019 à 2025)

I. UNE BAISSE DU SOUTIEN À L'INSERTION PROFESSIONNELLE ET UN EFFORT DEMANDÉ SUR LES EFFECTIFS DE FRANCE TRAVAIL

A. UNE BAISSE DU PLAFOND D'EMPLOIS DE FRANCE TRAVAIL CONCOMITTANTE À LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI PLEIN EMPLOI

1. Les crédits liés à l'indemnisation des demandeurs d'emploi cessent de décroître en lien avec l'évolution du chômage

Les crédits consacrés à l'indemnisation des demandeurs d'emploi permettent de financer les allocations de solidarité versées, par France Travail pour le compte de l'État, aux demandeurs d'emploi qui ne sont plus éligibles à l'indemnisation par le régime de l'assurance chômage. Après avoir diminué pendant plusieurs exercices, ces crédits resteraient quasiment stables en 2025 par rapport à 2024 à 1,8 Md € dans un contexte de légère hausse du taux de chômage depuis 2023.

Taux de chômage au sens du bureau international du travail (2020-2024)

(en points de pourcentage)

Source : Commission des affaires sociales, donnée de l'Insee

2. Les principales mesures de loi pour le plein emploi doivent être mises en oeuvre en 2025 avec une subvention à France Travail identique à 2024

Les principales mesures de la réforme de l'accompagnement des demandeurs d'emploi doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2025. Il s'agit en particulier de l'inscription sur les listes des demandeurs d'emploi de France Travail de toutes les personnes éloignées de l'emploi, c'est-à-dire les personnes accompagnées par les missions locales, qu'elles se trouvent en parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) ou en contrat engagement jeunes (CEJ), les personnes en situation de handicap accompagnées par Cap emploi, ainsi que l'ensemble des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Le renforcement de l'accompagnement des demandeurs d'emploi dans le cadre du contrat d'engagement unifié sera également mis en oeuvre.

Avant même l'entrée en vigueur de ces mesures, la LFI pour 2024 avait prévu un financement supplémentaire pour permettre à France Travail d'engager la réforme. La subvention pour charges de service public (SCSP) a ainsi crû de 100 millions d'euros en 2024. Ce montant était en partie ciblé sur le développement, lequel doit se poursuivre jusqu'en 2027, du système d'information (SI) et des outils numériques communs au réseau pour l'emploi.

En PLF 2025, il est proposé de maintenir à 1,35 Md € la subvention de l'État à l'opérateur France Travail pour poursuivre le déploiement de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Le Gouvernement annonce d'ailleurs que cette subvention devrait se maintenir à ce niveau jusqu'en 2027 conformément à la trajectoire budgétaire prévue par la convention tripartite Unédic - État - France Travail conclue le 30 avril 2024.

Évolution 2021-2025 de la subvention pour charge de service public à destination de Pôle emploi / France Travail (en millions d'euros)

Source : Commission des affaires sociales, (données RAP/PAP)

Alors que la simple extension des territoires expérimentateurs en 2024 avait représenté un effort supplémentaire de 22 millions d'euros par rapport à 2023, la rapporteure doute que le maintien au même niveau du montant de la SCSP permette réellement de mettre en oeuvre l'ambition de la loi pour le plein emploi. Notons néanmoins que dans ce contexte de baisse de la dépense publique cette subvention est conforme à la nouvelle convention qui fixe les grandes orientations stratégiques de France Travail jusqu'en 2027.

En définitive, c'est la contribution de l'Unédic qui assure le dynamisme du financement de France travail. Cette dernière devrait s'élever à 4,82 Mds d'euros en 2024 (+ 11 % par rapport à 2023) et s'accroître à 4,98 Mds d'euros en 2025, selon les prévisions financières de l'Unédic. S'ajoute également à cette contribution de droit commun, un prélèvement opéré par l'État sur les compensations des exonérations de cotisations sociales. La commission réitère cette année les craintes que lui inspirent ces ponctions s'élevant à 12 milliards d'euros sur la période 2023-2026. Non seulement ce prélèvement modifie la trajectoire de désendettement de l'assurance chômage mais son affection dédiée à France Travail et à France compétences est en réalité restée hypothétique. Ni France Travail ni France compétences n'ont vu leurs moyens de la part de l'État progresser dans les mêmes proportions.

Une contribution de l'Unédic au financement de France Travail toujours plus lourde

En vertu de l'article L. 5422-24 du code du travail et du décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage, la contribution de l'Unédic au budget de France Travail est calculée par l'application d'un taux de 11 % sur les contributions d'assurance chômage de l'année n-2 avant application des exonérations et réductions. De surcroît, le régime opère un versement sur des ressources réelles diminuées en raison du caractère seulement partiel de la compensation des exonérations de contributions d'assurance chômage qu'il perçoit. Comme l'indique l'Unédic, le taux d'effort du régime dépend donc de la minoration appliquée chaque année et devrait s'élever à 11,5 % des recettes en 2025, 11,6 % en 2026 et 11,8 % en 2027.

3. L'opérateur France Travail sous le feu des injonctions contradictoires

Lors de l'examen du PLF 2024, la commission avait pointé la hausse considérable des effectifs de l'opérateur Pôle emploi / France Travail ces cinq dernières années. Elle accueille donc favorablement le principe d'une diminution du plafond des emplois proposée par le Gouvernement dans le présent PLF. Toutefois, il ressort des travaux de la rapporteure que la diminution du plafond de 500 équivalents temps plein travaillé (ETPT) a été calibrée sans prise en compte des effets de cette rétractation sur les politiques publiques mises en oeuvre.

Si la situation des finances publiques exige certainement de faire des choix, cette contraction à l'aveugle des effectifs risque de compromettre l'application des nombreuses réformes adoptées ces dernières années. Pourraient ainsi être fortement mis en péril l'application de la loi pour le plein emploi, la généralisation du dispositif "Avenir Pro", ainsi que la prospection et l'accompagnement de nouvelles entreprises.

La rapporteure estime qu'il convient de prioriser, parmi les mesures du ressort de France Travail, celles dont la mise en oeuvre est la plus importante. En revanche, des considérations de court terme ne sauraient sacrifier l'application de réformes structurelles et déterminantes pour le marché du travail.

C'est pourquoi, la commission a adopté un amendement n° II-642 augmentant de 295 ETPT le plafond d'emplois demandé pour France Travail. Une diminution des effectifs réajustée à 205 ETPT permettrait de maitriser l'évolution des effectifs de l'opérateur tout en maintenant l'application de certaines mesures structurantes soutenues par la commission et le Sénat. France Travail indique ainsi pouvoir tenir l'objectif d'accompagnement de 200 000 bénéficiaires du RSA en application de la loi pour le plein emploi. De même, un plafond d'emplois porté à 52 847 ETPT n'hypothèquera ni le renforcement des contrôles de la recherche effective d'emploi ni la lutte contre les comportements abusifs qui paraissent nécessaires pour assurer le versement à bon droit des prestations d'assurance chômage.

Évolution des effectifs (sous et hors plafond) de Pôle emploi / France Travail

En équivalent temps plein travaillé (ETPT)

Source : Commission des affaires sociales

4. Un financement des maisons de l'emploi qui doit être conservé

La commission a adopté un amendement n° II-635 visant à maintenir des crédits au bénéfice des maisons de l'emploi à hauteur de 5 millions d'euros afin de financer leurs fonctions socle d'ingénierie territoriale. La suppression de cette ligne budgétaire ne se justifie pas alors que ces structures doivent faire partie intégrante du réseau pour l'emploi.

B. LE SOUTIEN À L'INSERTION DES JEUNES

Depuis mars 2022, en remplacement de la garantie jeunes, le dispositif du contrat d'engagement jeune (CEJ) est déployé par les missions locales et France Travail au bénéfice des jeunes de 16 à 25 ans éloignés de l'emploi. À compter de 2025, le CEJ s'insérera dans le cadre du contrat d'engagement prévu par la loi pour le plein emploi et ses bénéficiaires seront inscrits en tant que demandeurs d'emploi à France Travail. Le dispositif comportera toujours un accompagnement intensif pendant au moins 15 heures hebdomadaires, ainsi que le versement, sous condition, d'une allocation de 552,29 € par mois maximum.

Avec une budgétisation de 786 millions d'euros, le PLF 2025 propose une stabilité des crédits finançant les CEJ, accompagné d'objectifs revus à la baisse. Si la cible de 200 000 contrats signés en 2025 pour les contrats suivis par les missions locales est maintenue, l'objectif du nombre de CEJ accompagnés par France Travail est réduit à 85 000 - contre 100 000 en LFI 2024.

En parallèle, le programme 102 porte une réduction des crédits alloués aux missions locales de l'ordre de 140 millions d'euros en CP. La DGEFP indique ainsi à la rapporteure que cette baisse intervient après une forte augmentation des moyens alloués au réseau des missions locales par l'État ces dernières années et que cette mesure, qui vise à induire une réduction de la trésorerie excédentaire de certaines missions locales, sera appliquée en concertation avec les missions locales.

C. LA MISE EN EXCTINCTION DES EMPLOIS FRANCS ET DES CONTRATS AIDÉS

Le Gouvernement propose de supprimer les emplois francs pour une économie de 274 millions d'euros (en AE). Ce dispositif au bénéfice des demandeurs d'emploi et des jeunes inscrits en missions locales résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) permet le versement à l'employeur d'une prime de 5 000 euros par an sur trois ans pour un contrat à durée indéterminée (CDI), et de 5 000 euros sur deux ans pour un contrat à durée déterminée. L'extinction de cette aide au poste se justifie par les effets d'aubaine importants identifiés par une évaluation de la Dares en 2023. Ainsi cette étude montre-t-elle que 77 % des emplois auraient été créés y compris sans le bénéfice de cette prime. Seuls 91 millions d'euros resteraient inscrits en CP pour couvrir les contrats engagés avant la fin 2024.

De même, après les exercices budgétaires 2023 et 2024, le PLF 2025 propose une nouvelle baisse des crédits consacrés aux contrats aidés à hauteur de 164 millions d'euros (- 41 % par rapport à 2024). Les objectifs d'entrée en contrats aidés seraient une nouvelle fois amenuisés à 50 000 nouvelles entrées en parcours emplois compétences (PEC) et à seulement 158 nouvelles entrées en contrat initiative emploi jeunes (CIEJ). La mise en extinction de ces contrats aidés dans le secteur marchant viendrait logiquement refermer la parenthèse ouverte par le plan de relance après la crise sanitaire.

D. LES AUTRES DISPOSITIFS D'INSERTION DANS L'EMPLOI

Le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui permet d'associer mise en situation de travail et accompagnement social, serait soutenu à hauteur de 1,5 Md d'euros soit un financement équivalent à 2024. La rapporteure a bien conscience que, du fait de la hausse du Smic de 2 % appliquée depuis le 1er novembre, l'absence de revalorisation des aides aux postes risque de se traduire par une légère diminution de ces postes et, si la situation doit se prolonger, de mettre en difficulté le secteur. D'autre problèmes demeurent également comme une sous-exécution des crédits préjudiciables aux structures dans certains départements. Cependant, les dépenses en faveur de l'IAE ayant considérablement crû de 2019 à 2024 (+ 69 %), grâce au pacte d'ambition pour l'IAE, une nouvelle hausse des crédits en 2025 ne parait pas envisageable dans un contexte budgétaire difficile.

Les crédits alloués aux aides au poste dans les entreprises adaptées seraient de 503 millions d'euros en CP. Cette progression de 7 % par rapport à la LFI pour 2024 permettrait de consolider les dispositifs pérennisés en 2024 des « CDD tremplin » (CDDT) favorisant les transitions professionnelles des travailleurs handicapés et des entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) facilitant la mise à disposition de travailleurs handicapés en intérim.

II. UNE RÉGULATION DES DÉPENSES TROP DYNAMIQUES EN FAVEUR DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE L'ACCOMPAGNEMENT DES MUTATIONS ÉCONOMIQUES

A. FREINER LES DÉPENSES D'ALTERNANCE SANS METTRE EN PÉRIL LA VOIE DE L'APPRENTISSAGE

1. Le succès fulgurant de l'apprentissage à un coût devenu trop élevé pour les finances publiques

Depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le nombre de contrats d'apprentissage a augmenté spectaculairement jusqu'à atteindre près de 850 000 contrats en 2023. Cette réussite a toutefois été rendue possible par des efforts de financement importants ayant atteint, à compter du 1er juillet 2020 et la mise en place d'une aide exceptionnelle dans le cadre du plan de relance, des montants considérables. Selon le « jaune » budgétaire relatif à la formation professionnelle, annexé au PLF 2025, la dépense nationale en faveur de l'apprentissage (Opérateurs de compétences, État, collectivités locales, autres organismes, ménages) s'élèverait à 15,3 Mds d'euros en 2023.

Dépense nationale en faveur de l'apprentissage et nombre de contrats conclus

Source : Commission des affaires sociales, DGEFP, jaune budgétaire Formation professionnelle

Le programme 103 porte ainsi les crédits destinés à compenser les exonérations liées à l'apprentissage dont le montant a atteint 1,7 Md d'euros en LFI pour 2024. Le PLF pour 2025 prévoit une réduction de 400 millions d'euros de cette dépense en répercussion d'une diminution, annoncée par voie réglementaire par le Gouvernement, de l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les apprentis pour la part de leur revenu inférieure à 79 % du Smic. La rapporteure a souhaité pérenniser cette réduction de dépenses par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale adopté par le Sénat, visant à abaisser au niveau de la loi le plafond maximal de cette exonération à 50 % du Smic.

2. Bien calibrer la nécessaire réduction de l'aide aux employeurs d'apprentis

Le régime de cumul entre une aide exceptionnelle la première année et l'aide unique versée jusqu'à la troisième année du contrat a été mise en extinction à partir du 31 décembre 2022. Toutefois, le nouveau régime demeure encore très favorable en prévoyant une aide aux employeurs d'apprentis d'un montant de 6 000 euros versée au titre de la première année.

Évolution des différentes modalités des aides en faveur des employeurs d'apprentis

 

Du 1er janv. 2019 au 31 déc. 2022

Du 1er juillet 2020 au 31 déc. 2022

Du 1er janv. 2023 au 31 déc. 2024.

Principes de l'aide

Aide unique pour les employeurs.

Versée les 3 premières années du contrat.

Aide exceptionnelle

Versée la 1ère année du contrat (remplace dans ce cas l'aide unique)

À partir de la 2e année du contrat, l'aide unique s'applique toujours.

Aide financière aux employeurs d'apprentis qui se substitue à l'aide unique.

Versée uniquement au titre de la 1ère année du contrat

Formation éligible

Diplôme inférieur ou égal au niveau 4 (bac)

Diplômes de niveau inférieur ou égal au niveau 7 (bac+5)

Diplômes de niveau inférieur ou égal au niveau 7 (bac+5)

Entreprises éligibles

Pour les seules entreprises de moins de 250 salariés

Moins de 250 salariés sans condition.

Plus de 250 salariés et s'engageant à respecter un taux minimal de contrats favorisant l'insertion

Moins de 250 salariés sans condition.

Plus de 250 salariés et s'engageant à respecter un taux minimal de contrats favorisant l'insertion

Montant

4 125 € la 1ère année

2 000 € la 2e année

1 200 € la 3e année

5 000 € pour les mineurs

8 000 € pour les majeurs

6 000 € dans toutes les situations (sauf en cas de rupture du contrat)

Source : Commission des affaire sociales

Le montant crédité des dépenses de l'Etat liées à cette aide s'élève ainsi à 3,9 Mds d'euros (AE) en LFI pour 2024. En PLF 2025, il est proposé de restreindre cette enveloppe à 3,24 Mds d'euros (-16,73 %). Tout en calculant cette économie sur l'hypothèse d'une aide aux employeurs abaissée uniformément à 4 500 euros, le Gouvernement n'a pas confirmé si cette diminution serait in fine retenue ni quelles autres modalités de limitation pourraient s'appliquer. En tout état de cause, la rapporteure note que le nombre cible de contrats d'apprentissage conclus au 31 décembre 2025 reste identique à l'effectif de 2024 (849 291), ce qui, de fait, tire un trait sur la promesse présidentielle du million d'apprentis d'ici 2027.

La commission estime que l'aide uniforme de 6 000 euros accordés à presque tous les employeurs d'apprentis représente un coût budgétaire trop important et soutient donc la diminution de cette enveloppe. Toutefois, cette diminution ne peut se faire sans risque de casser la dynamique de l'apprentissage et sans risque de moins bien accompagner les apprentis

Dans certains secteurs, freiner brutalement l'apprentissage risquerait de mettre à mal une voie historique de formation aux métiers.

C'est pourquoi, la commission a adopté un amendement de la rapporteure n° II-636 visant à augmenter de 320 millions d'euros la ligne budgétaire attribuée à l'aide dans le but de porter à 5 000 euros - contre 4 500 euros - le montant de cette aide. Dans les entreprises de plus de 250 salariés, l'aide ne s'appliquerait pas aux niveaux de formation égaux ou supérieurs à bac +3 conformément à un amendement proposé par la commission des finances.

3. La suppression de l'aide pour les contrats de professionnalisation

Entre le 1er janvier 2023 et le 1er mai 2024, une aide financière de 6 000 euros maximum était octroyée au titre de la première année du contrat de professionnalisation. Cette aide, financée à hauteur de 273 M € en LFI pour 2024, a été mise en extinction par le décret du 21 février 2024 portant annulation de crédits. En conséquence, seul un reliquat de 29 millions d'euros serait prévu pour 2025 au titre des contrats en cours de validité.

B. CRÉER ENFIN LES CONDITIONS DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE DE FRANCE COMPÉTENCES

1. Un budget de France compétences en déficit

En 2023, les ressources de France compétences se sont élevées à 12,9 Mds d'euros, en contraction de 14 % par rapport à 2022. Ces recettes n'ont pas pu équilibrer le montant total des emplois qui a atteint 14,7 Mds d'euros. En 2024, le déficit de France compétence serait ramené à 1 Md d'euros grâce à des ressources en hausse de 6 % et à une stabilité des dépenses. Celle-ci est notamment possible grâce à une réfaction des dotations aux régions au titre du fonctionnement des centres de formation d'apprentis (CFA) (- 50 millions d'euros) et au ralentissement de la dépense au titre du compte personnel de formation (CPF).

Source : Documents budgétaires et réponses de la DGEFP et de France compétences aux questions de la rapporteure

En outre, depuis 2022, France compétences engage des mesures de régulation des dépenses d'apprentissage par une révision de niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats sur la base des coûts de formation observés dans les CFA. Ainsi, une première baisse de 2,7 % des niveaux de prise en charge a été engagée à l'été 2022, pour une économie estimée à 210 millions d'euros en année pleine. Puis une seconde baisse de 5 % de ces niveaux est intervenue en septembre 2023, pour une économie estimée à 570 millions d'euros. Une nouvelle révision des NPEC est intervenue en juillet 2024 en ciblant les niveaux de qualification 6 et 7. Cette mesure devrait se traduire par une économie de 120 M€ en année pleine. Il convient également de noter que la commission finance propose un amendement prévoyant que le financement des formations dispensées par les CFA est limité à 90 % du NPEC pour les qualifications de niveau 6 et à 80 % pour les formations de niveau 7.

2. Équilibrer le budget de France compétences en réduisant l'abondement du PIC par le biais du fonds de concours de l'opérateur

Ces mesures proactives de jugulation des dépenses ne suffisent pas à financer l'apprentissage sans le soutien de l'Etat par la voie de subventions. C'est pourquoi, le PLF pour 2025 prévoit d'allouer 2,06 milliards d'euros à l'établissement. Malgré cela, France compétences devrait rester déficitaire en 2025 à hauteur de 464 millions d'euros.

La rapporteure constate que, cette année encore, la réforme de l'apprentissage de 2018 n'a pas trouvé son équilibre budgétaire. Un meilleur emploi des moyens de France compétences doit être une des priorités du Gouvernement.

La commission réitère donc sa position exprimée lors des exercices précédents. Il n'apparait pas souhaitable que l'opérateur contribue au financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC) destiné à la formation des demandeurs d'emploi alors que le financement de ses missions premières n'est pas assuré. Le PLF pour 2025 prévoit que France compétences consacre, comme l'an passé, 800 millions d'euros (en AE) à la formation des demandeurs d'emploi, par l'intermédiaire d'un fonds de concours.

Il convient de rappeler que l'établissement devrait contribuer au financement du PIC à hauteur de 8 milliards d'euros sur la période 2019-2024. En parallèle, les déficits cumulés de France compétences devraient s'élever à 10,5 milliards d'euros fin 2024.

Contribution de France compétences au financement du PIC

 

2019

2020

2021

2022

2023

LFI 2024

Total

En millions d'euros d'AE

1 532

1 581

1 632

1 684

795

800

8 024

Source : France compétences

La commission a adopté un amendement n° II-638 proposé par la rapporteure et réduisant les crédits de la subvention accordée à France compétences de 398,5 millions d'euros. En parallèle, la totalité du fonds de concours au titre du PIC doit être supprimée - pour 800 millions d'euros -, ce qui permettra à l'opérateur de retrouver l'équilibre budgétaire grâce, en outre, à une régulation des dépenses de CPF (voir ci-après).

3. Poursuivre la régulation des dépenses du compte personnel de formation

L'enveloppe budgétaire que France compétences consacre au titre du CPF devrait, selon l'opérateur, être contenue aux alentours de 2 Mds d'euros en 2024 grâce à la participation obligatoire au financement par le bénéficiaire - enfin mise en oeuvre par un décret du 29 avril 2024 - et l'encadrement du financement des permis de conduire.

Il ressort des travaux de la rapporteure qu'au sein des actions de formations financées par le CPF, les actions de formation d'accompagnement et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises (ACRE) demeurent particulièrement concernées par des abus. Ces actions ACRE ne concourent pas au passage d'une certification ou d'un examen mais sont éligibles de droit à la prise en charge par le CPF en vertu de l'article L. 6323-6 du code du travail. Contrairement aux actions de formation sanctionnées par les certifications et habilitations, elles n'ont donc pas à faire l'objet d'une inscription au répertoire national des certifications professionnelles ou au répertoire spécifique.

Les dépenses au titre des actions ACRE ont connu une consommation exponentielle sur la période 2021-2022 jusqu'à atteindre 415 millions d'euros par an. Des campagnes de régulation ont donc été menées afin de contenir à 125 millions d'euros cette dépense en 2023 - dont 97 % relevait du budget de France compétences. Les prévisions indiquent que France compétences devrait financer pour 2024 un montant similaire de 125 millions d'euros d'actions ACRE.

Les mesures de régulation entreprises ne peuvent toutefois aller plus loin en raison des dispositions légales prévoyant l'éligibilité automatique au CPF des actions ACRE. La rapporteure estime que cette éligibilité de droit n'est pas justifiée alors qu'elle provoque des effets d'aubaine ; certaines offres de formation, refusées à l'enregistrement des répertoires nationaux, sont éligibles au CPF par ce biais.

La commission, par un amendement n° II-639, soutient donc la suppression de cette éligibilité légale des actions ACRE. Ces formations resteraient éligibles au CPF dans le cadre de certifications et un report de 50 % des dépenses vers les actions certifiantes présentes au catalogue MonCompteFormation est à anticiper. En définitive, outre la garantie d'un niveau accru de qualité des formations, cette mesure permettrait une économie de 62,5 millions d'euros en année pleine pour le budget de France compétences, selon les estimations de la Caisse des dépôts et consignations.

L'équilibre de France compétences est ainsi atteignable en 2025 grâce à la mise en extinction du financement du PIC par l'opérateur, combinée à la suppression de l'éligibilité de droit au CPF des actions de formation pour la création ou la reprise d'entreprise.

III. UNE DIMINUTION DES MOYENS POUR LE DIALOGUE SOCIAL ET UN REGROUPEMENT DES CRÉDITS POUR LE FONCTIONNEMENT DES MINISTÈRES SOCIAUX

A. UNE DIMINUTION NATURELLE DES CRÉDITS LIÉS AU DIALOGUE SOCIAL

Le programme 111 regroupe des crédits consacrés à la santé et à la sécurité au travail, à la qualité et à l'effectivité du droit et au dialogue social. Les crédits de ce programme, soumis à des cycles de besoin, diminueraient sensiblement de 24 % par rapport à la LFI 2024 (en CP) pour atteindre 83,6 millions d'euros en 2025.

Les crédits relatifs à la santé et à la sécurité au travail (25,8 M€) resteraient relativement stables (- 5 %). Si la subvention à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est légèrement diminuée, le financement de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) est maintenu au même niveau qu'en 2024, soit 11 millions d'euros. Selon la direction générale du travail, entendue en audition, il s'agit de pérenniser dans la durée le modèle économique de l'opérateur alors que l'intégration des associations régionale pour l'amélioration des conditions de travail (Aract) au sein de l'Anact est encore récente.

Les moyens consacrés au dialogue social et à la démocratie sociale se contracteraient de 32 % en 2025 pour ne représenter plus que 45 millions d'euros (en CP) - la diminution en autorisations d'engagement est même de 95 %. Cette diminution importante s'explique par le cycle de mesure des représentativités syndicales et patronales qui implique une mobilisation de moyens importants l'année précédant la mesure (soit en 2024).

Enfin, la rapporteure se réjouit que des financements - à hauteur d'un million d'euros en 2024 et 2025 - soient prévus pour soutenir la révision ou la refonte des systèmes de classification des branches professionnelles. Selon les informations de la DGT, 25 branches ont ainsi répondu à un appel à projet de la direction centrale et de l'Anact pour obtenir, après sélection, une enveloppe maximale de 100 000 euros par projet.

B. UN REGROUPEMENT DES CRÉDITS EN FAVEUR DE L'ADMINISTRATION DES MINISTÈRES SOCIAUX

Alors que le programme 155 correspondait aux dépenses de support et de ressources humaines des services de l'État mettant en oeuvre la politique de l'emploi, son périmètre a été élargi pour réunir désormais l'ensemble des administrations chargées des affaires sociales : santé, travail, emploi et cohésion sociale. De ce fait, le programme représenterait pour 2025 une enveloppe de deux milliards d'euros. Les crédits finançant la rémunération des personnels des administrations sociales seraient globalement stables et s'élèveraient à 201 millions d'euros (AE=CP) dans le domaine des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle et 371 millions d'euros (AE=CP) dans le champ des politiques d'amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail.

Le financement des agences régionales de santé (ARS) serait crédité de 623 millions d'euros soit un montant stable par rapport aux crédits prévus en LFI 2024 au sein de l'ancien programme 124.

IV. UNE MISSION QUI DOIT CONTRIBUER À L'EFFORT DE RATIONALISATION DES OPÉRATEURS DE L'ÉTAT

La commission estime que l'effort de maitrise des dépenses des opérateurs de l'Etat doit s'appliquer au périmètre de cette mission à laquelle sont rattachés dix organismes. C'est pourquoi, la commission propose de réduire de 30 % les crédits accordés :

au GIP Les entreprises s'engagent : la rapporteure s'interroge d'ailleurs si l'animation au niveau national du réseau d'entreprises partenaires ne doit pas, à terme, relever de la DGEFP ou de France Travail. En revanche, la commission souhaite conserver la ligne budgétaire de 3 millions d'euros finançant les subventions locales allouées par les DDETS ;

au GIP Plateforme de l'inclusion : selon la DGEFP, une priorisation des projets développés permettra de traduire cette réduction de crédits ;

à Centre Inffo qui devra s'accompagner d'une réflexion sur les missions de cet opérateur et son éventuel rattachement à un autre organisme.

L'amendement n° II-637 de la commission porte donc une économie de 3 millions d'euros sur les crédits accordés au titre des subventions versées à ces opérateurs.

Réunie le mercredi 27 novembre 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a examiné le rapport pour avis de Frédérique Puissat sur les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » du projet de loi de finances pour 2025.

Elle a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de six amendements de la rapporteure.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 27 novembre 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport pour avis de Mme Frédérique Puissat sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » du projet de loi de finances pour 2025.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux. »

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - De 2019 à 2024, le budget de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » a augmenté de 60 %, passant de 14,2 milliards à 22,6 milliards d'euros. Cette mission a donc une part notable de responsabilité dans la hausse des dépenses publiques.

Le contexte budgétaire difficile que nous vivons demande une maîtrise des crédits de la mission en vue d'un retour à une trajectoire soutenable. Il exige également de porter une attention à la qualité des dispositifs financés afin d'accroître l'efficience de la dépense publique. En contrepoint, il convient tout de même de ne pas sacrifier des réformes structurelles importantes, au risque d'en payer les frais dans les années à venir. C'est en gardant à l'esprit ces trois exigences que je vous propose ce matin d'examiner la présente mission.

Les crédits demandés en 2025 s'élèvent à 21,63 milliards d'euros, soit une diminution de 4,49 % par rapport à 2024. La mission connaît toutefois un changement important de périmètre en absorbant l'intégralité du financement des ministères sociaux, dont une partie était jusqu'alors rattachée à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». À périmètre constant, la diminution des crédits de la mission entre 2024 et 2025 atteindrait donc 2,32 milliards d'euros, soit une baisse de 10,2 %. Malgré cette diminution très significative des crédits, le budget de la mission pour 2025 demeurerait toujours supérieur de 6,1 milliards d'euros à celui de 2019.

Il convient de noter que la situation de l'emploi demeure favorable, quoique le taux de chômage - il s'établit à 7,4 % au troisième trimestre de 2024 - ne s'inscrive plus dans une dynamique descendante.

L'année 2025 sera également marquée par l'entrée en vigueur des principales mesures de la réforme de l'accompagnement des demandeurs d'emploi portées par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Il s'agit en particulier de l'inscription sur les listes des demandeurs d'emploi de France Travail de toutes les personnes éloignées de l'emploi, c'est-à-dire les personnes accompagnées par les missions locales, les personnes en situation de handicap accompagnées par Cap emploi ainsi que l'ensemble des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Le renforcement de l'accompagnement dans le cadre du contrat d'engagement unifié sera également mis en oeuvre.

Dans ce contexte, la subvention à France Travail resterait identique à l'année dernière, soit 1,35 milliard d'euros. Elle avait tout de même augmenté en 2024 de 100 millions d'euros afin d'engager la réforme de la loi pour le plein emploi et de financer le développement des ressources communes au nouveau réseau pour l'emploi. Le maintien de la subvention de France Travail en 2025 est certes conforme à la trajectoire prévue par la convention tripartite Unédic-État-France Travail conclue le 30 avril dernier. Toutefois, le déploiement complet de la loi pour le plein emploi ne pourra être accompli sans le dynamisme de la contribution de l'Unédic. Cette dernière devrait s'élever à 4,82 milliards d'euros en 2024, en progression de 11 % par rapport à 2023, et atteindre 4,98 milliards d'euros en 2025.

Outre cette contribution de droit commun, l'Unédic doit toujours supporter un prélèvement opéré par l'État sur les compensations des exonérations de cotisations sociales. Non seulement ce prélèvement, prévu à 3,35 milliards d'euros en 2025, modifie la trajectoire de désendettement de l'assurance chômage, mais son affectation à France Travail et à France compétences, selon les motifs qui avaient été invoqués, s'avère très hypothétique : les moyens des deux opérateurs de l'État n'ont en effet pas progressé dans les mêmes proportions...

Concernant les moyens humains à la disposition de France Travail pour remplir ses missions, je vous propose d'aborder le sujet avec pragmatisme. L'an passé, nous avions pointé la hausse considérable des effectifs de l'opérateur durant les cinq dernières années. La diminution du plafond d'emplois de France Travail est donc une bonne chose. Toutefois, il ressort des auditions et de mes échanges avec l'opérateur que la baisse de 500 équivalents temps plein travaillé (ETPT) proposée dans ce PLF a été calibrée sans prise en compte de ses effets sur les politiques publiques mises en oeuvre.

Si la situation des finances publiques exige certainement de faire des choix, cette contraction à l'aveugle des effectifs risque de compromettre l'application de réformes structurantes pour le marché du travail. Ma conviction est qu'il convient plutôt de donner la priorité à celles des mesures du ressort de France Travail dont la mise en oeuvre est la plus importante.

C'est pourquoi je vous propose de limiter l'effort demandé à l'opérateur à une réduction de 205 ETPT de son plafond d'emplois. Selon France Travail, une telle diminution ne remettrait en cause ni l'objectif d'accompagner 200 000 bénéficiaires du RSA, ni le renforcement des contrôles de la recherche effective d'emploi, ni même la lutte contre les comportements abusifs, trois sujets qui me paraissent essentiels.

Au chapitre des structures des politiques de l'emploi, je vous propose un amendement permettant de conserver la ligne budgétaire des maisons de l'emploi, à hauteur de 5 millions d'euros, que le projet de loi de finances (PLF) ne maintient pas.

En ce qui concerne l'insertion des jeunes, le PLF pour 2025 prévoit une stabilité des crédits finançant le contrat d'engagement jeune (CEJ), alors que ses bénéficiaires seront désormais inscrits sur les listes des demandeurs d'emploi. Les objectifs de l'accompagnement dans le cadre du CEJ sont toutefois revus à la baisse puisque la cible de contrats suivis par France Travail est réduite de 100 000 à 85 000 pour 2025.

Pour une économie de 274 millions d'euros, le Gouvernement propose de mettre en extinction le dispositif des emplois francs, qui permet le versement à l'employeur d'une prime en cas d'embauche de demandeurs d'emploi et de jeunes inscrits dans une mission locale et résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cette suppression participe de l'efficience de la dépense publique puisqu'une évaluation de 2023 de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) met en évidence les forts effets d'aubaine qui grèvent ce dispositif.

J'en viens au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) qui demeure assez préservé par cet exercice budgétaire contraint. Les crédits en sa faveur seraient maintenus à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Cela ne signifie pas que l'année à venir sera sans difficulté : cette stabilité des financements conjuguée à la hausse du Smic de 2 % risque de se traduire par une légère diminution des postes offerts dans les structures. Cependant, alors que le secteur de l'IAE a été considérablement soutenu de 2019 à 2024, avec une hausse de 69 % de l'enveloppe budgétaire correspondante, augmenter ses moyens en 2025 n'aurait pas paru raisonnable.

J'aborde à présent les questions des moyens consacrés à la formation professionnelle et notamment à l'apprentissage. C'est un volet sur lequel nous devons toujours garder à l'esprit quelques chiffres clés.

Tout d'abord, celui du nombre d'apprentis : 849 000 en 2023. La promesse présidentielle du million de contrats d'apprentissage ne sera probablement jamais atteinte - du moins en flux annuel -, mais la politique menée depuis 2018 est tout de même une réussite.

Ensuite, celui d'un coût exorbitant : 3,9 milliards d'euros étaient affectés par l'État aux aides aux employeurs en 2024. Tous financeurs confondus, 15,3 milliards d'euros étaient dépensés en 2023 pour l'apprentissage, selon les annexes budgétaires. Les estimations les plus hautes des économistes avoisinent même le montant de 24,9 milliards d'euros.

Je vous invite donc à soutenir la maîtrise des dépenses d'alternance à laquelle tend le PLF. Néanmoins, il importe d'engager cette régulation sans casser la dynamique de l'apprentissage et sans risquer une détérioration de l'accompagnement des apprentis.

Le PLF pour 2025 restreint l'enveloppe budgétaire consacrée aux aides à l'employeur de 16 % par rapport à 2024, soit une baisse de 647 millions d'euros. Le Gouvernement n'a pas confirmé quelles seraient les nouvelles modalités du montant de l'aide, mais il a fondé son projet d'économies sur l'hypothèse d'une aide aux employeurs abaissée uniformément à 4 500 euros, contre 6 000 euros actuellement.

La solution que je vous propose par un amendement de crédits, abondant le programme 103 de 320 millions d'euros, consiste à porter le montant de l'aide à 5 000 euros. D'une année sur l'autre, une diminution de 1 000 euros me paraît équilibrer les efforts entre l'État et les entreprises. En revanche, cette aide ne serait plus versée dans les entreprises dont l'effectif excède 250 salariés pour les niveaux de formation égaux ou supérieurs à bac+3, conformément à un amendement proposé par la commission des finances. Ce meilleur ciblage dans les grandes entreprises permet d'améliorer l'efficience des dépenses publiques, alors que, à ces niveaux de qualification, l'insertion dans l'emploi paraît être moins corrélée à l'apprentissage.

Concernant le financement de l'apprentissage par France compétences, le budget de l'opérateur ne sera toujours pas à l'équilibre en 2024. Les 13,7 milliards d'euros de ses ressources, issues notamment des contributions des entreprises et d'une subvention de l'État, n'empêcheraient cette année pas un déficit de 1 milliard d'euros. L'opérateur a pourtant engagé des mesures de régulation des dépenses d'apprentissage par une révision des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats, sur la base des coûts de formation observés dans les centres de formation d'apprentis (CFA). Après deux premières baisses en 2022 et 2023, une nouvelle révision des NPEC est intervenue en juillet 2024, en ciblant les niveaux de qualification 6 et 7 afin de générer une économie de 120 millions d'euros en année pleine. La commission des finances propose d'ailleurs de réduire la prise en charge par France compétences des NPEC pour ces niveaux 6 et 7 de qualification. Malgré cela, la dette cumulée de l'opérateur sur la période 2019-2024 devrait s'élever à 10,5 milliards d'euros, auxquels doit s'ajouter un déficit prévisionnel de l'ordre de 464 millions d'euros en 2025.

Comme les années passées, je constate que la réforme de l'apprentissage de 2018 n'a pas trouvé son équilibre budgétaire et qu'il convient de faire un meilleur emploi des moyens de France compétences.

Premièrement, il n'apparaît pas souhaitable que l'opérateur contribue au financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC) destiné à la formation des demandeurs d'emploi, alors que le financement de ses principales missions n'est pas assuré. Le PLF pour 2025 prévoit de nouveau, comme un an plus tôt, que France compétences consacre 800 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) à la formation des demandeurs d'emploi, par l'intermédiaire d'un fonds de concours.

Il convient de rappeler que l'établissement a contribué au financement du PIC à hauteur de 8 milliards d'euros pendant la période 2019-2024, alors même que la pertinence du PIC pour déployer des actions d'insertion et de formation professionnelle est discutable, ainsi que l'a pointé la Cour des comptes.

Ma conviction est donc que les AE prévues à hauteur de 800 millions d'euros ne doivent pas être reconduites en 2025. Pour leur part, les crédits de paiement (CP) doivent être supprimés dans les mêmes proportions. Ainsi, seul un reliquat de tout de même 350 millions d'euros de CP serait maintenu en 2025 pour faire face aux dépenses déjà engagées.

Cette mise en extinction des moyens de l'opérateur alloués au PIC, que j'appelle de mes voeux, trouve sa traduction budgétaire dans un amendement de crédits qui vise à réduire en conséquence la subvention de l'État à l'opérateur. Cette subvention de 2,06 milliards d'euros en 2025 serait ainsi réduite de 398,5 millions d'euros.

Deuxièmement, l'enveloppe budgétaire que France compétences consacre au titre du compte personnel de formation (CPF) devrait être contenue à environ 2 milliards d'euros. Cette stabilité des dépenses serait rendue possible grâce à la participation obligatoire au financement par le bénéficiaire - elle a enfin été mise en oeuvre par un décret du 29 avril 2024 - et par l'encadrement du financement des permis de conduire.

Toutefois, France compétences m'a alertée sur certaines offres de formation faisant toujours l'objet d'abus. Il s'agit, en particulier, des actions d'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise (Acre). Ces actions sont éligibles de droit à la prise en charge par le CPF en vertu d'une disposition légale, quand bien même elles ne sont pas nécessairement sanctionnées par des certifications et habilitations. Il est donc fréquent que des offres de formation refusées à l'inscription des répertoires nationaux gérés par France compétences trouvent tout de même leur place dans le catalogue de formations du CPF grâce à cette voie détournée.

Des campagnes de régulation ont déjà été menées afin de contenir à 125 millions d'euros cette dépense en 2023, contre 415 millions d'euros en 2022. En 2024, France compétences devrait financer un montant similaire de 125 millions d'euros d'actions Acre. Les mesures de régulation ne peuvent cependant aller plus loin pour les raisons légales que j'ai exposées.

Un amendement vous est donc proposé en vue de supprimer cette éligibilité de droit des formations Acre à la prise en charge au titre du CPF. Il permettra de mettre fin à des effets d'aubaine qui existent aujourd'hui et de garantir la qualité des offres de formation en cas de création ou de reprise d'entreprise. Celles-ci seront donc toujours possibles et remboursables, mais seulement dans le cadre de certifications, notamment par le biais des chambres consulaires.

En outre, selon les estimations de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), la mesure permettra une économie de 62,5 millions d'euros en année pleine pour le budget de France Compétences. L'amendement proposé, en réduisant de 398 millions d'euros le montant de la subvention à France Compétences, intègre également cette moindre dépense.

Je termine la présentation de mon rapport en évoquant les moyens destinés au dialogue social et aux fonctions support des politiques de l'emploi et, plus généralement, des ministères sociaux.

Les crédits du programme 111 seraient en forte diminution, de 24 % par rapport à 2024, mais celle-ci serait naturelle. En effet, le programme porte les moyens réservés au dialogue social et à la démocratie sociale, dont les montants suivent les cycles de la mesure des représentativités syndicale et patronale.

Les crédits du programme 155 s'élèveraient à 2 milliards d'euros et regrouperaient désormais l'ensemble des moyens des administrations des ministères sociaux. Ce changement de périmètre représenterait ainsi un transfert à la mission de 1,3 milliard d'euros. En neutralisant cet effet, les crédits demandés pour chaque administration sont quasiment stables.

À l'égard des opérateurs de l'État, il me semble souhaitable que cette mission budgétaire contribue à leur effort de maîtrise des dépenses. C'est pourquoi, je vous propose de réduire de 30 % les crédits accordés à trois opérateurs, à savoir le groupement d'intérêt public (GIP) « Les entreprises s'engagent », qui anime un réseau national d'entreprises engagées en faveur de l'insertion professionnelle, le GIP « Plateforme de l'inclusion », qui porte des développements informatiques, notamment pour le secteur de l'IAE, et l'association Centre Inffo, qui produit l'information et la documentation dans le domaine de la formation professionnelle. Il me semble qu'un tel effort reste mesuré et qu'il devra s'accompagner d'une réflexion plus globale sur l'existence de certains opérateurs.

Les missions du GIP « Les entreprises s'engagent » pourraient ainsi relever directement de France Travail ou de l'administration. De même, le rattachement du Centre Inffo à un autre organisme pourrait de nouveau être étudié.

En conclusion, je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption des amendements que je vous propose.

Mme Monique Lubin. - Je regrette la baisse des effectifs de France Travail, quand bien même vous proposez, par un amendement, de la contenir. Nonobstant la stratégie qui consiste à établir une comparaison avec 2019, je la considère comme paradoxale en ce qu'elle intervient au moment précis où le nombre des demandeurs d'emploi repart à la hausse, où les prévisions économiques n'invitent guère à l'optimisme et où nous allons avoir davantage encore besoin de cet organisme. S'ajoute également la réforme qui vise à faire travailler l'ensemble des bénéficiaires du RSA - ce que je juge être un écran de fumée. Elle conduira à inscrire un nombre accru de demandeurs d'emploi, en particulier ceux qui en sont les plus éloignés et nécessitent donc un fort accompagnement. J'espère que l'implication de France Travail sera réelle et que la réforme ne reposera pas, comme je l'ai entendu, sur un conventionnement avec les départements, destiné à ce que ceux-ci continuent d'assurer le suivi des personnes concernées. De mon point de vue, l'effort demandé à France Travail constitue la pierre d'achoppement du budget de la présente mission.

Si les crédits du secteur de l'IAE ne diminuent pas, ses structures n'en sont pas moins confrontées à l'accroissement de leurs charges de fonctionnement. Les salaires suivent par exemple - et c'est heureux ! - la progression du Smic, sans qu'il soit systématiquement possible d'en répercuter la hausse sur le prix des prestations proposées. Ces crédits devraient être au moins augmentés à proportion de l'inflation calculée sur un an.

En ce qui touche à l'apprentissage, je demeure dans l'expectative. Sans doute faut-il réduire les aides à destination des plus grandes entreprises, mais peut-être pas de manière aussi radicale que cela est prévu. L'apprentissage reste un bon moyen de formation, et je le préfère à la solution des écoles de production, qui, si leurs crédits progressent, se cantonnent essentiellement à l'apprentissage d'un seul métier et ouvrent peu d'autres perspectives à leurs élèves.

Mme Raymonde Poncet Monge. - La loi pour le plein emploi a prévu que la moitié de l'effort d'accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA, du dispositif Cap emploi ou de celui des missions locales qui seront inscrits comme demandeurs d'emploi revienne aux départements. Or la réduction de 205 ETPT du plafond d'emplois de France Travail - certes au lieu de 500 -, mise en regard avec le souhait initial de cet opérateur d'une augmentation de 800 ETPT de ses effectifs, se traduira certainement par la demande d'un surcroît d'effort aux départements, dont je n'ose rappeler la situation financière actuelle.

Je m'interroge sur l'objectif d'accompagner 200 000 bénéficiaires du RSA, alors que 1 million de ces bénéficiaires sera prochainement inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi. Faut-il comprendre que le contrat d'engagement ne sera signé qu'avec 200 000 d'entre eux ? Outre le RSA, combien de personnes en situation de handicap à la recherche d'un emploi et venant de Cap emploi ainsi que de jeunes des missions locales bénéficieront-ils d'un accompagnement ?

Sur le programme 111, vous pointez avec raison que son assèchement tient à l'organisation, en décembre prochain, d'élections professionnelles. Elles enclencheront un nouveau cycle de cinq ans, avec la conclusion d'un nouveau contrat pluriannuel. Vous oubliez cependant d'évoquer la diminution significative de 21 % qui affecte l'action du programme relative à la formation continue des conseillers prud'hommes, des défenseurs syndicaux et des représentants des associations qui apportent leur conseil en droit du travail. J'aimerais entendre votre avis sur la question.

Concernant l'apprentissage, c'est la baisse uniforme de ses crédits qui me pose un problème. Vous soulignez à juste titre que, pour ce qui concerne les grandes entreprises et les niveaux de formation supérieurs à bac+2, la corrélation n'est pas établie entre l'apprentissage et l'emploi. Dans ces situations, le dispositif entraîne plutôt des effets d'aubaine. Certains relèvent qu'il permet d'accompagner des jeunes qui, notamment au niveau master, peinent à financer leurs études supérieures. Mais, dans ce cas, tel n'est pas son objet et il n'a pas vocation à se substituer aux bourses d'études ni à l'allocation d'autonomie que nous demandions pour les étudiants.

Mme Pascale Gruny. - L'expérimentation dans l'Aisne du RSA rénové montre que le dispositif a remis nombre de personnes dans le circuit du travail. Le conseil départemental met des ETP à la disposition de France Travail en contrepartie d'une subvention. Mon inquiétude porte sur l'étendue des moyens qui seront affectés à l'accompagnement de ces personnes quand le dispositif sera généralisé.

Les missions locales ont un sens dans le nouveau réseau pour l'emploi. Ne pas les soutenir à part entière reviendrait à accepter que France Travail absorbe toutes les autres structures, ce que son directeur général, M. Thibaut Guilluy, préconisait. Cap emploi ne jouit déjà plus d'aucune visibilité depuis son rapprochement avec France Travail et intervient désormais beaucoup moins auprès des entreprises. C'est dommageable pour les personnes handicapées qui connaissent toujours plus que d'autres des difficultés à entrer dans l'emploi. La spécificité de leur situation requiert une véritable expertise pour les accompagner ainsi que du temps à leur consacrer, de même qu'aux entreprises qui les emploient.

Au sujet de France compétences, je regrette que la gestion de la formation professionnelle n'en soit pas restée aux branches professionnelles. Les entreprises dont je rencontre les représentants bénéficient à présent de beaucoup moins de formations.

L'apprentissage et l'alternance me paraissent utiles en ce qu'ils permettent d'acquérir à la fois diplôme et expérience. En étendre le dispositif trop avant en matière de niveau de qualification n'est cependant pas judicieux et c'est pourquoi je partage vos propos sur la question.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je rejoins Pascale Gruny au sujet des missions locales. C'est un acteur incontournable du réseau pour l'emploi.

Sur les CEJ, vous indiquez dans votre rapport, d'une part, que le PLF pour 2025 stabilise les crédits qui les financent, mais, d'autre part, que leurs objectifs sont revus à la baisse. J'ai du mal à comprendre.

Par ailleurs, dans le cadre de l'affectation des crédits aux missions locales, les QPV avaient pu être avantagés au détriment de la ruralité. Il convient de corriger cette situation et je me réjouis que le PLF pour 2025 en prenne la voie. En effet, si les QPV sont importants, on ne saurait pour autant négliger la ruralité, qui pâtit de réels freins à l'emploi en raison du manque de mobilité des jeunes.

Sur l'apprentissage, je m'inquiète du message qui s'associerait au choix d'attribuer l'aide en fonction du niveau de qualification. La montée en puissance de l'apprentissage à des niveaux d'études supérieurs à bac+2 offre un véritable ascenseur social à ses bénéficiaires. Nous nous sommes longtemps battus pour que l'apprentissage montre son dynamisme à tous les niveaux d'études ; aussi, il me paraît inopportun d'introduire ici des critères restrictifs. En outre, si la santé financière d'une entreprise ne se mesure pas forcément à l'aune de son effectif, il nous faut être attentifs à la situation des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) qui connaissent des difficultés : depuis le début de l'année, elles enregistrent une moyenne de 1 219 suppressions d'emplois par semaine... Ces structures ont un réel besoin de l'aide à l'apprentissage, notamment pour former leur main-d'oeuvre et assurer leur pérennité. Il importe de cibler prioritairement cette aide vers les entreprises de moins de dix salariés.

M. Daniel Chasseing. - Je remercie et félicite Frédérique Puissat qui rééquilibre quelque peu une mission pour laquelle, évidemment, il serait préférable qu'elle soit dotée de crédits plus substantiels, mais le déficit public impose des diminutions budgétaires. Contenir à 205 ETPT la réduction du plafond d'emplois de France Travail est notamment un moindre mal en raison de la réforme de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Nous constatons en effet en divers endroits du territoire qu'un suivi de qualité, resserré et plus pragmatique, ouvre des possibilités de retour à l'emploi. De même, il aurait été opportun de prévoir une augmentation des crédits en faveur du secteur de l'IAE.

La réussite de l'apprentissage nous suggère d'en poursuivre le dispositif et il est également utile de proposer de porter le montant de l'aide à 5 000 euros.

Le conditionnement de l'octroi de l'Acre à l'accord préalable des chambres consulaires me semble par ailleurs opportun.

Je soutiens donc ce rapport.

Mme Solanges Nadille. - L'effort de 205 ETPT sur le plafond d'emplois de France Travail conduirait à une amélioration de 295 ETPT par rapport au projet initial. Nous vous remercions de cette proposition.

Dans les collectivités ultramarines, le taux de chômage atteignait 30 % de la population active en 2019. Il a été ramené à 16,7 %. Retenons qu'il ne faut pas rompre cette dynamique, d'autant que nous demandons dans ces territoires un accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA. En Guadeloupe comme en Martinique, cela représente 1 000 demandeurs d'emploi supplémentaires.

L'extension de l'expérimentation correspondante de 18 à 47 départements sans contribution supplémentaire de l'État me préoccupe. Il importe en effet de ne pas accroître les disparités territoriales.

Mme Marion Canalès. - Vous nous invitez à aborder avec pragmatisme la question des moyens humains mis à la disposition de France Travail pour remplir ses missions. Mes collègues et moi-même avons eu l'occasion d'interpeller la ministre du travail et de l'emploi sur la tendance croissante de cet opérateur à sous-traiter au secteur privé des actions fondamentales de nos politiques de lutte contre le chômage et d'accompagnement des personnes sans emploi. Votre approche permet-elle de contenir un tel mouvement qui se révèle délétère en ce qu'il risque de tendre à la marchandisation, une fois de plus, de nos politiques publiques ?

Dans les outre-mer, il importe de maintenir l'IAE. Il faudra prêter une attention particulière à leur situation, à l'égard de laquelle les préconisations de votre rapport ne suffiront pas.

M. François Patriat. - Quelle est l'efficacité du dispositif territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Pour répondre à Madame Poncet Monge, la réduction de 21 % du montant des crédits affectés à la formation des conseillers prud'hommes traduit, semble-t-il, une sous-exécution de ces crédits. Elle ne devrait pas remettre en cause cette formation, à laquelle la direction générale du travail (DGT) paraît très attachée.

Au sujet de France Travail, soyons clairs, la loi pour le plein emploi n'était pas financée. Il a donc fallu trouver des solutions à sa mise en oeuvre. Nos auditions avec le directeur de France Travail ont donné lieu à des échanges quelque peu animés. J'ai lui ai fait remarquer que l'établissement avait conservé 700 des 1 500 ETPT qui lui avaient été octroyés au moment de la crise sanitaire et qu'il devenait difficile de comprendre où en étaient ses effectifs, entre maintiens et nouvelles demandes. La baisse de 500 ETPT inscrite dans le PLF plaçait assurément notre interlocuteur devant des injonctions paradoxales. Nous lui avons demandé de déterminer le nombre exact de postes qui lui semblaient nécessaires pour satisfaire aux objectifs de la loi pour le plein emploi et assurer tant l'accompagnement des demandeurs d'emploi que leur contrôle. Nous nous sommes entendus sur un scénario rationnel, que nous transcrivons, après d'autres échanges avec la ministre et son cabinet, dans notre proposition de limiter l'effort de l'opérateur à une réduction de 205 ETPT de son plafond d'emplois. Les économies ne sont pas aussi importantes que prévu, mais la réduction n'en conduit pas moins le directeur de France Travail à rechercher des gains d'efficience.

Soulignons par ailleurs que France Travail n'a pas vocation à accompagner seul tous les publics. Les missions locales conservent leur rôle auprès des jeunes bénéficiant d'un CEJ et Cap emploi continue d'accompagner les personnes handicapées. Pour leur part, les maisons de l'emploi pourront contribuer à l'accompagnement de tous les publics, inscrire des demandeurs d'emploi et collaborer avec France Travail. L'idée consiste à faire en sorte que le réseau se structure autour de l'ensemble des partenaires.

Si l'on peut regretter l'absence d'augmentation en 2025 des crédits de l'IAE, rappelons qu'ils sont néanmoins passés de 841 millions d'euros à 1,5 milliard d'euros. Ses structures, de l'association au chantier d'insertion, apparaissent efficaces pour favoriser l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi, voire des demandeurs d'emploi de longue durée. Je ne vous ai pas caché que, par le jeu de l'inflation, le maintien en 2025 des crédits de l'IAE équivaut de fait à une légère baisse de ces crédits. Cependant, la principale difficulté tient plutôt au départage entre associations et chantiers d'insertion, dont les coûts des accompagnements respectifs diffèrent notablement. Les chantiers d'insertion requièrent davantage de moyens, mais les associations se sont beaucoup développées et sollicitent plus souvent les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) afin d'obtenir ces moyens. Un véritable sujet de gouvernance reste ici posé.

Sur l'apprentissage, il demeure difficile de savoir ce qui risquerait d'en rompre la dynamique, comme on ignore si l'aide de 6 000 euros l'a servi ou a simplement créé un effet d'aubaine pour certaines entreprises. Cela étant, envoyer un message positif en direction des petites entreprises s'avère extrêmement important. D'où notre choix de relever l'aide de 4 500 à 5 000 euros. Pour sa part, la commission des finances a voté un premier amendement visant à restreindre l'octroi de l'aide aux niveaux de qualification inférieurs à bac+3 dans les entreprises dont l'effectif excède 250 salariés. Un second amendement de la commission prévoit des seuils de prise en charge pour les niveaux 6 - soit bac+3 ou 4 - et 7 - soit bac+5 et plus - de formation afin de limiter les effets d'aubaine et pour une économie de l'ordre de 600 millions d'euros, ce qui atteste de la réalité de ces effets.

Enfin, le dispositif TZCLD ne comporte pas de mécanisme d'évaluation propre. Dans le PLF pour 2025, 75 territoires en relèvent. Il concerne 3 160 personnes. Les départements contribuent à son financement à hauteur de 15 % et il est permis de s'interroger sur leur capacité à continuer à lui apporter leur concours.

Article 42

Les amendements II-635, II-636, II-637 et II-638 sont adoptés.

Article 48

L'amendement II-642 est adopté.

Après l'article 64

L'amendement II-639 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

· Direction générale du travail (DGT)

Nathalie Vaysse, cheffe de service

David Saffroy, chef du bureau du pilotage budgétaire et du contrôle de gestion

Fateh Azib, adjoint au chef du bureau du budgétaire et du contrôle de gestion

· Direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle

Fabrice Masi, chef de service

Boris Supiot, sous-directeur Financement et modernisation

Laurent Gaullier, sous-directeur des Politiques de formation de du contrôle

· Fédération nationale des directeurs de centres de formation d'apprentis

Jean Philippe Audrain, président

Pascal Picault, chargé de mission plaidoyer

· Fédération des entreprises d'insertion

Matthieu Orphelin, délégué général

· Coorace

Xavier Roy, délégué général

Adrien Rivière, chargé de plaidoyer

· France Travail

Thibaut Guilluy, directeur général

Carine Rouillard, directrice générale adjointe administration, finances, gestion

Charlotte Bertin, conseillère

Eudes de Morel, chargé de relations institutionnelles

· Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unédic)

Jean-Eudes Tesson, président

Patricia Ferrand, vice-présidente

Christophe Valentie, directeur général

Clémence Taillan, directrice de cabinet

· Fédération des entreprises de propreté (FEP)

Philippe Jouanny, président

Patricia Charrier-Izel, directrice générale

Loys Guyonnet, délégué général politiques sociales et influence

· France compétences

Stéphane Lardy, directeur général

· Bruno Coquet, président de UNO - Études & Conseil, chercheur associé à l'OFCE, Sciences Po

CONTRIBUTION ÉCRITE

· Caisse des dépôts et consignations

Partager cette page