N° 148

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

TOME I

COHÉSION DES TERRITOIRES

Par MM. Sébastien FAGNEN et Louis-Jean de NICOLA•,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Philippe Tabarot, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Didier Mandelli, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

CHAPITRE IER
LES CRÉDITS CONSACRÉS
À L'AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE

Réunie le 20 novembre 2024, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur Sébastien Fagnen, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire inscrits au projet de loi de finances pour 2025, sous le bénéfice de l'adoption d'un amendement en faveur du déploiement de la fibre à Mayotte.

La commission s'alarme du désengagement de l'État du Plan France très haut débit, qui s'apparente à un transfert de charge au détriment des collectivités territoriales et qui remet en cause l'atteinte des objectifs de généralisation de la fibre optique à l'horizon 2025.

Elle se félicite de l'amorce dans ce projet de loi de finances d'un soutien aux raccordements complexes, à la fois dans les domaines publics et privés, tout en appelant à amplifier la dynamique.

Dans un contexte de fermeture prochaine du réseau cuivre, qui doit faire l'objet d'une communication plus proactive de la part de l'État, la commission réitère son appel à un renforcement de la qualité des raccordements en fibre optique, qui conditionne l'acceptabilité de cette fermeture.

L'aménagement numérique du territoire doit également conduire au développement équilibré d'antennes-relais, pour lesquelles la spéculation foncière actuelle pourrait constituer un frein, ainsi qu'à l'installation de centres de données de proximité, répartis sur l'ensemble du territoire.

Enfin, la commission alerte l'État sur la nécessité de ne pas reculer sur l'inclusion numérique. Le dispositif des conseillers numériques France services ne doit pas rester au milieu du gué, alors que l'attrition des crédits prévue par le PLF pour 2025 conduit également à un report de charges.

   

Réseau de fibre optique

Couverture en fibre optique
de la France métropolitaine (2024)

I. PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT : ÉVITER L'ESSOUFFLEMENT DANS LE DÉPLOIEMENT DES RÉSEAUX DE FIBRE OPTIQUE

A. UNE ATTRITION DU SOUTIEN DE L'ÉTAT QUI S'APPARENTE À UN REPORT DE CHARGE AU DÉTRIMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

 

...des locaux éligibles à la fibre optique en 2024

Le Plan France très haut débit (THD), initié en 2013, vise à généraliser la fibre optique sur le territoire à horizon 2025. Pour y parvenir, il mobilise deux dynamiques complémentaires :

- l'investissement privé des opérateurs (zones d'initiative privée) ;

- l'investissement public des collectivités territoriales et de l'État (zone d'initiative publique).

Évolution des crédits du Plan France THD entre le PLF 2024 et le PLF 2025

 

Le PLF pour 2025 prévoit une réduction drastique des crédits alloués au plan. Un effort reste pourtant nécessaire pour atteindre l'objectif de généralisation de la fibre optique en 2025. Au-delà de l'essoufflement du programme, le ralentissement risque également de conduire à un report de charges : le désengagement de l'État oblige les collectivités territoriales à augmenter leur participation dans le déploiement des réseaux de fibre optique.

Mayotte, seul département dans lequel le déploiement de la fibre optique n'a aujourd'hui pas débuté, est particulièrement touché par ce coup de rabot. Un projet de réseau d'initiative publique est aujourd'hui finalisé. Il ne pourra toutefois pas voir le jour s'il n'est pas cofinancé par l'État. L'amendement de la commission propose donc d'abonder les crédits du Plan France très haut débit à hauteur de 37,6 millions d'euros, afin de soutenir spécifiquement le déploiement de la fibre optique à Mayotte.

B. UN SOUTIEN PUBLIC AU RACCORDEMENT COMPLEXE, QUI DEVRA S'INTENSIFIER DANS LES PROCHAINES ANNÉES

L'effort de déploiement de la fibre optique doit aujourd'hui se porter davantage sur les raccordements complexes, c'est-à-dire ceux qui nécessitent la création ou la mise à niveau d'infrastructures particulières. La commission alerte sur la nécessité d'un soutien financier à la réalisation de ces raccordements, alors même que les besoins sont considérables.

Le PLF 2025 acte, à raison, la nécessité de ce soutien, en prévoyant :

- les premiers décaissements pour l'appel à projets sur les raccordements en domaine public, doté de 150 millions d'euros de crédits qui seront consommés jusqu'en 2027 ;

- le lancement d'un dispositif expérimental de soutien aux raccordements complexes en domaine privé, pour un montant de 16 millions d'euros.

C. QUALITÉ DES RACCORDEMENTS : UNE PERSISTANCE DES DIFFICULTÉS, EN DÉPIT DES ALERTES DU SÉNAT

En 2023, Patrick Chaize avait déposé une proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de fibre optique, examinée par la CATDD puis adoptée par le Sénat à l'unanimité le 2 mai 2024, qui visait à remédier aux raccordements de mauvaise qualité. Un an plus tard, le constat reste malheureusement le même : le dernier rapport de l'observatoire de la qualité du réseau de fibre optique révèle une stabilité globale des indicateurs de qualité, concernant à la fois le taux de pannes et le taux d'échec de raccordement.

II. LES NOUVEAUX DÉFIS DES INFRASTRUCTURES NUMÉRIQUES : LA FERMETURE DU RÉSEAU CUIVRE, LA LUTTE CONTRE LA SPÉCULATION FONCIÈRE ET LES CENTRES DE DONNÉES

A. FERMETURE DU RÉSEAU CUIVRE : UNE MEILLEURE INFORMATION DU PUBLIC EST NÉCESSAIRE

La couverture du territoire en réseaux de fibre optique de qualité est un préalable à la fermeture du réseau cuivre, qui entre en 2025 dans sa phase industrielle. Les premières fermetures, qui ne concernent à ce stade que quelques communes, ont révélé les difficultés de la mise en oeuvre de cette nouvelle étape : une campagne de communication à grande ampleur est aujourd'hui souhaitable pour informer le public de la fermeture du réseau.

Cette campagne ne pourra pas reposer que sur les maires, ni sur les opérateurs, qui n'ont pas la légitimité des pouvoirs publics. L'État doit remplir cette mission d'information, et il doit le faire au plus vite : plus nous nous approcherons de la date de fermeture commerciale puis technique du réseau cuivre, plus l'effort de pédagogie auprès du citoyen sur l'intérêt de la fermeture sera délicate à réaliser.

B. ANTENNES-RELAIS : METTRE FIN À LA SPÉCULATION FONCIÈRE

Les emplacements sur lesquels sont réalisées les antennes-relais sont touchés depuis plusieurs années par un phénomène de spéculation foncière. Certains acteurs reprennent en effet à échéance des baux d'emplacements destinés à accueillir des antennes-relais, ce qui peut amener l'occupant à démonter les infrastructures qu'il a réalisées. Environ 2 400 emplacements - soit 3,75 % du total - seraient concernés par cette problématique. L'article 17 du projet de loi de simplification de la vie économique, adopté par le Sénat en octobre 2024, vise à répondre à ce phénomène de spéculation en prévoyant qu'un acteur qui reprend un bail d'emplacement doit obligatoirement disposer d'une attestation par laquelle un opérateur de téléphonie mobile s'engage à exploiter l'antenne-relais.

C. CENTRES DE DONNÉES : POURSUIVRE LE DÉVELOPPEMENT DE CENTRES DE PROXIMITÉ

Les centres de données constituent un véritable enjeu d'équité entre les territoires et d'indépendance nationale et européenne. Le territoire français est maillé par deux grands pôles du stockage de données, Paris et Marseille, auxquels s'ajoute un réseau de 250 centres de données de proximité, situés dans les métropoles, mais aussi dans de nombreuses villes moyennes. Ce réseau, devenu une véritable spécificité française, est en cours de densification permanente.

III. INCLUSION NUMÉRIQUE : UNE BAISSE BRUTALE DES CRÉDITS AU DÉTRIMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DES USAGERS

A. CONSEILLERS NUMÉRIQUES FRANCE SERVICES : UN DISPOSITIF EFFICACE ET SALUÉ SUR LE TERRITOIRE

Afin d'apporter une réponse territorialisée au phénomène d'illectronisme, des conseillers numériques France services (CNFS) ont été recrutés dans le cadre du plan France Relance en 2021. Ils assurent un service d'appui aux démarches administratives pour les usagers et des formations aux usages numériques dans les territoires. En 2023, le renouvellement du soutien financier public au dispositif a été annoncé pour 3 ans.

B. LA BAISSE DU SOUTIEN DE L'ÉTAT MENACE LA PÉRENNITÉ DU DISPOSITIF

Les crédits alloués au dispositif par le projet de loi de finances pour 2025 sont de 27 millions d'euros, alors que la loi de finances pour 2024 accordait 41 millions d'euros à l'emploi des CNFS. Cette baisse brutale constitue un transfert de charge financière vers les collectivités territoriales ou le secteur associatif. Pour les structures qui ne seront pas en mesure d'assurer cette charge financière, elle les conduira fatalement à abandonner progressivement ce service.

Le nombre de conseillers numériques :  4 000 aujourd'hui, pourrait être plus que divisé par deux, pour atteindre 1 500. Pourtant, les besoins de la population ne disparaîtront pas, dans un contexte de dématérialisation croissante : un quart des Français considère toujours ne pas maîtriser suffisamment les outils informatiques pour pouvoir les utiliser pleinement, selon le baromètre du numérique 2024.

Le coup d'arrêt porté à cet élan porteur de progrès risque, de plus, de pénaliser les territoires les plus fragiles, les communes rurales et les quartiers de la politique de la ville (QPV), qui ont cependant véritablement besoin du soutien de l'État pour lutter contre l'illectronisme.

La commission sera particulièrement vigilante au devenir de ce dispositif, vital aux citoyens en situation d'illectronisme, dans un contexte de dématérialisation croissante des services publics.

CHAPITRE II
LES CRÉDITS CONSACRÉS
AUX POLITIQUES DES TERRITOIRES

Réunie le 20 novembre 2024, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la politique des territoires inscrits au projet de loi de finances pour 2025 (PLF).

Notant la rationalisation des crédits consacrés à la politique de cohésion des territoires et à son programme 112 relatif à l'aménagement du territoire, la commission partage le réalisme budgétaire de ce projet de budget, consistant à agir mieux avec moins. Elle salue également l'effort en faveur du verdissement des dotations de l'État à l'égard des collectivités territoriales, mais appelle à être vigilant sur le pouvoir pétrifiant que ce verdissement peut avoir sur les plus petites collectivités.

La commission appelle le Gouvernement à procéder à une réflexion d'ampleur sur l'éclatement de l'offre d'ingénierie territoriale à destination des élus locaux ainsi que sur les agences porteuses de l'offre. Elle considère en effet que la parcellisation de l'offre est nuisible aux élus locaux, parfois décontenancés en l'absence d'informations simplement disponibles.

Dans la continuité de la position défendue depuis plusieurs années avec constance, la commission insiste sur l'impérieuse nécessité, à l'issue de l'année 2025, de prolonger le soutien à destination d'un programme national consacré aux ouvrages d'art. Enfin, l'article 27 du PLF2025 répond aux vives inquiétudes de la commission concernant les 2 168 communes qui n'étaient plus éligibles au bénéfice du dispositif des ex-zones de revitalisation rurales (ZRR) rebaptisées France ruralités revitalisation en 2024. Le projet de loi de finances pour 2025 corrige ainsi un puissant effet de bord qui avait été identifié et dénoncé par la commission, en incluant jusqu'en 2027 ces communes dans le zonage.

I. BUDGET 2025 : RÉPARTIR L'EFFORT FINANCIER SANS OBÉRER LES SOUTIENS ENVERS LES COLLECTIVITÉS

A. CONTRACTUALISATION ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UNE VERTIGINEUSE PERTE DE VITESSE

Le projet de loi de finances pour l'année 2025 prévoit des réductions budgétaires conséquentes à destination de plusieurs mesures phares du programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » rattaché à la Mission « Cohésion des territoires ».

L'abondement du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) dans sa section locale, qui porte les crédits relatifs à la contractualisation entre l'État et les territoires, au travers des contrats de plan État-régions (CPER), des contrats de plan interrégionaux (CPIER), des pactes de développement territorial ou encore des contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE) s'élève à 65 M€ en AE et à 21 M€ en CP (contre 190 M€ en AE et 131 M€ en CP en loi de finances initiale pour 2024), en baisse respectivement de 66 % et de 84 % par rapport à 2024.

Parmi ces contrats, les CPER, les CPIER ainsi que les douze pactes de développement territorial sont particulièrement affectés. Aucuns crédits de paiement n'ont été ouverts par le Gouvernement en 2025 pour ces derniers, ce coup d'arrêt substantiel repoussera l'exécution de certains engagements prévus. Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, ce lissage temporel des paiements est un avantage sur lequel le rapporteur recommande de s'appuyer. À plus long terme et au bénéfice d'une amélioration du contexte budgétaire, il insiste toutefois sur la nécessité d'honorer les engagements passés afin de préserver la crédibilité de l'action de l'État dans les territoires.

Zoom sur les espaces France services

Le rapport de la Cour des comptes de septembre 2024 consacré au programme France services constate que les 2 700 établissements labellisés du programme se situent à moins de 30 minutes de transport pour les usagers. Le réseau est largement sollicité, passant de 1,17 million de demandes traitées en 2020, à 9 millions fin 2023. La satisfaction des usagers des espaces France services dépasse les 90 %.

L'expérience France services apparaît plus pertinente que le précédent programme « maisons de services au public » (MSAP), qui était jusqu'alors le dispositif de services mutualisés le plus abouti.

Le rapport estime toutefois que ce réseau pourrait davantage tenir compte des spécificités des territoires et mieux connaitre les publics de chaque territoire.

B. VERDISSEMENT DES DOTATIONS FINANCIÈRES : UN EFFORT À SALUER

Depuis 2024, la DETR1(*), la DSIL2(*) et la DSID3(*) sont toutes trois intégrées au budget vert de l'État. Le projet de loi de finances pour 2025 rehausse l'ambition de l'État en faveur du soutien aux investissements verts. Les crédits alloués aux dotations d'investissement aux collectivités territoriales, au sein du programme 119 de la Mission « Relations avec les collectivités territoriales » devront concourir à la transition écologique.

Ainsi, sur l'enveloppe totale déterminée pour chaque catégorie de dotations, la part de projets considérés comme « vertueux », doit correspondre aux pourcentages indiqués ci-contre.

Un investissement est ainsi considéré comme vertueux s'il est favorable à au moins un des six axes suivants : adaptation et lutte contre le changement climatique, gestion de la ressource en eau, économie circulaire et déchets, lutte contre les pollutions et préservation de la biodiversité. Toutefois, afin de tenir compte des spécificités des territoires ruraux, le rapporteur appelle à la vigilance afin que ces objectifs de verdissement ne conduisent pas, pour les plus petites collectivités, à paralyser leur action d'investissement.

Ce verdissement des dotations aux collectivités s'apprécie également, dans le cadre du plan France ruralités, au maintien de l'effort financier à destination de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales à 100 M€ en AE et en CP, au même niveau qu'en 2024 lequel était supérieur de 40 %au niveau de 2023.

II. OFFRE D'INGÉNIERIE : REDONNER DE LA LISIBILITÉ AUX ÉLUS LOCAUX

A. RATIONALISER ET CONSOLIDER UNE OFFRE D'INGÉNIERIE ÉCLATÉE

1. Améliorer la connaissance de l'offre à destination des élus locaux

Source : Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Les crédits à destination de l'ingénierie territoriale se révèlent, comme les années précédentes, faiblement lisibles en raison de la multiplication des canaux par lesquels ils transitent au détriment d'un guichet unique censé simplifier l'accès à l'ingénierie. Ce manque de clarté se fait ressentir dans les territoires, les élus locaux se trouvent parfois décontenancés par une offre éclatée.

En réponse à ces difficultés, le Gouvernement a prévu pour 2025 de rattacher la plateforme « Aides-territoires », conçue par la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), à l'écosystème des services numériques de l'ANCT. Cette opération permet de centraliser plus de 300 types d'aides à destination des collectivités territoriales.

Le rapporteur pour avis considère toutefois que cet outil n'est pas adapté aux territoires ruraux et aux plus petites communes. Il insiste sur la nécessité d'adapter cet instrument, pour y intégrer un espace dédié à la ruralité.

2. Rationaliser l'émiettement de l'offre en matière d'ingénierie

L'émiettement de l'ingénierie entre l'État et les différents échelons de collectivités territoriales participe d'une illisibilité globale de l'offre. La commission souhaite appeler l'attention sur cette parcellisation de l'ingénierie publique qui se fait souvent au détriment de la bonne information des élus locaux.

Si les programmes nationaux de l'État, portés notamment par l'ANCT pour le volet ingénierie territoriale, produisent des effets quantifiables (Action coeur de ville, Petites villes de demain (PVD), Villages d'avenir, etc.), l'offre d'ingénierie « sur-mesure » peine encore parfois à satisfaire. L'effort financier demandé à l'Agence pourrait alors essentiellement se concentrer sur la rationalisation de cette ingénierie en réduisant le recours aux lots de marchés d'ingénierie nationaux et en favorisant le recours à une ingénierie locale et de proximité, familière des enjeux du terrain. À cette aune, l'action 12 du programme 112 finance à hauteur de 3 M€ en AE et CP des associations dans le domaine de l'aménagement du territoire, ces dernières gagneraient à être plus étroitement associées aux projets d'ingénierie afin de favoriser les initiatives locales.

B. AU SEIN DE L'ARCHIPEL DES AGENCES : QUELLE PLACE POUR L'ÎLOT ANCT ?

Dans ce projet de loi de finances pour 2025, les crédits destinés à la SCSP4(*) de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) devraient diminuer d'environ 21 %, les crédits de paiement passeraient ainsi de 81,5 M€ en loi de finances initiale pour 2024 à 64 M€. Les effectifs de l'Agence connaîtront une baisse significative de 21 équivalents temps plein travaillé (ETPT), passant de 371 ETPT en 2024 à 350 ETPT en 2025. La commission salue ce pragmatisme budgétaire et le souci de faire « aussi bien avec moins ». Dans son précédent avis, le rapporteur avait regretté que les crédits alloués à l'ingénierie publique, notamment ceux à destination de l'ingénierie « sur-mesure », soient rehaussés au détriment des enveloppes de dotations à destination des collectivités territoriales (DETR, DSIL, DSID, etc).

Comme l'année dernière, le rapporteur pour avis estime nécessaire une réflexion sur le phénomène « d'archipellisation » des agences de l'État dans les territoires, dont l'ingénierie se révèle être un cas d'école. Conformément au souhait du Premier ministre Barnier, il estime fondamental que les ministères de tutelle procèdent à une évaluation en profondeur de chaque agence dont il a la responsabilité afin de limiter l'effet « doublon » et la multiplication des interlocuteurs des élus locaux.

III. VEILLER SUR LES COMMUNES : DEMEURER VIGILANT SUR LES PONTS ET LE ZONAGE FRANCE RURALITÉS REVITALISATION

A. PROGRAMME NATIONAL PONTS : NE PAS BAISSER LA GARDE

En octobre 2024, une délégation de la commission s'est rendue dans le département du Doubs et a visité trois ouvrages d'art, mesurant ainsi l'impérieuse nécessité d'assurer la sûreté de nos ponts. À cet égard, un programme national spécifiquement dédié aux ouvrages d'art, tel que le « programme national ponts » (PNP) porté par le Cerema, lui est apparu précieux.

Si le PNP est encore abondé en crédits pour l'année 2025 et s'il n'apparaît aujourd'hui pas utile d'abonder davantage cette enveloppe, la commission estime que cette priorité méritera une attention toute particulière en fin d'année prochaine, afin de ne pas abaisser la mobilisation suffisamment de moyens financiers à cette infrastructure majeure.

B. LE ZONAGE EN FRANCE RURALITÉS REVITALISATION : UN HEUREUX RATTRAPAGE

L'article 27 du projet de loi de finances pour 2025 tire les conséquences des multiples alertes de la commission sur les effets de bord de la réforme des anciennes « zones de revitalisation rurale » (ZRR) lors de l'examen du projet de loi de finances de l'an passé. En effet, cette réforme avait eu pour conséquence d'exclure 2 168 communes anciennes classées du nouveau zonage « France ruralités revitalisation » (FRR).

Le Premier ministre d'alors, Gabriel Attal, avait garanti, en juin 2024, le rattrapage de ces communes malheureuses. Cette mesure du PLF 2025 permet au Gouvernement de tirer les conséquences de cet engagement. La prolongation temporaire jusqu'en 2027 de l'éligibilité des « communes rattrapées » au bénéfice du nouveau classement en FRR correspond à l'esprit du législateur qui avait souhaité que les dépenses fiscales ne soient plus prolongées au-delà de trois ans, afin d'en évaluer à moyen terme leur efficience5(*).

TRAVAUX EN COMMISSION

Table ronde sur le déploiement des réseaux de fibre optique -
Audition de représentants de l'Arcep, de l'ANCT et de Avicca
(Mercredi 6 novembre 2024)

M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaite la bienvenue à Alexandre Basquin, qui siège pour la première fois au sein de notre commission, où il remplace Pierre Barros, lequel a rejoint la commission des finances en remplacement d'Éric Bocquet. J'espère que notre nouveau collègue s'intégrera aussi bien que son prédécesseur dans notre « collectif », avec l'état d'esprit constructif qui irrigue les travaux que nous conduisons et dans le respect des sensibilités politiques de chacun.

J'en viens à notre réunion d'aujourd'hui, consacrée au déploiement des réseaux de fibre optique. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable suit attentivement les enjeux de l'aménagement numérique du territoire qui fait l'objet, chaque année, d'un avis budgétaire dont Sébastien Fagnen est aujourd'hui le rapporteur.

Nous portons une attention toute particulière à l'avancée du Plan France très haut débit, qui a pour objet de généraliser l'accès à la fibre optique sur le territoire, depuis son lancement en 2013. À mesure que les réseaux se sont constitués, nous avons également exercé une vigilance renforcée sur la qualité du service offert à nos concitoyens, notamment en examinant la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, en avril dernier. Je salue d'ailleurs son auteur, notre collègue Patrick Chaize, présent aujourd'hui en qualité que président du conseil d'administration de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca).

Notre commission est particulièrement attachée à la protection de l'égal accès de nos concitoyens aux réseaux de télécommunications. C'est la raison pour laquelle la fermeture du réseau « cuivre » historique d'Orange, par lequel nos concitoyens se connectent à l'internet haut débit (ADSL), me pose tout particulièrement problème. Il faut en effet que les réseaux de fibre optique soient installés sur l'ensemble du territoire et que le raccordement final soit mené sans malfaçon pour que cette fermeture ne se solde pas par une dégradation de la qualité de service.

J'appelle enfin l'attention de chacun d'entre vous sur les enjeux posés par la résilience des réseaux. Les inondations des dernières semaines nous l'ont rappelé, nous dépendons de plus en plus des réseaux, y compris pour apporter des réponses aux situations d'urgence, notamment aux événements météorologiques extrêmes : il faut s'assurer que les réseaux pourront toujours fonctionner contre vents et marées, si j'ose dire. Nous nous sommes récemment intéressés à ce sujet, dans le cadre d'une table ronde relative à la résilience des réseaux face aux aléas climatiques, organisée en mai 2024.

Pour aborder l'ensemble de ces questions, nous avons le plaisir de recevoir ce matin Mme Laure de La Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ; M. Zacharia Alahyane, directeur des programmes France Mobile et France Très Haut Débit, au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ; et, comme je l'ai déjà dit, notre collègue Patrick Chaize, président de l'Avicca.

Je souhaiterais avoir votre regard sur ces trois enjeux relatifs à l'aménagement numérique du territoire :

Quel bilan tirer du Plan France très haut débit, plus de dix ans après son lancement ? L'objectif de la généralisation en 2025 est-il toujours atteignable ?

Où en est-on de la fermeture du réseau de cuivre ? Le retard de déploiement de la fibre optique a-t-il été pris en compte dans le calendrier de fermeture ?

Quelles actions mettez-vous en oeuvre pour assurer une plus grande résilience des réseaux au changement climatique ?

Avant de vous céder la parole, en m'éloignant un peu du coeur de notre sujet, pour également évoquer la fin programmée de la 2G, prévue d'ici à la fin de l'année 2025 ou à la fin de l'année 2026, selon les opérateurs concernés. Quelques problèmes pourraient se faire jour, car des services y sont associés, comme les ascenseurs, les téléalarmes ou encore les dispositifs médicaux. Des incidents risquent d'en découler. Pourrez-vous aborder ce sujet ? Il ne faudrait pas que l'on se pose la question du fonctionnement de ces dispositifs le lendemain de cette transition...

M. Patrick Chaize, sénateur, président du conseil d'administration de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel. - Mon propos s'articulera autour de quatre axes.

Le premier est la complétude des réseaux. En 2010, l'État a misé sur le déploiement privé des réseaux, conformément à une condition imposée par la Commission européenne, et a attribué différents territoires aux opérateurs privés. Les opérateurs devaient choisir les leurs et, dix ans plus tard, en 2020, les réseaux devaient y être intégralement déployés.

Malheureusement, cet objectif n'a pas été atteint et, aujourd'hui encore, dans les zones couvertes par les opérateurs privés, les réseaux ne sont pas intégralement déployés. Ainsi, paradoxalement, dans certains territoires couverts par la puissance publique, le réseau est intégralement déployé, alors que les zones prises en charge par le privé ne le sont pas. D'où des déséquilibres incompris par nos concitoyens sur le terrain. Cette situation est d'autant plus incompréhensible que les zones couvertes par le public sont les plus difficiles à équiper.

J'ai donc du mal à comprendre que, pour choisir les communes dans lesquelles le réseau de cuivre sera fermé, on privilégie l'équilibre entre opérateurs d'infrastructure (OI) du point de vue du nombre de prises déployées plutôt que les opérateurs qui ont le plus oeuvré pour la complétude de leur réseau. C'est une manière de récompenser les mauvais élèves et de sanctionner les bons...

J'ajoute que le renoncement par l'État à cet objectif de complétude, pourtant fixé par le Président de la République pour 2025, s'est matérialisé par la renégociation de l'accord de 2018 avec Orange fondé sur l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques. Cette reculade généralisée, présentée pourtant comme une avancée, nous montre que les collectivités et le régulateur sont seuls pour défendre aujourd'hui cette exigence de complétude.

Il y a plusieurs exigences à défendre ; je me tourne vers le régulateur pour lui demander de tenir bon, dans la durée, pour empêcher la suppression du réseau de cuivre en l'absence du réseau de fibre ; on doit tenir, pour pousser l'opérateur historique à la complétude, notamment en zone très dense mais aussi en zone relevant d'un appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii). Il convient que l'Arcep fasse respecter l'obligation réglementaire de complétude des points de mutualisation en cinq ans au maximum. L'Arcep a bien adressé des mises en demeure, mais aucune pénalité n'a été prononcée dans ce domaine.

Cela dit, l'État doit également honorer sa signature pour financer les décaissements des collectivités dans le cadre du Plan France très haut débit ; je me tourne plutôt vers l'ANCT à cet égard. À ce jour, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ne permet pas de couvrir l'ensemble des besoins des collectivités. J'ai donc rappelé hier à Antoine Armand, en commission des finances, l'engagement de l'État envers les collectivités et le risque du transfert de dette de l'État vers ces dernières. Je rappelle en outre un engagement, confirmé par un courrier signé de trois ministres, pour ce qui concerne les crédits de Mayotte, dernier département français à se lancer dans un projet de déploiement de la fibre optique. La fibre optique pour tous doit être financée, réellement, pour tous. Si l'État s'arrête au milieu du gué, les collectivités ne pourront pas finir seules le travail...

L'État doit également honorer sa signature, sans quoi les réseaux d'initiative publique (RIP) cesseront tôt ou tard leurs travaux. Or rendre raccordables 100 % des locaux ne suffit pas, il faut les raccorder effectivement et, entre l'absence d'infrastructures mobilisables - si le fourreau est bouché, par exemple - et le fait que les logements neufs ne peuvent plus bénéficier depuis 2021 du service universel du cuivre, le raccordement ne va pas de soi.

En ce qui concerne le domaine public, la Banque des territoires propose de permettre l'utilisation des fourreaux d'Orange ; cela paraît être la meilleure solution, puisque cela ne requiert pas un euro d'argent public. Quant à la partie privative, elle nécessitera la mise en oeuvre d'un dispositif d'aide publique, éventuellement sous condition de ressources, liée à la fermeture du réseau de cuivre, qui est imposée à tous. Il faut donc aider ceux qui n'avaient pas prévu de passer à la fibre à le faire. L'État a prévu une expérimentation en ce sens dans le PLF 2025 ; c'est une bonne nouvelle. Toutefois, si cette expérimentation donne de bons résultats et si l'aide est pérennisée, tout en étant gérée par l'État afin de garantir l'égalité de traitement des clients quel que soit l'opérateur, cette aide devra être indirectement financée par les opérateurs privés.

Il ne faudrait pas céder à la facilité, de plus en plus promue par les opérateurs commerciaux (OC), qui consisterait à laisser tomber le raccordement à la fibre optique pour tous et à privilégier des technologies de substitution, comme la 4G fixe ou le raccordement par satellite. L'objectif de 100 % fibre doit demeurer l'ambition affirmée haut et fort par le Gouvernement. En effet, ces technologies, dont certaines ne sont pas souveraines, pourraient être plus présentes dans les zones Amii et les zones très denses, c'est-à-dire les zones les plus urbanisées du territoire, du fait de la moindre couverture de celles-ci par rapport aux zones bénéficiant d'un RIP.

Enfin, c'est la troisième exigence, il ne faut pas oublier l'enjeu de la « raccordabilité » de chaque Français, sans quoi nous laisserons entre 500 000 et 1 million de foyers sans solution de raccordement, alors que le réseau de cuivre va être bientôt fermé.

Le deuxième axe de mon intervention concerne la qualité des déploiements, promesse non tenue. Les indicateurs de suivi faussent la lecture et aggravent la situation.

La qualité des raccordements n'est en effet pas au rendez-vous. Les indicateurs de l'Arcep indiquent une amélioration, mais ils ne mesurent pas l'état des réseaux, donc les dégâts du mode Stoc (sous-traitance à l'opérateur commercial), non plus que les incidences sur ces réseaux. L'Arcep mesure les échecs au raccordement, c'est bien, mais ce n'est pas la mesure des conséquences du mode Stoc. Elle se demande si l'opérateur a pu faire démarrer la voiture, sans se demander s'il a dû défoncer la portière, casser le pare-brise ou arracher la moitié de la carrosserie ; tant que l'épave roule, tout va bien... Les opérateurs peuvent ainsi se féliciter que les choses aillent mieux, d'autant que, puisque les raccordements diminuent, leurs échecs diminuent aussi. Bref, cet indicateur ne témoigne véritablement pas de l'état du réseau.

L'Arcep mesure en outre l'évolution du nombre d'incidents, mais cette information n'est pas totalement partagée entre l'opérateur commercial et l'opérateur d'infrastructure. Un OC peut être intervenu à plusieurs reprises pour un problème d'accès à la fibre pour son client sans en avoir informé l'opérateur d'infrastructure (OI) via un ticket d'incident. Bien souvent, celui-ci n'apprend qu'incidemment l'existence de tels problèmes, quand il en est avisé par des élus, alertés eux-mêmes par les habitants. L'OC peut ouvrir un ticket d'incident mais, si le ticket a été ouvert à tort, ce n'est pas pris en compte dans les indicateurs. Bref, cet indicateur est laissé au bon vouloir des opérateurs commerciaux ; or ceux-ci souhaitent afficher que cela va mieux...

Quant aux mesures successives de la filière, plus personne n'y croit vraiment. La présidente de l'Arcep l'a formellement déclaré en septembre dernier, je l'en remercie. Toutefois, le nouveau ministre de l'industrie ne veut pas se saisir du sujet, si l'on en croit les propos qu'il a tenus au journal Les Échos la semaine dernière. La seule solution est donc de passer par la loi. Ma proposition de loi est peut-être perfectible, mais aucune autre proposition d'amélioration n'est venue d'où que ce soit, notamment des opérateurs, qui ont refusé de participer au débat. De fait, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par le Sénat. Un autre texte sur le même sujet a été déposé le 15 octobre à l'Assemblée nationale par M. Jean-Louis Thiérot, l'actuel ministre délégué chargé des anciens combattants, lorsqu'il était député ; c'est, à la virgule près, le texte adopté par le Sénat... J'en ai donc parlé au ministre et j'espère qu'il pourra peser de tout son poids au sein du Gouvernement pour que notre texte soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Troisième point de mon propos : la résilience des réseaux. Nous ne pouvons être que favorables à tout ce qui peut améliorer celle-ci, à commencer par l'arrêt des dégâts provoqués par les raccordements du mode Stoc, première cause de non-résilience. Le véritable sujet est toujours le même : comment payer les travaux nécessaires à une plus grande résilience ? Cette question est d'autant plus essentielle que l'équilibre financier de la plupart des RIP n'est pas assuré. En ce qui concerne la gestion de crise, en cas de catastrophe - tempête, inondation -, la préfecture a toujours le même réflexe : interroger Orange, sans considérer les autres OI ni les acteurs publics du déploiement de la fibre optique.

J'en arrive à mon quatrième et dernier axe : l'équilibre économique des RIP.

Les collectivités ont lancé leurs travaux de déploiement dans un contexte différent de celui d'aujourd'hui. Il n'était pas possible de tout anticiper ; citons ainsi le changement de tarification du réseau Fiber to the Home (FttH), imposé par l'Arcep, le peu de retour d'expérience sur le mode Stoc et le financement des réparations des dégâts, la hausse plus rapide que prévu du coût du génie civil d'Orange, le manque d'entretien des supports aériens, notamment d'élagage - les RIP concentrent 83 % des supports aériens utilisés pour le déploiement de la fibre optique -, l'arrêt par l'État du service universel en 2020, l'absence de péréquation pour l'exploitation, alors qu'il y en avait une pour le premier établissement - tous les réseaux publics, comme l'électricité, ont un fonds de péréquation -, ou encore l'effet de plus en plus fort du changement climatique, notamment sur les réseaux aériens.

Les réseaux d'initiative publique ne sont pas tous confrontés aux mêmes difficultés ; leur situation dépend de la topologie de l'habitat et des réseaux, de l'exposition aux aléas climatiques et de la capacité du RIP à construire un réseau souterrain plutôt qu'aérien.

Il convient donc, et c'est urgent, de remettre en place une péréquation, sur le modèle du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé), et de rétablir le service universel. Bref, il faut prolonger tout ce dont a bénéficié France Télécom, puis Orange par le passé.

Mme Laure de La Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. - Je suis heureuse d'intervenir devant vous ce matin pour faire le point sur ce chantier majeur d'infrastructure, essentiel pour nos concitoyens et les entreprises de nos territoires, qui a débuté voilà plus de dix ans.

Je rappellerai tout d'abord le rôle de l'Arcep dans le déploiement du Plan France très haut débit. L'Autorité a posé un cadre réglementaire visant à encourager les investissements efficaces et le co-investissement afin de couvrir tout le territoire en réseau fixe de fibre optique de qualité. Ce cadre réglementaire a été salué par une étude du cabinet Morgan Stanley, soulignant que la France est le pays dans lequel le cadre réglementaire de déploiement de la fibre s'appuie sur les investissements les plus efficaces, car il évite les doubles déploiements existant dans d'autres pays européens. Notre autre rôle est de contrôler les actions des opérateurs au regard des obligations de ce cadre réglementaire et d'informer les citoyens et collectivités sur la couverture fixe et mobile.

Le territoire est devisé en trois types de zones confiées à l'initiative privée :

Il y a d'abord les zones très denses - 106 communes -, où s'opère une concurrence par les infrastructures. Dans la majorité des cas, un seul opérateur déploie le réseau et il n'y a pas beaucoup de chevauchements. Nous n'avons pas conçu de cadre réglementaire au-delà du code européen des télécommunications, qui prévoit que, dans les zones pouvant présenter un intérêt pour l'ensemble des opérateurs, la concurrence s'applique.

Il y ensuite les zones Amii, que les opérateurs se sont réparties depuis 2010 et dans lesquelles ils se sont engagés à couvrir quelque 3 500 communes. À compter de 2018, ils se sont engagés, au titre de l'article L. 33-13, à couvrir 100 % des locaux en deux ans, avec 8 % au maximum des locaux raccordables à la demande.

Il y a enfin les zones relevant d'un appel à manifestation d'engagements locaux (Amel), qui sont des zones rurales dans lesquelles aucun projet RIP n'est lancé.

S'ajoutent à ces trois zones relevant de l'initiative privée les réseaux d'initiative publique, lesquels reposent sur un engagement fort des collectivités. En effet, dans certains territoires, ces zones sont en avance par rapport à la moyenne des zones très denses et Amii, ce qui peut occasionner une incompréhension des habitants des grandes villes. Via les RIP, les collectivités territoriales et les syndicats numériques, sont des acteurs régulés par l'Arcep.

Le fait que nous ayons désormais à réguler plus de 80 réseaux de fibre optique, contre un seul réseau de cuivre auparavant, a bien évidemment fait changer de nature le travail de l'Arcep.

Ainsi, à fin juin 2024, le réseau FttH couvre 89 % du territoire, après un rattrapage des zones RIP et des zones Amel au cours des dernières années.

J'en viens aux principales obligations issues du cadre réglementaire pour le déploiement du réseau FttH.

Première obligation : l'obligation de complétude des réseaux FttH. Les réseaux de raccordement des locaux doivent être déployés à l'arrière d'un point de mutualisation - l'armoire de rue - dans les cinq ans. Au printemps dernier, nous avons adressé à Orange et SFR une mise en demeure relative à 9 000 points de mutualisation concernant 600 000 locaux, pour lesquels ce délai n'a pas été respecté. Nous sommes très attentifs au respect de cette obligation de complétude. Quand nous mettons un opérateur en demeure de finaliser le déploiement, nous devons, aux termes du cadre réglementaire applicable, lui donner un délai lui permettant de le faire ; ce délai est calculé pour être ambitieux mais raisonnable. Nous serons également très attentifs au respect des engagements après mise en demeure.

Deuxième obligation : le déploiement du réseau de fibre comme préalable à la fermeture du réseau de cuivre. Nous sommes très vigilants sur ce point. La fermeture technique du réseau de cuivre du lot 1 est prévue pour la fin du mois de janvier 2025. L'autre étape importante dans la fermeture du réseau de cuivre est la fermeture nationale annoncée par Orange pour le 31 janvier 2026. Or, à cette date, le déploiement de certaines communes ne sera pas achevé, par exemple en Bretagne ou dans certaines zones Amii. Orange a donc révélé une liste de 350 communes qui ne seront pas concernées par cette fermeture nationale au 31 janvier 2026, au motif que les critères ne seront pas respectés. Nous sommes en pourparlers avec Orange pour que l'opérateur indique les autres communes qui feront l'objet d'un report, sachant que cela se détermine au fur et à mesure des déploiements. Nous serons en tout cas vigilants au respect des critères par Orange avant toute fermeture du réseau de cuivre.

Les engagements de déploiement du réseau FttH en zone Amii pris par Orange et SFR en 2018 au titre de l'article L. 33-13 font également l'objet d'une grande vigilance de notre part. Nous avons mis en demeure et sanctionné Orange pour non-respect du premier jalon de 2020 à hauteur de 26 millions d'euros ; ce n'est pas habituel pour un régulateur sectoriel, en tout cas pour l'Arcep, de prononcer des sanctions de ce niveau, car le processus de mise en demeure permet en général d'obtenir le résultat escompté. La sanction a été attaquée par Orange devant la juridiction administrative. Le Conseil d'État a validé vendredi dernier, non seulement son principe, mais encore son montant ! Cela montre l'importance que revêt le déploiement de la fibre optique pour les citoyens et pour la France.

La société Orange a renégocié sa deuxième échéance, celle de 2022, avec le Gouvernement. Les nouvelles obligations qui s'appliquent à elle ne conduisent pas à un raccordement à 100 % d'ici à 2025, mais elle s'est engagée à rendre les locaux raccordables à la demande et à créer une offre de détail de « raccordabilité » à la demande. Cette offre est maintenant disponible et nous veillerons à son déploiement et à la publicité qui en est faite ; elle doit permettre à une personne non raccordable de demander à l'être. Cela permettra de résoudre des demandes urgentes de clients, dans un délai maximal de six mois.

S'agissant de la qualité de service et d'exploitation des réseaux FttH, nous sommes très impliqués sur cette question. C'est un sujet de préoccupation personnelle depuis ma prise de fonction, car je n'imagine pas d'avoir un réseau neuf de fibre, technologie prometteuse, sans que la qualité soit à la hauteur. J'en ai donc fait une priorité.

En septembre 2022, la filière a pris, devant le Gouvernement et moi-même, un certain nombre d'engagements selon deux axes principaux.

Le premier axe est l'amélioration des actions au quotidien sur le réseau, qui passe par la formation des techniciens, la limitation à deux du nombre de rangs de sous-traitance, la mise en place de procédures de contrôle et d'échanges quotidiens d'informations entre OI et OC. Ce processus n'était pas en place auparavant, je ne suis donc pas étonnée des dysfonctionnements constatés. Aujourd'hui, dans l'immense majorité des cas, il n'y a pas plus de deux rangs de sous-traitance ; si vous constatez l'inverse dans vos territoires, faites-le-nous savoir. Les comptes rendus d'intervention avec photo ont été mis en place et sont, dans leur grande majorité, conformes. En outre, un outil de contrôle et d'échange d'informations - e-intervention - a été déployé par les opérateurs.

Le second axe concerne les actions de reprise de réseaux, lorsqu'ils sont trop accidentogènes. Les opérateurs nous ont notifié leurs plans de reprise et l'on constate de réelles améliorations. Nous avons mis en place un observatoire de la qualité des réseaux FttH ; nous en publierons la semaine prochaine la quatrième édition. Nous suivons le taux de panne sur les réseaux, calculé à partir des tickets d'incident transmis par les OC aux OI en cas de panne liée au réseau, et le taux d'échec au raccordement. L'analyse du taux de panne par réseau est intéressante, parce qu'elle permet de montrer que certains réseaux ont des taux de panne très élevés, quand d'autres ont des taux de panne faibles. Indépendamment des malfaçons sur le mode Stoc, que je ne nie nullement, certains réseaux posent spécifiquement problème. Je ne leur ferai pas l'affront de les citer, mais certains opérateurs ont des réseaux beaucoup plus accidentogènes que d'autres. Certains réseaux semblent donc, soit mieux construits, soit mieux exploités par les OI.

La prochaine édition de l'observatoire montrera une réelle amélioration du taux de pannes et du taux d'échecs au raccordement. Les plans de reprise produisent donc leurs effets, comme l'attestent les remontées de certains élus. Cela signifie également que la qualité quotidienne de service des opérateurs s'améliore, même si nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Quoi qu'il en soit, c'est encourageant. À mon arrivée à l'Arcep, il existait un déni de la situation par les opérateurs commerciaux d'infrastructures et leurs sous-traitants. Certes, on enregistre au fil de l'eau un peu moins de raccordements, mais il en reste encore beaucoup. Il n'y a pas de saturation des réseaux en fibre, nous ne sommes pas au taux de pénétration maximal. Je serai vigilante jusqu'au bout pour continuer à améliorer la qualité de service.

Nous sommes en train de finaliser d'autres indicateurs qui refléteront mieux le mode Stoc, comme les taux de non-conformité des raccordements. C'est un travail très délicat de fiabilisation et d'échanges que nous menons avec les opérateurs. Nous exerçons une pression sur eux pour publier des indicateurs reflétant mieux les interventions elles-mêmes, conformément au souhait du président de l'Avicca.

Nous avons publié en juillet dernier le relevé géographique des déploiements actuels et à venir, qui donne une vision par départements et régions des prévisions de déploiement des opérateurs d'infrastructures. Certaines sont déjà à 100 %, d'autres sont à 95 %, mais prévoient de finir d'ici à 2025, d'autres sont encore plus en retard. Les données sont publiées en open data, et disponibles à échelle de la commune. Quoi qu'il en soit, en 2025, la couverture nationale atteindra 95 % des locaux.

Dans le cadre de notre rôle d'information des élus, des collectivités et des citoyens, nous disposons également d'outils de cartographie en matière de déploiement de la fibre optique. Grâce à « Ma connexion internet », on peut avoir accès aux débits à l'adresse, aux statistiques par strates administratives - communes, départements,
régions -, ainsi qu'aux cartographies des déploiements FttH.

Je ne voudrais pas conclure sans répondre à la question concernant l'extinction des réseaux 2G et 3G par les opérateurs.

Cette annonce a été faite en premier par Orange en février 2022 pour une fermeture de la technologie 2G à la fin 2025. Le cadre européen des télécommunications nous oblige à délivrer et à attribuer les fréquences de façon neutre technologiquement. Les fréquences utilisées pour la 2G pourront l'être demain pour la 4G, sans intervention de l'Arcep. Bouygues et SFR éteindront la technologie à la fin 2026. Si Orange éteint ses réseaux, c'est pour réutiliser les bandes de fréquences de la 2G, mais aussi pour des raisons économiques et environnementales. En tout état de cause, l'Arcep n'a pas de levier pour enjoindre aux opérateurs de reporter cette extinction, mais nous leur avons demandé des informations sur les actions mises en oeuvre pour piloter l'extinction du parc des cartes SIM 2, qu'il s'agisse des téléphones, des systèmes d'alarme, des ascenseurs, des voitures, etc.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci de vos réponses sur la fermeture de la 2G. C'est un sujet sensible pour nos territoires ruraux.

M. Zacharia Alahyane, directeur des programmes France Mobile et France Très Haut Débit de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. - La dynamique de l'éligibilité des locaux au FttH a été excellente durant la dernière décennie, avec un pic lors de la crise sanitaire en 2020. Nous enregistrons depuis un ralentissement. Ces chiffres s'appuient sur l'observatoire de l'Arcep publié à la fin du mois de juin 2024. Pour le dernier semestre 2024 et pour l'année 2025 environ 4,5. millions de ne sont toujours pas éligibles.

La mécanique tourne très bien, nous en sommes tous fiers. L'objectif, ambitieux au départ, de généralisation de la fibre en 2025 apparaît à notre portée. Mais le plus dur reste à faire, comme l'ont souligné le sénateur Chaize et la présidente de l'Arcep, car ce sont aujourd'hui les lignes les plus complexes qu'il nous reste à déployer.

Je souhaite maintenant évoquer le niveau de couverture par département. Si on s'approche des 100 %, on ne l'atteint jamais en raison de la dynamique immobilière : un territoire bloqué à 100 % serait un territoire qui perdrait des habitants. Notre objectif est que cette la couverture de l'ensemble des départements approche 100 % d'ici à la fin de l'année 2025. Aujourd'hui 89 % des locaux du territoire national sont raccordables à la fibre, soit 39 millions de locaux, ce qui place la France en tête du classement européen. La dynamique que nous avons installée grâce à un cadre réglementaire et grâce à des choix politiques spécifiques a permis un niveau de déploiement assez exceptionnel.

Par ailleurs, l'appropriation de la fibre par nos concitoyens ne cesse de progresser. Les chiffres sont assez éloquents : 25,5 millions d'abonnements très haut débit (THD) en France, dont 23 millions d'abonnements fibre. Cela signifie que les nouveaux abonnements concernent la fibre. Nos concitoyens l'attendent, ce qui conforte les efforts que nous avons tous consentis ces dernières années, qu'il s'agisse de l'État, des collectivités ou des opérateurs.

Le déploiement en zone RIP est piloté par l'ANCT, en lien avec les collectivités, conformément au choix politique qui a été fait. Les zones d'initiative publique, ce sont celles où l'on fait un constat de carence de l'initiative privée. Comme l'a souligné le sénateur Chaize, il s'agit des zones les plus rurales et les plus complexes à raccorder.

Les collectivités se sont parfaitement saisies du problème, sans contrainte sur les porteurs de projets : il peut s'agir du département, du conseil régional, d'un syndicat mixte créé pour l'occasion, d'un syndicat d'énergie. Nous n'avons pas imposé de schéma ni de forme de contrat, mais il s'agit très souvent d'une concession de délégation de service public afin d'optimiser la dépense publique.

Au total, 14,6 millions de locaux en zones rurales sont raccordables au FttH sur les 17,3 millions de locaux que compte la zone d'initiative publique, en l'état actuel des bases de locaux à la fin du mois de juin 2024.

Les zones RIP sont caractérisées par davantage de dispersion dans le niveau de déploiement. Beaucoup plus de départements ont dépassé le taux de 95 %. Cela rejoint ce qu'a dit la présidente de l'Arcep : dans certains territoires, la zone d'initiative publique est plus avancée que la zone d'initiative privée. Les zones rurales sont donc plus déployées que les zones urbaines, ce qui est assez contre-intuitif.

Force est donc de reconnaître que les collectivités porteuses de projets se sont emparées du sujet avec volontarisme et ont créé une dynamique. L'ANCT les a accompagnées techniquement, mais aussi financièrement pour le compte de l'État à hauteur de 3,6 milliards d'euros versés en subvention aux territoires.

Certains territoires en zone RIP sont malgré tout en retard. Il s'agit des territoires qui rencontrent plus de difficultés que les autres en raison de complexités locales. Ils font l'objet d'une attention particulière de l'ANCT via des dispositifs d'accompagnement et d'audit afin de les aider à ancrer le plus vite possible un rythme industriel de production des lignes et d'aller atteindre la cible de 2025.

Nous savons d'ores et déjà que quelques territoires ne seront pas au rendez-vous à cette date. Ce sera le cas de la Bretagne, qui a fait le choix de viser dès le départ 2026. Ce sera également le cas de Mayotte, car le projet mahorais n'a pas encore démarré. Nous souhaitons que l'attribution de la délégation de service public ait lieu dans les toutes prochaines semaines. C'est essentiel pour que Mayotte dispose d'un réseau fibré au même titre que l'ensemble du territoire national. L'une des particularités de l'île est que l'entièreté de son territoire est une zone d'initiative publique. L'autre particularité est qu'étant un département depuis 2011, elle n'a pas bénéficié du plan téléphone des années 1970 et ne dispose pas d'un réseau téléphonique préexistant en fil de cuivre.

En bref, la dynamique en zone d'initiative publique est, elle aussi, excellente, et nous l'accompagnons, avec 2025 en ligne de mire. Quelques territoires sont en difficulté, mais nous travaillerons à leur côté pour la généralisation de la fibre.

Une dynamique de déploiements ne peut s'envisager sans qualité.

La qualité des déploiements détermine la performance des réseaux dans le futur. Un réseau qui fonctionne aujourd'hui peut ne plus fonctionner demain si la qualité de sa réalisation n'est pas à la hauteur : la fibre n'est pas destinée à être remplacée, elle est là pour plusieurs dizaines années ; ce qui va changer, en revanche, ce sont les équipements optiques des opérateurs commerciaux, qui évolueront pour aller vers la meilleure technologie afin d'offrir toujours plus de services à nos concitoyens. Aujourd'hui, on passe du flux vidéo par ADSL, c'est-à-dire sur du fil de cuivre : qui imaginait cet usage il y a cinquante ans, dans les années 1970 ? Il en ira de même pour la fibre que nous installons aujourd'hui. Quel usage en ferons-nous dans cinquante ans ? Personne ne peut l'anticiper. Il importe donc de très bien construire nos réseaux pour ne pas avoir à les reprendre plus tard : il serait inadmissible de devoir couper dans dix ans l'accès internet de milliers d'abonnés parce que nous aurions financé un réseau de mauvaise qualité.

La qualité des raccordements, quant à elle, détermine l'appréciation de nos concitoyens du Plan France très haut débit de l'ANCT. C'est la dernière étape du déploiement, celle où le réseau entre dans le logement de nos concitoyens. Il nous faut, là encore, préserver la qualité. Vous le savez mieux que moi sur vos territoires, des mauvais raccordements, cela revient aussi à abîmer les réseaux construits.

L'ANCT s'est donc dotée d'un outil de contrôle via des audits de qualité des projets. L'objectif est d'accompagner les collectivités dans le renforcement de leurs projets. On ne saurait imaginer qu'un territoire dispose d'un réseau de moins bonne qualité que son voisin, cela risquerait d'éloigner les investisseurs. Les audits donnent de la force aux territoires vis-à-vis des opérateurs d'infrastructures, qui essaient bien souvent d'optimiser la dépense.

Il s'agit également de diagnostiquer les éventuelles difficultés, et de proposer des solutions techniques et opérationnelles concrètes. L'ANCT ne lâche rien et agit en bonne intelligence avec les territoires. Je précise que nous ne réalisons ces audits que sur les réseaux d'initiative publique que nous finançons. Nous n'en faisons pas dans les zones privées.

Le président Longeot a évoqué la question de la résilience. L'Arcep en donne une excellente définition en indiquant qu'il s'agit de la : « capacité d'un opérateur à s'assurer le retour à un fonctionnement normal des infrastructures qu'il opère et des services qu'il fournit dans le délai le plus court possible, à la suite de défaillances majeures de son réseau causant des dégradations et interruptions de service ».

Un réseau résilient n'est donc pas un réseau résistant absolument à tout. C'est un réseau qui peut rencontrer des difficultés, mais qui est capable de retrouver très rapidement un fonctionnement normal. La fin du réseau en cuivre est prévue pour 2030 : la fibre deviendra alors le réseau de référence des communications électroniques. Si un événement majeur entraînait des difficultés pendant cinq ou six jours, cela ne manquerait pas d'avoir un impact important. Je pense aux catastrophes naturelles, mais aussi aux accidents industriels, aux atteintes involontaires lors de travaux sur la chaussée, aux pannes majeures d'équipements du réseau, aux actes de malveillance, etc.

Pour autant, les enjeux de résilience des réseaux s'étudient et se travaillent à « froid ». Ce n'est pas lorsque survient l'événement lui-même que l'on fait de la résilience. Lors de l'événement, on est dans l'urgence et on essaie de s'en sortir comme on peut. Voilà pourquoi il est déterminant de préparer cette résilience.

L'ANCT a travaillé avec la Banque des territoires à la publication d'un guide destiné à donner des clés de compréhension sur le contexte de la résilience aux porteurs de réseaux d'initiative publique, aux préfectures, mais aussi à l'ensemble des acteurs. Il s'agit d'une méthode d'élaboration d'un schéma local de résilience destiné à recenser les risques sur un territoire donné et les réponses à y apporter. C'est déterminant, mais ce n'est que la première étape. Certains acteurs industriels me disent que la résilience c'est l'enfouissement : c'est faux ! Il ne peut s'agir que d'une réponse ponctuelle, en aucun cas d'une réponse globale.

L'architecture d'un réseau est, selon moi, la première étape de la résilience. Si le réseau est doublé, s'il passe par deux endroits différents, le flux d'information ne sera pas interrompu si l'une des sections est coupée. Nous encourageons donc le plus possible ce bouclage. Les équipements ont aussi toute leur importance : avons-nous des pièces de rechange ? Quid également de la résilience des réseaux d'énergie ? Sans parler du sujet organisationnel. Jusqu'à présent, en cas d'événement majeur dans un département, la préfecture appelait l'opérateur historique Orange. Demain, ce ne sera plus possible, car il y aura plusieurs opérateurs sur un même territoire. La gestion des crises sera donc plus complexe. C'est la raison pour laquelle l'ANCT travaille avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) pour mettre à jour le guide des plans Orsec Retap'Réseaux.

Par ailleurs, nous avons organisé avec nos collègues de l'Arcep et du ministère de l'économie des retours d'expérience de tous les territoires de la façade Ouest qui ont subi des événements climatiques en 2023. On doit en tirer des conclusions et le plus d'enseignements possible, c'est important pour l'ensemble des territoires.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire. - Ces interventions viendront nourrir utilement l'avis budgétaire que je vous présenterai dans quelques semaines.

L'année 2024 est une année charnière pour le développement de la fibre optique en France, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, après une décennie de progrès rapides, la vitesse du déploiement des réseaux marque le pas. Le plus dur est effectivement devant nous, car nous devons achever la couverture dans un contexte particulier d'attrition budgétaire.

Par ailleurs, l'étendue des réseaux de fibre optique rend aujourd'hui plus que jamais cruciales les questions de qualité du raccordement final et de résilience.

Enfin, comme l'a mentionné le président Longeot, la fermeture du réseau « cuivre » est programmée à un horizon extrêmement proche.

Tout d'abord la question du déploiement de la fibre optique dans le contexte budgétaire que nous connaissons me semble cruciale. Après un coup de rabot de 25 % des crédits de paiement en plein exercice budgétaire en février dernier, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle diminution de moitié des crédits. Cette situation menace le déploiement des RIP mené par les collectivités locales, alors que ces crédits ont vocation à financer des dépenses engagées depuis plusieurs années.

Comment l'ANCT, qui est chargée de la gestion des crédits du Plan France très haut débit, a-t-elle géré cette réduction inopinée de ses crédits ? Quel sera son impact sur le rythme du raccordement ?

Comment les collectivités territoriales accueillent-elles cette nouvelle donne budgétaire, qui vient s'ajouter à des efforts exigés ? Met-elle en péril les finances des plus volontaristes d'entre elles ?

Mon collègue Saïd Omar Oili vous posera tout à l'heure une question complémentaire relative au déploiement de la fibre à Mayotte. Un amendement avait été adopté lors du projet de loi de finances pour 2024 à l'initiative de notre commission, mais ces crédits ont été particulièrement malmenés, car il a fallu faire des économies au premier semestre de l'année 2024.

Par ailleurs, sur la qualité du raccordement final au réseau, nous espérons que la proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize adoptée à l'unanimité prospérera à l'Assemblée nationale. Quel bilan tirer des engagements des opérateurs depuis 2020 ? La qualité de service progresse-t-elle ? Faut-il que le législateur prenne des mesures afin de régler cette situation ?

Je m'inquiète également de la résilience des réseaux, mise à mal par des événements météorologiques extrêmes, ainsi que par des actes de malveillance et de sabotage, comme le 29 juillet dernier. Comment assurer une meilleure protection de nos réseaux de fibre optique ? Comment faire face aux coûts des investissements à venir, estimés entre 5 milliards et 15 milliards d'euros par la Banque des territoires ? Il ne faut jamais perdre de vue la matérialité des réseaux, et donc la nécessaire sécurisation de ces derniers contre les aléas climatiques, qui sont appelés à être de plus en plus récurrents et violents, mais aussi contre les actions de sabotage. Comment assurer une meilleure protection ? Vous avez apporté quelques éléments de réponse, mais ce débat n'a pas fini de nous agiter.

Cette question de la résilience est d'autant plus cruciale dans le contexte de fermeture du réseau de cuivre. Je partage pleinement les interrogations du président Longeot : comment envisager une telle fermeture alors que l'ensemble du territoire n'est pas encore raccordé ? Ne faudrait-il pas prendre d'abord des mesures fermes de garantie de qualité du raccordement au réseau de fibre optique afin d'éviter que certains de nos concitoyens ne soient captifs d'un réseau de faible qualité ? Quels enseignements peut-on d'ores et déjà tirer des premières expérimentations de fermeture ?

Je terminerai enfin par les perspectives budgétaires : quid du financement dans le projet de loi de finances pour 2025 des raccordements complexes, lesquels seront éminemment stratégiques ?

M. Zacharia Alahyane. - Malgré les annulations de crédits prévues en février dernier, nous serons en mesure d'assurer l'ensemble des versements du programme France Très Haut Débit pour l'année 2024, donc de répondre favorablement à l'ensemble des demandes.

Les raisons en sont multiples. Tout d'abord, les crédits de paiement versés jusqu'à présent ont été supérieurs aux besoins. Tout se passera donc bien pour 2024. En 2025, nous allons effectivement enregistrer des baisses de crédits de paiement, mais cela n'est pas anormal. Un certain nombre de territoires en zone RIP ont fini ou quasiment fini leur réseau : fatalement, il y aura moins de demandes. En revanche, force est de constater que, selon les prévisions, cette demande pour l'année 2025 sera supérieure aux 200 millions d'euros aujourd'hui prévus par le programme France Très Haut Débit.

Comme vous l'avez rappelé, le cadre budgétaire est très contraint. Nous nous attachons donc à actualiser les besoins. Cet exercice subtil que nous menons avec l'ensemble des porteurs de projets sera terminé au tout début du mois de décembre. Nous disposerons alors de chiffres plus robustes. Quoi qu'il en soit, il n'y a absolument pas de remise en cause des engagements de l'État. Les conventions signées par l'ANCT resteront valides. L'impact est donc plutôt sur la trésorerie. Reste à savoir qui absorbera les éventuels surcoûts de 2025. Si d'aventure nous devions manquer de crédits, nous essaierions de trouver la solution la plus intelligente pour préserver l'ensemble des projets.

Mme Laure de La Raudière. - Vous m'avez interrogée sur les résultats et le bilan des actions des opérateurs sur la qualité des réseaux. Je le redis, l'Arcep constate aujourd'hui des améliorations, mais nous ne sommes pas au bout du chemin - cela figurera dans le prochain observatoire de la qualité des réseaux en fibre optique.

Vous m'avez aussi interrogée sur d'éventuelles mesures législatives, notamment au regard de la proposition de loi de Patrick Chaize en instance d'examen par l'Assemblée nationale. Je soutiens les articles 4 et 5 de ce texte. L'article 4 vise à donner de nouveaux pouvoirs à l'Arcep pour réaliser des audits de qualité à la charge des opérateurs. Notre budget aujourd'hui ne nous permet pas de faire des audits de terrain comme nous le faisons dans les enquêtes de qualité des services mobiles, qui sont à la charge des opérateurs. Avec un dispositif similaire, l'Arcep pourrait réaliser des audits de qualité et neutres. L'article 5, quant à lui, porte sur le droit de la consommation. Il ne s'agit pas de réguler le marché de détail, mais cet article, qui donne des obligations aux opérateurs, permettrait d'améliorer la qualité.

Quant à notre retour d'expérience sur les premières fermetures du réseau de cuivre, elles se sont globalement bien passées, mais il s'agissait de tous petits lots. Fin janvier prochain, nous serons sur 200 000 lots : c'est un peu plus volumineux, mais ça reste encore gérable. Nous passerons à l'échelle industrielle lorsque nous nous attaquerons au lot 2. Pour information, Orange est actuellement en concertation avec les collectivités sur le lot 4 de fermeture du réseau de cuivre, qui interviendra fin 2027.

M. Patrick Chaize. - Sans surprise, les collectivités locales perçoivent ce nouveau budget avec beaucoup d'inquiétudes. La diminution des crédits est une mauvaise idée : ce ne sera qu'un report de charges ! Cela pourrait avoir des conséquences sur les budgets des collectivités locales, lesquelles devront peut-être avoir recours à l'emprunt. Il ne s'agit donc pas d'une non-dépense. Il importe de le faire comprendre aux services de Bercy. Nous avons d'ailleurs commencé à discuter avec eux afin que cet élément soit pris en compte.

M. Saïd Omar Oili. - Comme l'a souligné mon collègue Sébastien Fagnen, les moyens du Plan France très haut débit ont subi des coupes budgétaires sévères ces dernières années.

Je tiens, en particulier, à mentionner la diminution des autorisations d'engagement pour 2024 du Plan France très haut débit, qui ont vocation à financer de nouveaux investissements. Ces dernières ont été réduites de 39 % en février dernier. Le projet de loi de finances prévoit également un niveau particulièrement faible d'autorisations d'engagement pour 2025.

Or, notre commission avait adopté un amendement conservé dans le texte définitif de la loi de finances, tendant à augmenter de 50,5 millions d'euros les autorisations d'engagement du plan.

L'objectif de cet amendement était de soutenir le déploiement des réseaux d'initiative publique à Mayotte, seul territoire ne disposant pas de moyens financiers permettant le déploiement de la fibre. Je rappelle, par ailleurs, que seuls 40 % des locaux ont un accès internet à très haut débit à Mayotte, contre environ 90 % au niveau national.

Dans un courrier adressé au président du conseil départemental de Mayotte daté du 20 juin 2024, l'ancien ministre aux outre-mer, Mme Guévenoux, l'ancien ministre délégué aux comptes publics, M. Cazeneuve, et l'ancien secrétaire d'État chargé du numérique, Mme Ferrari, avaient réitéré l'engagement du Gouvernement dans l'investissement de 50,5 millions d'euros pour le développement de la fibre optique à Mayotte.

Je vous informe également que le délégataire a été choisi par le conseil départemental de Mayotte. Une délibération sera prise dans ce sens en assemblée. Bien entendu, les élus de Mayotte s'attendent à ce que l'État respecte ses engagements.

Ma question s'adresse donc à M. Zacharia Alahyane. Le déploiement de la fibre optique à Mayotte est-il mis à mal par cette diminution des moyens du Plan France très haut débit ?

M. Damien Michallet. - Madame de La Raudière, vous avez dit que le déploiement du mode Stoc allait dans le bon sens, mais qu'il fallait des tableaux de bord différents pour s'assurer que cela correspondait bien à une réalité industrielle. À l'avenir, ce mode fonctionnera-t-il toujours dans le cadre du churn ou faudra-t-il opter pour un opérateur d'infrastructure ?

Monsieur Alahyane, j'ai bien entendu que le budget n'était pas remis en cause dans sa globalité. Le ministre Antoine Armand a insisté sur la nécessité de ne pas changer nos ambitions en matière de fibre optique. Cependant, si un décalage survient, qui paiera ? Qui assurera la trésorerie ? Cette alerte concerne particulièrement les territoires en retard comme la Bretagne ou Mayotte.

Par ailleurs, une enveloppe particulière a-t-elle été fléchée vers les raccordements complexes, dont le coût est estimé entre 600 millions d'euros et 1 milliard d'euros ?

Enfin, monsieur Chaize, nous croyez-vous réellement capables de procéder à 100 % du décuivrage des réseaux et de tenir le calendrier du plan de décommissionnement, pour atteindre le 100 % fibre à l'horizon de 2030 ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Merci d'avoir rappelé le rôle de l'ANCT dans le déploiement de la fibre et le soutien aux territoires. Le taux d'éligibilité au raccordement est compris entre 90 % et 95 %, mais qu'en est-il du taux d'abonnement ? Certains territoires sont-ils plus en retard que d'autres dans ce domaine ?

Faut-il s'attendre à l'avenir à une disparité tarifaire entre les territoires ruraux et urbains, ou les mêmes tarifs seront-ils maintenus sur l'ensemble du territoire français ?

Par ailleurs, le développement des data centers est un enjeu de sécurité majeur.

Je remercie Patrick Chaize de son engagement en faveur du développement du très haut débit dans tous les territoires.

M. Guillaume Chevrollier. - Merci d'avoir rappelé que l'État doit honorer sa signature dans le cadre du déploiement du Plan France très haut débit. Madame de La Raudière, quelles mesures envisagez-vous pour accélérer ce déploiement et tenir les objectifs du plan ? Dans votre rapport, publié en juillet dernier, vous avez indiqué que la fourniture d'informations trompeuses, erronées ou incomplètes constituait un manquement susceptible d'être sanctionné. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

Je reviens enfin à l'amende, confirmée par le Conseil d'État, imposée à Orange pour non-respect de ses engagements. Quelles mesures concrètes pourraient être envisagées pour éviter de futures sanctions ?

M. Jean Bacci. - Dans la communauté de communes Lacs et Gorges du Verdon, sise dans le Haut-Var, le taux de couverture du réseau fibre s'élève à 30 %. Il y a quatre ans, comprenant que nous serions les derniers servis, la communauté de communes et le département s'étaient engagés à faire venir la fibre optique dans chaque village, au niveau des centrales téléphoniques. Les travaux nécessaires ont été menés durant les deux années suivantes. Toutefois, il a fallu des mois pour que l'appareillage nécessaire à l'alimentation de la fibre et à son fonctionnement soit installé par Orange. Cet appareillage est en outre sous-dimensionné. Compte tenu de la nature fortement touristique de notre communauté de communes, sa population est multipliée par quatre ou cinq, voire par dix dans certains villages pendant les vacances scolaires. En ces moments-là, le réseau ne fonctionne plus.

Nous avons par ailleurs mené d'importants efforts pour enfouir les lignes dans nos villages ou à tout le moins mettre les fils sous génoise aux endroits où la fibre était raccordée. Or nous voyons désormais fleurir des câbles sur toutes les façades, voire à travers les rues. N'étant jamais avertis des opérations de raccordement des sous-traitants des opérateurs, nous ne pouvons pas intervenir pour les empêcher de faire n'importe quoi.

M. Zacharia Alahyane. - Un courrier du Gouvernement a bien été transmis au territoire de Mayotte, le 8 juin dernier, annonçant un souhait d'accompagnement de ce territoire pour un montant maximum de 55 millions d'euros de subventions.

Le projet de délégation de service public va démarrer. Mayotte fait l'objet d'une attention toute particulière de notre part. Nous sommes à son entière disposition. Je salue le dynamisme et le courage de l'équipe chargée de ce projet.

À la suite de l'annulation des crédits survenue en février dernier, l'ANCT n'a pas retrouvé les autorisations d'engagement nécessaires pour pouvoir contractualiser. Or la contractualisation conditionne le dépôt, par les territoires, des dossiers de demande de subventions, que nous pouvons instruire ensuite. Sans autorisations d'engagement, nous ne pouvons rien faire.

Si le PLF devait évoluer, nous nous adapterions pour accompagner le territoire mahorais le mieux possible. Vous pouvez compter sur moi pour lui apporter un soutien technique permanent.

M. Patrick Chaize. - Le retrait des crédits de Mayotte dans le PLF est incompréhensible, d'autant qu'il n'engendrera aucune économie. C'est une erreur technique manifeste, dont j'ai déjà discuté avec le ministre. Pour que la collectivité soit rassurée et pour que le dossier soit traité dans de bonnes conditions, nous devons revenir à ce qui avait voté dans le PLF 2024. Je suis sûr que nous parviendrons à corriger ce point durant nos débats dans l'hémicycle.

Mme Laure de La Raudière. - Concernant l'expérimentation de migration d'un opérateur à l'autre désigné comme mode churn, notre observatoire de la qualité des réseaux en fibre optique a constaté une amélioration. J'ai néanmoins demandé aux opérateurs de conduire une expérimentation en mode « opérateur d'infrastructure » pour le churn, en cas de fermeture technique du réseau de cuivre. Orange, en tant qu'opérateur d'infrastructure, a sollicité les opérateurs commerciaux pour y travailler.

Il existe deux types de raccordements complexes : en domaine public et en domaine privatif. L'Arcep a publié une recommandation l'année dernière précisant la responsabilité de l'opérateur d'infrastructure de réaliser ces raccordements complexes en domaine public, à des tarifs potentiellement différents de ceux de raccordements classiques. Pour ce qui concerne la partie privative, une expérimentation a été annoncée par le Gouvernement la semaine dernière pour aider les ménages les plus modestes.

Les abonnements à la fibre représentent 70 % des abonnements d'accès à internet, et un taux de pénétration moyen sur les réseaux de fibre optique de 50 %. Le taux de pénétration des accès à internet par rapport au nombre de locaux en France avoisine quant à lui les 85 %.

Pour ce qui est des prix, le marché de détail n'est pas régulé. Les opérateurs commerciaux ont pour politique d'assurer une péréquation tarifaire, mais la question de l'équilibre financier des RIP se pose. Le tarif d'exploitation des RIP est proche de celui des zones Amii, mais devrait lui être légèrement supérieur. Nous avons entrepris un travail de fond sur ce sujet. Nous avons besoin de données des collectivités et des opérateurs en délégation de service public pour alimenter cette réflexion.

Par ailleurs, il n'existe pas de lien direct entre le déploiement des centres de données et celui des réseaux de fibre optique.

L'affirmation, contenue dans notre rapport de juillet, selon laquelle la fourniture d'informations erronées est passible de poursuites, est une expression classique pour les régulateurs. Les acteurs régulés sont responsables des informations qu'ils nous transmettent. Nous souhaitons des informations fiables. Si cette règle n'est pas respectée par un acteur de façon récurrente ou intentionnelle, une sanction doit s'appliquer. En cas de doute sur le respect de cette obligation par un opérateur, nous ouvrons une procédure. La formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction, dite formation RDPI, de l'Arcep examine le dossier. Si les faits sont caractérisés, nous mettons l'opérateur en demeure de respecter ses obligations. En cas de non-respect du contenu de la mise en demeure, nous décidons, selon les cas de figure, de notifier des griefs et d'imposer, ou non, une sanction. Nous assurons une forme de pilotage au moyen de questionnaires envoyés aux acteurs, comme dans une procédure de contentieux. Nos décisions peuvent être attaquées devant le Conseil d'État.

Enfin, tant que la fibre n'est pas déployée, les montées en débit installées par Orange dans la communauté de communes Lacs et Gorges du Verdon demeureront insuffisantes pour écouler le trafic. Des difficultés se présentent effectivement pour l'écoulement du trafic du réseau mobile compte tenu de la nature fortement touristique de la zone. Nous sommes attentifs à ce sujet. Nous nous efforcerons d'étudier ce phénomène dans notre prochaine enquête sur la qualité de service des réseaux mobiles.

M. Jean Bacci. - Dans les gorges du Verdon, nous n'avons pas de réseau mobile. Pas moins de 600 000 personnes visitent les gorges chaque année et ne peuvent même pas se servir de leurs téléphones portables en cas de problème. Pour assurer leur sécurité, le parc du Verdon et les pompiers ont instauré une radio pour l'été. Il est impensable que l'on n'ait pas de pylônes qui fonctionnent !

M. Patrick Chaize. - Monsieur Michallet, le churn a été abordé dans l'article 3 de la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. Cet article défend également un mode de raccordement par l'opérateur d'infrastructure.

Nous nous battrons par ailleurs pour que tous les endroits raccordés en cuivre soient raccordés à la fibre. Partout où il y a du cuivre, il faut de la fibre optique.

Certains opérateurs développent une tarification intéressante pour les offres de téléphonie. Dans le cadre du décommissionnement, certaines personnes n'ont en effet pas besoin d'une offre complète. Il existe des propositions tarifaires en fibre optique à des coûts équivalents à celui de l'accès téléphonique. Je remercie Louis-Jean de Nicolaÿ d'avoir rappelé notre combat de l'époque pour le choix de la fibre. Je remercie également Mme de La Raudière qui a beaucoup oeuvré dans ce sens en tant que députée.

Le déploiement désordonné, mentionné par Jean Bacci, de la fibre optique par les entreprises dans les villages, sans que les autorités locales en soient prévenues, est absolument anormal. Les entreprises doivent respecter le cadre réglementaire, notamment l'obligation de dépôt des déclarations d'intention de commencement de travaux (DICT). La collectivité a les moyens de s'assurer que ces travaux sont réalisés dans de bonnes conditions.

En 2018, a été instauré le New Deal mobile, qui, dans le cadre de la « couverture ciblée », a compté les collectivités territoriales parmi ses acteurs. Il serait intéressant de voir pourquoi le département pilote n'a pas identifié les gorges du Verdon comme une priorité de déploiement.

Il faut enfin que l'on trouve la bonne définition des raccordements complexes. Ce ne sont sûrement pas les raccordements qui coûtent cher. Il s'agit de deux sujets différents. Malheureusement, les opérateurs ont tendance à ne pas les réaliser en raison de leur coût.

M. Zacharia Alahyane. - L'ANCT pilote, au niveau national, l'ensemble du travail consistant à imposer aux opérateurs d'aller couvrir des zones, dans le cadre du New Deal mobile. Soit la couverture de certaines zones des gorges du Verdon est déjà prévue par la « couverture ciblée », auquel cas nous regarderons comment accélérer ce processus ; soit il n'en est rien et je peux vous garantir que ces zones pourront être couvertes par le dispositif. Nous sommes en effet à la fin du processus de décision. Le Gouvernement n'a pas fait état de sa volonté de prolonger le dispositif. N'hésitez pas à contacter l'équipe projet de votre département, la préfecture ou le conseil départemental pour davantage d'informations.

L'ANCT pilote par ailleurs un dispositif de subventionnement des raccordements complexes en domaine public. Plusieurs territoires nous ont fait des demandes de subvention, que nous instruisons. Nous nous apprêtons à contractualiser. Chaque convention établie avec les territoires en question couvre dix ans. Pendant dix ans, ces derniers pourront percevoir une subvention de l'État pour réaliser des raccordements. Ce dispositif est évidemment affecté par l'indisponibilité des crédits de paiement dans le PLF 2025. Tout cela sera géré le plus intelligemment possible en fonction des ressources dont nous disposerons.

M. Bernard Pillefer. - J'ai présidé il y a quelque temps le syndicat mixte ouvert Val de Loire Numérique qui a soutenu le déploiement de la fibre dans le Loir-et-Cher et en Indre-et-Loire. Le niveau de déploiement dépasse désormais les 98 %, et l'on relève un taux de pénétration, un peu décevant, de 50 %. Le décommissionnement du cuivre facilitera cependant cette montée en puissance.

J'en viens à la pérennisation des supports Orange après le décommissionnement du cuivre, sujet que j'avais évoqué déjà dans le groupe d'études Numérique présidé par M. Chaize. Ces supports seront à l'avenir uniquement des supports de la fibre tout en restant propriétés d'Orange. L'Arcep pourrait-elle engager des démarches pour le maintien de ces supports, qui sont vitaux ? Orange, qui n'assume déjà pas la maintenance nécessaire pour son propre réseau, reconnaît qu'il faudrait une offre de service pour remplacer le génie civil défectueux. Mais cette offre n'existe pas, et Orange ne respecte pas ses obligations. C'est un sujet important.

Les territoires se sont approprié le déploiement de la fibre, notamment dans le monde rural, et cela donne de bons résultats. Je remercie l'Arcep et l'ANCT pour nos échanges fructueux de l'époque. Il reste néanmoins le problème des branchements complexes. Nous avions oeuvré sur ce point pour un accompagnement spécifique de l'État auprès des opérateurs. J'ai cru comprendre qu'une contractualisation était envisagée. Ce serait bien de le préciser. J'espère que vous avez porté ce système à la connaissance des structures qui déploient la fibre. Je le vérifierai auprès du syndicat mixte ouvert Val de Loire Numérique.

La fermeture du 100 % cuivre est annoncée au 31 janvier 2026. Je rejoins les préoccupations de mes collègues Jean-François Longeot et Patrick Chaize à cet égard. Il faudra notamment faire preuve de vigilance quant à la prise en compte des réalités de terrain. Nous souhaitons qu'Orange entende ces messages. La qualité de maintenance des réseaux est par ailleurs essentielle. Déployer la fibre de façon qualitative est une chose, en assurer la maintenance en est une autre. Nous savons sur ce point quelles difficultés les collectivités territoriales rencontrent avec Orange.

Enfin, on peut se réjouir de l'importance du programme New Deal mobile, mis en oeuvre par l'État. Les collectivités locales, en partenariat avec les préfectures, ont conduit des opérations pour définir les zones à couverture ciblée, ce qui réduit considérablement le nombre de zones blanches. Je voudrais également vous alerter sur le sujet des zones grises, où l'on ne compte qu'un seul opérateur. Il faut forcer à la mutualisation des supports pour ménager la concurrence entre les opérateurs.

Mme Jocelyne Antoine. - La société Starlink, fournisseur d'accès à internet par satellites de SpaceX, a demandé à l'Arcep l'autorisation d'étendre ses fréquences pour ses satellites de seconde génération. L'Arcep ayant lancé une consultation publique sur le sujet en juin dernier, la société a fait tout un battage auprès de ses clients, en leur envoyant de multiples mails pour influencer leurs réponses. Comment la France pourrait-elle utiliser Starlink pour réduire la fracture numérique et garantir à tous l'accès à internet en haut débit ? Près de 6 300 satellites Starlink gravitent au-dessus de nos têtes. Le résultat de l'élection présidentielle américaine laisse présager un déploiement massif par Elon Musk de ces satellites, avec tout ce que cela implique en matière de manipulation de l'opinion.

Avez-vous déjà des pistes quant aux résultats de la consultation ? Comment gérez-vous les réponses de clients ayant subi un fort lobbying de la part de Starlink ? Répondrons-nous favorablement à la demande d'extension des fréquences de cette société et, le cas échéant, à quel niveau ?

M. Pierre Jean Rochette. - Comment peut-on, en lien avec l'Arcep, lutter contre les écrasements, véritable fléau pour les entreprises et les utilisateurs individuels ? Une entreprise peut être mise en difficulté pendant plusieurs jours avant que la source du problème soit identifiée. L'absence de possibilité de poursuite à l'encontre des entreprises responsables des écrasements est véritablement problématique.

M. Hervé Gillé. - Madame de La Raudière, quelle sera la destination de l'amende de 26 millions d'euros imposée à Orange si cet opérateur s'en acquitte ?

Par ailleurs, comment les audits de l'ANCT sont-ils communiqués ? Quelles sont vos interactions avec les parties prenantes du déploiement ?

Enfin, je souhaiterais évoquer la résilience. Il faudra mettre de l'ordre entre les responsabilités de l'État pour la sécurité civile et l'organisation de la planification de la résilience par les différents acteurs concernés, jusqu'aux communautés de communes et aux communes. Je serais favorable à un renforcement des instructions contenues dans les documents d'urbanismes, par exemple les schémas de cohérence territoriale (Scot). Les réseaux ont en effet une importance primordiale, et il serait pertinent de penser la résilience à l'échelle des Scot pour pouvoir l'organiser en subsidiarité.

M. Jean-Yves Roux. - Dans les Alpes-de-Haute-Provence le réseau de fibre optique est largement aérien et il a été déployé par SFR sur des pylônes d'Orange. Par conséquent, quand un pylône est à terre, Orange le remet en position puis, six mois plus tard, SFR vient raccrocher la fibre. Pourrait-on prévoir une intervention unique, par un seul des deux opérateurs ?

Le schéma de déploiement de la fibre dans le sud de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur n'a pas pris en compte toutes les habitations ; celles qui sont éloignées des répartiteurs ne sont pas couvertes. Ainsi, le réseau de cuivre doit être fermé prochainement alors que ces habitations ne sont pas raccordées à la fibre. Il s'agit souvent de fermes éloignées de 500 mètres des répartiteurs et les habitants concernés doivent payer le raccordement. Comment résoudre ce problème ?

M. Jean-Claude Anglars. - Dans l'Aveyron, le Lot et la Lozère, le taux de couverture est bon, mais le réseau n'est toujours pas déployé sur 3 % du territoire ; pour ces zones, c'est le raccordement à la demande qui s'applique. L'accompagnement financier des locaux concernés s'appliquera-t-il jusqu'au bout ?

Je signale d'ailleurs que le département de l'Aveyron a interdit à Orange de fermer le réseau de cuivre tant que la fibre ne serait pas déployée jusqu'au bout.

M. Zacharia Alahyane. - Monsieur Pillefer, le dispositif que j'évoquais précédemment est aujourd'hui mis en oeuvre : c'est l'appel à projets « raccordement complexe », qui dispose de 150 millions d'euros de subventions de l'État aux territoires, destinées aux RIP uniquement, afin de réaliser ces raccordements complexes. Il y a un jeu de négociation entre les territoires et les OI, surtout en délégation de service public concessive, pour répartir la charge.

Val de Loire numérique a en effet déposé un dossier ; nous en sommes ravis. Nous avons réservé des crédits pour ce syndicat ; c'est en cours d'instruction, mais dès que le dossier sera validé, nous contractualiserons. Ensuite, pendant dix ans, quand il y aura des raccordements complexes, nous verserons notre subvention pour que tous les locaux raccordables soient raccordés.

Vous avez également évoqué la maintenance, c'est ce que nous appelons la vie du réseau. L'ANCT n'accompagne et ne subventionne que le premier établissement du réseau, elle ne va pas au-delà. Cela ne signifie pas que l'on n'accorde pas d'intérêt à la vie du réseau, loin de là, le maintien en conditions opérationnelles d'un réseau est déterminant, mais nous nous attachons particulièrement au fait que les réseaux soient bien construits pour minimiser les efforts de maintenance. La vie du réseau exige de la ressource ; il faut donc s'assurer que le RIP prévoie un équilibre global afin que le financement de l'exploitation permette l'entretien. Ce sujet est essentiel, mais il relève plutôt de l'Arcep.

Le New Deal mobile est une politique publique stratégique. On n'a jamais fait autant dans les territoires que depuis la mise en oeuvre de cette politique. Nous avançons bien, mais nous en sommes à la fin de la phase d'identification. Nous publions les derniers arrêtés et les choses en resteront là si le dispositif n'est pas prolongé.

Monsieur Gillé, les audits sont un outil essentiel pour nous. Nous n'en menons cependant que pour les RIP que nous subventionnons, au titre d'une convention. Nous n'avons donc pas le droit d'auditer un réseau privé ; si un opérateur insistait pour que nous auditions son réseau, je le ferais volontiers, mais ils ne le font pas... L'audit est conduit en bonne intelligence avec les territoires ; cela leur demande du temps, cela bouscule un peu les collectivités, car un audit pointe des sujets sensibles. L'information est partagée seulement entre l'ANCT, le porteur de projet et l'opérateur concerné, ainsi qu'avec le comité de concertation présidé par le préfet Emmanuel Berthier, dont est membre l'Avicca, et avec le comité d'investissement. Par conséquent, l'ANCT ne rend pas publics les rapports d'audit ni les territoires audités. Bien sûr, si on nous pose la question dans un cadre particulier, je serai ravi de partager l'information, mais, spontanément, nous ne le faisons pas, car nous ne voulons pas que certains opérateurs prétendent que l'ANCT mène des actions ciblées contre eux. Notre seul souhait est de garantir que tous les réseaux déployés dans les RIP soient de qualité.

Sur la résilience, il y a encore beaucoup à faire, tout n'est pas parfaitement structuré. La résilience doit faire l'objet d'une réflexion à l'échelon local, elle ne peut pas être assurée uniquement à l'échelon national. Nous réfléchissons actuellement à des pistes, nous n'en sommes qu'au début, mais vous avez raison, c'est un sujet déterminant, qui crée d'ailleurs des obligations à la charge de tous les exploitants de réseau. En vertu de l'article 249 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et Résilience, les exploitants de réseau sont responsables et le préfet peut les solliciter pour qu'ils exposent leur plan de résilience. C'est un levier fort, dont les préfectures peuvent se saisir.

Monsieur Anglars, le territoire de l'Aveyron est couvert à 97 %, c'est un excellent ratio. Je félicite tous les acteurs ayant contribué à ce résultat, qui dépasse la moyenne nationale. Toutefois, il y a une situation particulière avec Orange, pour laquelle nous cherchons une solution. L'ANCT a une convention avec chacun des trois territoires que vous avez cités ; cette convention prévoit un déploiement à 100 % et nous subventionnerons jusqu'à ce que ce ratio soit atteint.

Mme Laure de la Raudière. - Au sujet des pylônes d'Orange et de la pérennisation du support de cet opérateur au-delà du démantèlement du réseau de cuivre, des obligations réglementaires contraignent Orange à donner accès à ses infrastructures de génie civil, pylônes et fourreaux. Cela fait l'objet d'une analyse de marché séparée de celle du réseau de cuivre, afin que ces obligations perdurent au-delà de la fermeture du réseau. Ce marché continuera d'être régulé, selon moi, car ces infrastructures sont essentielles pour les réseaux de fibre optique. Orange doit donc les maintenir en bon état. Pour être également élue d'un territoire rural, je sais que ce n'est pas le cas partout et que les réparations ne sont pas toujours faites rapidement. Nous leur demandons des comptes à cet égard.

J'ignore ce que les représentants d'Orange avaient en tête lorsqu'ils ont évoqué, l'idée de mettre en place une offre de services. Je les questionnerai prochainement pour savoir de quoi il retourne...

S'agissant de Starlink, la procédure d'attribution des fréquences à visée d'aménagement numérique nécessite une consultation publique. Nous ne sommes pas dupes : quand il y a 4 000 répondants à une consultation publique, c'est que cela a été orchestré par quelqu'un, en l'occurrence Starlink. L'Arcep dispose de peu de moyens d'action sur ce type de dossier. Le cadre juridique et réglementaire est très précis : nous n'avons que peu de motifs de refuser cette attribution. La décision n'a peut-être pas encore été prise, mais nous sommes de toute façon assez contraints.

Il n'y a pas que Starlink qui propose une offre satellite. Les collectivités doivent réaliser des tests, car d'autres offres sont de très bonne qualité. Certes, Starlink dispose de 6 300 satellites. À terme, l'entreprise prévoit de construire une constellation de quelque 12 000 satellites, mais c'est parce qu'ils sont placés à basse altitude : cela nécessite donc une flotte plus importante.

Monsieur Roux, sur les obligations de la zone Amel, notamment pour les fermes isolées, je rappelle qu'il existe une obligation de complétude de nature réglementaire. S'il y a de l'appétence pour un accès fibre dans les locaux isolés, il faudra les couvrir. S'il n'y en a pas, ces locaux pourront être raccordables à la demande. Le dispositif de raccordement à la demande vise à régler ces problèmes.

Monsieur Gillé, les 26 millions d'euros d'amende payés par Orange vont au budget de l'État, non de l'Arcep.

Monsieur Rochette, je reviendrai vers vous pour l'écrasement des lignes.

M. Patrick Chaize. - Il existe beaucoup d'incertitudes et de flou. Il conviendrait donc de se pencher sur le secteur de la fibre optique, mais aussi de la téléphonie mobile et du numérique afin de construire un vrai projet d'ensemble. C'est notamment le cas de la propriété des pylônes et des fourreaux de génie civil. La réponse à cette question a des conséquences importantes sur les tarifs. Il importerait de la clarifier une bonne fois pour toutes.

Les zones grises de téléphonie mobile, selon moi, ne devraient plus exister. Chaque habitation devrait être couverte par les quatre opérateurs. Tel est l'objectif du New Deal.

M. Bernard Pillefer. - Je me suis peut-être mal exprimé. Sur les nouveaux pylônes implantés, l'obligation est satisfaite. Mais il y a des territoires qui ne sont pas déclarés zones blanches aujourd'hui.

M. Patrick Chaize. - Non, la définition de la zone blanche a beaucoup changé. Avant le New Deal, il s'agissait d'un secteur non couvert et ce, par aucun opérateur. À présent, les quatre opérateurs doivent assurer une couverture, quel que soit le territoire. Ce n'est pas réglementaire, mais c'est l'objectif politiquement assumé et déclaré. A priori, on est en droit de s'attendre à ce qu'il soit atteint. Un bilan du New Deal mobile doit être fait à l'aune de cet objectif.

La loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France a constitué un premier pas en direction des territoires ruraux. Le Sénat a voté des amendements pour aller plus loin lors de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique. Résisteront-ils à l'examen du texte par l'Assemblée nationale ? Je l'ignore, mais c'est une mesure de bon sens qu'il faudrait défendre.

La question de la résilience est aussi d'ordre politique. La décision de déposer le réseau de cuivre est effectivement une décision d'entreprise qui a des conséquences politiques. Je regrette donc que le Gouvernement ne prenne pas cette question à bras-le-corps, pour que le réseau de fibre optique devienne véritablement le réseau de communication des Français, avec toutes les garanties que cela implique.

Par ailleurs, comme je l'ai déjà indiqué, il ne faut pas que les opérateurs confondent les raccordements complexes et ceux qui coûtent cher. Ils ont à couvrir l'ensemble du territoire et des zones à risque. Nous devons nous montrer vigilants sur ce point.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie de la qualité de vos réponses et salue l'engagement de mes collègues sur le déploiement des réseaux de fibre optique. Beaucoup reste à faire, et de nombreux problèmes à régler. Nous savons pouvoir compter sur vous pour nous accompagner. Il faudra ajuster certaines procédures pour que chacun de nos concitoyens puisse accéder à la fibre et ainsi à des moyens de communication correspondant aux besoins de notre siècle.

Audition de Mme Catherine Vautrin,
ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
(Mercredi 13 novembre 2024)

M. Jean-François Longeot, président. - Madame la ministre, vous connaissez le lien singulier et fort qui unit le Sénat aux territoires, ainsi que la capacité des sénateurs à se faire les relais des préoccupations des élus locaux. Aussi, alors que votre audition s'inscrit dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, ne soyez pas étonnée que nos interrogations ne se limitent pas à la sphère budgétaire.

Lors de votre audition du 29 octobre dernier devant nos homologues de l'Assemblée nationale, vous avez insisté sur l'impérieuse nécessité qu'aucun territoire ne se sente abandonné ; nous partageons cet objectif. L'État doit se rapprocher des territoires et trouver le moyen de répondre aux demandes d'accompagnement des élus des communes les plus rurales.

C'est pour nous l'occasion de faire un point sur une réforme à laquelle nous sommes très attentifs, celle du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR), devenu France Ruralités Revitalisation (FRR). Il conviendra aussi de nous arrêter sur l'action que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour dynamiser les territoires, en tenant compte de leurs singularités, mais aussi pour faire mûrir et accompagner les projets de développement.

D'abord, la question du zonage du dispositif FRR nous tient particulièrement à coeur. Dès 2019, notre collègue Rémy Pointereau a insisté sur la nécessité de réviser les critères de classement des communes en ZRR, afin de tenir compte des fragilités des territoires ruraux avec davantage de justesse. Ce travail prolongé en 2023 a donné lieu au dépôt d'une proposition de loi, en mai de la même année. Comme vous le savez, la loi de finances pour 2024 a réformé le dispositif des ZRR, ce qui a eu pour effet malheureux d'écarter près de 2 200 communes qui en bénéficiaient, alors que le Sénat avait alerté à de nombreuses reprises sur les effets de bord d'une telle réforme. Le PLF pour 2025 procède à leur réintégration, ce que nous saluons unanimement.

Néanmoins, à la lecture de l'article 27 du PLF, nous constatons que l'intégration de ces « communes rattrapées » n'est prévue qu'à titre dérogatoire et transitoire, jusqu'en 2027. Quelles raisons ont justifié une telle décision ? Pourquoi ne pas avoir choisi une révision des critères de classement, plutôt qu'une mesure qui semble faire office de rustine ? Ainsi, vous auriez pu assurer une meilleure sécurité juridique du dispositif et permettre aux communes concernées de s'inscrire dans le temps long.

À propos des crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », dont vous avez la responsabilité, qui accueillent les crédits liés aux espaces France services, un rapport paru en septembre dernier de la Cour des comptes a souligné les réussites de ce dispositif et la satisfaction de nos concitoyens à leur égard. Toutefois, la Cour estime aussi que le réseau pourrait davantage tenir compte des spécificités des territoires et gagnerait à mieux connaître les publics qui les composent. Quelles mesures sont envisagées pour répondre à ce besoin toujours grandissant de proximité ?

Le tour d'horizon des dossiers composant votre portefeuille serait incomplet si nous n'évoquions pas le fonds vert. Les élus locaux apprécient la mécanique de ce fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, en raison de la facilité d'accès aux crédits mobilisables et de la gestion déconcentrée par le préfet, qui garantit un versement des sommes par un tiers ayant une bonne connaissance du territoire. Sa dynamique ne se dément pas cette année, avec plus de 12 000 dossiers déposés par les collectivités et près de 5 000 projets financés. Cependant, les autorisations d'engagement (AE) ont drastiquement chuté, jusqu'à 1 milliard d'euros, au lieu des 2,5 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale. Le montant du fonds a diminué en cours de gestion en raison des gels et annulations de crédits de 500 millions d'euros en AE et 430 millions d'euros en CP.

J'aimerais connaître votre sentiment quant à l'avenir de cette enveloppe, qui participe à la transition concrète des territoires, grâce à des projets d'adaptation et d'atténuation qui prennent différentes formes : prévention des inondations, recyclage des friches, rénovation des bâtiments publics, renaturation ou encore adaptation au recul du trait de côte. En gardant à l'esprit l'intérêt indéniable des sommes mobilisées et la puissance de l'effet de levier de ce type de soutien public, quels choix serez-vous prête à faire au nom de la rigueur budgétaire ?

Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation. - Je suis très heureuse d'intervenir devant votre commission, monsieur le président, et mesure bien le lien singulier et fort qui existe entre le Sénat et nos territoires.

L'action territoriale de l'État est essentielle au développement des territoires et doit être préservée, y compris dans des périodes de forte contrainte budgétaire. Je n'insisterai pas sur le contexte particulier dans lequel ce PLF a été élaboré. Nous devons fournir un effort budgétaire exceptionnel, qui exige un sursaut collectif de toutes les composantes de l'action publique.

J'en viens à la réforme du dispositif des ZRR et au rattrapage des 2 168 communes sortantes. Ma prédécesseure avait proposé des modifications et Gabriel Attal avait procédé à un arbitrage en juin dernier. Ce n'est pas à vous que je vais expliquer que ce qu'un texte de loi a fait, seul un texte de loi peut le modifier. Aussi, le PLF 2025 a été l'outil législatif retenu pour réintégrer les 2 168 communes concernées.

Pour l'immense majorité des communes classées en FRR, le zonage s'étend jusqu'à 2030. Pour autant, les 2 168 communes réintégrées ne le sont que jusqu'à la fin de l'exercice 2027, avec un effet rétroactif pour 2024. Le Gouvernement sera vigilant et étudiera les différentes propositions en la matière. Pour autant, je rappelle qu'il s'agit de communes qui ne répondent pas aux critères adoptés par la représentation nationale.

Je rappelle que ce PLF prévoit également l'application d'un régime de zonage intégral pour les communes créées au 1er janvier 2024, parmi lesquelles une au moins est classée en FRR. Les autres sont considérées comme rurales selon la grille communale de densité de l'Insee. Cette précision est importante compte tenu des débats que vous aviez eus sur le sujet.

L'aménagement du territoire repose sur la contractualisation comme sur l'expertise et l'appui. Il constitue le ferment du rôle de l'État au plus proche de nos concitoyens, un soutien quotidien aux collectivités, aux élus et à ceux qui vivent dans notre pays.

D'abord, nous menons une démarche contractuelle et partenariale. Le programme « Impulsion et coordination des politiques d'aménagement du territoire » porte la part de mon ministère pour les contrats de plan État-régions (CPER) et les contrats pour la réussite de la transition énergétique (CRTE). L'extinction des paiements des contrats de précédentes générations conduit à une réduction budgétaire qui rend cette part minoritaire. Le programme 112 comprend également une partie des financements consacrés aux pactes territoriaux. L'État initie des actions dédiées à des espaces territoriaux particuliers sur la base de problématiques spécifiques, comme dans le cas de l'engagement pour le renouveau du bassin minier.

Notre action repose aussi sur une démarche d'expertise et d'appui aux citoyens, aux élus et aux collectivités, qui passe par les moyens de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Vous avez évoqué la proximité, qui est au coeur des programmes portés par mon ministère. L'État a développé plusieurs dispositifs dont la proximité est assurée par les espaces France services. Ce modèle d'accès aux services publics place la quasi-totalité de nos concitoyens à moins de vingt minutes d'un lieu où ils sont accompagnés et écoutés. Ce dispositif compte onze opérateurs, et bientôt douze, puisqu'au 1er janvier 2025, l'Urssaf s'y joindra. Ces opérateurs sont directement impliqués dans plus de 2 800 établissements et plus d'un million de contacts sont établis chaque mois, pour un taux de satisfaction supérieur à 85 %. Nous avons donc atteint notre objectif pour 2026 en termes de nombre de contacts ; je le souligne, car il est rare que nous dépassions nos objectifs.

Nous consacrons 65 millions d'euros à ce dispositif vital, dans l'esprit de service qui nous anime. Nous ajouterons 5 000 euros de fonctionnement par maison et valorisons particulièrement les zones rurales, dans lesquelles les maisons des communes classées FRR recevront encore 5 000 euros supplémentaires, ce qui portera leur budget à un total de 50 000 euros.

Un système d'évaluation régulière est mis en place, qui permet d'évaluer les maisons dans leur environnement, grâce à des échanges menés avec les élus des territoires. Ce système nous permet de savoir si nous répondons bien à l'objectif premier de ce dispositif : la proximité avec nos concitoyens.

Les personnels font l'accueil et les missions sont ensuite effectuées par les représentants des différents organismes, qui sont en lien avec les maisons France services.

La notion de proximité avec les élus repose aussi sur une offre forte en matière d'ingénierie. Aucun territoire ne doit se sentir exclu de l'appui technique ou privé du développement de son projet en raison d'un manque de moyens. C'est la vocation de l'offre de services dont l'ANCT est l'intermédiaire, qui opère les rapprochements nécessaires avec d'autres établissements publics compétents, comme le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Je peux aussi évoquer l'appel d'offres passé par l'ANCT, qui permet l'accès à certaines prestations d'ingénierie.

Il existe aussi des dispositifs d'accompagnement adaptés aux territoires pour permettre de territorialiser l'action publique de l'État. Ainsi, « Villages d'avenir » regroupe 1 500 projets portés par des communes de moins de 3 500 habitants dans 95 départements et animés par 120 chefs de projet au premier trimestre 2024, pour un coût de 8 millions d'euros.

Le dispositif « Petites villes de demain » regroupe plus de 1 600 collectivités, rurales pour la plupart, engagées pour cinq ans, jusqu'en 2026. Sur la durée du mandat, près de 3 milliards d'euros sont financés par l'État ou ses agences. Dans ce cadre, 1 187 collectivités ont signé une opération de revitalisation des territoires et plus de 900 chefs de projet sont financés par l'État et ses partenaires, à hauteur de 75 %.

Le programme « Action coeur de ville » permet de soutenir les communes de 10 000 à 100 000 habitants dans le cadre d'une politique partenariale décentralisée et déconcentrée, qui déploie des aides en matière d'ingénierie et d'investissement, pour rénover les logements, les commerces et les espaces publics. Le dispositif mobilise des partenaires tels qu'Action Logement, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ou encore la Banque des territoires. Ce programme bénéficie à 245 communes et plus de 9,2 milliards d'euros ont déjà été engagés. Ainsi, 275 000 logements sont subventionnés, notamment à travers MaPrimeRénov' ; 30 000 logements sont réhabilités ou construits par Action Logement ; plus de 500 locaux commerciaux sont soutenus par le fonds de restructuration des locaux d'activité, dans 51 villes. De plus, 233 villes sont couvertes par une opération de revitalisation des territoires et près de 1 000 dossiers sont soutenus par le fonds vert, pour un financement s'élevant à 400 millions d'euros.

Enfin, le programme « Territoires d'industrie », qui constitue le volet territorial de la politique industrielle, repose sur l'accompagnement des bassins d'emploi les plus industriels dans leur stratégie de développement. Nous en comptons 183, qui associent 603 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et représentent plus de 2 millions d'emplois.

Ensuite, l'État accompagne l'investissement des collectivités. Le PLF prévoit le maintien des montants de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Vous avez évoqué, monsieur le président, l'évolution du fond vert. Nous poursuivons toujours l'objectif d'accélérer la transition énergétique des territoires en accompagnant les collectivités territoriales. Le PLF pour 2025 acte un montant de 2,5 milliards d'euros. À cet égard, je me permets de rappeler que le gel du début de l'année avait arrêté le programme à 2 milliards d'euros. Au titre de l'exercice 2023, 1,7 milliard d'euros ont été consommés.

Je mets aussi en avant le puissant effet levier du fond vert - 1 euro pour 7 euros. Ce programme très important obtient des résultats démontrés en termes d'impact écologique. À titre d'exemple, les économies d'énergie s'élèvent à 50 % pour la rénovation des bâtiments publics et des écoles.

Par ailleurs, la DETR est de plus en plus utilisée pour soutenir des projets de verdissement. Il nous faudra peut-être mener une réflexion sur ces différentes dotations et sur un possible fléchage grandissant vers des démarches environnementales. En 2025, je souhaite d'ailleurs commencer ces travaux de rapprochement avec les autres dotations de l'État, parce que nous savons combien aider les collectivités dans leurs démarches de verdissement est essentiel. À cet égard, je rappelle le rôle des préfets et des sous-préfets pour guider les élus vers les dispositifs les plus appropriés.

Pour en revenir aux espaces France services, quelques statistiques permettent un retour d'expérience sur leur utilisation. Ainsi, un visiteur sur cinq a mené des démarches liées à sa retraite auprès de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) ou de la Mutualité sociale agricole (MSA). Près d'un visiteur sur cinq s'est également préoccupé de ses titres d'identité et de voyage avec l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), 17 % d'entre eux ont échangé avec la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) et 13 % ont compté sur la caisse d'allocations familiales (CAF) et France Travail pour leurs démarches de solidarité et d'insertion. Enfin, 12 % ont été en rapport avec la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour évoquer leurs impôts.

Je suis très vigilante quant à l'évaluation de la performance de ces structures par ses usagers. Il ne s'agit pas de nous contenter du succès rencontré, mais bien de poursuivre dans cette voie pour répondre au mieux aux demandes des élus et de nos concitoyens.

Nos partenaires ont aussi envie de s'impliquer ; je pense notamment à La Poste et à la SNCF.

Enfin, j'ouvre la réflexion sur la notion d'échange entre les collectivités et les différentes strates. Ce type d'échange existe déjà en matière de cofinancement, mais pourrait se développer dans le domaine de l'accompagnement technique. En matière d'ingénierie, l'État local est souvent animateur et il doit conserver ce rôle. Je connais les liens entre les collectivités et je pense qu'il est important de faciliter la manière dont on peut travailler ensemble, notamment dans les démarches de simplification et d'économie qu'il nous faudra mettre en oeuvre.

À ce titre, nous aurons peut-être à travailler ensemble sur des questions évoquées depuis des années, comme celle des instructions uniques pour certains dossiers, qui éviterait aux collectivités d'avoir à en remplir plusieurs pour un même projet.

Nous devons être innovants, trouver le bon niveau de soutien pour les élus comme pour les collectivités. Je m'inscris à vos côtés dans cette démarche, qui participe de la volonté de dialogue du Gouvernement.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la politique des territoires. - En ma qualité de rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la politique des territoires, je m'intéresse particulièrement à quatre enjeux de ce projet de loi de finances.

Le premier enjeu est celui du budget accordé au fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) pour sa section locale. Pour rappel, ce fonds sert à financer des projets portés par les collectivités locales et les acteurs locaux, dans l'objectif de dynamiser le développement des territoires et de réduire les disparités régionales. Entre la loi de finances initiale pour 2024 et le PLF 2025, le montant de la section locale du FNADT dégringole de près de 84 %, passant de 134 millions à 21 millions d'euros. Or les montants contractualisés dans le cadre des CPER sont considérables, atteignant près d'un milliard d'euros pour la période 2021-2027, sans compter les montants qui doivent encore être décaissés pour les contrats de précédentes générations. Je m'interroge sur cette diminution sèche et quelque peu sévère ; comment la justifiez-vous ?

Le soutien et le financement des opérateurs du programme 112, notamment de l'ANCT, constituent le deuxième enjeu. À cet égard, les crédits alloués à cet opérateur diminuent, passant de 81,5 millions à 64 millions d'euros, soit une baisse de 21 %. Je salue ce réalisme budgétaire et reconnais la nécessité de faire mieux, ou à tout le moins aussi bien, avec des moyens inférieurs. Ces efforts budgétaires nécessaires relèvent de notre responsabilité de parlementaires.

À ce propos, je profite de cette intervention pour recueillir votre ressenti sur le sujet des agences et de leur multiplication. Dans mon précédent avis budgétaire, j'avais qualifié ce phénomène d'« archipellisation ». Quel est votre point de vue sur ce sujet essentiel de rationalisation et de bonne gestion des deniers publics ?

J'en viens au troisième enjeu : les crédits destinés au plan « Marseille en grand ». Je me concentrerai sur les 56,8 millions d'euros de crédits ouverts au sein du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs gouvernements », au titre du financement du volet « école » de ce plan massif, estimé à 5 milliards d'euros d'investissement. La Cour des comptes, dans un rapport accablant paru le 21 octobre dernier, fait état d'un suivi lacunaire par l'État et se révèle particulièrement critique quant à la mise en oeuvre du plan. Ce plan a-t-il encore un avenir, alors que les dépenses budgétaires sont de plus en plus contraintes ? Ne faudrait-il pas réfléchir à une rationalisation des crédits destinés à ce volet au sein du PLF pour 2025 ?

Enfin, je souhaite abonder dans le sens de notre président sur la réforme des ZRR. L'article 27 de la première partie du PLF a été voté par les députés, mais amendé au bénéfice d'une prolongation du dispositif jusqu'en 2030 plutôt que jusqu'en 2027, comme vous l'aviez prévu. Certes, cette première partie a été rejetée et il revient au Sénat de procéder à l'examen de l'article dans sa version initiale. Cette réforme ne faisant visiblement pas l'unanimité, ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, quelles pistes envisagez-vous pour le futur ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Effectivement, les crédits alloués au FNADT connaissent une baisse importante. Pour autant, les moyens d'intervention sont préservés pour les programmes de l'ANCT, France Services, « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain ». Les enveloppes locales du FNADT baissent de manière transitoire. Une extinction progressive des précédents contrats de plan est en cours et les paiements sont lissés. Je me permets de rappeler que les crédits du FNADT sont sous-exécutés, ce qui tient notamment au temps nécessaire à la réalisation et aux paiements.

En ce qui concerne l'« archipellisation » des agences, je partage votre analyse. Le Premier ministre a donné consigne à chacun des ministres de procéder à une analyse de coût-bénéfice pour chacune des agences relevant de son domaine de responsabilité. L'objectif est bien de travailler à une rationalisation. En parallèle, le sujet des normes se pose. Avec Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics, nous avons confié une mission à Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, pour approfondir le rapport sur le coût du millefeuille administratif. Il s'agit d'apprécier les normes non pas en termes de ce qu'elles pourraient potentiellement produire, mais du coût qu'elles pourraient générer. L'objectif est de pouvoir proposer rapidement des trains de mesures de suppression de normes. Gilles Carrez, le président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ne manque jamais de rappeler que, bien que le Conseil soit régulièrement consulté, le Gouvernement passe régulièrement outre son avis. Il y a là une source d'économies non négligeable.

En ce qui concerne le plan « Marseille en grand », je voudrais d'abord rappeler que le rapport de la Cour des comptes procédait d'une photographie prise à la fin du mois de décembre 2023. Le jour de la remise de ce rapport, j'étais à Marseille, avec le préfet Christophe Mirmand, et nous avons fait un point global sur ce dossier.

Ce plan comprend la rénovation de 188 écoles sur 478 en fonctionnement, ce qui représente 40 % des établissements ! Marseille fait face à un problème d'indignité des conditions d'accueil des enfants dans les écoles. Les écoles sont de la compétence de la mairie. Il a fallu un peu de temps pour travailler avec la ville de Marseille. Les travaux sont planifiés jusqu'en 2028, avec un objectif de 81 écoles livrées, soit 43 % de l'objectif. Sur la première livraison de 14 écoles, 10 ont été livrées - 6 en septembre et 4 d'ici au mois de décembre. En 2025 seront livrées les 4 dernières écoles de la première étape ; l'appel d'offres pour les 31 écoles de la deuxième phase de ce chantier se poursuivra. En 2026 et 2027, nous verrons la livraison de ces 31 écoles et le début des chantiers pour les 36 écoles de la troisième phase.

Nous avons considérablement avancé sur ce chantier avec l'arrivée en outre d'une sous-préfète en milieu d'année. Je suis consciente de l'importance de ce programme et de la nécessité d'une coordination pour le mener à bien. Au-delà des écoles, le transport et le logement sont des sujets majeurs. Le Premier ministre a souhaité que nous revisitions l'ensemble des différents chantiers, preuve de notre vigilance dans le suivi de ce dossier.

M. Jacques Fernique. - Madame la ministre, certes, un sursaut collectif s'impose face à l'état de nos finances publiques. Mais l'effort imposé aux collectivités me semble disproportionné. De manière directe ou indirecte, si l'on cumule les 5 milliards d'euros prélevés sur le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et le fonds de précaution, le gel de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de la fraction reversée de la TVA, la saignée concernant le fonds vert et les subventions d'investissement, sans compter les baisses de crédit aux missions locales ou encore aux contrats aidés, la moitié des économies de 25 milliards d'euros du PLF sera supportée par les collectivités.

Cela soulève la consternation parmi les élus, à tous les niveaux des collectivités. Madame la ministre, comment assumez-vous les deux traductions concrètes pour nos territoires de cette restriction d'ampleur ? Je pense, premièrement, à la détérioration des services publics locaux qui va en résulter, avec des problématiques impossibles d'arbitrage pour les élus locaux ; deuxièmement, à la récession qu'entraînera cette lourde atteinte à l'investissement local. L'activité économique et l'emploi dans les territoires vont souffrir de cette décision, et les investissements de la transition écologique décentralisée en pâtiront aussi. Comment animer le partenariat avec les territoires quand on les envisage comme des variables d'ajustement budgétaire de l'État ?

Dans ce contexte budgétaire hostile, ne pensez-vous pas qu'il convient de donner davantage de liberté aux territoires en charge des mobilités, de manière à ce qu'ils puissent actionner le levier du versement mobilité (VM) pour le dispositif du contrat rural Île-de-France, et que la promesse d'équité territoriale puisse progresser pour les transports du quotidien ?

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis des crédits relatifs au transport routier. - Je souhaite évoquer les mobilités du quotidien, sujet prioritaire de votre ministère si j'en crois vos récentes déclarations, ainsi que celles de François Durovray, entendues il y a deux semaines par notre commission.

Lors de votre audition à l'Assemblée nationale le 29 octobre dernier, vous avez annoncé une réflexion en cours sur de possibles évolutions du versement mobilité. Les débats sur le PLF ont fait émerger de nombreuses options : déplafonner le VM ou en rehausser le plafond pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) locales de province ; permettre aux régions de bénéficier du VM ; contribuer au développement des services express régionaux métropolitains (Serm) en tant qu'AOM régionale, ou mettre en place des services de mobilité se substituant aux comités de communes non saisis de la compétence mobilité ; ou bien encore, déplafonner le cumul entre VM et versement mobilité additionnel (VMA) au bénéfice des syndicats mixtes SRU.

Aucune de ces pistes, comme on le sait, n'a passé le cap de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement s'est dit ouvert à l'idée de flécher une part du VM vers les régions pour financer les Serm. Cette proposition ne semble pas faire l'unanimité, notamment parmi les intercommunalités qui y voient un risque de perte de marge de manoeuvre pour le prélèvement du VM sur leur propre tissu économique.

Comment envisageriez-vous l'articulation d'un VM régional avec le VM actuel prélevé par les AOM locales ?

D'autres recettes pourraient être fléchées vers les régions ; je pense au produit des recettes du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre, comme l'avait préconisé le Sénat, ou encore aux recettes tirées des concessions autoroutières. Que pensez-vous de ces pistes de financement ?

À cette liste, j'ajoute l'écotaxe sur les poids lourds. Celle-ci peut être mise en place depuis le 1er janvier dernier par les régions susceptibles de subir un report significatif du trafic de poids lourds du fait de l'instauration d'une écocontribution sur un territoire limitrophe. La nécessité de doter les régions de ressources financières dédiées au transport, neutres pour le budget de l'État, ne justifierait-elle pas de rouvrir le débat sur une généralisation de l'écotaxe ?

Je souhaite évoquer la problématique des mobilités en zones peu denses. Entre la baisse de 60 % des autorisations d'engagement allouées au fonds vert en 2025, l'amputation des moyens de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et les 5 milliards d'euros d'économies demandées aux collectivités territoriales, le contexte budgétaire ne fera que fragiliser encore davantage la capacité des petites collectivités à développer des projets de mobilité.

Dans quelques semaines, nous fêterons le cinquième anniversaire de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), qui avait fixé l'objectif de mettre fin aux zones blanches de la mobilité. Ne serait-il pas temps d'aller au bout de cette ambition, en permettant aux AOM des zones rurales de disposer d'une ressource pérenne, à l'abri des aléas budgétaires, pour développer leur offre de mobilité ?

Le VM peut sembler un outil tout indiqué. Or, comme vous le savez, de nombreuses communautés de communes sont dans l'impossibilité de prélever cette ressource, la loi conditionnant la possibilité de lever le VM au fait d'organiser des services réguliers de transport public de personnes, ce qui est rarement pertinent en zones peu denses. Quel regard portez-vous sur l'idée d'élargir la possibilité de lever le VM dans les communautés de communes en prenant en compte un bouquet de mobilité comprenant notamment le covoiturage et le transport à la demande ?

À défaut, et dans l'hypothèse où les régions se verraient autorisées à lever le VM, celles-ci pourraient-elles jouer un rôle pour soutenir les projets de mobilité des communautés de communes AOM qui n'ont pas la possibilité d'utiliser cet outil ou n'ont pas les ressources fiscales pour le faire ?

Enfin, je souhaite aborder le sujet du leasing social, dont la reconduction en 2025 a été annoncée par le Gouvernement. Les contours de cette reconduction restent flous. En 2024, selon des chiffres publiés récemment, le leasing social aurait majoritairement bénéficié - à plus de 60 % - aux déciles de revenus 4 et 5, alors que la cible annoncée portait sur les ménages les plus modestes.

Des articles de presse ont dénoncé le fait que des étudiants de grandes écoles de commerce en stage, bien qu'issus de milieux aisés, aient pu bénéficier du dispositif. Avez-vous connaissance de ces effets d'aubaine et comment entendez-vous les corriger ?

Allez-vous mettre à profit cette première expérience pour cibler plus efficacement les ménages précaires, notamment dans les zones périurbaines et rurales où la dépendance à la voiture est plus forte ? Pour cela, quel regard portez-vous sur l'idée d'étendre le leasing social aux véhicules électriques d'occasion, plus abordables et dont le marché commence à se développer ? Selon les derniers chiffres, 28 000 voitures électriques d'occasion ont été vendues au premier trimestre 2024.

M. Simon Uzenat. - L'objectif principal de votre gouvernement est la réduction du déficit. Celui-ci, pour une large part, a été creusé par vos récents prédécesseurs. Si les collectivités ont une part marginale de responsabilité concernant la dette, elles n'en ont aucune concernant le déficit. Ces dernières années, nous avons réduit leur autonomie financière et fiscale, en compensant cette réduction par des dotations de l'État. Il y a une forme de malhonnêteté à déclarer aujourd'hui que ces dotations pèsent sur le budget de l'État.

Sur le programme 112, les chiffres sont édifiants, en cohérence avec la démarche globale de programmation budgétaire de votre gouvernement, avec une diminution de 37,6 % des crédits, soit une baisse de 150 millions d'euros en AE par rapport à 2024. En coupant une bonne partie des crédits alloués aux collectivités, celles-ci vont, par la force des choses, moins investir. Cela implique des besoins moindres en ingénierie. Il y a une forme de cohérence dans le dispositif, mais pour autant les questions et les inquiétudes demeurent.

Concernant l'ANCT, la baisse de 18 millions d'euros de ses crédits correspond à une diminution de plus de 20 %, alors même que les besoins d'accompagnement des collectivités, en particulier des petites communes, restent très importants.

Je ne vais pas m'étendre sur le dispositif France Ruralités Revitalisation ; les questions ont été posées. Je partage le besoin de visibilité pour les collectivités, notamment celles qui ne seront concernées que jusqu'en 2027.

Sur le dispositif « Villages d'avenir », j'ai entendu des discours volontaristes, mais des interrogations demeurent en fonction des réalités locales. Dans le Morbihan, le chef de projet devait être recruté en février dernier ; au bout de quelques semaines, il s'est retiré et son remplaçant n'est arrivé qu'au mois de novembre.

On observe une baisse de 80 % des crédits concernant les tiers lieux. Nous serons nombreux, dans les prochains jours, à nous mobiliser pour défendre la cause de ces espaces indispensables, notamment dans les territoires ruraux. Cette chute brutale par rapport aux crédits de 2024 n'est pas compréhensible et met en danger de nombreux projets.

Au sujet du dispositif « Territoires d'industrie », nous avons été nombreux à réagir à la crise qui semble se profiler, avec de nombreux plans sociaux annoncés. Comment entendez-vous mobiliser ce dispositif qui a bénéficié de 70 millions d'euros au titre du fonds vert, dans le contexte actuel des suppressions d'emplois en cascade ?

Beaucoup de choses ont été dites également sur France services. Le chiffre donné sur le nombre de contacts témoigne de cette diminution de la couverture en services publics, en particulier dans les territoires ruraux. Nos concitoyens expriment le besoin légitime de trouver des interlocuteurs. Nous prenons note de la hausse de la participation de l'État, à hauteur de 5 000 euros par espace, auxquels s'ajoutent 10 000 euros dans les zones FRR. Mais cette participation reste insuffisante au regard des besoins de ce dispositif en ruralité, alors même que les 12 opérateurs inclus sont exclusivement nationaux et que ces services sont assurés et financés par l'État.

J'ai eu l'occasion de vous interroger sur les contrats de plan État-région (CPER) mercredi dernier lors des questions d'actualité au Gouvernement et vous aviez exprimé quelques inquiétudes sur les crédits de paiement pour 2025. Qu'en est-il précisément ? Sur les CPER, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) et, plus globalement, le sujet de la transition écologique, des interrogations demeurent. C'est un peu le brouillard dans la répartition des rôles entre vous et Mme Pannier-Runacher ; a priori, vous auriez la main sur le fonds vert ; pour d'autres dispositifs, ce serait votre collègue. Pour les territoires ruraux, la lisibilité n'est pas évidente.

Sur les crédits consommés dans le cadre du fonds vert, les élus ont entendu les signaux envoyés dès le début de l'année 2024 ; dans beaucoup de territoires, ils n'ont pas jugé opportun de déposer des projets. La DETR et la DSIL, comme vous le reconnaissez, permettent de financer également des projets orientés parfois par les préfectures. Sur ce niveau de consommation du fonds vert, il convient donc d'être prudent.

Concernant les CPER, je vous ai déjà interrogée sur ces ressources attendues par les collectivités régionales ; je pense notamment au VMA déplafonné et à la taxe de séjour additionnelle.

Enfin, vous demandez un effort aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) et aux chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), alors même que ce sont des interlocuteurs précieux pour les commerces ruraux. Qu'en est-il précisément ?

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire. - Mon interrogation porte sur les politiques de l'habitat, qui revêtent un caractère stratégique au moment où notre pays traverse une crise du logement et dans un contexte d'économies budgétaires exigées des collectivités locales.

Je souhaite notamment évoquer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS). Je m'interroge d'abord sur les communes nouvelles. Une commune inscrite dans le décret consacré aux zones tendues, en se groupant avec d'autres communes qui ne sont pas inscrites, perd ce statut, et les communes nouvelles ne sont pas intégrées dans le décret. Des pistes pourraient être explorées afin que cela ne soit pas un frein à la création de communes nouvelles. Une cohérence géographique préside à la création d'une commune nouvelle. Ces communes peuvent avoir en partage des difficultés liées au marché local de l'habitat. Pour autant, toutes les communes historiques devenant communes déléguées n'étaient pas préalablement inscrites dans le décret sur les zones tendues.

Je m'interroge ensuite sur les intercommunalités. Aujourd'hui, le produit de la THRS est perçu par les communes. Les EPCI ne peuvent pas activer ce levier fiscal, alors même qu'ils mènent des politiques de l'habitat à l'échelon local particulièrement ambitieuses, et qu'ils sont le support des programmes locaux de l'habitat. Il est essentiel, à l'échelle des bassins de vie, que des stratégies communautaires puissent être menées à bien avec les moyens financiers afférents. Un amendement a été déposé à l'Assemblée nationale, visant à ce que les EPCI puissent percevoir le produit de la THRS. Hélas, il n'a pas prospéré, ce qui place des intercommunalités dans une situation délicate. Ainsi de Granville Terre et Mer, dans le département de la Manche, dont les recettes fiscales liées à l'économie de production sont faibles. Son économie s'articule principalement autour des services, et notamment du tourisme. Les économies exigées dans le cadre du PLF 2025 obligent cet EPCI à trouver 1,5 million d'euros pour équilibrer son budget de l'année prochaine. Aussi, percevoir la THRS sur un territoire soumis à une vague croissante de résidences secondaires serait une bouffée d'oxygène budgétaire, et permettrait de retrouver des moyens d'action en matière d'aménagement du territoire. Madame la ministre, êtes-vous prête à ouvrir la discussion pour que nous puissions trouver des solutions sur ces points particuliers ?

Mme Marta de Cidrac. - Vous avez évoqué un rapprochement entre les différentes dotations, notamment la DSIL et la DETR. Vous souhaitez parvenir à une forme de simplification, avec une souplesse pour les différentes enveloppes. Ces dotations sont aujourd'hui des soutiens vitaux pour de nombreuses communes. Si l'idée peut paraître séduisante, l'expérience a souvent montré que ce genre de mouvement a souvent pour effet, sous couvert de rationalisation, de réduire les montants alloués aux communes. Et à en juger par les tendances du PLF 2025, nous avons quelques raisons de nous inquiéter. Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer sur ce sujet ?

Je vous alerte également sur la logique de péréquation, renforcée dans ce PLF. Dans mon département, cette logique met à mal les finances de nombreuses communes. Aussi, juger la richesse d'une commune sur son potentiel fiscal et non sur ses moyens réels me semble un biais problématique, vécu comme une injustice, d'autant qu'il n'existe aucune contrepartie pour les communes concernées.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis des crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie. - Je souhaitais vous interroger sur les évolutions du fonds vert, mais vous avez déjà répondu. En dépit de l'intérêt porté par les collectivités, la dotation de ce fonds diminue, passant de 2,5 à 1 milliard d'euros en AE. Nous partageons la nécessité de redresser la trajectoire budgétaire de notre pays, mais ce dispositif apportait des résultats. Sa souplesse d'utilisation, notamment, était appréciée des élus.

En matière d'investissement pour l'adaptation au changement climatique, il est important d'avoir de la prévisibilité. Or, les gels et les annulations de crédits envoient un mauvais signal. Comment envisagez-vous de soutenir les élus locaux dans leurs actions en faveur de l'environnement et de la biodiversité, de sorte que ce soutien soit plus lisible et à l'abri des aléas budgétaires dans les prochaines années ?

Sans diminuer l'enveloppe, on peut diminuer les frais de gestion, réduire le nombre d'interlocuteurs, disposer d'une programmation pluriannuelle des investissements. Il existe des tensions au niveau des ressources humaines dans nos communes, et notamment les communes rurales, concernant les secrétaires de mairie. Nous devons réfléchir à une simplification du montage des dossiers.

Dans mon département de la Mayenne, les élus ruraux font preuve d'une gestion rigoureuse des finances publiques, et les nouvelles contraintes budgétaires sont mal ressenties. Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir et reconnaître les collectivités locales vertueuses ? Envisagez-vous des mécanismes de financement ou d'accompagnement spécifiques pour les territoires ayant une gestion exemplaire ?

Dans la mesure où vous êtes en charge de la décentralisation et du renforcement des pouvoirs locaux, comment envisagez-vous de renforcer les compétences locales afin d'avoir davantage d'autonomie et d'efficacité dans nos territoires ? Avec quelles nouvelles ressources comptez-vous financer cela ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - En aucun cas le Gouvernement n'a présenté les collectivités territoriales comme responsables de la situation financière du pays. Dans le contexte que nous connaissons, il leur a simplement demandé de participer au rétablissement des comptes publics, d'abord pour atteindre la marche de 5 % de déficit en 2025, puis pour suivre la trajectoire jusqu'en 2028.

Hier, j'ai revu les différents chiffres avec André Laignel et David Lisnard. Pour les prélèvements, nous prendrons en compte les dépenses exécutées, et non les prévisions établies à partir des dépenses arrêtées au 30 juillet, lesquelles, selon la DGCL elle-même, se révèlent toujours fausses.

Vous m'interrogez sur la déclinaison des 5 milliards d'euros d'économies demandées. Le budget qui vous est transmis est une version zéro, puisque nous repartons de la version initiale du projet de loi déposé, que le Gouvernement amendera. Nous avons beaucoup travaillé avec les représentants des collectivités : 3 milliards d'euros seront financés par un prélèvement de 2 % sur les recettes réelles de fonctionnement des collectivités dont le budget est de plus de 40 millions d'euros, 800 millions d'euros par la rétroactivité du FCTVA et 1,2 milliard d'euros par le gel de la TVA.

Je ne dis pas que le Gouvernement n'évoluera pas sur le prélèvement : nous devrons en discuter avec le Sénat, même si le chiffre en bas de page doit rester le même : il faut faire des économies. Le Premier ministre aura l'occasion de s'exprimer sur ce sujet dans les jours qui viennent.

Monsieur Jacquin, le Gouvernement accepterait de travailler avec vous sur le VM, sauf sur un point : nous nous sommes engagés à ce que le versement soit lié à l'investissement dans le réseau dans une logique de décarbonation. Effectivement, monsieur Fernique, nous ne nous arrêterons pas à l'Île-de-France. Une réflexion est ouverte sur la hausse du plafond de la taxe sur la carte grise. Même chose, concernant les départements, sur le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) à 4,5 %, même si je sais que les recettes de DMTO par habitant n'ont rien à voir dans les Alpes Maritimes et dans les Ardennes...

Il y a déjà des écotaxes : le Grand Est a ainsi fait le choix de reprendre le réseau routier national et de financer son entretien par une écotaxe.

Pour revenir une seconde sur le VM, il faut associer les entreprises aux choix des investissements, de manière à ce que les aménagements aient un lien avec les déplacements de leurs salariés - c'est le fondement de ce prélèvement.

Je suis aussi favorable que vous, monsieur Jacquin, aux mobilités en zone peu dense. J'ai agi en ce sens dans la communauté urbaine que je présidais...

M. Olivier Jacquin. - Effectivement : très belle réalisation !

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Merci ! Vous parlez d'un bouquet ; en tant que champenoise, je parlerais plutôt d'une grappe, mais l'idée est la même : articuler différentes solutions, du transport à la demande au covoiturage. Ce que l'on constate, c'est que dès lors qu'il y a une offre, elle est utilisée. Il faut donc sortir du dilemme entre la poule et l'oeuf et se lancer. Dans ce domaine, le plan France ruralités représente 30 millions d'euros par an sur trois ans et 75 dossiers de mobilités acceptés en 2024.

Les exonérations liées aux zones FRR s'appliquent aux entreprises créées ou reprises entre le 1er juillet 2024 et le 31 décembre 2029. Les communes sont classées jusqu'au 31 décembre 2027. Après cette date, les entreprises créées avant cette date bénéficieront des exonérations pendant cinq ans, puis de manière dégressive pendant trois ans.

Monsieur Uzenat, l'ANCT a recruté 120 chefs de projets entre fin décembre 2023 et fin avril 2024, et il y a eu effectivement quelques cas d'expériences malheureuses, comme celle que vous signalez dans le Morbihan... Mais pour la majorité, les chefs de projet sont mobilisés, ayant en charge entre 22 et 25 projets.

Les crédits d'ingénierie passent de 40 millions à 20 millions d'euros, mais sont maintenus pour Villages d'avenir et Territoires d'industrie. Le fonctionnement sera assez souple entre le cabinet du ministre de l'économie, celui de l'emploi et le mien pour répondre aux besoins territoire par territoire.

Vous parlez à raison de bassins de vie vécus : selon les territoires, la fermeture d'une entreprise n'a pas forcément toujours les mêmes conséquences. Je suis sensibilisée à la situation d'une partie de notre pays - les cartes de l'ANCT sont extrêmement claires là-dessus - où 1 300 bassins de vie vécus dépendent d'une seule entreprise : quand elle ferme, les conséquences sont bien connues.

Comment s'articulent les CPER et les CRTE ? Il me semble que les élus ont un référent : le sous-préfet, voire le préfet. Aussi, avant de parler d'une grande vague de décentralisation, monsieur Chevrollier, parlons de déconcentration. Les maires nous le disent : ils s'adressent au sous-préfet et au préfet ce qui simplifie considérablement leur vie.

Madame de Cidrac, le rapprochement entre la DSIL et la DETR n'en est qu'au stade de la réflexion et elle n'est envisagée qu'à budget constant et dans la concertation. Nous pourrions entamer ces réflexions sur la simplification en début d'année 2025. On nous demande par exemple un retour aux seuils de marchés publics simplifiés de la période du covid, dans une logique de dossier unique et non pour faire des économies.

Comme vous, monsieur Chevrollier, j'attache une grande importance aux secrétaires de mairie. Je n'ai pas grand-chose à vous répondre sur le moment sur un éventuel bonus pour les communes vertueuses, même si je comprends votre logique.

M. Hervé Gillé. - Je salue à mon tour la décision de sécuriser dans le PLF les 2 168 communes qui sortent du dispositif France ruralités. Mais pourquoi s'arrêter en 2027, et non en 2029 ?

Il y a des effets de bord : certains maires ou présidents d'intercommunalités sont confrontés à des critères peu adaptés à leur territoire - c'est tout l'enjeu de la différenciation. Peut-être faudrait-il que les préfets puissent les adapter ?

Les nouveaux critères FRR ne prennent pas suffisamment en compte les communes rurales dites sous influence localisée dans une aire d'attraction d'une ville de plus de 50 000 habitants. Ajouter ce critère permettrait de tenir compte de la réalité périurbaine, cette zone trop souvent négligée, quoique vulnérable, prise entre les défis du développement urbain et les contraintes du rural. Ainsi, nous ne nous contenterions pas de réparer ce qui est dégradé, mais nous pourrions prévenir les dégradations futures. Il y a eu des contacts avec Françoise Gatel sur le sujet. Cela vous semble-t-il possible ?

Les maisons France services ont été évaluées par la Cour des comptes, mais je n'ai pas l'impression qu'un référentiel commun d'évaluation existe.

Je vois bien ce que pourrait apporter un déplafonnement du versement mobilité aux régions. Cela pourrait aider à cofinancer les services express régionaux métropolitains ; mais quid des infrastructures plus lourdes, comme les lignes à grande vitesse (LGV) ? Cela remettrait encore plus en cause l'esprit de la loi d'orientation des mobilités.

M. Cédric Chevalier. - Un sujet hautement sensible dans les collectivités est le zéro artificialisation nette (ZAN). Je crois savoir qu'il l'est particulièrement dans la communauté urbaine que vous avez présidée. J'ai cru comprendre, d'après les propos du Premier ministre, que des évolutions seraient possibles sans remettre en cause l'esprit de la loi : pourriez-vous nous donner vos pistes ? Envisagez-vous de desserrer l'étau sur l'agenda, de prendre en compte les spécificités des territoires, de donner un peu d'agilité ou d'apporter une forme de reconnaissance aux communes ayant été vertueuses par le passé en matière de consommation foncière ?

L'inspection générale des affaires sociales (Igas) a rendu un rapport sur la formation des élus locaux : seuls 3 % d'entre eux se forment chaque année, d'après la Caisse des dépôts (CDC), qui gère le dispositif. Leur nombre est passé de 46 000 en 2021 à 11 338 aujourd'hui. Il faut dire que c'est une usine à gaz. Quelles pistes avez-vous pour la simplifier ? Les formations sont financées par les cotisations obligatoires perçues par la CDC, mais cet argent reste immobilisé - visiblement, il n'est pas perdu pour tout le monde...

Mme Christine Herzog. - Le PLF pour 2025 prévoit une réduction du FCTVA de 800 millions d'euros, son taux passant de 16,4 % à 14,85 %. Cette baisse massive et brutale de la principale aide de l'État à l'investissement local frappera toutes les collectivités : il faut que le Gouvernement la reconsidère. Par ailleurs, il serait judicieux pour les petites communes de réduire le différé de remboursement de deux ans à un an. Enfin, pouvez-vous nous dire si le seuil de 100 000 euros pour les marchés publics de travaux sera pérennisé après le 31 décembre prochain ?

Mme Marie-Claude Varaillas. - Si l'on ajoute les 5 milliards d'euros de prélèvements, la baisse du FCTVA, la stagnation des dotations qui ne prennent pas en compte l'inflation, nous ne sommes pas loin d'une ponction de 10 milliards d'euros sur les collectivités, accusées par l'ex-ministre des finances d'être responsables du déficit public, alors que leurs dettes ne représentent que 8 % de celles de l'État et qu'elles sont tenues de voter leur budget en équilibre, elles... Cette situation injuste ne sera pas sans répercussions sur l'économie puisqu'elles réalisent plus de 60 % des équipements publics du pays.

Les diminutions importantes de MaPrimeRénov' et du fonds vert vont porter un coup très sérieux à l'isolation des logements et des bâtiments publics. Or, nous savons que réduire les gaz à effet de serre ne coûterait que le quart du coût des dommages résultant des catastrophes climatiques, soit un retour sur investissement d'au moins quatre pour un.

Les départements subissent la double peine, avec la baisse des DMTO et l'augmentation de leurs dépenses sociales, notamment au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). En Dordogne, les enfants bénéficiant de l'ASE sont passés de 1 000 il y a dix ans à 1 700. Les départements sont devenus dépendants des aléas de l'économie puisqu'ils ne récupèrent qu'une part de la TVA.

Fallait-il supprimer la taxe d'habitation, qui rapportait plus de 20 milliards d'euros ? L'application du coefficient correcteur depuis sa suppression a des conséquences sur nos territoires ruraux. En Dordogne, les montants de la taxe foncière transférés par le département aux communes dépassent en volume ceux de la suppression de la taxe d'habitation : en 2023, ce sont 57 millions d'euros que le département paie aux communes urbaines parce qu'elles avaient une taxe d'habitation plus élevée que celle des communes rurales. C'est regrettable, car c'est de l'argent des contribuables locaux de mon département qui était légitimement destiné à financer des équipements et des services sur leurs territoires. Ne faut-il pas prévoir un aménagement ?

Enfin, fallait-il supprimer l'ISF, qui aurait produit les 5 milliards d'euros prélevés demain sur les collectivités ?

M. Philippe Tabarot. - Il est légitime que le Gouvernement cherche à réduire les déficits. Nous abordons ce PLF dans un esprit de responsabilité. Nous acceptons qu'il y ait plus d'impôts sur les transports, mais ces recettes seront-elles fléchées vers leur financement ? Nous devons être vigilants quand l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) a moins de ressources, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) est réduite vers les transports, la SNCF assujettie à plus de versements et le secteur aérien lourdement taxé ; enfin, les taxes au tonnage sont dans le viseur, avec une atteinte au pavillon français...

Je voulais également vous interroger sur les zones à faibles émissions (ZFE)...

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Elles ne relèvent pas de mon ministère.

M. Philippe Tabarot. - S'agissant des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), nus avons du mal à distinguer votre domaine de compétences et celui d'Agnès Pannier-Runacher. Deux métropoles, Paris et Lyon, vont interdire au 1er janvier 2025 la circulation des très nombreux véhicules portant la vignette Crit'air 3. À Paris, ces véhicules pourraient entrer quelques jours par an dans la zone grâce à un « pass 24 heures » - nous sommes encore dans une « folie normative » qui se conjugue, dans le cas de l'agglomération parisienne, au mépris social et pousse les collectivités territoriales à prendre des initiatives malheureuses pour s'en sortir. Je connais la position de l'ancienne présidente du Grand Reims que vous êtes sur les ZFE.... Pourriez-vous nous en dire davantage à ce propos ?

M. Ronan Dantec. - Sur le ZAN, le Sénat a fait oeuvre utile en facilitant l'application. Mais jeter par-dessus bord ses grands principes, ce n'est pas la même chose. Alors que Malaga subit les mêmes épreuves que Valence, ce n'est pas le moment de bétonner encore plus la surface agricole utile !

Dans cette période politique troublée, avec des majorités changeantes, respecter le travail du Sénat me semble être un élément de stabilité. Je pense, par exemple, à l'excellent travail de Didier Mandelli sur le partage de la valeur des énergies renouvelables. Or les décrets d'application n'ont jamais été publiés, semble-t-il en raison d'un blocage de Bercy. Il ne s'agit pourtant pas de l'argent de l'État, et cela donnerait un peu d'air aux collectivités. Si vous pouviez en retrouver la trace, nous pourrions ainsi créer de la recette pour elles.

De même, nous avons voté cinq ou six fois de manière consensuelle une dotation climat pour les collectivités. La dernière fois, c'était 200 millions d'euros dans le cadre du fonds vert pour la mise en oeuvre des plans climat-air-énergie territoriaux (PCET), donc fléchés sur des crédits de fonctionnement. Le ministre Christophe Béchu s'était engagé devant le Parlement à appliquer cette décision, alors qu'auparavant, les ministres étaient restés évasifs et nous n'avions pas été satisfaits en commission mixte paritaire (CMP). Mais là encore, l'enveloppe a été abandonnée au printemps, en dépit du travail transpartisan du Sénat. Même si le fonds vert est réduit, pourrait-on imaginer de réactiver ce dispositif ? Encore une fois, pourriez-vous retrouver la trace de ce que nous avions voté ici unanimement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Concernant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, le choix avait été fait en 2023 de l'échelle communale, pour que la prise en compte du marché immobilier résidentiel soit la plus fine possible. Je n'ai pas de meilleure réponse à vous apporter.

Il existe bel et bien un cadre commun d'évaluation des maisons France services : celui de l'Afnor, reposant sur les horaires, le nombre de personnes présentes, la signalétique, le nombre d'usagers par jour ou le taux de finalisation des demandes - il est intéressant de noter que ce dernier est de 96 %, ce qui est loin d'être négligeable. Il y a eu 900 maisons France services évaluées par l'Afnor.

M. Hervé Gillé. - Pourrions-nous avoir communication de cette évaluation ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je ne vois pas ce qui s'y opposerait.

Concernant les FRR, monsieur Gillé, tout le monde connaît le cas de La Réole, dans votre département de Gironde. Pourquoi trois ans ? Parce que nous réintégrons là des communes qui ne devraient plus bénéficier de ces dotations : nous organisons donc une sortie en sifflet à partir de 2027 pour ces 2 168 communes, contre 2030 pour les autres communes. Je comprends bien votre volonté : vous vous dites, pourquoi ne pas en réintégrer une 2 169e en utilisant un autre critère ? Mais dans ce cas, il faudrait le prendre en compte pour tout le monde, ce qui suppose une réouverture de ce dossier difficile. C'est pour cela que nous ne sommes pas allés plus loin, même si je sais qu'il y a des communes soumises à des effets de seuil.

Monsieur Chevallier, le Gouvernement ne veut pas faire « le grand soir du ZAN », ni casser sa dynamique, monsieur Dantec. La cible, 2050, est importante, de même que l'étape intermédiaire de 2031. Pas plus tard qu'hier soir, les sénateurs Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc me présentaient leurs travaux publiés cet après-midi, qui comprend des analyses très intéressantes sur les espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) et les projets d'envergure nationale ou européenne (Pene). J'ouvre ces discussions avec intérêt, mais aussi beaucoup de prudence. Dès qu'on agit sur les volumes, il faut être vigilant ; c'est d'autant plus vrai qu'il faut trouver un équilibre avec les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) en cours d'adoption. Il faut donc assouplir sans remettre en cause.

Sur la fiscalité des transports, il n'est pas question de modifier les compétences. Les LGV relevant de la compétence nationale, il n'est pas question de mobiliser pour elles du versement mobilité.

Faut-il flécher des recettes vers les transports, monsieur Tabarot ? Ce n'est pas forcément une bonne idée : la TICPE, par exemple, a vocation à diminuer, voire à s'éteindre, alors qu'on a besoin de recettes stables. Le versement mobilité est étroitement lié à l'organisation de la desserte pour les salariés des entreprises - c'est pour cela qu'il faut que les élus se concertent avec elles.

Madame Varaillas, vous me dites 10 milliards, mais je vous réponds 5, car nous n'additionnons pas les mêmes choses. Mais nous sommes d'accord sur les allocations individuelles de solidarité : elles rendent la situation des départements complexe. Le Premier ministre a beaucoup travaillé avec votre assemblée sur ce sujet.

Effectivement, le coefficient correcteur peut parfois induire que des territoires ruraux paient pour des territoires urbains ; mais il est malgré tout intéressant d'avoir une compensation pérenne et dynamique qui évolue comme les bases fiscales. Pour avoir fait cet exercice dans un territoire mi-urbain, mi-rural, je peux témoigner que l'investissement fait par les urbains dans les territoires ruraux est loin d'être négligeable.

S'agissant de la taxe d'habitation, je pense que nous devons réfléchir sur l'utilisation des services publics : nous savons tous que beaucoup de concitoyens ne participent pas du tout à l'effort collectif. Je n'ai cependant pas de doute sur le fait qu'ils auraient aimé avoir plus de revenus, et ainsi, devenir imposables...

Mme Marie-Claude Varaillas. - Absolument !

Mme Catherine Vautrin, ministre. - Je le sais : ma communauté d'agglomération compte 43 % de logements sociaux. Pour autant, on peut imaginer une participation symbolique. En tout cas, on ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur le sujet.

Pas plus tard qu'hier, nous réfléchissions à une réforme des critères de la DGF ; mais il faut reconnaître que c'est plus difficile en période de disette budgétaire.

J'ai bien noté que nous gagnerions à être plus limpides sur les périmètres de nos compétences respectives, avec la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, Agnès Pannier-Runacher.

À Reims, nous avions fait le choix d'interdire la circulation des véhicules polluants jusqu'au Crit'air 3, ce qui a produit des effets - mais il est vrai que seule une partie de la ville était soumise à cette interdiction. Madame Herzog, je peux difficilement vous répondre, mais peut-être cela pourrait-il faire l'objet d'un amendement au PLF ?

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre.

Examens en commission
(Mercredi 20 novembre 2024)
Crédits « Aménagement numérique du territoire »

Réunie le mercredi 20 novembre 2024, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Sébastien Fagnen sur les missions « Économie » et « Cohésion des territoires » - Crédits « Aménagement numérique du territoire » du projet de loi de finances pour 2025.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire. - J'ai le plaisir de vous présenter ce matin mon avis sur les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 relatifs à l'aménagement numérique du territoire. Mon propos abordera à la fois la dimension matérielle de l'aménagement numérique du territoire, c'est-à-dire le déploiement des infrastructures, et sa dimension immatérielle, c'est-à-dire l'inclusion numérique des populations.

Je commencerai par les infrastructures numériques, en évoquant l'état du déploiement de la fibre optique. Le Plan France très haut débit, initié en 2013, vise à généraliser la fibre optique sur le territoire à horizon 2025. Pour y parvenir, il mobilise deux dynamiques complémentaires : d'une part, celle de l'investissement privé des opérateurs de télécommunications dans les zones d'initiative privée et d'autre part celle de l'investissement public dans les zones d'initiative publique. Onze ans après le lancement du Plan France THD, nous arrivons à la fin de ce marathon : au premier semestre 2024, 89 % des locaux sont éligibles à la fibre optique, ce qui place la France dans le peloton de tête des pays européens, bien au-dessus de la moyenne européenne et loin devant l'Allemagne ou l'Italie. À quelques kilomètres de l'arrivée, ce n'est pas l'heure de ralentir, surtout que les raccordements restants seront les plus difficiles. C'est pourtant ce que le Gouvernement prévoit, dans ce projet de loi de finances pour 2025. Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, le PLF pour 2025 divise par deux le budget alloué au Plan France très haut débit, qui passe de 480 millions d'euros à 200 millions d'euros.

Le Gouvernement justifie cette diminution par la fin du déploiement du programme. J'ai pu le constater au cours de mes différentes auditions, un effort reste pourtant nécessaire pour atteindre l'objectif de généralisation en 2025. Au-delà de l'essoufflement du programme, le ralentissement risque également de conduire à un report de charges. Comme l'a souligné Patrick Chaize intervenant en qualité de président de l'Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel) lors de la table ronde relative au déploiement de la fibre optique, le désengagement de l'État oblige les collectivités territoriales à augmenter leur participation dans le déploiement des réseaux de fibre optique, qui a eu lieu le 6 novembre 2024.

Un territoire est particulièrement touché par ce coup de rabot : Mayotte, qui est le seul département français dans lequel le déploiement de la fibre optique n'a aujourd'hui pas commencé. Un projet de réseau d'initiative publique est aujourd'hui finalisé, qui ne pourrait toutefois pas voir le jour s'il n'est pas cofinancé par l'État. Je vous proposerai donc d'adopter un amendement pour augmenter les crédits du Plan France très haut débit de 37,6 millions d'euros, afin de soutenir spécifiquement le déploiement de la fibre optique à Mayotte.

L'effort de raccordement doit aujourd'hui se porter davantage sur les raccordements complexes, c'est-à-dire ceux qui nécessitent la création ou la mise à niveau d'infrastructures particulières. Le PLF 2025 acte, à raison, la nécessité de ce soutien, en prévoyant les premiers décaissements pour l'appel à projets sur les raccordements sur le domaine public doté de 150 millions de crédits, qui seront consommés jusqu'en 2027. Je me félicite du lancement d'un dispositif expérimental de soutien aux raccordements complexes dans le domaine privé, pour un montant de 16 millions d'euros. J'alerte sur la nécessité d'un renforcement de ce soutien, alors même que les besoins sont considérables : un rapport du Conseil général de l'économie, publié il y a deux semaines, évalue le coût de ces raccordements entre 640 millions et un milliard d'euros.

Au-delà de la rapidité du déploiement, la réussite du déploiement du Plan France très haut débit se mesurera également à la qualité des raccordements effectués. En 2023, notre collègue Patrick Chaize avait déposé une proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de fibre optique, que nous avons examinée et qui a été adoptée par le Sénat à l'unanimité le 2 mai 2023, qui visait à remédier aux raccordements de mauvaise qualité. Un an plus tard, le constat reste malheureusement le même : le dernier rapport de l'observatoire de la qualité du réseau de fibre optique révèle une stabilité globale des indicateurs de qualité, concernant à la fois le taux de panne et le taux d'échec de raccordement.

Pourtant, la couverture du territoire en réseaux de fibre optique de qualité est un préalable à la fermeture du réseau cuivre, qui entre en 2025 dans sa phase industrielle. Les premières fermetures, qui ne concernent à ce stade que quelques communes, ont révélé les difficultés de cette nouvelle étape : une campagne de communication de grande ampleur est aujourd'hui nécessaire, pour informer le public de la fermeture du réseau. Cette campagne ne pourra pas reposer uniquement sur les maires, ni sur les opérateurs, qui n'ont pas la légitimité des pouvoirs publics. L'État doit assurer cette responsabilité, et il doit le faire au plus vite : plus nous nous approcherons de la date de fermeture commerciale puis technique du réseau cuivre, plus l'effort de pédagogie auprès du citoyen sur l'intérêt de la fermeture sera difficile à réaliser.

Je souhaite achever mon propos sur les infrastructures numériques par un mot sur deux enjeux émergents de l'aménagement numérique du territoire, la spéculation foncière sur les antennes-relais ainsi que les centres de données. Tout d'abord, concernant les antennes-relais, les emplacements sur lesquels sont réalisées ces infrastructures sont touchés depuis plusieurs années par un phénomène de spéculation foncière. Certains acteurs reprennent en effet à échéance des baux d'emplacements destinés à accueillir des antennes-relais, ce qui peut amener l'occupant à démonter les infrastructures qu'il a réalisées. Environ 2400 emplacements -- soit 3,75 % du total -- seraient concernés par cette problématique. L'article 17 du projet de loi de simplification de la vie économique, que nous avons adopté en octobre dernier, prévoit des mesures concrètes qui répondent à cette problématique. Je forme le voeu que cet article survive à la navette parlementaire. La France peut s'enorgueillir de son maillage territorial de centre de données, devenu une véritable spécificité française. En matière de stockage de données, la France compte deux grands pôles, Paris et Marseille, auxquels s'ajoute un réseau de 250 centres de données de proximité, situés dans les métropoles, mais également dans de nombreuses villes moyennes. Ce réseau continue de se densifier puisque ce nombre augmente chaque année de 20 %. Ce sujet émergent est un enjeu d'équité territoriale, mais aussi d'indépendance nationale et européenne : un soutien public en faveur du développement territorialement équilibré de centre de données pourrait ainsi être envisagé.

Je souhaite maintenant aborder la deuxième déclinaison de l'aménagement numérique du territoire, à savoir l'inclusion numérique. Afin d'apporter une réponse territorialisée au phénomène d'illectronisme, des conseillers numériques France services ont été recrutés dans le cadre du plan France Relance. Ils assurent un service d'appui aux démarches administratives pour les usagers et des formations aux usages numériques dans les territoires. En 2023, le renouvellement du soutien financier public au dispositif a été annoncé pour 3 ans. Ce soutien est malheureusement remis en cause par le PLF pour 2025.La situation des conseillers numérique France Services est ainsi alarmante : les crédits alloués passent de 41 millions d'euros en 2024 à 27 millions d'euros en 2025. Les acteurs du secteur entendus m'ont fait part de leur incompréhension face à cette baisse brutale des crédits. Cette mesure s'apparente à un transfert de charges vers les collectivités territoriales ou le secteur associatif. Pour les structures qui ne seront pas en mesure d'assurer cette charge financière, elle les conduira fatalement à abandonner progressivement ce service, pourtant essentiel à nos concitoyens en situation d'illectronisme qui sont confrontés à la dématérialisation croissante des services publics.

Le nombre de conseillers numériques, qui s'élève à 4 000 aujourd'hui, pourrait être plus que divisé par deux, pour atteindre 1 500. Pourtant, les besoins de la population ne disparaîtront pas, dans un contexte de dématérialisation croissante : un quart des Français considère toujours ne pas maîtriser suffisamment les outils informatiques pour pouvoir les utiliser pleinement, selon le baromètre du numérique 2024 de l'Arcep. Le coup d'arrêt porté à ce dispositif qui a pourtant fait ses preuves risque de plus de toucher particulièrement les territoires les plus fragiles, à savoir les communes rurales et les quartiers de la politique de la ville, qui ont particulièrement besoin du soutien de l'État pour lutter contre l'illectronisme. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas pris la mesure du caractère primordial que revêt le maintien de ce service.

Vous l'avez compris, que ce soit du côté de l'infrastructure ou de l'inclusion numérique, nous devons plus que jamais poursuivre nos efforts de lutte contre les fractures numériques. Le Plan France très haut débit a produit de nombreux résultats, mais je tiens à insister sur ce point : nous sommes proches de l'arrivée, ce n'est pas le moment de ralentir. Il faut donc : poursuivre les efforts de déploiement de la fibre, en accentuant le soutien aux raccordements complexes ; résoudre les problèmes de mauvaise qualité du raccordement et mieux communiquer sur la fermeture du réseau cuivre, qui reste insuffisamment connue du grand public ; sans oublier la question centrale de l'inclusion numérique.

Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire, sous le bénéficie de l'adoption de l'amendement proposé.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son intervention. Les centres de données sont essentiels pour la protection des données. Nous avons installé un tel centre dans le département de la Sarthe. Une planification au niveau national est-elle mise en place, pour garantir un développement équilibré de ces centres de données ?

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis. - Il n'y a pas aujourd'hui de planification nationale. Nous devons poursuivre nos échanges avec la fédération InfraNum sur cette question stratégique pour l'aménagement numérique du territoire comme pour la souveraineté numérique.

Article 42

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis. - Mayotte est aujourd'hui le seul département français dans lequel le déploiement de la fibre optique n'a pas commencé, onze ans après le lancement du Plan France très haut débit. La loi de finances initiale pour 2024 prévoyait, à l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le financement du déploiement de la fibre optique à Mayotte à hauteur de 50,5 millions d'euros. Le décret du 21 février 2024 a annulé une partie de ces crédits, nécessaires au rattrapage de Mayotte. Un plan de déploiement de la fibre optique est pourtant aujourd'hui en cours de finalisation. L'absence de soutien de l'État à ce plan pourrait remettre en cause sa pérennité. Le présent amendement vise à rétablir ces crédits, en augmentant les moyens de l'action 01 « Réseaux d'initiative publique » du programme 343 « Plan France très haut débit » de 37,6 millions d'euros, afin de soutenir le déploiement de la fibre optique à Mayotte.

L'amendement est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire, sous réserve de l'adoption de son amendement et avis favorable à l'adoption des crédits des missions « Cohésion des territoires », « Économie » et « Relations avec les collectivités territoriales ».

Crédits « Politiques des territoires »

Réunie le mercredi 20 novembre 2024, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Louis-Jean de Nicolaÿ sur la mission « Cohésion des territoires », la mission « Relations avec les collectivités territoriales » - Crédits « Politiques des territoires » du projet de loi de finances pour 2025.

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, je donne la parole à Louis-Jean de Nicolaÿ.

M.  Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la politique des territoires. - Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai le plaisir de vous présenter l'avis sur les crédits relatifs aux politiques des territoires, répartis sur les missions « cohésion des territoires » et « relations avec les collectivités territoriales » pour ce PLF 2025.

Je dirai d'abord un mot sur la dynamique générale d'évolution des crédits budgétaires affectés à ces politiques, avant de vous faire part de plusieurs remarques thématiques.

Le Gouvernement a été conduit cette année à faire preuve de réalisme budgétaire et ainsi à prioriser un certain nombre d'actions. Ce choix difficile a naturellement eu des répercussions sur plusieurs volets des missions que j'examine.

Tout d'abord, au sein du programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » le budget accordé au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire pour sa section locale connait une forte baisse. Pour rappel, ce fonds sert à financer des projets portés par les collectivités locales et les acteurs locaux, avec pour objectif de dynamiser le développement des territoires et de réduire les disparités régionales. Ce soutien aux initiatives d'investissement passe essentiellement par des mécanismes de contractualisation bien connus de tous ; qu'il s'agisse des « contrats plan État-Régions » (CPER), des « contrats de plan interrégionaux » (CPIER), des « pactes de développement territorial », des « contrats pour la réussite de la transition écologique » (CRTE) ou encore des « contrats de convergence et de transformation » à destination des territoires d'outre-mer. Cette année, l'abondement du FNADT section locale s'élève à 65 millions d'euros en AE et à 21 millions d'euros en CP, contre 190 millions d'euros en AE et 131 millions d'euros en CP en loi de finances initiale pour 2024, soit une baisse respectivement de 66 % et de 84 % par rapport à 2024.

Quels sont les effets concrets d'une telle baisse, me direz-vous ? Cela signifie que pour 2025, aucuns crédits de paiement ne seront ouverts au titre des CPER ou des « pactes de développement territorial ».

J'en conviens bien volontiers, il s'agit là d'un coup d'arrêt substantiel dans la politique portée par l'État à l'égard des territoires et certains engagements pris seront repoussés. Pour autant, il ne s'agit pas d'un abandon pur et simple, le Gouvernement faisant valoir son souhait que soient honorés à l'avenir les contrats signés. J'y serai tout particulièrement vigilant, il en va de la crédibilité de l'action de l'État dans les territoires.

Le programme 112 porte également les crédits de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), dont les crédits destinés à la subvention pour charges de service public qui diminueront de 21 %, passant ainsi de 81,5 millions d'euros en 2024 à 64 millions dans ce budget. Là encore, il s'agit d'un effort de maîtrise des dépenses publiques conséquent, mais qui n'a rien d'herculéen. Lors de mes auditions, l'ANCT a d'ailleurs elle-même reconnu être en mesure d'endosser, en responsabilité, ce sérieux budgétaire. Il s'agira, bien sûr, de faire mieux avec moins.

Enfin, sur ce programme 112, je tiens à saluer la continuité des soutiens apportés à des programmes qui ont fait leurs preuves, je pense tout spécialement aux espaces France services, dont la Cour des comptes dans un rapport de septembre dernier a souligné la pertinence et la qualité du réseau.

Au sein du programme 162 « interventions territoriales de l'État », les crédits sont globalement stables. Les dépenses d'intervention dans le cadre du plan national d'action chlordécone augmentent d'environ 50 % en AE. Les crédits du plan Sargasses 2 connaissent en revanche une légère diminution d'environ 12,5 % en CP. Enfin, le plan d'investissement pour la Corse monte en puissance, les crédits de paiements évoluent de 3,7 millions d'euros en 2024 à 49 millions d'euros en 2025, il ne s'agit pas de dépenses nouvelles, mais de la consommation des crédits du plan France Relance qui risquaient d'être annulés en fin de gestion.

Le tour d'horizon des crédits consacrés à la politique des territoires et à sa dimension « aménagement » ne serait pas complet si je n'évoquais pas les dotations de l'État à destination des collectivités. Au sein du programme 119 « concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », le montant de la DETR augmentera légèrement de 6,5 millions d'euros et dépassera ainsi le montant symbolique d'un milliard d'euros en AE. En revanche, les crédits de la DSIL se rétractent légèrement, de l'ordre de 18 millions d'euros par rapport à 2024.

Enfin, je salue le soutien, par l'intermédiaire du plan France ruralités, de la prise en compte des aménités rurales par l'abondement à hauteur de 100 millions d'euros en AE et en CP de la dotation éponyme. Malgré le contexte budgétaire tendu, le Gouvernement ne rogne pas sur la préservation de nos espaces protégés, telles les zones « Natura 2000 ».

Voilà pour l'évolution des crédits. J'en viens désormais à l'évocation de trois sujets thématiques dont j'estime opportun de vous faire part.

Premier sujet, l'organisation, la rationalisation et le périmètre des agences qui concourent à l'offre d'ingénierie territoriale.

J'avais évoqué l'année dernière la multiplicité d'agences chargée de l'aménagement du territoire, formant ce qu'on pourrait appeler un « archipel des agences ». Ce constat demeure malheureusement d'actualité et je pense que le moment est venu de rouvrir le débat sur l'éclatement de l'offre d'ingénierie.

Je vais vous donner lecture de la liste non exhaustive de l'étendue des acteurs qui concourent à cette offre dans les territoires :

- Tout d'abord, il existe une offre d'ingénierie portée par des programmes nationaux : Petites villes de demain (PVD), Action coeur de ville (ACV) ou encore Villages d'avenir.

- S'ajoute à cette offre, une ingénierie publique dite « surmesure » qui comprend : la Banque des territoires, le Cerema, l'ANCT, l'Ademe et l'Anru. Mais le spectre ne serait pas complet si nous ne regardions pas l'offre portée localement ;

- Il faut dès lors ajouter à cette offre : les agences techniques départementales (ATD), les agences d'urbanisme, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), les établissements publics locaux, sans compter les moyens d'ingénierie mutualisés au niveau des EPCI.

Bref, vous l'aurez compris, la parcellisation de cette offre pose une vraie question.

Je salue la volonté du Gouvernement de rapprocher la plateforme « Aides-territoires » de l'écosystème numérique de l'ANCT afin de recenser en un seul et même instrument, les différentes solutions d'ingénierie auxquelles les élus locaux peuvent recourir. Cette volonté de simplification est toujours bienvenue, mais je ne suis pas persuadé que les élus locaux des territoires les plus ruraux soient familiers de cette plateforme. Un important travail d'acculturation devra donc être mené.

Mais je m'interroge et me demande s'il ne serait pas temps d'aller plus loin dans la rationalisation de l'offre d'ingénierie ? Il me semble aujourd'hui incontournable de remettre à plat les périmètres respectifs de l'ANCT et de ses partenaires : l'opportunité d'un rapprochement, voire d'une fusion d'opérateurs pourrait être étudiée, afin de renforcer la lisibilité de l'action, d'assurer une utilisation optimale des financements alloués et de mettre en oeuvre enfin une politique globale d'aménagement du territoire.

Deuxième sujet que je souhaite aborder : le Programme national ponts (PNP) porté par le Cerema.

Je sais l'attachement de notre commission au sujet des ouvrages d'art et l'importance pour les élus locaux de pouvoir s'assurer de la sûreté de leurs ponts. Ces derniers constituent parfois le seul point de passage reliant une commune à une autre. Lors de l'audition budgétaire commune du Cerema à laquelle j'ai participé avec mon collègue Olivier Jaquin, le directeur général de l'établissement a indiqué qu'il n'était pas nécessaire, cette année, d'abonder les crédits du Plan national ponts mais qu'en fin d'année 2025, il serait probablement opportun de prévoir de nouvelles mesures de financement. Notre commission devra garder à l'esprit ce sujet d'importance majeure pour nos territoires.

Troisième et dernier sujet : le zonage en zones de revitalisation rurale (ZRR) rebaptisé « France ruralité revitalisation » (FRR).

Ce dispositif d'exonération fiscale, auquel les élus sont particulièrement attachés, a fait l'objet, comme vous le savez, d'un rapport d'information en 2024 et du dépôt d'une proposition de loi de notre collègue Rémy Pointereau.

Dans le cadre de l'examen du PLF 2024, le Gouvernement a redéfini de nouveaux critères de zonages ayant conduit au classement de plus de 17 700 communes, avec comme effet de bord d'en exclure 2 168 autres. Le projet de loi de finances pour 2025 rectifie cet écueil majeur que nous avions dénoncé. Je sais, mes chers collègues, que ce zonage ne vaut que jusqu'à la fin de l'année 2027, ce qui nous laisse trois ans pour prolonger notre réflexion sur le sujet. Ce bornage dans le temps n'est pas une anomalie, il correspond au souhait pragmatique du législateur à l'occasion de l'examen de la loi de programmation des finances publiques pour 2023 - 2027, d'évaluer avant toute reconduction l'efficience des dépenses fiscales.

Voilà, mes chers collègues, les éléments dont je souhaitais vous faire part sur ce projet de budget pour 2025.

En conséquence, et dans ces circonstances de rationalisation budgétaire demandé par le Gouvernement, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 112, 162, 119, 122. Je vous remercie.

M. Jean-François Longeot, président. - Je donne la parole à Rémy Pointereau.

M.  Rémy Pointereau. - Merci Monsieur le Président, merci Monsieur le rapporteur pour la présentation de ce rapport sur la politique des territoires. Il est vrai que 2 168 communes qui avaient été exclues du dispositif FRR ont été réintégrées par le PLF pour 2025, la méthode du Gouvernement n'est pas satisfaisante, en espérant que ces communes rattrapées disposent des mêmes avantages que les autres. La question de l'opportunité d'un amendement pour clarifier la situation en vue de l'examen en séance publique se pose.

M. Jean-François Longeot, président. - Nous avions interpellé le Gouvernement en septembre dernier par courrier à ce sujet avec Rémy Pointereau. Ce sujet Hervé Gillé le connaît bien également car certaines communes de son département étaient aussi confrontées à certaines difficultés résultant de ce zonage. Cette situation résulte d'un manque de préparation et d'un manque d'écoute du Gouvernement, qui a souhaité retenir l'intercommunalité comme maille de zonage. Il en résulte que des communes de 25 000 habitants sont aujourd'hui classés en FRR, quand de plus petites communes n'y sont pas, alors même que leur intégration en FRR n'aurait pas une grande incidence financière pour le budget de l'État. Nous avons certes une garantie jusqu'en 2027, mais il faudrait sûrement alerter le Gouvernement à ce sujet, car 2027, c'est après-demain. Je donne la parole à Simon Uzenat.

M.  Simon Uzenat. - Merci Monsieur le Président et Monsieur le rapporteur. Sur le programme 112, la chute de -40 % des crédits de paiement est brutale. Le choix de ne pas allouer de crédits de paiement pour les CPER est totalement irresponsable. Interrogée sur le respect des CPER par l'État, la ministre Vautrin avait répondu qu'il serait difficile pour l'État de respecter son engagement. S'agissant des CPER 2015 - 2020, le texte du PLF pour 2024 prévoyait qu'après 2024, 39,2 millions d'euros en CP seraient encore nécessaires pour solder l'ancienne génération de contrats. Est-ce par cynisme que le Gouvernement prévoit la suppression totale des crédits, en faisant le pari que les collectivités seront contraintes dans tous les cas de réduire la voilure ? Ce n'est pas entendable : les collectivités ont besoin de continuité et de visibilité.

Sur l'action 11, 70 % de baisse des AE et aucun CP, 84 % de baisse au global de CP pour le FNADT dans sa section locale. Sur l'action 12, vous avez bien précisé, monsieur le rapporteur, que le dispositif France services fonctionne bien, mais c'est aussi grâce à l'engagement des collectivités, alors que nous estimons que l'essentiel, si ce n'est la totalité, de la charge financière devrait reposer sur l'État. Un amendement de notre collègue Bernard Delcros prévoit d'augmenter leurs financements de 5,5 millions d'euros, afin de compenser la réintégration des espaces France services dans les FRR, en tenant compte de l'augmentation du nombre de communes bénéficiant des effets du dispositif FRR. Toutefois, le reste à charge pour les communes et les intercommunalités est toujours très élevé. À cela s'ajoute la baisse des crédits relatifs à l'emploi des conseillers numériques, qui sera sûrement abordé par mon collègue Sébastien Fagnen, et la baisse de 80 % des crédits pour les tiers-lieux, alors même que ces lieux sont centraux pour les territoires ruraux.

La baisse des crédits de l'ANCT n'est peut-être pas herculéenne, pour reprendre le terme du rapporteur, il n'empêche que la baisse de 18 millions de crédits pour l'accompagnement en propre réalisé par l'ANCT est inquiétante, alors que nous avions pointé par le passé que nombre des communes de moins de 1 000 habitants devraient être accompagnées ne l'étaient pas : ce phénomène s'aggravera encore cette année.

S'agissant du programme 162, ce texte nous engage dans une mauvaise dynamique en baissant de plus de 8 % les crédits alloués à la lutte contre les algues vertes, alors qu'une baisse de 5 % avait déjà été votée l'année dernière : il s'agit ici d'une question de santé publique.

Nous sommes tous conscients des efforts qui doivent être menés en faveur de l'équilibre budgétaire, mais nous considérons que la partie « dépenses » n'est pas à la hauteur des enjeux de nos territoires. Nous nous abstiendrons donc sur votre rapport.

M. Jean-François Longeot, président. - La parole est à Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. - Nous nous abstiendrons aussi sur ce budget : le PLF prévoit à la fois une baisse des capacités de soutien en ingénierie aux collectivités, tout en réduisant les dotations aux collectivités, donc les capacités d'ingénierie propre des territoires. Les critiques sont nombreuses sur le nombre d'agences et la répartition des compétences entre collectivités et État, sans qu'aucune proposition n'émerge. L'année dernière, le Sénat avait soutenu à l'unanimité une proposition visant à créer une dotation aux collectivités pour le climat, fondée sur une contractualisation sur objectifs entre l'État et les territoires sur la transition écologique. Cette proposition avait été soutenue par le ministre Christophe Béchu avant d'être supprimée au printemps par Bercy : nous ferons à nouveau une proposition en ce sens, moins ambitieuse peut-être, mais de nature à trouver un consensus au Sénat. L'État n'exprime jamais clairement sa vision sur ses propres missions et celles des territoires. Nous nous dirigeons donc vers une année de souffrance pour les opérateurs de l'État et les collectivités sans que l'on puisse voir la lumière au bout du tunnel. J'appelle donc à ce que nous exprimions une vision claire : donner aux territoires les capacités d'ingénierie et réduire les moyens de l'État, y compris déconcentrée, et aller vers plus de contractualisation. Nous pourrions écrire ensemble un nouvel acte de la décentralisation.

M. Jean-François Longeot, président. - La parole est à monsieur le rapporteur.

M. Louis Jean de Nicolaÿ. - Nous regrettons la baisse des CP alloués aux CPER pour l'année 2025 mais le ministère nous a assuré qu'ils seraient reportés pour l'année 2026. Les crédits de l'ANCT connaissent effectivement une baisse de 18 millions d'euros en CP, ce qui correspond en réalité à un rééquilibrage par rapport aux 20 millions d'euros qui avaient été ouverts l'an passé pour l'ingénierie « surmesure ». Cette enveloppe permettait de financer chaque préfet de département à hauteur de 150 000 euros supplémentaires en crédits d'ingénierie, ce qui n'est pas efficace. J'estime qu'il vaut mieux trancher une fois pour toute la question de la répartition des compétences en matière d'ingénierie. Le Premier ministre souhaite réduire de 10 % le nombre d'agences afin de prévenir les « doublons » : il est donc urgent d'apporter de la clarté et de définir les champs de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales.

M. Jean-François Longeot, président. - C'est en effet un débat très intéressant, mais il sera extrêmement difficile de trouver un consensus, une vision commune.

M.  Hervé Gillé. - Il faut absolument dresser un état des lieux des CPER, région par région, afin d'en avoir une vision globale, d'autant plus que les parlementaires ne sont pas associés au suivi des CPER.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la politique des territoires.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des missions « Cohésion des territoires » et « Relations avec les collectivités territoriales ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTION ÉCRITE

Aménagement numérique du territoire
M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis

· Personnes entendues

Mercredi 6 novembre 2024

- Fédération française des télécoms : M. Olivier RIFFARD, directeur général adjoint, M. Corentin DURAND, responsable des affaires publiques Bouygues Telecom, M. Lucas CHERFILS, responsable des affaires publiques Orange, M. Loïc NATCHOO, responsable des affaires publiques Altice-SFR.

Vendredi 8 novembre 2024

- Banque des Territoires du Groupe Caisse des Dépôts : M. Antoine DARODES DE TAILLY, directeur du département « transition numérique » à la direction de l'investissement, Mme Emmanuelle BORRELLY, responsable du pôle inclusion numérique et services au public au sein de la direction de l'investissement, M. Sacha DESMARIS, responsable du pôle conseillers numériques France Services, M. Christophe CHARENTON, Conseiller relations institutionnelles.

- Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse : Mme Laure DE LA RAUDIÈRE, présidente, M. Ghislain HEUDE, directeur Fibre, Infrastructures et Territoires.

- InfraNum : M. Philippe LE GRAND, président, Mme Ilham DJEHAICH, directrice générale de Altitude Infra, M. Timothé BEHM, chargé de missions affaires publiques et attractivité, M. Bruno SABLIERE, directeur des affaires publiques de Altitude.

- Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel : MM. Patrick CHAIZE, président, Ariel TURPIN, délégué général, Guilhem DENIZOT, chargé des affaires réglementaires.

- Agence nationale de la cohésion des territoires : MM. Stanislas BOURRON, directeur général, Laurent ROJEY, directeur général délégué « numérique », Zacharia ALAHYANE, directeur des programmes France Mobile et France THD.

Mardi 12 novembre 2024

- Emmaüs Connect : Mme Marie COHEN-SKALLI, co-directrice, M. Victor BAYSANG-MICHELIN, chargé de plaidoyer.

· Contribution écrite

Assemblée permanente des chambres d'agriculture de France (APCA)

Politique des territoires
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis

· Personnes entendues

Lundi 4 novembre 2024

- Ministère de l'intérieur - Direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) : M. Pierre MOLAGER, sous-directeur de l'administration territoriale.

- Direction générale des collectivités locales : Mme Cécile RAQUIN, directrice générale, M. Alexandre SANZ, sous-directeur de la cohésion et de l'aménagement du territoire, Mme Blandine GEORJON, adjointe au sous-directeur de la cohésion et de l'aménagement du territoire.

Mardi 5 novembre 2024

- Agence nationale de la cohésion des territoires : M. Stanislas BOURRON, directeur général.

Mercredi 13 novembre 2024

- Association nationale des pôles territoriaux et des pays : M. Michael RESTIER, directeur.

LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html

ANNEXE
AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION
DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Amendement de M. Sébastien Fagnen

AMENDEMENT

présenté par M. Sébastien FAGNEN

ARTICLE 42

ÉTAT B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Développement des entreprises et régulations

dont titre 2

 

37 600 000

 

37 600 000

Plan France très haut débit

37 600 000

 

37 600 000

 

Statistiques et études économiques

dont titre 2

       

Stratégies économiques

dont titre 2

       

Financement des opérations patrimoniales en 2024 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État »

       

TOTAL

37 600 000

37 600 000

37 600 000

37 600 000

SOLDE

0

0

OBJET

Mayotte est aujourd'hui le seul département français dans lequel le déploiement de la fibre optique n'a pas commencé, onze ans après le lancement du Plan France très haut débit.

La loi de finances initiale pour 2024 prévoyait, à l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le financement du déploiement de la fibre optique à Mayotte à hauteur de 50,5 millions d'euros. Le décret du 21 février 2024 a annulé une partie de ces crédits, nécessaires au rattrapage de Mayotte.

Un plan de déploiement de la fibre optique est pourtant aujourd'hui en cours de finalisation. L'absence de soutien de l'État à ce plan pourrait remettre en cause sa pérennité.

Le présent amendement vise à rétablir ces crédits, en augmentant les moyens de l'action 01 « Réseaux d'initiative publique » du programme 343 « Plan France très haut débit » de 37,6 millions d'euros, afin de soutenir le déploiement de la fibre optique à Mayotte.

L'article 40 de la constitution et l'article 47 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) interdisant aux parlementaires d'augmenter les crédits de la mission, la mesure est gagée sur les crédits de l'action 23 « Industrie et services » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ».

Il est suggéré que le Gouvernement puisse lever le gage prévu pour compenser la dépense.


* 1 Dotation d'équipement des territoires ruraux.

* 2 Dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements.

* 3 Dotation de soutien à l'investissement des départements.

* 4 Subvention pour charge de service public.

* 5 Article 7 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

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