II. UNE URGENCE : ANTICIPER LE CHOC DÉMOGRAPHIQUE À VENIR

A. UNE FORTE BAISSE DÉMOGRAPHIQUE QUI TOUCHE AUSSI BIEN LE PREMIER QUE LE SECOND DEGRÉ

Le nombre de naissances est en forte diminution en France depuis 2010. Cette chute de la natalité se traduit mécaniquement quelques années plus tard dans la démographie scolaire.

Année de naissance

Nb de naissance (milliers)

Année des 3 ans

Entrée en CP

Entrée
au collège

Entrée
au lycée

Sortie
du lycée

2006

829*

2009

2012

2017

2021

2024

2010

832,1*

2013

2016

2021

2025

2028

2014

817,4

2017

2020

2025

2029

2032

2018

757,3

2021

2024

2029

2033

2036

2023

678,3

2026

2029

2034

2038

2041

* hors Mayotte

Les effectifs sont ainsi en forte baisse dans le primaire depuis la rentrée 2016.

Longtemps épargné, le collège a connu sa première baisse d'effectifs à la rentrée 2023 (- 6 810 collégiens). Cette baisse devrait s'accélérer à partir de la rentrée 2025 et entraîner la fermeture de certains établissements de petite taille : actuellement 6,5 % des collèges - soit environ 345 - accueillent moins de 200 élèves.

Évolution des effectifs dans le premier degré
entre 2022 et 2028

Évolution des effectifs de collégiens
entre 2022 et 2028

- 359 400 écoliers

- 139 300 collégiens

 

Source : DEPP

Ce constat appelle à une réflexion sur le futur maillage territorial scolaire. En effet, toutes les académies - à l'exception de celle de Mayotte - sont concernées.

B. SORTIR D'UNE CONSTRUCTION COURT-TERMISTE DE LA CARTE SCOLAIRE, SOURCE DE CONFLITS SUR LES TERRITOIRES

1. Une procédure annuelle dénoncée à plusieurs reprises par le Sénat

L'épée de Damoclès que constituent l'élaboration annuelle de la carte scolaire et les éventuelles suppressions de classes est de nature à tendre les relations entre les élus locaux, les parents d'élèves et les services de l'État. Elle met également à mal le projet d'école si l'un des membres de l'équipe pédagogique risque tous les ans de voir son poste supprimé.

Les modalités d'élaboration de la carte scolaire résultent :

- des prévisions d'évolution d'effectifs d'élèves ;

- d'une répartition académique des moyens définis en fonction des orientations nationales (dédoublement des classes en éducation prioritaire ; ou pour le second degré : choc des savoirs et évolution de la voie professionnelle ...) ;

- d'un rééquilibrage en emplois pour prendre en compte la difficulté scolaire et l'hétérogénéité des situations sociales et territoriales des académies ;

- pour le second degré, du rapport au sein de l'académie entre l'estimation de ses besoins théoriques et de son potentiel d'enseignement en tenant compte de la diversité des parcours possibles (collèges, options et spécialités au lycée général, voie professionnelle) ;

- de critères sociaux et ruraux.

Face au déclin démographique scolaire qui s'accentue chaque année, il est urgent de penser dès à présent le maillage scolaire territorial de la prochaine décennie.

Modalité d'élaboration de la carte scolaire : une procédure basée sur le court terme

L'élaboration de la carte scolaire répond à une logique court-termiste.

Pour le premier degré, dès octobre, les directions académiques de services de l'éducation nationale doivent indiquer les prévisions d'effectifs pour la rentrée suivante. En décembre, le ministère notifie à chaque académie le nombre de postes dont elle disposera à la rentrée suivante. Chaque rectorat répartit alors les postes entre les départements. Il appartient au directeur des services départementaux de l'éducation nationale de procéder à une répartition intra-départementale. Celle-ci est présentée en comité technique paritaire académique puis en comité technique paritaire départemental. Les maires sont ensuite consultés sur les mesures qui concernent leurs communes. En février, le conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN), composé du préfet, du président du conseil départemental, d'élus, des représentants des personnels, des parents d'élèves et des associations se réunit pour donner un avis sur le projet de carte scolaire. Mi-mai, une fois les inscriptions pour la rentrée prochaine closes, les directeurs d'école transmettent les effectifs définitifs. Un nouveau CDEN se tient début juin pour procéder à des ajustements à la suite de la transmission des effectifs définitifs. Enfin, il est procédé en septembre aux derniers ajustements au regard des effectifs constatés le jour de la rentrée. Un mois plus tard, le processus se réenclenche pour la rentrée suivante.

Pour le second degré, la procédure et le calendrier sont similaires, à une exception : les chefs d'établissement ne sont pas informés du nombre de postes d'enseignants dont ils disposent mais d'une dotation globale horaire qu'ils répartissent entre les différentes disciplines. Cette proposition doit être présentée à la commission permanente et au conseil d'administration de leur établissement fin janvier/début février. Elle est ensuite transmise au directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) - le CDEN est également consulté en février. Les propositions de créations, suppressions, transformations d'emplois sont soumises au comité technique paritaire départemental fin mars.

2. Une première réflexion sur la pluriannualité de la carte scolaire à poursuivre

À l'occasion de la présentation du plan France Ruralités en juin 2023, Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait annoncé sa volonté de « changer de méthode » pour les territoires ruraux afin de « donner une vision à trois ans des fermetures de classes ». Dans ce cadre, des observatoires des dynamiques rurales devaient être créés dans chaque département. Ceux-ci ont vocation à réunir autour de la table les élus locaux et les services préfectoraux et académiques pour « partager un constat existant et des paramètres à prendre en compte pour l'élaboration de la carte scolaire ; favoriser la cohérence des politiques publiques en termes d'aménagement du territoire éducatif ; établir avec les élus une vision prospective d'évolution de la carte scolaire sur trois ans ».

Or, de l'aveu de Nicole Belloubet, alors ministre de l'éducation nationale, devant le Sénat en avril 2024, soit près d'un an après l'annonce de leurs mises en place, leurs déploiements demeurent inégaux et ce dispositif est loin d'être généralisé dans chaque département. Pour la commission, il est urgent que ces instances soient effectivement mises en place dans tous les départements concernés et deviennent un véritable espace de dialogue.

Le rapporteur juge opportun de ne pas limiter cette démarche pluriannuelle aux seuls territoires ruraux. En effet, tous les territoires - à de rares exceptions - perdent des élèves à court et moyen termes. Par ailleurs, il estime nécessaire d'y associer les départements et les régions, tant en raison de leurs compétences scolaires (les collèges et lycées vont également être confrontés très rapidement à une baisse de leurs effectifs) que de celles des transports scolaires.

3. Faire de la baisse démographique un levier pour une meilleure mise en réseau des établissements scolaires

Favorable depuis de nombreuses années à l'école du socle, le rapporteur a pris connaissance avec attention des récentes déclarations de Bernard Beignier, recteur de l'académie de Paris, à l'occasion de la rentrée 2024. Celui-ci indique réfléchir au « développement de cités scolaires » face à la baisse du nombre d'élèves. Elles permettent un rapprochement école-collège ou encore une meilleure articulation de services entre professeurs des écoles et de collèges afin de faciliter la transition des élèves de CM1 et CM2 vers le collège.

De telles mesures permettraient de concrétiser la réalité d'un cycle 3 à cheval entre le primaire et la sixième. Dans ce domaine, le pacte enseignant a permis un premier renforcement de cette articulation : les enseignants du premier degré peuvent s'engager pour une mission de soutien ou d'approfondissement en mathématiques ou en français en 6ème (volume de 18 heures).

Pour l'année scolaire 2023-2024, cette mission représentait 5 % des thématiques des missions choisies (« briques ») dans le cadre du Pacte enseignant. Elle représente en moyenne 20 heures par an par collège privé et 84 heures par an pour les collèges de l'enseignement public.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 20 novembre 2024, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2025.

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