LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
JEUDI 24 OCTOBRE 2024
Ministère de l'agriculture - Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) : M. Benoît BONAIMÉ, directeur général de l'enseignement et de la recherche.
MARDI 29 OCTOBRE 2024
Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation (UNMFRO) : MM. Dominique RAVON, président, et Roland GRIMAULT, directeur.
MARDI 12 NOVEMBRE 2024
Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) : Mme Florence MACHEFER, secrétaire générale.
JEUDI 14 NOVEMBRE 2024
Table ronde des représentants des syndicats de l'enseignement agricole public :
- SNETAP-FSU : M. Frédéric CHASSAGNETTE, co-secrétaire général, Mme Claire PINAULT, secrétaire nationale en charge de la politique scolaire et de la laïcité, M. Olivier GAUTIÉ, secrétaire général adjoint en charge de la politique scolaire et de la laïcité ;
- CFDT Éducation Formation Recherche Publiques : Mme Béatrice LAUGRAUD et M. Jean-François LE CLANCHE, secrétaires fédéraux.
CONTRIBUTION ÉCRITE
- SEA-UNSA
- ANNEXE
Audition de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture
de la
souveraineté alimentaire et de la forêt
MARDI 12 NOVEMBRE 2024
M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour votre première audition devant notre commission. Au nom de l'ensemble de mes collègues, je vous présente nos voeux de réussite pour votre mission, dont nous connaissons la difficulté et l'importance.
Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. Il est en effet très important pour notre commission que l'enseignement technique agricole et ses 220 000 élèves, apprentis et étudiants ne soient pas oubliés. Nous faisons tout pour que ce ne soit pas le cas ; nous connaissons aussi votre attachement à cet enseignement. Nous espérons d'ailleurs que vous serez présente au côté de Mme Genetet, le 2 décembre prochain, lors de l'examen en séance publique de la mission « Enseignement scolaire », qui inclut les crédits relatifs à l'enseignement agricole.
En 2020, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions, nous avions tiré la sonnette d'alarme face à la baisse croissante des moyens en faveur de l'enseignement agricole, qui risquait de remettre en cause son modèle de formation. De fait, comme nous aimons à le rappeler, il s'agit d'une voie de formation qui se distingue par un très fort taux d'insertion, à la fois sociale et professionnelle, et qui participe à l'animation de nos territoires. D'ailleurs, chaque département, à l'exception de celui que je représente, accueille au moins un établissement public ou privé sous contrat de l'enseignement agricole.
En raison de notre mobilisation, ainsi que des conclusions de la mission d'information sur l'enseignement agricole, outil indispensable au coeur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires, dont notre ancienne collègue Nathalie Delattre était rapporteure, l'hémorragie des équivalents temps plein (ETP) enseignants a été stoppée.
Madame la ministre, nous serons à vos côtés pour défendre l'enseignement agricole et renforcer son attractivité. Il y a, en effet, urgence : d'ici à 2030, entre 40 % et 60 % des agriculteurs français partiront à la retraite.
Pouvez-vous nous présenter les priorités de votre ministère en faveur de l'enseignement agricole ? Quels sont les grands axes du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ?
Par ailleurs, en janvier 2025, le Sénat examinera le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA), qui était inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée en juin dernier, mais dont l'examen a été repoussé en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale. M. Christian Bruyen, rapporteur pour avis sur ce texte, vous posera certainement des questions à son sujet. Depuis juin dernier, la position du Gouvernement s'est-elle infléchie sur les principales mesures du projet de loi consacrées à l'enseignement agricole ?
Madame la ministre, je vous laisse la parole, non sans avoir rappelé que cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. À l'issue de votre propos liminaire, Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole, et plusieurs de nos collègues vous poseront des questions.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. - Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un vrai plaisir de me trouver devant vous pour présenter le budget de l'enseignement agricole, alors que je siégeais voilà peu au sein de la commission jumelle à l'Assemblée nationale.
L'enseignement agricole est une chance pour notre pays, pour nos jeunes, pour notre agriculture et pour nos territoires. Issue d'un territoire rural comptant plusieurs établissements d'enseignement agricole, je connais bien cet enseignement, que j'ai eu l'occasion de défendre et de valoriser à de multiples reprises.
C'est avant tout un exemple de l'école de la réussite, comme en témoignent les excellents résultats aux examens et les très bons taux d'insertion professionnelle, les politiques d'inclusion et d'insertion menées, ainsi que le fort engagement citoyen de ses apprenants.
C'est également un enseignement très diversifié. Il offre la possibilité à tous les profils de trouver leur voie vers plus de 200 métiers du vivant : ceux de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, du paysage, de l'aménagement du territoire, de l'environnement ou encore du service en milieu rural. Il permet de se former en voie générale, technologique ou professionnelle, par voie scolaire et par apprentissage. C'est un système riche d'un enseignement public et privé, où chacun met ses spécificités au service de la diversité des jeunes.
Enfin, l'enseignement agricole est un puissant levier pour relever les défis du monde agricole : celui du renouvellement des générations et celui des transitions. Le renouvellement des générations n'est possible que si l'on amplifie le regain d'attractivité que connaît l'enseignement agricole depuis quatre ans, et qui se confirme encore en cette rentrée.
Les prochaines générations d'agriculteurs et d'actifs des métiers du vivant doivent aussi être formées aux compétences de demain, celles qui en feront des chefs d'entreprises économiquement performants et capables de répondre aux enjeux essentiels des transitions agroécologiques, agronomiques, environnementales et climatiques en cours.
Cette audition a lieu dans le contexte particulier du redressement des finances publiques. Ce dernier nous impose de faire le meilleur usage possible des moyens à notre disposition et de faire preuve de responsabilité dans l'utilisation des deniers publics. Malgré ce contexte budgétaire tendu, il est nécessaire de préparer l'avenir de l'agriculture, de défendre notre souveraineté alimentaire et d'anticiper au mieux les crises, dont nous mesurons l'ampleur cette année : crises sanitaires et météorologiques, crise du rendement, crise de sens, crise de confiance en l'avenir. L'enseignement et la recherche agricoles sont la clé pour atteindre ces objectifs.
Trois principes ont guidé l'élaboration du projet de budget.
Le premier est la nécessité de préserver la qualité de l'enseignement agricole en maintenant l'engagement de l'État. Le deuxième est d'aller plus loin pour ce qui fonctionne, en capitalisant sur les spécificités de l'enseignement agricole. Je pense, en particulier, à la capacité de ce dernier à inclure et à former des professionnels compétents et des citoyens éclairés : ces opportunités changent des vies et doivent continuer de le faire. Le troisième principe est de faire en sorte que les métiers de l'enseignement restent attractifs demain. Préserver la qualité, aller encore plus loin pour ce qui fonctionne, continuer de renforcer l'attractivité des métiers de l'enseignement : voilà les maîtres-mots du budget présenté.
Avec 2,162 milliards d'euros de crédits de paiement dédiés à l'enseignement technique et supérieur, nous vous proposons de conserver un haut niveau d'ambition pour l'enseignement agricole.
Premièrement, comme je l'ai indiqué, il était nécessaire de préserver la qualité de cet enseignement. L'enseignement agricole permet à plus de 200 000 apprenants, de la quatrième au brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), et à 17 000 étudiants de l'enseignement supérieur de se former à des métiers qui ont du sens, d'être insérés sur le marché du travail et d'être formés en tant que citoyens.
La progression du nombre d'apprenants de l'enseignement technique de 1 % supplémentaire, en moyenne, chaque année nous oblige à maintenir la qualité de l'enseignement agricole. Ce pourcentage d'augmentation annuelle peut paraître faible au regard de l'objectif de 30 % d'apprenants supplémentaires d'ici à 2030, mais cette croissance régulière chaque année permet d'approcher l'objectif. Après de nombreuses années où son attractivité était en déclin, cet enseignement a désormais retrouvé de l'attrait. Il en va de même de l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire, dont le nombre d'étudiants a déjà crû de plus de 20 % depuis 2017, à moyens quasiment constants. Il faut saluer et préserver ces efforts. Ces chiffres sont la preuve que l'enseignement agricole est toujours plus attractif pour nos jeunes.
Le renouvellement des générations d'actifs dans l'agriculture est en marche. Il faut le soutenir, car c'est un enjeu majeur : à l'horizon 2035, 60 % des chefs d'exploitation sont susceptibles de partir à la retraite.
Pour le programme 143 « Enseignement technique agricole », plus de 35 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires sont prévus, ce qui permet d'atteindre un budget de 1,7 milliard d'euros, soit une hausse de 2 % par rapport à 2024.
Le très bon taux d'encadrement - un peu moins de vingt élèves par classe en moyenne - sera préservé, pour que chaque apprenant soit formé dans les meilleures conditions. Enfin, la hausse du budget a permis d'augmenter les moyens de façon plus ciblée, afin d'éviter que le service public de l'enseignement agricole, qu'il soit assuré par des établissements publics ou privés, ne se dégrade en raison des difficultés conjoncturelles.
Face à la crise à Mayotte, nous répondons présents : l'établissement public national d'enseignement et de formation professionnelle agricoles de Coconi sera doté d'environ 1 million d'euros supplémentaires pour répondre aux besoins induits et pour assurer le bon fonctionnement de son nouvel internat.
Pour ce qui concerne l'enseignement privé, une hausse est consentie pour la ligne budgétaire « Subventions aux fédérations », afin d'accompagner les établissements en difficulté financière. L'État accompagne aussi la hausse des besoins des établissements privés, comme le droit le prévoit : l'action qui regroupe les crédits dédiés à l'enseignement privé du temps plein et à l'enseignement privé du rythme approprié est ainsi dotée de 2,9 millions d'euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2024.
Les dépenses liées à l'enseignement supérieur sont quant à elles également préservées, malgré une légère diminution des crédits du programme par rapport à 2024. Mes équipes travaillent à des redéploiements pour que les huit postes prévus dans le cadre du plan de renforcement des quatre écoles nationales vétérinaires soient bien mis en oeuvre. Nous adoptons une trajectoire permettant de former 75 % de vétérinaires supplémentaires en 2030 par rapport à 2017. Je tiens à cette trajectoire, essentielle pour notre élevage : le territoire doit être maillé de vétérinaires.
Le budget 2025 du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles », qui s'élève à 431 millions d'euros, permettra donc de garantir la qualité des enseignements délivrés et de poursuivre les efforts engagés les années précédentes en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je voudrais évoquer, en toute transparence, la question du rabot budgétaire annoncé. La situation budgétaire de notre pays impose que chaque ministère fasse davantage d'efforts pour retrouver une trajectoire des finances publiques soutenable. À cette fin, le Gouvernement a annoncé soumettre à votre appréciation un montant d'économies supplémentaires à réaliser de 5 milliards d'euros pour le budget de l'État par rapport à la version initiale du PLF.
Dans ce cadre, la contribution de mon ministère s'élèverait à 115 millions d'euros. J'ai choisi de faire contribuer l'ensemble des programmes du ministère à cet effort, au prorata de leurs crédits inscrits dans le PLF pour 2025. À mes yeux, c'est une mesure de bon sens. S'y ajoutent les dispositions annoncées ayant trait aux jours de carence et aux indemnisations des arrêts maladie des agents. Compte tenu de ces éléments, il serait proposé une baisse de crédits de 18 millions d'euros pour le programme 143 « Enseignement technique agricole » et de 8 millions d'euros pour le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ».
Je veux que ces mesures d'économie ne remettent pas en question les grands équilibres du budget présenté aujourd'hui ni les objectifs que je viens d'évoquer : préserver la qualité, aller encore plus loin pour ce qui fonctionne, continuer de renforcer l'attractivité des métiers de l'enseignement. Les services de mon ministère travaillent actuellement en ce sens. Je leur ai expressément indiqué qu'il fallait optimiser au plus juste nos politiques publiques ainsi que nos outils, et préserver le maillage des établissements et des classes dans nos territoires.
Deuxièmement, je voudrais que ce budget nous permette de capitaliser sur les spécificités de l'enseignement agricole, en particulier sa capacité à inclure.
Le nombre de jeunes en situation de handicap accueillis augmente de plus de 15 % par an. Ce projet de budget pour 2025 conforte le statut de nos établissements, qui sont en pointe en matière d'inclusion. À la suite d'une hausse de 26 % du nombre d'élèves bénéficiant d'une aide au titre d'un handicap, il était essentiel de poursuivre les augmentations des moyens dédiés. Ainsi, le financement de l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, hors dépenses de personnel, poursuit sa progression, en passant de 14 millions d'euros en 2020 à près de 21 millions d'euros aujourd'hui.
Ce budget conserve le nombre d'ETP dédiés à l'accompagnement des élèves, qui avait connu une augmentation de 75 % entre 2019 et 2024. Nous avons voulu aussi indexer la rémunération des assistants d'éducation (AED) sur celle de leurs homologues de l'éducation nationale, au travers de 520 000 euros de crédits nouveaux par rapport à 2024. Enfin, les autres spécificités de l'enseignement agricole, comme ses capacités d'innovation et d'expérimentation, sa forte implication en faveur de l'engagement citoyen ou encore de la mobilité internationale, continueront d'être soutenues.
Troisièmement, ce budget nous permettra de poursuivre les réformes en faveur de l'attractivité des métiers de l'enseignement.
Si ce système a de bons résultats, c'est grâce à la qualité et à l'engagement de ses agents, présents partout sur le territoire national. Pour préserver ces résultats, il faut conserver l'attractivité de ces métiers pour les agents. Ce PLF est le premier à intégrer en base les 55 millions d'euros de crédits dédiés au pacte enseignant. C'est un signal fort en faveur des enseignants et des conseillers principaux d'éducation (CPE).
Le pacte enseignant permet, en effet, pour sa partie dite socle, d'améliorer le déroulement de carrière des personnels d'enseignement et d'éducation, ainsi que de revaloriser la rémunération de chacun. Il permet également à ceux qui le souhaitent, par sa partie dite pacte, d'exercer des missions complémentaires au service des élèves et des établissements pour lesquelles ils sont rémunérés.
Je souhaite rappeler mon attachement au pacte enseignant, qui a très vite rencontré un grand succès : pour l'année scolaire 2023-2024, 54 % des enseignants du secteur public et 80 % de ceux du secteur privé ont mené des actions volontaires dans ce cadre. Ce système reconnaît l'investissement des professeurs ; il faut le conserver.
Cette intégration des crédits du pacte en base en LFI s'inscrit dans la continuité de la dynamique favorable engagée ces dernières années. Je pense notamment aux revalorisations des grilles indiciaires, aux évolutions statutaires et à l'augmentation du point d'indice, qui ont induit des dépenses de personnel dynamiques lors des exercices précédents. Je sais l'engagement sans faille des personnels de l'enseignement. J'ai eu l'occasion de leur rappeler lors de mon intervention au séminaire des directeurs en octobre dernier. Ils pourront compter sur mon soutien.
Ce PLF n'est qu'une première étape, qui devra être approfondie dans le cadre de nos travaux futurs. Ainsi, la PLOA est l'une des réponses aux défis de l'enseignement agricole. Une plus grande attractivité des formations aux métiers du vivant, une montée en compétence des futurs actifs dans les secteurs de l'agronomie, de la zootechnie, des transitions, de la gestion d'entreprise, des ressources humaines ou encore du numérique : voilà ce à quoi la PLOA permettra de commencer à répondre afin notamment de préserver notre production alimentaire.
Le débat reprendra vite : la commission des affaires économiques du Sénat l'examinera dès la semaine du 9 décembre prochain, et les débats en séance publique débuteront la semaine du 14 janvier 2025. Les sujets de la PLOA me tiennent à coeur. J'avais, en tant que parlementaire, beaucoup travaillé sur ce texte et soutenu plusieurs mesures qui relevaient du bon sens, notamment en matière d'enseignement agricole.
Pour garantir que la bonne dynamique de l'enseignement agricole perdure, inscrire dans le droit l'objectif de 30 % de hausse du nombre d'apprenants dans l'enseignement technique d'ici à 2030 demeure nécessaire. Le futur bac+3, dit bachelor agro, contribuera à l'attractivité des métiers de l'agriculture, mais aussi, au-delà, à la montée en compétence des futurs actifs. Il est soutenu et attendu par tous les acteurs du monde éducatif et du monde agricole.
Il nous faudra, plus encore qu'aujourd'hui, créer des vocations vers les métiers du vivant pour que le renouvellement des générations d'agriculteurs s'opère. J'aurai l'occasion d'échanger sur ce sujet de l'attractivité de l'enseignement agricole, qui m'est particulièrement cher, avec mes homologues du ministère de l'éducation nationale, que je rencontrerai la semaine prochaine. Je suis certaine que, ensemble, nous enrichirons encore la PLOA d'idées neuves, pour faire briller un peu plus cette pépite qu'est notre enseignement agricole.
Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à ce budget, la transmission des savoirs et des compétences aux futurs actifs s'effectuera dans les meilleures conditions, tout en préparant le monde agricole aux défis de demain. C'est notamment de l'enseignement agricole que naîtront les solutions pour répondre aux défis économiques et agroclimatiques. De lui dépend aussi la hausse du nombre d'actifs, qui est nécessaire pour renouveler les générations dans les métiers du vivant.
Le budget est votre prérogative, et vous connaissez le sujet de l'enseignement agricole. Par conséquent, je veux qu'il soit le plus possible l'objet d'un dialogue constructif entre les services de mon ministère et vous-mêmes.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique agricole. - Madame la ministre, je vous remercie de vous pencher sur l'enseignement technique agricole, qui représente une part importante de votre ministère.
Tout d'abord, les 35 millions d'euros de crédits supplémentaires que vous avez évoqués sont-ils comptabilisés avant ou après le coup de rabot annoncé ?
Ensuite, pour ce qui concerne l'objectif ambitieux de 30 % d'apprenants supplémentaires d'ici à 2030, êtes-vous certaine qu'il faille atteindre de tels effectifs compte tenu des difficultés que rencontrent les jeunes à la sortie des lycées agricoles pour reprendre une exploitation, mais aussi des regroupements d'exploitations et des améliorations techniques et technologiques ? Avec quels moyens comptez-vous y parvenir ? Est-ce compatible avec un nombre d'enseignants stable, alors qu'il s'agit d'accueillir des élèves, apprentis ou étudiants supplémentaires et que, dans certaines matières, les formations ne doivent pas dépasser 16 élèves ? Quelles suites donnerez-vous à l'amendement de nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont proposé 170 ETP supplémentaires pour l'enseignement agricole ?
L'apprentissage est d'une importance majeure pour l'enseignement agricole, comme en témoigne l'augmentation du nombre d'apprentis. L'aide à l'apprentissage risque-t-elle d'être réduite ?
Selon le Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap), que nous avons auditionné, les charges de fonctionnement des établissements d'enseignement privés agricoles relèvent, d'après la loi, de l'État, et non des régions, mais cette disposition n'est plus réellement appliquée. Si certains de ces établissements sont en grande difficulté, d'autres ont pu faire face grâce au succès de l'apprentissage. Aussi, ne risque-t-on pas de se retrouver dans une impasse en cas de baisse de l'aide à l'apprentissage ?
Vous avez revalorisé à 5 000 euros le coût de formation par élève au sein des maisons familiales rurales (MFR) ; or on compte 1 600 apprenants supplémentaires cette année, ce qui correspond à 8 millions d'euros. Tout cela entre-t-il dans les engagements pris ?
Enfin, le pacte enseignant est un succès, surtout dans l'enseignement agricole. Toutefois, il nous a été signalé que certains enseignants contractuels du privé n'y sont pas éligibles car leur temps de travail est inférieur à 50 %. Une simplification plus importante serait-elle envisageable - par exemple, au travers d'une enveloppe de crédits accordée au directeur des établissements concernés, qui se chargerait ensuite de la répartition des crédits ?
M. Christian Bruyen, rapporteur pour avis sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture. - Je vous remercie de votre présentation exhaustive, madame la ministre.
Pour ce qui est des perspectives pour 2025, il faut reconnaître un effort significatif : en dépit de quelques baisses, des augmentations sont à signaler et des lignes budgétaires restent à un niveau constant, malgré une hausse sensible des effectifs en formation.
Une progression de 1 % du nombre d'élèves, d'étudiants et d'apprentis, c'est encore un peu loin de l'ambition affichée pour 2030, puisque 30 000 apprenants supplémentaires sont nécessaires pour assurer l'indispensable renouvellement des générations - veillons à ce que cela perdure à l'avenir. Cependant, ce pourcentage témoigne de la préservation de l'attirance pour ces métiers en dépit d'un agribashing quasi permanent à l'égard d'une agriculture conventionnelle très pourvoyeuse d'emplois. C'est réconfortant et encourageant.
Afin de tenir l'ambition pour 2030, il faudra d'abord protéger les atouts de l'enseignement agricole, dont l'efficacité est reconnue : établissements à taille humaine, maillant bien le territoire, y compris en milieu rural, et offrant un taux d'encadrement raisonnable - je vous remercie d'avoir attiré l'attention sur ce point. Ces atouts tiennent aux moyens accordés et au maintien de l'équilibre public-privé, fondement de la qualité de l'enseignement agricole.
À propos du pacte enseignant, qui a très bien fonctionné dans l'enseignement agricole, a financé des projets innovants et contribué à mieux faire connaître ces métiers, ce qui est essentiel pour améliorer l'orientation vers ces professions, et qui sera reconduit pour 2025, la priorité sera-t-elle donnée aux remplacements de courte durée, comme le fera l'éducation nationale ? Il serait dommage de perdre la souplesse dont disposent les chefs d'établissements pour mettre en oeuvre les actions destinées à attirer de nouveaux jeunes. Le renforcement de l'attractivité des formations agricoles est indissociable de l'indispensable renouvellement des générations, qui est au coeur du PLOA.
Ce dernier a trait notamment aux filières agricoles et agroalimentaires et vise à renforcer les moyens qui leur sont accordés, ce qui est une très bonne chose. Qu'en est-il des formations relatives aux métiers de service à la personne et d'animation des territoires, qui sont souvent assurées par les établissements agricoles ? Ces formations répondent à des besoins importants dans la ruralité et sont souvent d'un grand intérêt pour les jeunes issus de familles exerçant dans le secteur de l'agriculture.
Lors de son audition au printemps dernier, votre prédécesseur a déclaré que, « à date » - on sait ce qui peut se cacher derrière cette formule -, la volonté du gouvernement n'était pas de prélever des moyens sur cette filière pour renforcer ceux des filières agricoles. Au regard des fortes contraintes budgétaires, l'intérêt des métiers de service à la personne sera-t-il reconnu ? Les moyens de ces formations seront-ils préservés ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Pour répondre au rapporteur pour avis M. Bernard Fialaire, hélas ! les chiffres donnés sont ceux qui ont été définis avant le coup de rabot de 115 millions d'euros. Mais, vous l'avez noté, l'enseignement technique agricole ne supporte pas l'intégralité du coup de rabot demandé au ministère.
L'augmentation de 30 % d'apprenants, c'est l'objectif pour réaliser un remplacement « un pour un » : il s'agit non pas d'augmenter le nombre d'agriculteurs de 30 %, mais de garantir le renouvellement des générations. Actuellement, pour la seule agriculture, on compterait 70 000 emplois vacants. L'objectif de 30 % d'apprenants supplémentaire n'est pas un risque, car les taux d'insertion professionnelle sont excellents.
Je veux vous rassurer sur la réforme de l'aide à l'apprentissage. L'apprentissage est en croissance et a permis d'augmenter de nouveau les effectifs dans les établissements ; il est capital à l'attractivité de ces derniers. Par ailleurs, les centres de formation d'apprentis (CFA) contribuent à l'équilibre financier des lycées agricoles. Le Gouvernement n'envisage pas de réformer l'apprentissage dans le secteur agricole, qui connaît une croissance continue depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : en cinq ans, le nombre d'apprentis a crû de 47 %. Le modèle de financement de l'apprentissage est en discussion, mais nous le défendrons, car c'est un facteur d'attractivité de l'enseignement agricole. J'échangerai prochainement avec la ministre du travail et de l'emploi sur ce sujet.
Monsieur le rapporteur pour avis Christian Bruyen, pour ce qui concerne le pacte enseignant, je le confirme, la priorité sera donnée aux remplacements de courte durée, comme c'est déjà le cas actuellement. Les remplacements réalisés par les agents sur la base du volontariat ont permis de réduire de 30 % le nombre d'heures de formation non assurées.
Vous avez eu raison de le souligner, l'attrait de l'enseignement agricole est préservé. Cette aventure du vivant connaît un regain d'attractivité encourageant en raison des perspectives d'insertion et du caractère concret des apprentissages lié au travail dans les exploitations. Le PLOA visera à amplifier cette attractivité, grâce à la sensibilisation des enfants aux métiers du vivant dès l'école primaire, ainsi qu'à la mise en place de contrats territoriaux et d'une sixième mission de l'enseignement agricole.
Nous préservons les formations dans les filières des métiers du service. Plusieurs amendements présentés lors de l'examen du PLOA visaient à montrer combien il était important de soutenir la vitalité des territoires ruraux dans lesquels ces établissements d'enseignement sont souvent implantés. Il n'y aura pas de redéploiement vers l'enseignement agricole : les deux filières sont essentielles à mes yeux.
À propos du financement des MFR, celui-ci est proportionnel au nombre d'élèves ; le ministère sera au rendez-vous s'agissant du protocole qui le lie aux MFR.
Les règles applicables aux enseignants qui exercent à temps partiel et qui ne sont pas éligibles au pacte enseignant sont valables dans l'ensemble des systèmes éducatifs. L'enseignement agricole n'y déroge pas.
Monsieur Bernard Fialaire, vous indiquiez que vous avez auditionné le Cneap ; pour ne rien vous cacher, j'ai échangé par téléphone avec Michel Dantin voilà quelques heures. L'enseignement agricole privé connaît clairement des difficultés en matière de financement, mais ce budget comprend des dispositifs destinés à apporter un soutien budgétaire aux établissements les plus en difficulté.
Mme Marie-Pierre Monier. - Je vous remercie de votre présence. Je souscris à plusieurs alertes lancées par mes collègues.
L'apprentissage permet aux élèves de donner du sens à leur formation ; nous en sommes tous convaincus. La diminution de l'aide aux employeurs est source d'inquiétudes. En effet, les maîtres d'apprentissage auront des difficultés à trouver des contrats pour tous les élèves qui en ont besoin.
Vous soulignez que le nombre d'élèves de l'enseignement agricole augmente. C'est une bonne chose, car la baisse des effectifs a longtemps été une source d'inquiétude, mais nous sommes encore loin du compte. Quelles mesures envisagez-vous pour donner l'envie aux élèves d'intégrer l'enseignement technique agricole ? Améliorerez-vous l'information des collégiens ?
Si j'ai bien compris, aucun poste d'enseignant n'est créé dans ce PLF, alors que 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022. En outre, des questions de sécurité peuvent se poser, par exemple lors d'ateliers de cuisine ou de travaux dirigés avec des animaux de grande taille. Êtes-vous sensible à cette question ?
Que le pacte enseignant puisse être dédié essentiellement aux remplacements m'inquiète. Tout d'abord, il n'est pas certain d'obtenir un remplacement pour la même matière, ce qui constitue un manque pour les élèves. Avez-vous des retours sur ce sujet ?
À propos des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et de l'école inclusive, j'ai été alertée à propos de remplacements non effectifs d'AESH en arrêt maladie. Qu'en est-il ? L'enseignement agricole n'est pas doté de référents AESH comme il en existe dans l'éducation nationale depuis 2020. Or ces référents pourraient animer un collectif, proposer des actions de formation ou des temps d'échange sur les pratiques. Un tel réseau de référents pourrait être mis en place plutôt au niveau régional, au regard de la répartition de l'enseignement agricole public. Quel regard portez-vous sur cette proposition ?
Une dernière inquiétude a trait à l'aide sociale aux élèves, qui est une question récurrente lors de l'examen du budget. Depuis plusieurs années, on constate une baisse des crédits de l'action n° 03 « Aide sociale aux élèves et santé scolaire (enseignement public et privé) ». Pour les seuls crédits destinés aux bourses sur critères sociaux, la perte s'élève à 1,7 million d'euros. Alors que l'inflation perdure et qu'un nombre significatif d'élèves de l'enseignement agricole sont boursiers, est-il envisageable de revenir sur cette trajectoire ?
M. Jacques Grosperrin. - Madame la ministre, je vous remercie de votre engagement, de vos propos très forts sur l'agriculture et l'enseignement agricole. Je connais votre attachement à ce sujet.
Vous avez souligné l'importance de ce budget, qui ne varie pas. L'action de votre ministère est cohérente puisque les remplacements de courte durée dans l'éducation nationale seront prioritaires à hauteur de 50 %.
Vous avez évoqué l'enseignement agricole comme un enseignement de la réussite. Comment le PLOA, adopté le 28 mai 2024 en première lecture à l'Assemblée nationale, et qui sera examiné en séance publique au Sénat à partir du 14 janvier prochain, répondra-t-il en partie à l'enjeu de la formation agricole ?
Mme Annick Billon. - Madame la ministre, je vous remercie de vos réponses.
En tant que sénatrice de la Vendée, je suis convaincue de la nécessité de disposer d'un maillage important d'établissements d'enseignement agricole et de la qualité de ces établissements.
La qualité et l'agilité dont le réseau MFR fait preuve pour accueillir un public particulier et en difficulté sont bien connues. Ses effectifs augmentent, comme cela était souhaité, mais ses moyens restent stables. La demande du réseau, dont nous avons auditionné le directeur, est de disposer de 230 millions d'euros - et non pas de 210 millions d'euros - pour accueillir les élèves dans les meilleures conditions.
Une cinquantaine de MFR sont d'ores et déjà en difficulté, et certains établissements de l'enseignement agricole le sont également. Il était question, cet après-midi, de la fermeture d'établissements de l'enseignement agricole dans le Doubs et dans le Grand Est. Madame la ministre, vous y serez forcément sensible ! Nous devons éviter ces fermetures sèches. Le maillage du territoire est une garantie pour la filière tout entière.
Il est question de baisser l'aide pour les entreprises et les exploitations qui embauchent des apprentis. Ne pourrions-nous pas imaginer que cette aide soit versée de manière étalée le temps du contrat plutôt que lors de la première année d'apprentissage seulement ? Cela permettrait que le montant à verser soit moins important en 2025.
Il semble qu'une majorité des exploitations agricoles qui sont adossées aux établissements scolaires soient en grande difficulté. Or, même si elles sont souvent gérées par des budgets totalement différents, elles participent à la qualité de l'enseignement !
Le pacte enseignant est un succès, mais tous les enseignants n'y sont pas éligibles. Sur le terrain, les établissements scolaires me parlent d'un contrôle difficile, voire absent. Certains sont rémunérés sans que les heures aient été effectuées. En outre, il faudrait « 3 500 clics » pour enregistrer des opérations ... La charge administrative explique peut-être le manque d'attractivité du métier de chef d'établissement.
Mme Laure Darcos. - Je veux reprendre la question de Marie-Pierre Monier concernant les auxiliaires de vie (AVS) dans l'enseignement agricole. Au-delà même de la question du référent, ces derniers n'ont pas le même statut que les AESH. La situation est très compliquée pour eux. On ne peut faire que des contrats de bout de ficelle de quelques heures par élève, alors que les établissements sont de plus en plus nombreux à accueillir des jeunes en situation de handicap.
M. David Ros. - Merci, madame la ministre, de votre présence et de votre écoute.
Je regrette moi aussi la baisse des moyens au regard de l'ambition affichée, et notamment de l'objectif de 30 % d'apprenants à terme. Dans le contexte européen particulier qui est le nôtre, nous soutenons tous la valorisation de l'ensemble des filières agricoles, depuis les lycées techniques jusqu'aux filières d'innovation et de recherche, qui me tiennent particulièrement à coeur. Il y va de l'attractivité de ces filières. Je pense que les contraintes budgétaires doivent aussi être analysées à l'aune des enjeux, essentiels, que nous avons évoqués. Cela soulève les questions de l'utilité et de l'interdisciplinarité - je pense évidemment à l'agriculture et à l'enseignement supérieur et à la recherche, mais aussi à la santé.
Les établissements d'enseignement supérieur jouent un rôle clé dans le développement de la recherche et de l'innovation, en lien avec les enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux. À cet égard, il est légitime de s'interroger sur le développement d'écoles vétérinaires dans le domaine public, compte tenu des besoins, extrêmement importants.
Autre point qui me tient particulièrement à coeur : la possibilité d'engranger des recettes pour les politiques agricoles grâce à la recherche. Les études montrent que de plus en plus d'industriels utilisent des éléments sucrés dans des produits salés : on pourrait très bien, à partir d'une étude de santé menée avec les chercheurs du domaine de l'agriculture, imaginer des taxes vertueuses sur ce genre de pratiques, permettant de financer d'autres politiques publiques dans le domaine de la santé.
Enfin, je m'interroge sur l'avenir des sites d'AgroParisTech situés dans l'Essonne. La cession du site de Massy est sans cesse repoussée, ce qui pèse sur les comptes d'AgroParisTech, le privant de sa mission principale d'enseignement supérieur et de recherche. Dans les Yvelines, nous avons l'occasion unique de faire du domaine de Grignon, lieu important pour l'agriculture, qui concerne aussi l'université Paris-Saclay, un centre d'innovation dédié aux transitions agricoles en cours. Les attentes sont fortes, à l'égard notamment de votre ministère.
Mme Annie Genevard, ministre. - Madame la sénatrice Marie-Pierre Monier, je vous ai dit, dans mon propos liminaire, à quel point l'apprentissage avait contribué à augmenter les effectifs dans l'enseignement privé. Je ne vous cache pas que nous nous interrogeons également sur l'effet que pourrait produire la diminution du nombre d'apprentis dans le secteur de l'enseignement agricole. C'est le ministère du travail qui instruit ce dossier ; nous aurons évidemment un échange nourri avec lui.
Il est remarquable que les apprentis du secteur agricole trouvent une insertion professionnelle aisément. C'est une école de la réussite ; c'est une école de l'insertion ; c'est une école de la confiance en soi. Je suis frappée par l'enthousiasme et l'autonomie des jeunes dans les MFR. Les fermes d'apprentissage jouent un rôle très important. D'ailleurs, le PLOA contient une disposition à leur sujet. J'avais déposé un amendement qui les rendait obligatoires, mais le ministre de l'époque a estimé que cela devait rester une simple possibilité.
Vous avez évoqué la question du remplacement ; j'en ai parlé.
Mmes les sénatrices Darcos et Monier m'ont interrogée sur l'insertion et l'inclusion. Il y a là aussi une particularité de l'enseignement agricole, qui inclut énormément d'enfants porteurs de handicap, dans des proportions, parfois, à la limite de la faisabilité. Pour inclure, il faut bien inclure ! Or, quand une classe comprend 50 % d'enfants porteurs de handicap, comme on a pu le voir dans certains établissements, cela pose la question de l'équilibre, pour les enfants porteurs de handicap, pour les enseignants comme pour l'ensemble des jeunes. Bien évidemment, la question du statut, que l'enseignement général résout progressivement, se pose également dans l'enseignement privé - peut-être même davantage, dans la mesure où il est plus inclusif encore.
Il faut veiller à ce que l'orientation en milieu agricole ne soit pas une orientation par défaut. Il faut avoir le courage de le dire : cela doit demeurer un choix dans tous les cas de figure. Cela pose la question de l'accompagnement... Il faut y consentir des moyens considérables ! Plus on inclut, plus il faut accompagner l'inclusion.
La baisse des aides sociales constatée sur le budget 2025 est liée au fait que certains apprenants quittent le statut d'élève en cours d'année. Elle résulte d'une objectivation des coûts réels.
Je tiens à vous préciser que tous les remplacements sont financés. J'ai d'ailleurs renforcé le budget dédié au suivi des besoins en octobre 2024.
C'est vrai, nous n'avons pas de référent handicap par établissement. C'est un réseau national qui accompagne.
Monsieur le sénateur Grosperrin, vous avez demandé comment la LOA pouvait répondre à l'enjeu de la formation agricole. Ce texte pose une ambition certaine. Vous-même semblez douter de la possibilité d'atteindre le taux de 30 %. Je vous rappelle que, voilà quatre ans encore, l'évolution des effectifs était négative. Elle est redevenue positive et même, cette année, un peu supérieure à celle de l'année précédente. Il y a donc une dynamique, qu'il convient d'amplifier.
Il faut monter en compétences dans la formation dispensée à nos futurs agriculteurs. Il faut attirer plus. J'ai parlé du plan national de découverte : je pense que c'est une chose importante.
Nous avons beaucoup, à l'Assemblée nationale, débattu du nom du bachelor agro, certains considérant que le concept est un peu trop américain, ou regrettant que l'on use d'un mot anglais. Il se trouve que le bachelor plaît. Pour être littéraire de formation, je sais qu'un mot peut suggérer l'idée d'un renouvellement. Au-delà du marketing, on verra ce que le bachelor donne à l'usage s'il attire et s'il répond aux besoins du secteur, en offrant la possibilité à des jeunes de développer des compétences d'excellence.
Les professeurs eux-mêmes seront davantage formés. Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité de compétences multiples. Pour former un agriculteur ou un chef d'exploitation, il faut le former à l'économie, à l'agronomie, à la recherche, à l'agroécologie ou encore à la transition.
Il faut le former aussi à la dimension sociale de l'agriculture. De fait, un chef d'exploitation, c'est possiblement un membre de groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec) ! Je fréquente les agriculteurs depuis longtemps ; je connais leurs difficultés. Monsieur le rapporteur, l'agrandissement des exploitations est une tendance assez forte, mais elle a ses limites, dont la capacité à se sentir bien au sein d'un Gaec. C'est ainsi que l'on voit des « déconjugalisations de Gaec », si je puis dire.
Pour former nos jeunes, il faut former nos enseignants à tout cela. La mission de renouvellement des générations et des transitions impliquera évidemment que les établissements eux-mêmes développent des actions pour se rendre attractifs. Et l'ensemble des acteurs devront, dans le cadre d'un contrat territorial, s'engager à augmenter le nombre d'élèves accueillis dans une classe si celle-ci n'a pas suffisamment d'effectifs.
Madame la sénatrice Billon, vous évoquez les fermetures d'établissements. Je connais bien la situation de celui du Doubs - il se trouve que j'ai eu au téléphone, à son sujet, le président de son conseil d'administration hier soir et Michel Dantin tout à l'heure. Le lycée des Fontenelles dispose de très gros locaux : or il accueille, cette année, un peu plus de 70 élèves. Le rapport coût-enseignement ne fonctionne plus du tout. Il n'est plus attractif. Pour autant, si nous fermons cet établissement, ce que nous ne ferons naturellement pas avant la fin de l'année scolaire, cela ne veut pas dire que le contrat qui lie le lycée des Fontenelles au ministère de l'agriculture sur le volet de l'enseignement s'éteindra. Il pourra être utilisé dans d'autres territoires, au profit d'autres établissements qui ont besoin de moyens supplémentaires, parce qu'ils ont plus d'élèves, plus de demandes. Certes, ce n'est pas un jeu à somme nulle territorialement, mais, pour l'enseignement agricole, l'un compense l'autre.
Certains établissements sont en difficulté, mais sont sauvables ; nous voulons les aider dans le cadre des dispositifs budgétaires que je vous ai exposés tout à l'heure. D'autres, comme celui des Fontenelles, montrent les limites de l'exercice.
Les MFR exercent un rôle formidable en matière de remédiation : elles accueillent des élèves qui y trouvent un deuxième souffle, une raison d'étudier. Leur dotation a été augmentée en 2024. La hausse du nombre d'élèves en cette rentrée entraînera mécaniquement une nouvelle augmentation. C'est déjà prévu dans notre protocole.
Toutes les briques non mises en oeuvre du pacte enseignant seront recouvrées par le budget du ministère de l'agriculture, ce qui est bien normal. Le chiffre est de quelques centaines depuis septembre 2024.
Madame la sénatrice Darcos, nous avons déjà évoqué la question des AVS et des AESH.
Monsieur le sénateur David Ros, vous évoquez la question de la filière innovation et recherche des établissements supérieurs. Un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) va m'être présenté pour savoir s'il est opportun ou non de créer une nouvelle école supérieure, notamment vétérinaire. Nous serons attentifs à ses analyses. Je sais que ce sujet fait l'objet de vifs débats. J'ai été très alertée sur ce point.
En matière d'institut de recherche, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) est déjà l'un des établissements de recherche de référence au niveau mondial, notamment sur les sujets alimentaires et de nutrition.
On m'a parlé du site de Grignon d'AgroParisTech. J'ai découvert que le ministère de l'agriculture était propriétaire de ce domaine extraordinaire. Une mission interministérielle sur le sujet a été conduite à la demande du précédent gouvernement. Ses conclusions nous orientent vers une société universitaire locale immobilière (Suli). Je dois évidemment évoquer de nouveau le sujet avec les autres ministères concernés. Les travaux vont reprendre rapidement. Il ne faudrait pas que ce site ne soit pas utilisé à sa juste valeur.
Enfin, je ne suis pas étonnée que vous m'interrogiez sur le rapport sur la fiscalité comportementale en santé, sur lequel je me suis exprimée à plusieurs reprises. Même si nous sortons un peu du champ de l'enseignement agricole, nous sommes pleinement dans celui du ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Je ne crois pas que les taxes comportementales suffisent à régler les défaillances de comportement. Je pense que c'est du côté de l'éducation à la santé et de l'alimentation familiale qu'il nous faut continuer à prospérer, l'alimentation collective étant déjà marquée, dans nos établissements scolaires, par le recours aux circuits courts, aux produits de qualité, issus de l'agriculture bio ou raisonnée. Nous devons inviter les parents à être vigilants sur les sodas, sur les bonbons.
Je veux rappeler que, derrière une taxe, il y a une production, et que, derrière une production, il y a une entreprise, une exploitation, une souveraineté alimentaire. Dès que vous touchez à une taxe, vous diminuez les capacités d'innovation, de recherche, d'investissement, de promotion. Cela dit, je pense que l'industrie agroalimentaire est prête à débattre avec nous sur la teneur en sucre et en sel des produits transformés et ultratransformés, dont je rappelle, du reste, qu'ils sortent en vert dans le Nutri-score, ce qui montre les limites de l'exercice. D'ailleurs, les industriels sont déjà engagés en ce sens.
On s'imagine que l'industrie agroalimentaire, ce ne sont que des entreprises énormes, qui réalisent des chiffres d'affaires considérables. Ceux d'entre vous qui sont allés au Salon international de l'alimentation (Sial) - je m'y suis rendue - savent qu'il y a, parmi les entreprises françaises du secteur, de toutes petites entreprises.
Monsieur le sénateur, il est question, par exemple, d'alourdir la taxe soda, de l'élargir à tous les segments. Pour ma part, je pense à mon petit limonadier de Morteau. Il n'est pas si petit, du reste, puisqu'il exporte sa limonade peu sucrée jusqu'aux États-Unis, mais ce n'est pas une multinationale de sodas : c'est une entreprise patrimoniale, familiale, identitaire remarquable. Comment vivra-t-elle la taxe soda ? Je l'ignore, mais je ne suis pas très optimiste.
Je préfère, pour ma part, parler de « secteur agroalimentaire », compte tenu de la diversité des entreprises. Je pense encore à une célèbre maison de Dijon qui fabrique du pain d'épices. Nous pouvons tous, dans nos secteurs, multiplier les exemples de production qui utilisent du sucre, notamment toute la filière pâtissière et boulangère - ce n'est pas rien ! Il faut être prudent, mais il y a des progrès à faire, notamment dans le secteur que vous évoquiez, monsieur le sénateur.
Au demeurant, je pense qu'il y a des choses à faire en matière d'innovation. Je ne voudrais pas que le sucre soit remplacé par des édulcorants de synthèse, parce que cela poserait d'autres questions de santé publique.
Pour terminer sur ce sujet, j'ai la conviction très profonde que la recherche, l'innovation, la technologie apporteront des réponses à ce que nous considérons aujourd'hui comme des impasses. Je leur fais vraiment confiance pour nous apporter les solutions qui nous font défaut pour le moment. C'est ainsi qu'il existe aujourd'hui des réponses techniques, mécaniques, qui permettent de traiter avec beaucoup moins d'intrants phytosanitaires des indésirables dans les cultures.
C'est sur cette note d'optimisme que je conclus, monsieur le président.
M. Laurent Lafon, président. - Merci beaucoup, madame la ministre, pour vos réponses.
Les membres de cette commission vous ont démontré à quel point ils étaient attachés à la question de l'enseignement agricole. Nous ne manquerons pas de poursuivre le dialogue avec vous sur ce sujet.
Mme Annie Genevard, ministre. - Monsieur le président, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie.