B. APRÈS CINQ ANNÉES DE DÉPLOIEMENT, UNE RÉFORME DONT LES RÉSULTATS NE SONT PAS À LA HAUTEUR DES ATTENTES
1. En 2022, un nouvel appel de la commission à rectifier le tir face aux dysfonctionnements persistants
Comme elle s'y était engagée au printemps 2021, la commission a, moins d'un an plus tard, poursuivi son travail de contrôle en menant une deuxième mission d'information sur la réforme PASS-LAS.
Dans son rapport publié le 29 mars 20226(*), la rapporteure constate que la deuxième année de mise en oeuvre s'est déroulée dans un climat globalement plus apaisé et que le nouveau dispositif a fait l'objet d'une meilleure appropriation générale. Elle s'inquiète cependant de la persistance de nombreuses difficultés et du maintien d'une très grande hétérogénéité de déploiement sur le territoire.
En dépit d'un pilotage plus serré de la part du ministère, notamment grâce à la mise en place d'un comité national de suivi de la réforme, plusieurs dysfonctionnements déjà relevés la première année perdurent, tandis que de nouveaux sont apparus :
- une communication et une transparence encore insatisfaisantes de la part de certaines universités ;
- de grandes disparités de situations entre universités tant en matière de contenu pédagogique, de modalités d'évaluation, de dialogue interdisciplinaire que d'accompagnement des étudiants, venant confirmer le constat déjà dressé en 2021 selon lequel il y a autant de déclinaisons de la réforme que d'universités ;
- des différences de niveau parfois importantes entre les étudiants admis en MMOP selon la voie de formation suivie en première année.
Au regard de ce bilan certes en amélioration, mais encore très insuffisant, la rapporteure formule dix axes de recommandations pour corriger les effets négatifs de la réforme.
- Axe n°1 : Redoubler d'efforts en matière d'information et de communication à destination des lycéens et des étudiants.
- Axe n°2 : Renforcer les dispositifs d'accompagnement pédagogique des étudiants.
- Axe n°3 : Poursuivre l'adaptation des programmes pédagogiques.
- Axe n°4 : Mieux informer et préparer les étudiants aux épreuves orales, assurer un minimum d'harmonisation de leur contenu et de leurs modalités d'évaluation.
- Axe n°5 : Améliorer la qualité de l'orientation et garantir l'effectivité du droit à la poursuite d'études.
- Axe n°6 : Mieux prendre en compte les besoins des territoires dans la définition des capacités d'accueil.
- Axe n°7 : Adapter les textes réglementaires pour mieux tenir compte de la réalité du terrain.
- Axe n°8 : Mesurer les effets de la réforme en termes de réussite des étudiants et de diversification des profils.
- Axe n°9 : S'interroger sur la pertinence du maintien, à terme, du système bicéphale PASS-LAS.
- Axe n°10 : Préparer la transition vers les deuxième et troisième cycles des études en santé et financer la réforme à hauteur des besoins.
2. En 2024, une évaluation de la Cour des Comptes qui confirme et étaye le diagnostic posé par la commission
Saisie en mars 2024 par la commission des affaires sociales du Sénat d'une demande d'enquête sur la réforme de l'accès aux études de santé, la Cour des comptes a remis son rapport en décembre 2024 7(*). Ses principaux constats corroborent ceux précédemment dressés par la rapporteure de la commission de la culture, en particulier :
- l'insuffisance du pilotage et le défaut d'anticipation par le ministère de l'enseignement supérieur ;
- l'hétérogénéité du déploiement du nouveau dispositif entre les universités ;
- l'inadéquation des moyens financiers débloqués et le manque de visibilité pluriannuelle ;
- le défaut d'appropriation de la réforme au sein des universités ;
- l'illisibilité du double dispositif pour les étudiants, couplée à un manque d'information et de communication ;
- les lacunes de l'orientation des lycéens et le manque de coordination avec le ministère de l'éducation nationale.
Au-delà de ce diagnostic partagé, l'enquête de la Cour des comptes vient apporter un éclairage supplémentaire sur le bilan de la réforme PASS-LAS au regard des objectifs qui ont présidé à son élaboration.
• En matière de réussite des étudiants, mesurée comme leur capacité à progresser dans leur cursus et à intégrer MMOP en un an de préparation, la Cour note une légère amélioration globale. Ainsi, un an après leur première année d'accès aux études de santé, les étudiants sont plus nombreux à être admis en MMOP qu'avant la réforme (+ 7 points en 2022 par rapport à 2019). La progression dans les études est plus significative pour ceux admis dans une formation hors MMOP (+ 25 points entre 2019 et 2022), notamment en deuxième année de LAS. En outre, deux ans après leur année d'accès santé, 63% des étudiants ont perdu une année d'étude contre 79 % avant la réforme.
Cette amélioration générale masque toutefois d'importantes disparités :
- entre les voies d'accès (PASS et LAS) : les étudiants en PASS poursuivent davantage en MMOP et ceux en LAS davantage hors de MMOP. En effet, le taux d'accès des nouveaux bacheliers en MMOP est deux fois supérieur après une année de PASS qu'après une année de LAS et, à l'inverse, le taux de poursuite d'étude en dehors de MMOP est plus important en LAS (33 %) qu'en PASS (26 %), confirmant le constat d'une moindre bonne préparation des étudiants de LAS à la poursuite des études en santé ;
- entre les modèles d'organisation des universités : celles sans composante santé, mais qui ont mis en place des parcours LAS, offrent des taux d'accès en MMOP très faibles comparativement aux universités dotées d'une composante santé. Quant aux universités ayant opté pour un modèle « tout LAS », elles offrent aux nouveaux bacheliers un bon taux d'accès en MMOP (24 %) tout en maintenant un taux élevé de poursuite hors MMOP (33 %) ;
- selon les disciplines suivies en dehors des enseignements de santé : les taux d'accès moyens en MMOP varient beaucoup entre les mineures disciplinaires en PASS et les majeures disciplinaires en LAS. Ainsi, seuls 5 % des étudiants en LAS 1 en droit ont accédé aux filières MMOP en 2022 alors qu'ils étaient 24 % en LAS psychologie. En PASS, les étudiants de la filière sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) ont obtenu le meilleur taux d'accès à MMOP (34 %) et ceux en droit ont obtenu le moins bon (14 %).
Par ailleurs, la réforme n'a pas permis d'enrayer le départ d'étudiants français vers d'autres pays pour se former aux études de santé. Selon le sondage réalisé par la Cour, environ 10% des étudiants n'ayant pas accédé en MMOP poursuivent des études à l'étranger, notamment en Espagne, Roumanie, Belgique et au Portugal.
• S'agissant de la diversification des profils, objectif « mal spécifié et peu précis » selon la Cour, le constat d'échec est sans appel. Les profils des étudiants admis en MMOP sont, avant et après la réforme, globalement similaires ; une légère tendance à l'homogénéisation est même observée. Sur les plans académique et sociologique, la diversification est très peu perceptible. Sur le plan géographique, l'évolution est très légèrement plus visible, du fait de l'ouverture de LAS dans des universités de disposant pas de composante santé et implantées dans des territoires périurbains ou ruraux. Cependant, les conditions d'études dans ces universités offrent peu de chance d'accéder en MMOP faute d'un suivi pédagogique adéquat.
• Concernant les effectifs de professionnels de santé à former en fonction des besoins des territoires, le nouveau dispositif de détermination des capacités d'accueil des universités (numerus apertus) ne convainc pas. Trop complexe, reposant sur des moyens limités, manquant de cadrage interministériel, il ne permet pas en l'état de planifier de manière satisfaisante les besoins.
Qui plus est, si le nombre d'admis en MMOP sur les trois premières années de la réforme a augmenté par rapport à l'année précédente pour les filières médecine (+ 18%) et odontologie (+ 14%), les nouvelles voies d'accès n'ont, à ce stade, pas permis de remédier à la perte d'attractivité des filières pharmacie (- 6 %) et maïeutique (- 4 %), qui continuent d'enregistrer un nombre important de places vacantes. À cela s'ajoutent des disparités persistantes dans la répartition des places en médecine entre les régions et entre les universités.
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Au vu du bilan très mitigé de la réforme en matière de réussite étudiante et de diversification des profils, des importantes difficultés organisationnelles qu'elle a engendrées, des disparités qu'elle a accentuées entre universités, des nombreuses insatisfactions qu'elle a suscitées chez les étudiants en termes de lisibilité, de transparence et d'égalité de traitement, la rapporteure estime que le maintien du dispositif en son état n'est plus tenable.
* 6 Rapport précité.
* 7 Cour des comptes, « L'accès aux études de santé : quatre ans après la réforme, une simplification indispensable », communication à la commission des affaires sociales du Sénat, décembre 2024.