N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

TOME IV

OUTRE-MER

Par Mme Micheline JACQUES,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Vincent Louault, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mmes Martine Berthet, Marie-Pierre Bessin-Guérin, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Mmes Marianne Margaté, Pauline Martin, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Marc Séné, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

Réunie le 19 novembre 2025, la commission des affaires économiques a donné, à l'initiative du rapporteur Micheline Jacques, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

L'année 2025 a été éprouvante pour Mayotte, frappée par les cyclones Chido et Dikeledi, et La Réunion, à la suite de Garance. C'est avec une attention singulière pour ces deux outre-mer que le budget de la mission « Outre-mer » pour 2026 est présenté.

Celui-ci s'élève à 2,9 milliards d'euros (Mds€) en autorisations d'engagement (AE) et à 2,8 Mds€ en crédits de paiement (CP), soit des baisses importantes, respectivement de 17,75 % et de 5,14 %, par rapport aux montants prévus dans la loi de finances initiale pour 2025.

La mission « Outre-mer » ne résume toutefois pas à elle seule la dépense de l'État en faveur des territoires ultramarins. D'après le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2026, ce sont en effet 20 Mds€ d'AE et 21,9 Mds€ de CP qui sont mobilisés pour l'outre-mer, répartis au sein de 30 missions - la mission « Enseignement scolaire » représentant le tiers de la somme globale. Il faut enfin y ajouter 4,8 Mds€ de dépenses fiscales, concernant par exemple la TVA ou les droits d'accises sur les carburants. Au total, la contribution de la Nation aux outre-mer est ainsi estimée pour 2026 à 24,9 Mds€ d'AE et 26,8 Mds€ de CP.

Crédits de paiement mobilisés pour les outre-mer
dans le PLF pour 2026

Source : commission des affaires économiques, d'après le document de politique transversale « Outre-mer »

Dans le contexte général du nécessaire redressement des finances publiques, la mission « Outre-mer » voit ainsi ses crédits diminuer, par rapport aux dotations de la loi de finances pour 2025, de 627 millions d'euros (M€) en AE et de 153 M€ en CP. Les économies attendues procèdent pour une bonne part de la réforme disproportionnée du dispositif d'exonération de charges sociales, dit Lodéom, qui est envisagée.

I. DANS LE CONTEXTE DE DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES PERSISTANTES, UN EFFORT DISPROPORTIONNÉ DEMANDÉ AUX ENTREPRISES ULTRAMARINES

A. DANS L'ENSEMBLE, LES ÉCONOMIES ULTRAMARINES RESTENT STRUCTURELLEMENT FRAGILES

Les défis auxquels font face les territoires ultramarins sont bien connus : isolement, difficultés d'approvisionnement, étroitesse du marché intérieur, manque de qualification de la main-d'oeuvre, faiblesse de certaines infrastructures...

Aussi ces territoires se caractérisent-ils notamment par des taux de chômage significativement supérieurs à celui constaté dans l'Hexagone.

Source : Insee, Enquête emploi1(*)

Si, dans leur diversité, les territoires ultramarins connaissent des évolutions plus ou moins favorables - le PIB par habitant de Saint-Pierre-et-Miquelon (39 778 € en 2024) est ainsi comparable à celui de la France hexagonale (41 909 € en 2023), tandis que celui de Mayotte (11 486 € en 2023) lui est quasiment quatre fois inférieur -, ils se caractérisent néanmoins dans l'ensemble par des indicateurs socio-économiques (taux d'emploi, revenu disponible par habitant, etc.) structurellement plus bas que ceux mesurés dans la métropole.

Aussi l'un des deux programmes qui constituent la mission « Outre-mer », le programme 138, vise-t-il, selon le projet annuel de performances à « assurer le développement économique des territoires ultramarins et la création d'emploi dans les outre-mer ».

Le principal outil mobilisé pour parvenir à cet objectif consiste dans les mesures de soutien aux entreprises inscrites dans la première action du programme 138 pour 1,4 Md€ en AE et autant en CP, soit 81,2 % de l'ensemble des crédits du programme. Ces montants sont destinés à compenser les pertes pour la sécurité sociale liées aux allègements de charges du dispositif dit Lodéom, issu de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Autrement dit, les crédits inscrits dans la mission « Outre-mer » correspondent à un transfert de l'État vers la sécurité sociale, mais le dispositif Lodéom lui-même figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

B. LA RÉFORME DISPROPORTIONNÉE DU DISPOSITIF LODÉOM

Si son périmètre varie selon que l'un ou l'autre de ses six barèmes s'applique, le dispositif Lodéom suit deux principes directeurs. Les exonérations de charges patronales concernent les entreprises comptant moins de onze salariés et, suivant certaines conditions de taille et de chiffre d'affaires, les autres entreprises pourvu que celles-ci relèvent de l'un des secteurs ciblés (bâtiment et travaux publics, transport, etc.).

Le tableau ci-après retrace les différents barèmes applicables, suivant les niveaux de salaires et les territoires concernés.

Guadeloupe, Guyane, Martinique
et La Réunion

Saint-Barthélemy et Saint-Martin

Barème compétitivité

Taux d'exonération maximal jusqu'à...

1,3 SMIC

Barème moins de
11 salariés

Taux d'exonération maximal jusqu'à...

1,4 SMIC

Exonération dégressive à partir de...

1,3 SMIC

Exonération dégressive à partir de...

2 SMIC

Exonération nulle à partir de...

2,2 SMIC

Exonération nulle
à partir de...

3 SMIC

Barème compétitivité renforcée

Taux d'exonération maximal jusqu'à...

2 SMIC

Barème
sectoriel

Taux d'exonération maximal jusqu'à...

1,4 SMIC

Exonération dégressive
à partir de...

2 SMIC

Exonération dégressive à partir de...

1,4 SMIC

Exonération nulle
à partir de...

2,7 SMIC

Exonération nulle à partir de...

3 SMIC

Barème innovation & croissance

Taux d'exonération maximal jusqu'à...

1,7 SMIC

Barème renforcé

Taux d'exonération maximal jusqu'à...

1,7 SMIC

Exonération dégressive
à partir de...

2,5 SMIC

Exonération dégressive à partir de...

2,5 SMIC

Exonération nulle à partir de...

3,5 SMIC

Exonération nulle à partir de...

4,5 SMIC

Source : Rapport d'information n° 1861 (XVIIe législature) du 24 septembre 2025
de M. Christian Baptiste, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale,
d'après le rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales
de novembre 2024

Au cours des dernières années, le coût du dispositif Lodéom n'a cessé d'augmenter. D'après un rapport de novembre 2024 de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales, il a ainsi progressé de 33,6 % entre 2019 et 2023, passant de 1,14 Md€ à 1,52 Md€. La direction générale des outre-mer estime la dépense incontrôlée.

Aussi le Gouvernement a-t-il prévu, à l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, de revoir le dispositif Lodéom afin de le recentrer sur les plus bas salaires (jusqu'à deux fois le SMIC), de réduire à deux le nombre des barèmes et d'aligner Saint-Barthélemy et Saint-Martin sur le droit commun.

Si le rapporteur juge nécessaire une réforme, elle ne souhaite pas encourager une « smicardisation » des économies ultramarines à l'heure où celles-ci ont besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée. Elle rappelle en outre que le dispositif Lodéom permet de lutter utilement contre le travail informel. Elle souligne enfin les écarts persistants de rentabilité financière entre les PME ultramarines et celles de la métropole, que mesure régulièrement l'Insee et qu'a exposés la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom) lors de son audition.

La réforme proposée se traduirait par un effort de 340 M€ demandé dès 2026 aux entreprises ultramarines, ce qui n'apparaît pas soutenable. Un amendement de suppression de cette disposition a été adopté lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 en première lecture à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement s'est engagé à renvoyer à début 2026 la concertation sur l'évolution du dispositif Lodéom2(*).

Dans la même perspective, il convient de signaler une autre réforme, non inscrite dans la mission, qui inquiète également les entreprises : il s'agit de la baisse importante, prévue à l'article 7 du projet de loi de finances pour 2026, du régime d'aide à l'investissement productif. La Fedom évalue à 30 à 40 % d'aides fiscales en moins pour les exploitants concernés, notamment dans le secteur de l'hôtellerie, les effets de la mesure proposée, que le rapporteur juge également disproportionnée, même s'il est favorable à l'instauration d'un contrôle plus rigoureux des demandes de défiscalisation.

C. LES INQUIÉTUDES DE LADOM

L'attention du rapporteur a encore été attirée, au sein du programme 138, sur la situation de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), qui est un établissement public administratif et bénéficie d'une subvention pour charges de service public. Celle-ci devrait diminuer de 2,5 M€ en AE et en CP en 2026, passant de 10,245 M€ en 2025 à 7,745 M€.

Dans le même temps, Ladom, qui poursuit sa modernisation selon le plan « Horizon 2027 », est appelée à fournir de nouvelles prestations, importantes pour la continuité territoriale, comme les différents passeports pour la mobilité (pour les étudiants, les actifs ou encore les entreprises innovantes) prévus par la loi de finances pour 2024 et qui devraient être disponibles pendant l'année 2026. Des difficultés de trésorerie sont ainsi à craindre pour Ladom en cours d'exercice.

II. LE PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » : MOBILISER D'AUTRES LEVIERS QUE LES SEULS CRÉDITS BUDGÉTAIRES

Selon le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2026, le programme 123 « Conditions de vie en outre-mer », composé de huit actions, « permet au ministère des outre-mer de conduire des politiques spécifiques et adaptées aux territoires ultramarins, ne relevant pas des crédits de droit commun portés par les autres ministères ».

A. UNE BAISSE DE 21 % DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ET UNE HAUSSE DE 22 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER »

Le budget de ce programme est proposé, pour 2026, à hauteur de 1 087 M€ en AE, et 1 026 M€ en CP.

Source : commission des affaires économiques,
d'après les réponses reçues au questionnaire budgétaire

Les AE sont en baisse de 20,78 % (- 285 M€) par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Toutes les actions ne sont cependant pas en baisse. Ainsi, l'action 03 « Continuité territoriale » augmente de 2,67 %. Les actions 04 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » et 07 « Insertion économique et coopération régionales », quant à elles, conservent les mêmes montants qu'en 2025.

Les CP de la mission sont eux en hausse de 22,39 % (+ 188 M€) par rapport à la LFI pour 2025. Tous les CP des actions du programme ne sont cependant pas en hausse : les crédits de l'action 07 « Insertion économique et coopération régionales » sont identiques à ceux de la LFI pour 2025 ; deux actions connaissent une baisse des CP : l'action 09 « Appui à l'accès aux financements bancaires » (- 10,88 %) et l'action 08 « Fonds exceptionnel d'investissement » (FEI) (- 49,10 %).

Selon la direction générale des outre-mer (DGOM), le rééquilibrage des montants en AE et en CP a pour objet « de stabiliser, voire de diminuer sensiblement les restes à payer en 2026 et d'améliorer la soutenabilité du programme. Il s'agit de réduire les engagements en hausse continue depuis plusieurs années sur les dispositifs historiques spécifiques aux outre-mer, généralement pluriannuels, pour mieux maîtriser les décaissements à venir, sans mettre en péril les engagements pluriannuels forts tel celui de la loi de programmation et de refondation de Mayotte ».

Le plan Logement outre-mer 3 (Plom 3)

Depuis 2015, plusieurs plans Logement outre-mer (Plom) se sont succédé. Ils constituent la feuille de route de l'État et de ses partenaires dans le domaine du logement.

Le Plom 3, qui était attendu pour la fin 2024, s'organise autour de deux axes :

- un axe « territorial » vise à élaborer une stratégie et à définir les priorités dans chaque territoire en fonction de sa spécificité. La DGOM a indiqué que les Plom territoriaux ont été finalisés dans l'ensemble des départements et régions d'outre-mer (Drom), celui de la Guadeloupe devrait être validé avant fin 2025 ;

- un axe « transversal » dont l'objet est d'intégrer les mesures arbitrées du comité interministériel des outre-mer (Ciom). Selon la DGOM, il prend également en considération les propositions formulées dans différents rapports (Sénat, Cour des comptes, etc.). L'axe transversal du Plom serait en phase de validation finale avec pour objectif de disposer d'un Plom 3 complet, axe transversal et axe territorial validés et signés, d'ici la fin de l'année.

Les personnes auditionnées, associées à l'élaboration de ce Plom, ont dans leur ensemble souligné l'aspect positif de l'axe territorial.

B. L'ACTION EN FAVEUR DU LOGEMENT : LA NÉCESSITÉ D'ORIENTATIONS SUR LE LONG TERME ET DE MISE EN PLACE D'ÉQUIVALENCES POUR LE MARQUAGE RUP

Les territoires ultramarins sont confrontés à une problématique structurelle de manque de logements. En outre, 150 000 logements indignes étaient recensés en 2022 dans les cinq Drom (dont une large part de logements informels)3(*). Les politiques en faveur du logement sont donc primordiales. Elles sont portées par l'action 01 et sa ligne budgétaire unique (LBU). Les crédits ouverts pour la LBU par le PLF pour 2026 (21 % du programme) s'élèvent à 236,25 M€ en AE (- 9,81 % par rapport au PLF pour 2025) et à 211,27 M€ en CP (+ 13,51 %).

Source : commission des affaires économiques,
d'après les données de la DGOM4(*)

Certains des acteurs entendus par le rapporteur ont jugé la baisse des AE de la LBU tenable, si elle reste dans la limite de la part non consommée chaque année. L'Union sociale pour l'habitat (USH) estime cependant qu'il s'agit d'un mauvais signal envoyé aux bailleurs sociaux qui risquent de privilégier la maintenance à la rénovation et aux constructions neuves.

Le rapporteur a souhaité étudier des leviers, autres que budgétaires, permettant de favoriser le logement en outre-mer :

· Le marquage « régions ultrapériphériques » (RUP)

L'article 2 de la loi n° 2025-534 du 13 juin 2025 expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer prévoit que le « représentant de l'État dans le bassin géographique met en place des "comités référentiels construction" compétents sur des zones géographiques précisées par le décret mentionné au premier alinéa afin de contribuer à la mise en oeuvre de cette exemption et à la définition de référentiels de construction, en tenant compte des besoins de la production locale ainsi que des spécificités et des contraintes locales ».

La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) travaille actuellement à la rédaction des textes d'application de cet article 2 :

- le décret définira les principes généraux du dispositif : composition et fonctionnement des comités référentiels construction dans les Antilles et l'Océan Indien, secrétariat technique, modalités d'établissement, de validation, de suspension et de retrait des attestations d'évaluation des performances des produits de construction qui souhaiteraient ne pas faire l'objet d'un marquage CE, délais de traitement ;

- un premier arrêté précisera la liste nominative des membres de ces comités et les dispositions particulières attachées à leur fonctionnement (règles de vote, etc.) ;

- un second arrêté définira la liste des familles de produits qui pourront bénéficier de ce dispositif.

Le rapporteur, qui estime que le marquage « régions ultrapériphériques » (RUP) constitue un véritable levier pour diminuer le coût de la construction, propose que ce marquage repose, plutôt que sur une norme, sur des équivalences territoire par territoire (approvisionnement, technique et adaptation du bâti à la réalité du territoire), avec le développement de laboratoires au sein des universités ultramarines, en liaison avec les laboratoires de leur bassin régional respectif. Ce système d'équivalences prendrait en compte la garantie de l'assurabilité de ces matériaux, ainsi que le retraitement des déchets de construction sur place.

Ce système d'équivalences et le retraitement des déchets par les territoires ultramarins auraient en outre des effets positifs sur l'économie et l'ingénierie. Il contribuerait également à la transition écologique des territoires ultramarins en privilégiant des circuits courts.

Recommandation n° 1 : Pour les matériaux de construction, mettre en place un système d'équivalences RUP, prenant en compte l'assurabilité des matériaux et le retraitement des déchets, en s'appuyant notamment sur les universités ultramarines.

· Des orientations claires et sur le long terme

Les acteurs entendus ont très majoritairement indiqué que le secteur du logement nécessitait des orientations claires et sur le long terme. Ils ont également fait part de leurs difficultés dues au gel des crédits. La Caisse des dépôts et consignations Habitat (CDC Habitat) a ainsi chiffré à 500 logements neufs et 600 logements réhabilités le nombre de logements qui auraient pu être agréés en 2025 et ne l'ont pas été à la suite de ce gel.

Recommandation n° 2 : Donner aux acteurs de la visibilité à long terme quant aux engagements de l'État.

Quels moyens pour la reconstruction de Mayotte ?

Plusieurs des acteurs entendus ont fait part de leurs inquiétudes sur le montant des crédits alloués à la reconstruction de Mayotte. Certains ont notamment indiqué que plusieurs centaines de logements auraient pu être lancés avec un financement complémentaire en 2025.

La CDC Habitat a également précisé que selon elle, « la construction classique [se heurterait] au moins pour les deux ans à venir à l'engorgement des travaux post Chido dans tous les autres domaines que le logement (équipements publics et établissements médicaux, tertiaire...) ; la concurrence ne [pourra pas] jouer si les moyens de production sont saturés ».

Selon la DGOM, « le PLF pour 2026 prévoit une enveloppe de 200 M€ d'AE et de 125 M€ de CP. Le niveau de CP doit permettre de couvrir l'intégralité des AE engagées en 2025 pour 65 M€. Le niveau d'AE et de CP pour 2026 est donc suffisant. Au-delà du fonds de reconstruction, le territoire de Mayotte va pouvoir bénéficier des crédits du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) à hauteur de 89 M€ ».

Le rapporteur sera particulièrement attentif au respect de ces engagements envers Mayotte, ainsi que de ceux pris en faveur de la Nouvelle-Calédonie et de La Réunion.

C. POUR UN RECOURS EFFICIENT AUX FONDS EUROPÉENS

Le projet annuel de performance (PAP) 2026 indique que le ministère des outre-mer déploie des actions visant à une meilleure mobilisation des fonds européens structurels et d'investissement (Fesi) dans les régions ultrapériphériques.

En outre, depuis sa transformation en établissement public administratif, Ladom est en partie financée par des fonds européens, notamment le Fonds social européen (FSE). Il en va de même pour le programme du service militaire adapté (SMA), qui permet à quelque 5 800 jeunes de bénéficier d'une formation professionnelle.

Lors de son audition, la DGOM a indiqué être particulièrement préoccupée cette année par l'application de la règle du « dégagement d'office ». Les crédits d'un cadre financier pluriannuel européens sont en effet répartis en tranches annuelles, qui doivent être engagés à temps sous peine de leur annulation par l'Union européenne. La DGOM craint que soient définitivement perdus, au 31 décembre 2025, un nombre important des fonds alloués, pour un montant estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros.

Ladom a quant à elle indiqué qu'elle pourrait souffrir d'un décalage dans le temps du versement de ces fonds.

Dans un contexte budgétaire toujours plus tendu, une meilleure utilisation de ces fonds se révèle donc indispensable. En s'appuyant sur les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur le prochain cadre financier pluriannuel de l'Union européenne (2028-2034), lancés en novembre 2025, le rapporteur souhaite voir dans quelle mesure ces fonds pourraient être gérés par l'Agence française de développement (AFD). Celle-ci pourrait ainsi intervenir à tous les stades d'utilisation de ces fonds, garantir chaque étape, éviter les dégagements d'office et parer au problème de décalage de versement dans le temps de ces fonds.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 novembre 2025, la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Micheline Jacques sur la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2026.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport pour avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la mission « Outre-mer ». - L'année 2025 a été éprouvante pour les territoires de l'océan Indien : nous nous rappelons tous les cyclones Chido et Dikeledi, à Mayotte, où une délégation de notre commission s'est rendue en mai dernier, ou le cyclone Garance, à La Réunion. Nous examinons donc ces crédits avec une attention singulière pour ces territoires. Ce budget s'élève à 2,9 milliards d'euros en AE et à 2,8 milliards d'euros en CP, soit des baisses respectives de 17,75 % et de 5,14 %, par rapport aux montants prévus dans la loi de finances initiale pour 2025, même si le passage à l'Assemblée nationale a déjà fait évoluer la maquette proposée.

La mission « Outre-mer » ne résume pas à elle seule les moyens consacrés par la Nation aux territoires ultramarins : l'enveloppe totale qui leur est allouée est estimée pour 2026 à 24,9 milliards d'euros d'AE et à 26,8 milliards d'euros de CP, si l'on ajoute les crédits visant les outre-mer et qui sont répartis dans 29 autres missions, ainsi que les dépenses fiscales spécifiques.

La mission « Outre-mer » est constituée de deux programmes : le programme 138, relatif à l'emploi outre-mer, et le programme 123, qui traite des conditions de vie outre-mer.

81 % des crédits du programme 138 sont mobilisés pour compenser les pertes liées pour la sécurité sociale au dispositif d'allègements de charges dit Lodéom, du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Les crédits inscrits à ce titre dans la mission « Outre-mer » correspondent ainsi à un transfert de l'État vers la sécurité sociale, mais le dispositif Lodéom d'exonération de charges patronales figure quant à lui dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Devant l'augmentation du coût pour l'État de ces exonérations, qui est passé de 1,1 milliard d'euros à 1,5 milliard d'euros entre 2019 et 2023, le Gouvernement avait prévu de revoir cette année le dispositif, en s'appuyant sur les recommandations d'un rapport conjoint de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales rendu public en mai dernier. Cette réforme se serait traduite pour les entreprises ultramarines concernées par un effort de 340 millions d'euros, qui était disproportionné. Lors des débats relatifs au PLFSS à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a finalement renvoyé à l'année prochaine toute évolution du dispositif. Si je ne suis pas opposée par principe à une réforme, je souhaite qu'elle ne se traduise pas par une « smicardisation » des économies ultramarines et que l'objectif de lutte contre le travail informel soit préservé. Nous avons besoin d'une étude en profondeur, qui examine tous ces dispositifs en associant les parlementaires ; je plaide pour que le Sénat en prenne l'initiative.

Le programme 123, relatif aux conditions de vie outre-mer, présente un aspect contrasté : d'un côté, les autorisations d'engagement, à 1,08 milliard d'euros, sont en baisse de 20 % par rapport à la loi de finances pour 2025 ; de l'autre, les crédits de paiement, qui s'élèvent à 1 milliard d'euros, augmentent de 22 %. Les services du ministère des outre-mer expliquent ce décalage par la nécessité de contenir la hausse des engagements constatée ces dernières années pour mieux maîtriser les décaissements à venir.

Le programme 123 comprend en particulier l'action consacrée au logement. L'année 2026 devrait être marquée à cet égard par la mise en oeuvre du troisième plan Logement outre-mer (Plom), dont la logique territorialisée suscite beaucoup d'attentes de la part des acteurs concernés.

C'est dans ce même programme que sont inscrits certains des fonds mobilisés pour la reconstruction de Mayotte, soit 290 millions d'euros d'AE et 160 millions d'euros de CP, des sommes conformes à la trajectoire fixée dans le cadre de la loi du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte. Je serai particulièrement attentive, en 2026 et au cours des prochains exercices, au respect des engagements pris.

Au-delà des crédits budgétaires, dans le contexte actuel du nécessaire redressement de nos finances publiques, je voudrais mettre l'accent sur les autres leviers qu'il nous faut mobiliser. Il nous est possible de trouver des solutions sans augmenter les dépenses de l'État.

Je crois, d'abord, qu'il nous faut mener la bataille normative. Pour le secteur de la construction et du logement, j'attends beaucoup de la publication des textes réglementaires qui permettront au marquage des régions ultrapériphériques - le marquage RUP - de s'appliquer en lieu et place du marquage européen, le marquage CE. J'appelle le Gouvernement à prendre ces textes sans tarder.

Un autre sujet me tient à coeur, celui de la meilleure utilisation des fonds européens. Lorsque je l'ai entendu pour préparer ce rapport, le directeur général des outre-mer m'a indiqué être particulièrement préoccupé cette année par l'application de la règle du « dégagement d'office ». Les crédits européens, inscrits dans un cadre financier pluriannuel, sont en effet répartis en tranches annuelles, qui doivent être engagées à temps sous peine de leur annulation par l'Union européenne. La DGOM craint ainsi que, au 31 décembre 2025, un nombre important des fonds alloués, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros, soient définitivement perdus, au détriment des territoires ultramarins concernés. Cette situation n'est pas acceptable.

Je suis ainsi convaincue que nos outre-mer pourraient tirer un plus grand bénéfice des fonds européens. Notre délégation sénatoriale aux outre-mer va réfléchir dans les semaines qui viennent à ce sujet et j'espère bien que ses propositions ouvriront des pistes fécondes. À Mayotte, c'est le préfet qui est responsable de la répartition des fonds structurels européens, je suis donc surprise qu'ils ne soient pas davantage mobilisés - et il en est de même à Saint-Martin.

Voilà, mes chers collègues, les réflexions que m'inspire cette année le budget de la mission « Outre-mer », dont les contours ont déjà bien évolué à la faveur de la discussion parlementaire. Malgré les réserves que j'ai exprimées, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Daniel Salmon. - Je partage vos réserves mais pas votre vote. Nous évoquons régulièrement les enjeux socio-économiques des outre-mer : le logement, l'habitat indigne, le chômage, la vie chère, le soin et l'éducation. Or, le budget de cette mission baisse cette année, c'est incompréhensible, surtout après les mesures que nous avons prises dans le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer. Le budget de l'Observatoire des marges et des revenus diminue, alors que nous avons besoin de plus d'indicateurs pour bien observer ces marges, nous l'avons tous demandé. Même chose pour les baisses de crédits pour l'Agence des mobilités outre-mer, alors que la mobilité est un enjeu massif dans ces territoires, qui représente une dépense contrainte de plus en plus importante. Et nous avons, encore, déploré les ravages outre-mer liés au réchauffement climatique ; ces dévastations vont se reproduire, mais cette mission budgétaire ne prévoit rien pour l'adaptation au changement climatique - alors que nous savons bien l'utilité des mesures de prévention, nous n'en prenons pas et nous ne retenons aucune leçon de ce qui se passe.

La seule politique que le Gouvernement continue, c'est celle de l'exonération de cotisations sociales, alors que l'Igas et l'IGF ont montré que ces exonérations ne produisaient pas les effets attendus : il y a là un vrai sujet de réforme, on ne peut pas perpétuer un système qui ne fonctionne pas, surtout quand nous recherchons à réduire la dette publique.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le budget de cette mission.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Attention à ce que l'on dit, il faut prendre en compte le manque de culture publique vis-à-vis des outre-mer : l'État dépense des sommes faramineuses outre-mer mais sans en examiner l'efficacité et tant que cette analyse ne sera pas faite, précisément et globalement, on entretiendra le flou et les décalages entre les mots et les réalités. On dit que les exonérations sociales sont coûteuses, peu efficaces ; mais pour faire des économies sociales, il faudrait peut-être commencer par donner accès aux ultramarins à des services médicaux près de chez eux, plutôt que de ne leur laisser pas d'autre choix que d'aller se soigner dans l'Hexagone. Les territoires ultramarins doivent être des territoires d'innovation, il faut évaluer les politiques publiques dans leur ensemble - j'ai demandé que la Mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (Mecss) se saisisse du sujet, parce que si l'Igas et l'IGF font un excellent travail, leur cadrage est parfois trop étroit, il faut voir large.

Vous évoquez le réchauffement climatique, les spécificités des outre-mer ne sont pas prises en compte : les politiques mises en oeuvre sont les mêmes, en outre-mer comme dans l'Hexagone. Il y a, là aussi, beaucoup à dire, par exemple sur le fonctionnement du Fonds vert par appels à projets : si des départements comme La Réunion sont équipés pour répondre à une telle procédure, d'autres territoires ne le sont pas et s'en trouvent désavantagés, je pense en particulier à Mayotte.

Sur la défiscalisation, je pense demander une mission à Jean-François Husson, il y a un vrai sujet - mais il y en a bien d'autres, par exemple le recyclage, j'avais un amendement l'an passé, il a été repoussé et j'y reviendrai ; il y a aussi tout ce qu'on doit faire contre la vie chère, il est aberrant qu'un citron vendu 50 centimes le kilo au Brésil revienne à 5 euros le kilo à Cayenne une fois passé... par Rungis, nous travaillons sur ces sujets dans la délégation sénatoriale aux outre-mer, pour développer nos filières d'excellence en outre-mer, pour montrer que nos territoires peuvent aussi innover, j'espère que notre commission et le Sénat tout entier nous soutiendront.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

· Personnes entendues

Vendredi 7 novembre 2025

- Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom) : M. Laurent RENOUF, délégué général, et Mme Mélinda JERCO, responsable des affaires économiques et de la fiscalité indirecte, référente Océan Atlantique.

- L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) : M. Saïd AHAMADA, directeur général, et Mme Sandrine VENERA, secrétaire générale.

- Union sociale pour l'habitat (USH) : M. Brayen SOORANNA, directeur Outre-mer.

- Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) : Mme Anne-Claire MIALOT, directrice générale, et M. Thibaut PRÉVOST, chargé de communication.

- Caisse des dépôts et consignations (CDC) Habitat : M. Philippe POURCEL, directeur général adjoint, et Mme Anne FRÉMONT, directrice des affaires publiques.

- Union sociale pour l'habitat Outre-mer (Ushom) : Mme Sabrina MATHIOT, directrice.

- Direction générale des outre-mer (DGOM) : MM. Olivier JACOB, préfet, directeur général des outre-mer, et Étienne GUILLET, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État.

- Action Logement Groupe : M. Ibrahima DIA, directeur Outre-mer.

Vendredi 14 novembre 2025

- Agence nationale de l'habitat (Anah) : Mme Valérie MANCRET-TAYLOR, directrice générale, et M. Antonin VALIÈRE, responsable des relations institutionnelles.

· Contributions écrites

- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html


* 1 Les données pour Mayotte au 2e trimestre 2025 ne sont pas encore connues.

* 2 Séance du 7 novembre 2025 à l'Assemblée nationale.

* 3 Évaluation de la DGOM au printemps 2022.

* 4 Les montants indiqués sont ceux du PLFI, sauf pour l'année 2026 où il s'agit du montant du PLF pour 2026.

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