- L'ESSENTIEL
- A. L'IMMOBILIER, SOCLE DE LA GENDARMERIE, RETROUVE
UNE TRAJECTOIRE D'INVESTISSEMENT...
- B. ... AU DÉTRIMENT DES AUTRES POSTES
D'INVESTISSEMENT...
- C. ... TANDIS QUE LA PROGRESSION DES EFFECTIFS NE
SUIT PAS LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LA LOPMI
- II. FOCUS SUR LES OUTRE-MER : UN MODÈLE
DONT LES CRISES ONT MIS EN ÉVIDENCE LA PERTINENCE ET LA
RÉSILIENCE, TOUT EN L'ÉPROUVANT DUREMENT
- A. LES « COMGEND »
OUTRE-MER : UNE ORGANISATION AUTONOME ET RÉSILIENTE...
- 1. Chaque COMGEND forme, sous l'autorité du
commandement de la gendarmerie d'outre-mer, une unité complète
disposant de ses propres soutiens (section aérienne, antenne GIGN,
etc.)
- 2. Le modèle gendarmerie est
particulièrement adapté à la résilience qu'exigent
les outre-mer...
- 3. ... mais à des coûts plus
élevés, insuffisamment pris en compte (usure des matériels
mais aussi des effectifs, coût par gendarme très supérieur
à celui de la métropole), qui génèrent un effet
d'éviction très lourd sur le programme
- 1. Chaque COMGEND forme, sous l'autorité du
commandement de la gendarmerie d'outre-mer, une unité complète
disposant de ses propres soutiens (section aérienne, antenne GIGN,
etc.)
- A. LES « COMGEND »
OUTRE-MER : UNE ORGANISATION AUTONOME ET RÉSILIENTE...
- A. L'IMMOBILIER, SOCLE DE LA GENDARMERIE, RETROUVE
UNE TRAJECTOIRE D'INVESTISSEMENT...
- EXAMEN EN COMMISSION
- AUDITION DU GÉNÉRAL D'ARMÉES
HUBERT BONNEAU
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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N° 141 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense |
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TOME XI SÉCURITÉS Gendarmerie nationale (Programme 152) |
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Par MM. Philippe PAUL et Jérôme DARRAS, Sénateurs |
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(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mme Valérie Boyer, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Le budget présenté de la gendarmerie nationale pour 2026 présente une légère hausse de 158 M€, soit 2,3%, consacrant ainsi une forme de sanctuarisation dans un contexte de recherche d'économies. Néanmoins cette hausse, qui se traduit surtout par une relance confirmée de l'investissement immobilier, est le produit de choix difficiles au détriment, notamment, de l'équipement en moyens mobiles. La gendarmerie risque donc de se voir confrontée, à un terme très proche, à un « mur d'investissement ».
Ces enjeux sont particulièrement prégnants en outre-mer, objet d'un focus thématique de ce rapport, où la gendarmerie constitue le pivot de l'intervention de l'État en matière de sécurité et notre première force de souveraineté.
A. L'IMMOBILIER, SOCLE DE LA GENDARMERIE, RETROUVE UNE TRAJECTOIRE D'INVESTISSEMENT...
1. La pompe est bien réamorcée, avec 353 M€ en AE...
Lié à sa condition militaire et garantie d'une capacité d'intervention et de projection rapide (voir la seconde partie de ce rapport), le casernement est consubstantiel à la gendarmerie. Or des années de sous-investissement ont conduit à une dégradation notable du parc, ainsi qu'à un poids croissant des loyers sur le budget de la gendarmerie. Il s'est ainsi créé un cercle vicieux : le manque de crédits pour l'investissement incite le gestionnaire à se tourner vers le locatif, dont le coût au mètre carré est deux fois supérieur à celui du domanial, ce qui grève les ressources et empêche en retour d'en dégager pour l'investissement... Reconnue par la direction générale de la gendarmerie nationale, cette situation est analysée en détail par un récent rapport de la commission des finances du Sénat1(*), ainsi que par vos rapporteurs dans leurs avis successifs sur le programme 152.
C'est pourquoi nous nous félicitons de constater qu'après le réamorçage entamé l'an dernier, la reprise se poursuit dans le projet de loi de finances pour 2026 avec 279 M€ en crédits de paiement et 353 millions en autorisations d'engagement - c'est une augmentation de 104 M€ en CP par rapport au PLF pour 2025. Ces sommes permettront notamment de lancer plusieurs importantes réhabilitations et de construire les casernes destinées à héberger les nouveaux escadrons de gendarmerie mobile prévus par la Lopmi2(*).
Il faut associer à cet effort d'investissement la sanctuarisation des crédits de fonctionnement dédiés à l'entretien courant des emprises, là encore dans une trajectoire ascendante : 64 millions ouverts en 2025, 84 millions envisagés pour 2026 et 100 millions pour 2027, cette dernière somme correspondant au besoin estimé pour le bon entretien du parc.
2. ... mais l'effort doit être poursuivi, sachant que les besoins sont évalués à 400 millions par an
Source : CAEDFA, à partir des données fournies par la gendarmerie nationale
Il faut cependant rappeler que cet effort succède à de nombreuses années de sous-investissement qui ont conduit à la formation d'une « dette grise » évaluée en 2024 à 2,2 milliards d'euros, correspondant au différentiel cumulé entre l'investissement nécessaire et l'investissement réalisé. De plus, ce besoin d'investissement est désormais estimé à 400 M€ annuels par la gendarmerie elle-même : nous restons donc légèrement sous la jauge. Il conviendra de confirmer et d'affermir cette trajectoire dans les années suivantes, en maintenant l'investissement à un niveau élevé. L'ambition affichée par la gendarmerie pour 2027 est un investissement immobilier à 400 M€. Vos rapporteurs seront attentifs à la réalisation de cette trajectoire.
Mais la recherche d'une trajectoire immobilière vertueuse ne repose pas sur le seul niveau d'investissement : il convient également de trouver des montages financiers susceptibles de faciliter l'ouverture et le maintien en condition des casernes, dans un contexte budgétaire où l'ouverture de crédits supplémentaires est de plus en plus difficile.
3. La location avec option d'achat : un modèle vertueux à généraliser
C'est pour remédier à ces difficultés qu'a été développé, avec la Banque des territoires, le modèle de la location avec option d'achat : dans ce dispositif, la gendarmerie prend en location les locaux construits par la collectivité ou le bailleur social pour une durée déterminée, au terme de laquelle la caserne lui revient en propriété. La fixation de l'annuité repose sur le modèle dit de la « redevance transparente » : le loyer payé par le locataire est égal aux annuités payées par le bailleur pour financer le bâtiment, auxquelles s'ajoute une provision pour financer les travaux à venir (cette provision étant due en travaux par la suite et faisant l'objet d'un suivi partagé entre propriétaire et locataire) et ses coûts annexes (TFPB, frais de gestion). Chacun y trouve son compte :
· le coût du projet est pleinement amorti au moment du retour en propriété à la gendarmerie ;
· les travaux d'entretien sont financés dès le début du projet car pris en compte dans l'annuité versée au bailleur ;
· la gendarmerie intègre à terme la caserne dans son parc domanial, avec un coût de gestion deux fois inférieur à ce qu'il serait en locatif.
Ce système aurait vocation à se substituer à celui qui avait été mis en place par les décrets de 1993 et 2016, respectivement avec les collectivités et les offices HLM. Les bailleurs ne s'en déclaraient pas satisfaits en raison du plafond fixé à ces loyers, qui ne reflétait plus l'état du marché ni les coûts de construction. La levée du plafond pourrait laisser craindre une forte augmentation des loyers à court terme, mais vos rapporteurs estiment que ce risque doit être mis en regard des bénéfices à long terme - dont le moindre ne serait pas l'affermissement de la relation de confiance entre les bailleurs et la gendarmerie.
La mise en place de ce dispositif repose sur un décret dont la signature est attendue dans le courant de l'année 2026. Vos rapporteurs seront particulièrement attentifs à sa mise en oeuvre.
B. ... AU DÉTRIMENT DES AUTRES POSTES D'INVESTISSEMENT...
L'augmentation globale du budget hors titre 2 (c'est-à-dire hors salaires) du P152 n'étant que de 33 M€ - et l'augmentation du budget d'investissement de 62 M€ - l'effort porté sur l'immobilier (+104 M€) s'est inévitablement opéré au détriment des autres postes d'investissement.
1. Moyens mobiles : un vieillissement inquiétant du parc
Comme vos rapporteurs l'ont relevé dans leurs précédents avis sur le programme 152, l'investissement dans les moyens mobiles, et notamment les véhicules légers, a subi une forme de « stop and go » : au cycle faste de 2020-2022, où les acquisitions ont bénéficié de l'apport des crédits du plan de relance, a succédé un étiage en 2023-2024. Le timide rebond de 2025 - avec 2 000 acquisitions de véhicules légers, alors qu'il en faudrait 3 750 pour maintenir l'âge du parc à un niveau constant3(*) - n'aura pas duré, puisque 2026 sera une année maigre : les 23,7 millions en autorisations d'engagement et 49,2 millions en crédits de paiement, permettront d'acquérir 600 véhicules, ce qui est tout à fait insuffisant, d'autant que les nouveaux véhicules sont prioritairement affectés aux nouvelles brigades.
Source : CAEDFA, d'après les données fournies par la gendarmerie nationale
Le graphique ci-dessus illustre le phénomène de « stop and go » : un fort renouvellement du parc entre 2016 et 2022, puis une chute dans les années suivantes.
Conséquence : en 2025, plus de la moitié des 26 800 véhicules légers du parc sont maintenus en service alors qu'ils ont atteint l'un des deux critères de réforme (8 ans d'activité ou 200 000 km parcourus).
À cela s'ajoute un problème de fiabilité moteur des véhicules livrés entre 2020 et 2022 grâce aux crédits du plan de relance. Non seulement le vieillissement du parc dégrade inévitablement les performances des véhicules et augmente leur taux d'indisponibilité, mais il alourdit également les charges d'entretien et de réparation (37,6 M€ dans le PLF pour 2026).
2. Hélicoptères : la cote d'alerte
Les moyens aériens sont une part importante de l'action de la gendarmerie, car ils assurent la surveillance du territoire et la projection de forces, voire le ravitaillement, dans les zones difficiles (montagne, littoral, territoires isolés d'outre-mer). A la date du 1er janvier 2025, la gendarmerie nationale disposait de 56 appareils, dont :
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15 EC145 (assistance et protection des populations en milieu hostile - mer, montagne -, projection tactique de forces), |
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Crédits photo : VanderWolf Images - stock.adobe.com |
15 EC135 (observation, recherche et renseignement), |
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Crédits photo : Charles LIMA - stock.adobe.com |
26 AS350 « Écureuil » (missions de sauvetage, en plaine et sur le littoral). |
Mais le grand âge des Écureuil, qui atteint 40 ans, signifie que l'ensemble de la flotte doit être réformée entre 2028 et 2030. Les EC145 sont eux aussi relativement proches de la réforme, prévue aux alentours de 2035. De plus, 8 appareils ont d'ores et déjà été retirés du service en raison du coût trop élevé de leur remise à niveau ; au 31 juillet 2025, 14 appareils étaient immobilisés pour maintenance, ce qui signifie qu'en réalité, 34 appareils seulement étaient fonctionnels.
La gendarmerie a bien entamé le renouvellement de sa flotte, notamment avec le contrat de livraison de 10 H160 auprès d'Airbus Helicopters, qui a pris d'importants retards : leur livraison sera échelonnée entre 2025 et 2028. Par ailleurs, la gendarmerie était partie à un contrat signé en 2023, conjointement à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), aux termes duquel elle percevra six appareils H145 (toujours entre 2025 et 2028), dont deux seront affectés aux missions de lutte contre l'immigration illégale et clandestine (LIIC) sur le littoral du Pas-de-Calais (mission Sandhurst).
Ces livraisons ne suffiront pas à compenser l'obsolescence prochaine des Écureuil et EC145 : c'est pourquoi il est impératif d'affermir avant début 2027 par un ordre de service la tranche supplémentaire de 22 H145 prévue dans le cadre du contrat signé avec Airbus Helicopters - faute de quoi les conditions prévues par le contrat seront caduques. Au vu du coût de l'opération (355 M€), cela représente un défi budgétaire majeur.
Le vieillissement du parc a d'ores et déjà des conséquences opérationnelles tangibles :
· un taux de disponibilité en forte baisse : de 71% en 2017 à 54% en 2024 pour les Écureuil, de 74% à 69% pour les EC145. Plusieurs fermetures temporaires de sections aériennes de gendarmerie ont déjà eu lieu, en raison de l'absence d'appareils de remplacement le temps d'effectuer les réparations nécessaires sur les Écureuil.
· une véritable explosion du coût du maintien en condition opérationnelle qui, après être resté à peu près stable entre 2012 et 2022 (autour de 20 M€), atteindra 63,5 M€ en 2026.
· des baisses de performance notables, particulièrement pénalisantes en outre-mer (voir la seconde partie de ce rapport), voire dangereuses dans le cas des Écureuil mono-turbine (c'est-à-dire dotés d'un seul moteur).
3. Un équipement qui laisse à désirer
Enfin, l'équipement des gendarmes n'est plus au niveau. La mise en place de la nouvelle plateforme d'équipement Uniforces, commune à police et à la gendarmerie, s'est traduite par de nombreux dysfonctionnements (retards et erreurs de livraison notamment) dont la presse s'est fait l'écho. Vos rapporteurs ont également pu recueillir des témoignages de gendarmes faisant état de la vétusté de leurs équipements : kits de dépistage insuffisants, casques et gants dégradés, etc.
Plus préoccupant encore, les armées s'apprêtent à mettre fin au soutien des fusils d'assaut Famas, remplacés dans l'armée de Terre par le HK416 dès 2017 mais toujours utilisés par la gendarmerie. Cela contraindra la gendarmerie, dès 2026, à « cannibaliser4(*) » ses propres fusils, réduisant ainsi graduellement le nombre de Famas opérationnels. Il est donc indispensable que leur remplacement soit engagé au plus tôt, or rien n'est prévu à ce sujet dans le PLF pour 2026.
C. ... TANDIS QUE LA PROGRESSION DES EFFECTIFS NE SUIT PAS LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LA LOPMI
1. Les 400 nouveaux postes iront aux 58 nouvelles brigades, et l'année blanche de 2025 n'est pas compensée...
Vos rapporteurs avaient déploré le schéma d'emplois nul dans le PLF pour 2025 - aucun effectif supplémentaire, ce qui avait mis en pause le déploiement des 239 nouvelles brigades prévu par la Lopmi entre 2023 et 2027. Les 400 effectifs supplémentaires qui devaient normalement armer les 58 brigades déployées en 2025 seront donc créés en 2026 : il n'y aura pas de rattrapage, et l'on peut considérer que la trajectoire de la Lopmi est cassée. Il est en effet, à ce stade, très peu probable que l'ensemble des brigades aient été déployées à l'issue de la programmation Lopmi, sauf à déployer la centaine de brigades restantes sur la seule année 2027.
Source : CAEDFA, d'après les données fournies par la gendarmerie nationale
Si le déploiement des brigades peut sans doute souffrir une ou deux années de décalage, il faut néanmoins tenir compte de ce que cela peut représenter pour les collectivités territoriales concernées, dont certaines avaient déjà mis à disposition des locaux pour les brigades attendues. Il faut également avoir à l'esprit que la non-mise en oeuvre de la trajectoire prévue par la Lopmi est, pour les collectivités mais aussi pour les gendarmes eux-mêmes, une brèche dans la confiance accordée à la parole de l'État.
2. ... ce qui risque d'aggraver les trous à l'emploi...
La réflexion sur les effectifs de la gendarmerie ne se limite pas au déploiement des nouvelles brigades. En effet, au-delà de ce déploiement, les brigades existantes sont confrontées à des « trous à l'emploi » d'autant plus sensibles que l'année 2024 a été marquée par deux événements exceptionnels - les Jeux olympiques et paralympiques et les émeutes de Nouvelle-Calédonie - qui ont très fortement sollicité, voire sur-sollicité la gendarmerie nationale.
Comme nous le verrons dans la seconde partie de ce rapport, ce sur-emploi persiste en Nouvelle-Calédonie, où la gendarmerie mobile reste déployée à un niveau supérieur à la normale. Cela signifie qu'elle ne peut assumer pleinement les missions pour lesquelles elle est ordinairement sollicitée, notamment les renforts estivaux sur le littoral et hivernaux en montagne : ce sont alors la gendarmerie départementale, et les réserves, qui sont mises à contribution, avec un impact sur les brigades.
3. ...et que la gendarmerie est confrontée à une diversification de ses missions
Vos rapporteurs avaient déjà relevé lors du précédent avis budgétaire que la gendarmerie n'a pas retrouvé le taux de couverture territoriale qui était le sien jusqu'à la mise en oeuvre de la RGPP, au contraire de la police nationale.
Or la gendarmerie fait face à une délinquance croissante et de plus en plus diversifiée, et s'organise en conséquence pour y répondre :
· contre les violences intrafamiliales (VIF), la mise en place d'un réseau de référents VIF dans chaque brigade et celle de 100 maisons de protection des familles (VIF) ;
· contre le narcotrafic, phénomène qui se diffuse dans les petits centres urbains et les campagnes5(*), la mise en place, à compter du 1er septembre 2025, de l'Unité nationale de police judiciaire, dotée de 1 100 gendarmes, qui s'opère à effectifs constants ;
· pour faire face à la crise de Nouvelle-Calédonie, où la présence de gendarmerie reste bien supérieure à son niveau habituel (voir la seconde partie du rapport).
· enfin, la gendarmerie pourrait être amenée, dans un avenir proche, à renforcer sa présence autour des sites sensibles et à renforcer son action de lutte anti-drones, dans le cadre de la défense opérationnelle du territoire.
Malgré la vraie satisfaction que constitue la relance de l'investissement immobilier, l'équipement est en souffrance (véhicules, hélicoptères, mais aussi Famas). À terme, la gendarmerie pourrait devenir la force de sécurité la plus mal équipée, alors que l'armée de Terre a reçu de nouveaux matériels pour remplacer les Famas, et que la police bénéficie d'un effort important d'investissement, dans le PLF pour 2026, à la fois sur l'immobilier et sur les véhicules. Or son rôle est central dans la couverture du territoire et la réaction aux crises, en particulier dans les outre-mer.
II. FOCUS SUR LES OUTRE-MER : UN MODÈLE DONT LES CRISES ONT MIS EN ÉVIDENCE LA PERTINENCE ET LA RÉSILIENCE, TOUT EN L'ÉPROUVANT DUREMENT
A. LES « COMGEND » OUTRE-MER : UNE ORGANISATION AUTONOME ET RÉSILIENTE...
1. Chaque COMGEND forme, sous l'autorité du commandement de la gendarmerie d'outre-mer, une unité complète disposant de ses propres soutiens (section aérienne, antenne GIGN, etc.)
Si 51% de la population et 95% du territoire français se trouvaient, au 1er janvier 2025, en zone gendarmerie, ces proportions montent respectivement à 70% et 99% en outre-mer. Cela fait de la gendarmerie notre principale force de souveraineté dans les territoires ultramarins.
Si le commandement des forces de gendarmerie d'outre-mer existe depuis 1964, le CGOM (commandement de la gendarmerie d'outre-mer) est issu de la réforme de l'organisation de la gendarmerie nationale en 2017. Le CGOM a pour missions :
· « d'avoir une vision unifiée de l'action de la gendarmerie dans les territoires ultra-marins ;
· de mieux coordonner les moyens humains et matériels ;
· de renforcer la réactivité face aux spécificités locales (insularité, climat, criminalités transfrontalières) »6(*).
Au total, le CGOM emploie 369 officiers de gendarmerie et 3 243 sous-officiers de gendarmerie, pour un total de 4 312 militaires et 257 personnels civils.
Le CGOM fonctionne ainsi comme un état-major de région zonale de gendarmerie métropolitaine, qui assure notamment le soutien logistique et opérationnel du commandement de gendarmerie d'outre-mer (COMGEND) de chaque collectivité, ainsi que le soutien des personnels, à travers la formation ou le suivi de carrière. Les COMGEND sont dotés de leurs propres unités spécialisées (antenne GIGN, section de recherche, section aérienne, brigade nautique) qui garantissent leur autonomie opérationnelle et leur capacité de réponse rapide aux crises de tout ordre.
Cette capacité de réponse est également garantie par un socle de renfort de 22,5 escadrons de gendarmerie mobile en temps normal. En cas de besoin, ce renfort peut être augmenté : c'est le cas pendant les crises particulièrement aiguës.
Un motif de satisfaction : la coopération entre forces de sécurité intérieure
La gendarmerie est souvent amenée, dans les outre-mer, à assumer un rôle de chef de file dans les structures inter-services telles que les antennes de l'Office anti-stupéfiants (Ofast) ou les Groupes d'intervention régionaux (GIR) chargés de la lutte contre la délinquance organisée. Tous les commandants de gendarmerie outre-mer entendus par vos rapporteurs s'entendent sur un point : la coopération avec les autres forces de sécurité intérieure (police et plus particulièrement police aux frontières, douanes) se déroule dans les meilleures conditions - un point crucial dans la lutte contre le narcotrafic en particulier, qui réclame une action fortement coordonnée.
Les outre-mer sont également un terrain d'innovation dans la coopération avec les forces armées : ainsi en Guyane, la gendarmerie et les Forces armées en Guyane (FAG) ont constitué un état-major commun pour la conduite de l'opération HARPIE contre l'orpaillage illégal, dirigé par un colonel de gendarmerie. Cet état-major est opérationnel depuis le 1er septembre 2025.
En Nouvelle-Calédonie, la coopération a également pris une forme plus structurée avec la signature, le 17 juillet 2025, d'un accord-cadre entre le COMGEND et les Forces armées de Nouvelle-Calédonie. Son objet est de déterminer à l'avance les conditions de mise à disposition de moyens entre les deux forces, afin d'anticiper les bascules d'effort en cas de crise.
2. Le modèle gendarmerie est particulièrement adapté à la résilience qu'exigent les outre-mer...
La capacité de réponse aux crises de la gendarmerie nationale a été éprouvée à de nombreuses reprises dans les outre-mer ; face à des crises économiques et sociales comme en Guadeloupe en 2010, en Guyane en 2017, en Martinique de septembre 2024 à janvier 2025 ; à des crises multiformes comme à Mayotte ; à des crises politiques comme en Nouvelle-Calédonie en 2024 ; enfin à des catastrophes naturelles (ouragan Irma à Saint-Martin et Saint-Barthélémy en 2017, cyclone Chido à Mayotte).
Les auditions des COMGEND de différents territoires d'outre-mer conduites par vos rapporteurs les ont convaincus de la résilience du modèle de la gendarmerie dans les situations de crise. D'abord la présence de sections spécialisées à la main des COMGEND (sur une échelle beaucoup moins importante que celle d'une zone de sécurité en territoire métropolitain, à l'exception de la Guyane) garantit une capacité d'intervention rapide, en particulier pour les moyens aériens.
De plus, le casernement a été un atout considérable après le cyclone Chido : avec une partie des effectifs mobilisée pour la protection des familles et la réparation des dommages en caserne, le reste des gendarmes étaient opérationnels dès le lendemain du cyclone. Dans les situations de crise et de perturbations graves à l'ordre public, le casernement, s'il peut faire des gendarmeries une cible pour les émeutiers, réduit également la vulnérabilité individuelle des gendarmes.
Enfin, la militarité des gendarmes est un atout incontestable dans le contexte d'engagement très dur observé lors des crises telles que celle de la Nouvelle-Calédonie, où le rétablissement de l'ordre a reposé sur des manoeuvres de type militaire, face à un adversaire n'hésitant pas à cibler directement les forces de l'ordre : dans le cadre de son engagement opérationnel, la gendarmerie a enregistré 705 actes d'usage des armes à son encontre dont 167 touchants ; au plus fort de la crise, entre le 15 mai et le 28 mai 2024, période où l'état d'urgence avait été décrété, 107 gendarmes ont été blessés (598 sur l'ensemble des événements) et 2 ont été tués, pour 12 tués et 210 blessés recensés entre le 12 mai et le 15 août 2024 dans les rangs des manifestants.
Au-delà de ses compétences en matière de répression des troubles à l'ordre public, la gendarmerie a également su mettre en valeur sa couverture du territoire et sa proximité avec la population. La création de deux nouvelles brigades de gendarmerie à Bras-Fusil (Mayotte) et Sandy Ground (Saint-Martin), dans des quartiers réputés difficiles, répond à cette logique. Pour reprendre la formule utilisée par le commandant de la gendarmerie d'outre-mer, le général Loïc Poty, lors de son audition, « de petits effectifs produisent de grands effets ».
Outre-mer : des formes de délinquance spécifiques et diversifiées, mais globalement beaucoup plus violentes qu'en territoire métropolitain
Les territoires outre-mer, dans leur grande diversité, présentent certaines caractéristiques communes ainsi présentées par le CGOM :
- « Isolement et fragilités socio-économiques ;
- Exposition à une violence plus exacerbée qu'en métropole (mouvements indépendantistes, criminalités organisée transnationale) ;
- Zones de rebond du narcotrafic vers d'autres marchés, dont l'Europe, les États-Unis et l'Australie ;
- Problématique de lutte contre l'immigration irrégulière et clandestine d'autant plus difficile à contrôler que les pays d'origine voisins sont souvent fragiles et les frontières étendues et relativement perméables ;
- Risques naturels majeurs (ouragans, tsunamis, séismes). »7(*)
Les territoires d'outre-mer représentent 5,5 % de la population de la zone gendarmerie nationale, mais 70 % des vols à main armée par arme à feu, 25 % des faits de grande criminalité, 25 % des homicides et 45 % des tentatives d'homicide.
Ce constat global recouvre néanmoins des réalités très contrastées :
- en Martinique, une prévalence croissante des trafics de drogue, mais aussi d'armes, d'animaux, etc. et des phénomènes corrélés de bandes et de délinquance violente, qui se superposent aux troubles sociaux nés en septembre 2024 des manifestations contre la « vie chère » ;
- en Guadeloupe, une forte augmentation de la délinquance générale (+12,5% entre 2022 et 2024 et +37% pour les vols avec violences) liée à une circulation d'armes en augmentation,
- en Guyane, une délinquance également très violente et armée : plus de 47 % des homicides par règlements de compte, 8,31% de l'ensemble des homicides, et 34,47% des vols à main armée par arme à feu commis en zone de gendarmerie nationale l'ont été en Guyane - un phénomène lié à la pénétration des bandes armées venues du Brésil et au phénomène spécifique de l'orpaillage illégal (garimpeiros), ainsi qu'à la position de zone de transit pour la cocaïne venue du Suriname vers l'Europe,
- en Nouvelle-Calédonie, une délinquance générale en hausse globale (+8% entre 2023 et 2025), mais désormais relativement contenue après les événements de mai à décembre 2024 où l'île a connu une situation de quasi-insurrection (voir supra).
- à Mayotte, une situation sociale extrêmement tendue, en partie en raison de l'immigration en provenance des Comores mais aussi du continent africain, et une délinquance violente et en augmentation, avec des phénomènes de bandes et de rivalités inter-quartiers : sur la période 2020-2024 les homicides ont augmenté de 71,4 % (7 à 12 en volume) et les tentatives d'homicide de 112,5 % (24 à 51 en volume).
- Saint-Martin et Saint-Barthélémy présentent eux-mêmes des réalités très différentes, entre l'île de Saint-Barthélémy qui jouit d'une grande tranquillité publique et un territoire, Saint-Martin, partagé avec les Pays-Bas, où le taux de pauvreté est élevé et la délinquance violente et en forte augmentation depuis 2020.
- à Wallis-et-Futuna, territoire isolé de l'océan Pacifique, une délinquance très faible et, jusqu'à une date récente, essentiellement régulée au niveau coutumier8(*).
- à La Réunion, un phénomène émergent de bande ainsi que des tentatives d'implantation du trafic de cocaïne.
- en Polynésie française, des troubles à l'ordre public rares mais une délinquance en augmentation (+43% entre 2020 en 2024) en lien avec le trafic de métamphétamine (« Ice »).
3. ... mais à des coûts plus élevés, insuffisamment pris en compte (usure des matériels mais aussi des effectifs, coût par gendarme très supérieur à celui de la métropole), qui génèrent un effet d'éviction très lourd sur le programme
a) Des surcoûts structurels et conjoncturels très importants
Ce modèle a néanmoins un coût important. Un effort significatif a porté sur la gendarmerie outre-mer au cours de la dernière décennie : entre 2016 et 2025, 474 ETP ont été créés dans les unités territoriales, et 22 créations de brigades sont prévues dans le cadre du plan des 239 brigades ; 8 ont été réalisées, pour un total de 56 ETP, et 5 supplémentaires pourraient être déployées en 2026.
La gendarmerie fait face à des coûts beaucoup plus importants en outre-mer, en raison notamment des diverses primes liées à l'exercice des fonctions dans ces territoires : en 2024 le coût total de ces primes et indemnités était de 90 M€. Le tableau ci-dessous fait apparaître l'écart notable de coût entre l'outre-mer et la moyenne nationale, à la fois au niveau salarial, mais aussi, hors salaire, dans le parc locatif (coût « sac à dos »).
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Coût moyen annuel d'un sous-officier de gendarmerie |
T2 hors CAS (pensions) |
T2 |
Coût hors T2 ("sac à dos") |
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En domanial (métropole) |
47 380 |
86 818 |
17 397 |
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En domanial (OM) |
70 983 |
113 209 |
17 397 |
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En locatif (métropole) |
47 380 |
86 818 |
20 932 |
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En locatif (OM) |
70 983 |
113 209 |
24 891 |
Source : Gendarmerie nationale
À ces surcoûts structurels s'ajoutent les surcoûts ponctuels générés par le déploiement de renforts dans le contexte des différentes crises. En 2024, ces coûts ont été considérables : ils sont estimés par le CGOM à plus de 150 M€ pour la Nouvelle-Calédonie dont 13,9 M€ au titre de la solde (T2) et 140 M€ pour le « hors T2 », à 66 M€ pour Mayotte (15 millions pour le titre 2 et 51 millions pour le « hors T2). Pour 2025, le surcoût lié au maintien de 20 escadrons de gendarmerie mobile sur le territoire néo-calédonien est estimé à 108 M€ en AE et 127 millions en CP9(*). Ce surcoût n'avait pas été budgété en loi de finances initiale. Il en résulte un effet d'éviction très important sur les dépenses du programme.
b) Un effort qui pèse très lourdement sur la gendarmerie mobile
Le principal acteur de l'effort porté sur les crises dans les outre-mer a été la gendarmerie mobile. Celle-ci est déployée à hauteur de 22,5 escadrons en temps normal ; cette jauge a été portée à 32 escadrons pour la seule Nouvelle-Calédonie au plus fort de la crise - contre 3 en temps normal. 39 escadrons restent mobilisés en outre-mer à la fin 2025, soit presque le double du « socle » pré-positionné dans ces territoires.
Il existe un indicateur objectif du sur-emploi de la gendarmerie mobile : le seuil au-delà duquel il est impossible aux gendarmes de prendre l'intégralité de leurs jours de congé et de repos et de permission. Ce seuil a été fixé à 68 escadrons employés chaque jour, or en 2024 ce taux d'emploi a été de 76,9 escadrons avant de revenir à la normale en 2025. La conséquence a été un reliquat de plus de 24 jours de congés pour 2024, reliquat qui reste très important en 2025 (20 journées). La gendarmerie mobile a donc été l'objet d'une sur-sollicitation manifeste, d'autant qu'elle a également été mobilisée en 2024 sur les Jeux olympiques ; par conséquent (cf. supra), les renforts estivaux et hivernaux habituellement assurés par la GM ont été basculés vers la gendarmerie départementale et la réserve opérationnelle. Si le taux d'emploi des escadrons de la gendarmerie mobile est revenu en 2025 au seuil de 68 escadrons par jour, la question se pose de la pérennité de ce modèle de soutien face à la multiplication des crises.
c) Un point d'attention : les moyens aériens
Au vu du caractère particulier du relief et de l'importance de la surveillance du littoral - notamment pour la lutte contre l'immigration illégale et clandestine (LIIC) et contre les trafics en tous genres - les hélicoptères sont un soutien essentiel de l'action de la gendarmerie. À titre d'illustration, en Nouvelle-Calédonie les côtes Est et Ouest sont séparées par une zone très montagneuse, dont le franchissement par la route est long et malaisé - d'autant que certains cols étaient tenus par les émeutiers lors des événements de 2024 : l'hélicoptère divise par trois les temps de trajet. En Guyane, l'hélicoptère est le seul moyen d'accès à certaines brigades, qui sont donc ravitaillées par cette voie. En Guadeloupe, il est principalement utilisé dans la lutte contre le narcotrafic arrivant par voie maritime. En Martinique, il a été mobilisé à des fins de maintien de l'ordre lors de la crise sociale qu'a connue l'île fin 2024. À Mayotte, le spectre d'emploi est diversifié.
Au total, le CGOM dispose de 9 hélicoptères, des Écureuils dont l'obsolescence est très prochaine (voir supra) et nécessite d'ores et déjà de longues immobilisations pour maintenance. La Guadeloupe, la Martinique et Mayotte n'ont qu'un appareil, ce qui signifie que lors des périodes de maintenance le territoire est dépourvu de moyens aériens.
Au vu du rôle essentiel de cet aéronef dans les missions de la gendarmerie d'outre-mer, leur renouvellement doit être une priorité absolue. De plus, comme le directeur général de la gendarmerie nationale l'a évoqué lors de son audition par la commission de la défense de l'Assemblée nationale, l'acquisition de trois avions de transport Pilatus PC-12, dont deux seraient stationnés en outre-mer (Antilles-Guyane et Polynésie française) est envisagé par la gendarmerie afin de « combler un déficit capacitaire sur les segments de la projection d'hommes et de fret sur des longues distances, et sur celui de l'observation et de la surveillance sur long rayon d'action (lutte contre le narcotrafic en milieu maritime et côtier, immigration illégale...). » Détail important, l'heure de vol est moins onéreuse pour un Pilatus que pour un hélicoptère.
d) Un modèle aujourd'hui au plus juste
Le commandement de la gendarmerie outre-mer met en avant, sur la base des récents engagements, « un besoin structurel d'effectifs aujourd'hui estimé à 1 700 ETP »10(*). En effet, le modèle fondé sur les renforts par la gendarmerie mobile, y compris pour les missions ordinaires de la gendarmerie départementale, montre ses limites en cas de sollicitations concurrentes : ainsi le retrait de Guyane de plusieurs escadrons appelés en métropole pour les Jeux olympiques et en Nouvelle-Calédonie a entraîné une forte augmentation de la délinquance sur le territoire guyanais.
Les investissements immobiliers nécessaires dans ces territoires sont estimés à environ 900 M€ - le coût étant plus important en outre-mer en raison du besoin de mise aux normes anticycloniques et antisismiques. Cette somme est à comparer aux 32 M€ engagés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026.
Le CGOM souligne également le besoin de réseaux de communications redondants et résilients, dont le coût de mise en place serait de 10 M€ pour chaque territoire, et la constitution de rames tactiques de gestion de crise, pour le transport de troupes sur terrain dégradés. Le coût approximatif du déploiement de 21 rames est estimé autour de 130 M€.
Les particularités des territoires d'outre-mer, avec une plus forte prévalence de la délinquance, les crises périodiques qui affectent les territoires, les catastrophes naturelles, tendent à conforter le modèle militaire de la gendarmerie, qui confère à celle-ci une capacité d'action rapide dans des conditions difficiles. À bien des égards les outre-mer préfigurent également les enjeux futurs, notamment en matière de défense opérationnelle du territoire. Il est d'autant plus essentiel de mieux la soutenir, car les crises récentes ont eu un effet d'éviction sur les autres dépenses du programme et mettent à l'épreuve son modèle d'emploi des forces, avec une sur-sollicitation de la gendarmerie mobile qui a des conséquences sur l'ensemble de la gendarmerie.
Au total, et conformément à l'engagement pris par son nouveau directeur général, la gendarmerie nationale a engagé un véritable effort sur l'immobilier, dont on peut espérer qu'il sera soutenu dans le temps. Mais cet effort se fait au prix de sacrifices dans les autres postes d'investissement, et d'un non-respect de la trajectoire de la Lopmi, notamment en matière de progression des effectifs. La gendarmerie, pour mener à bien des missions de plus en plus diversifiées, risque de se trouver confrontée dans un futur proche à un véritable « mur d'investissement ». À cet égard, la commande de 22 nouveaux hélicoptères EC145 avant le début 2027 est un impératif absolu.
Compte tenu de ces éléments, vos rapporteurs recommandent à la commission de donner un avis favorable à l'adoption crédits du programme 152.
Le mercredi 3 décembre 2025, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités » dans le projet de loi de finances pour 2026.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Sécurités » - programme 152 -Gendarmerie nationale.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152.
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis du programme « Gendarmerie nationale ». - Le budget de la gendarmerie nationale dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 est, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », en hausse de 158 millions d'euros, soit 2,3 %. On ne peut que s'en féliciter, au regard du contexte budgétaire.
Cette hausse est principalement concentrée sur la relance de l'investissement immobilier, qui s'était amorcée l'année dernière. Avec 279 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et 353 millions en autorisations d'engagement (AE), nous arrivons presque au seuil de 400 millions d'euros jugé nécessaire à l'entretien du parc immobilier de la gendarmerie. Cela permettra, en 2026, de lancer plusieurs importants projets de réhabilitation.
Autre bonne nouvelle, la gendarmerie travaille, avec la Banque des territoires, à un système de location avec option d'achat pour la construction de brigades de gendarmerie par les communes et offices d'HLM. Chacun y trouverait son compte : le coût du projet serait pleinement amorti au moment du retour en propriété à la gendarmerie ; les travaux d'entretien seraient financés dès le début du projet, car pris en compte dans l'annuité versée au bailleur ; enfin, la gendarmerie intégrerait à terme la caserne dans son parc domanial, avec un coût de gestion deux fois inférieur à ce qu'il serait en locatif.
Ce dispositif se substituerait à la location encadrée par les décrets de 1993 et 2016, qui ne donnait satisfaction ni aux communes ni aux offices d'HLM, car les loyers plafonnés ne reflétaient plus les coûts de construction. De plus, le locatif a atteint un poids insoutenable dans les dépenses immobilières de la gendarmerie : les loyers représentent plus de 640 millions d'euros en CP, soit environ les deux tiers du budget immobilier global, contre moins de 500 millions d'euros en 2019.
Nous avons donc, avec l'investissement relancé et la location avec option d'achat, qui pourrait faire l'objet d'un décret courant 2026, l'espoir d'une inversion durable de la dynamique de sous-investissement dont la gendarmerie paie aujourd'hui les conséquences.
J'en viens maintenant aux mauvaises nouvelles, car cet effort se paie dans les autres postes d'investissement, au premier chef les moyens mobiles. En effet, le budget prévu pour 2026 ne permettra de financer que l'acquisition de 600 véhicules légers, alors qu'il en faudrait 3 750 pour maintenir l'âge du parc à un niveau constant. Depuis 2022, le parc automobile est en phase de vieillissement accéléré. Aujourd'hui, plus de la moitié des 26 800 véhicules légers qui le constituent sont maintenus en service alors qu'ils ont atteint l'un des deux critères de réforme : huit ans d'activité ou 200 000 kilomètres parcourus.
Même constat pour les moyens aériens : alors que la gendarmerie dispose théoriquement de 56 hélicoptères, huit d'entre eux ont été mis au rebut en raison de corrosions trop importantes, et quatorze étaient immobilisés pour des maintenances longues. Au 31 juillet, seuls 34 d'entre eux étaient donc opérationnels. Nos 26 Écureuil, après quarante années de bons et loyaux services, seront retirés entre 2028 et 2030 ; nos 15 EC145, vers 2035. En attendant, les coûts de maintenance explosent ; les taux de disponibilité et les performances sont en chute libre. La livraison prévue de 10 H160 à partir de cette année, et de 6 H145, qui arriveront dans le cadre d'un contrat passé en 2023 avec Airbus Helicopters, ne suffiront pas à renouveler le parc. Il est impératif que la tranche supplémentaire de 22 H145 prévue dans ce dernier contrat soit activée avant février 2027 : il faudra par conséquent trouver 355 millions d'euros à cette échéance...
Enfin, le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) a lui-même indiqué lors de son audition devant notre commission que les fusils d'assaut Famas ne seraient bientôt plus soutenus. Leur remplacement par des HK416, engagé dans l'armée de terre dès 2017, représentera un coût pour la gendarmerie de 110 millions d'euros d'ici à 2030.
Sur le plan des moyens humains, le constat est également contrasté. On peut d'abord saluer l'augmentation de 25 millions d'euros du budget de la réserve, après une baisse de 15 millions en 2025. Il fallait reprendre la trajectoire qui doit nous mener à 50 000 réservistes en 2027.
Nous nous félicitons également du schéma d'emploi positif de 400 équivalents temps plein (ETP), qui permettra de reprendre le déploiement des nouvelles brigades prévues dans le cadre du plan « 239 brigades », annoncé en octobre 2023. À compter du 1er décembre, 58 brigades supplémentaires seront déployées jusqu'à la fin 2026. Mais, en réalité, nous ne faisons que reprendre, sans rattrapage, le mouvement qui s'était arrêté fin 2024, avec un schéma d'emploi à zéro en 2025. Nous prenons donc une année de retard sur la trajectoire de progression des effectifs prévue par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
De plus, avec des effectifs qui vont armer exclusivement les nouvelles brigades, les brigades existantes doivent faire face à un volant croissant de sollicitations à moyens humains constants. Ainsi, les déploiements supplémentaires d'escadrons de gendarmerie mobile en outre-mer, notamment en Nouvelle-Calédonie, ont contraint à employer la réserve et les brigades départementales pour les renforts estivaux et hivernaux, normalement assurés par les gendarmes mobiles. Mon collègue Jérôme Darras reviendra sur ce point lors de son intervention. Cela risque d'être un sujet de préoccupation croissant à l'avenir, alors que la gendarmerie doit engager un effort croissant contre le narcotrafic, qui touche de plus en plus les petits bourgs et les campagnes, mais aussi sur les violences intrafamiliales.
Mes chers collègues, la promesse de « réamorcer la pompe » en matière d'immobilier, faite par le DGGN à sa prise de fonctions, a été tenue, mais au prix de sacrifices dans les autres postes d'investissement. Ce « stop and go », alternance d'années maigres et d'années fastes, est la conséquence de choix budgétaires au niveau de la mission « Sécurités ». Cette année, la police a reçu les deux tiers des augmentations de crédits, quand d'autres années ont été plus favorables à la gendarmerie. On peut s'interroger sur la pertinence de ce fonctionnement, même si, globalement, les cibles de crédits fixées par la Lopmi sont atteintes et même dépassées, mais principalement au profit du titre 2.
L'autre sujet de préoccupation est l'arrivée, à échéance assez brève, d'un véritable mur d'investissement, à la fois dans les moyens mobiles et aériens, tandis que l'effort immobilier devra être poursuivi.
Nous allons, au vu de ces éléments, vous proposer de donner un avis favorable aux crédits proposés pour ce programme.
Je cède maintenant la parole à mon collègue Jérôme Darras, qui vous présentera le volet thématique de notre rapport, consacré aux outre-mer.
M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis du programme « Gendarmerie nationale ». - Nous avons choisi, cette année, de consacrer le volet thématique de notre rapport aux outre-mer, et ceci pour plusieurs raisons.
D'abord, si 51 % de la population et 95 % du territoire français se trouvaient, au 1er janvier 2025, en zone gendarmerie, ces proportions montent respectivement à 70 % et 99 % en outre-mer : la gendarmerie est donc la force de sécurité intérieure la plus impliquée dans ces territoires.
Ensuite, les outre-mer se distinguent dans leur ensemble par une délinquance plus importante et plus violente que dans la métropole. Ainsi, les territoires ultramarins représentent 5,5 % de la population de la zone gendarmerie nationale, mais 70 % des vols à main armée par arme à feu, 25 % des faits de grande criminalité, 25 % des homicides et 45 % des tentatives d'homicide. Cette délinquance prend néanmoins des formes très diverses selon les territoires, et il faut se garder des généralisations : on peut difficilement comparer Wallis-et-Futuna ou Saint-Barthélemy et la Guyane. Néanmoins dans leur ensemble, ces territoires sont exposés aux flux croissants des trafics internationaux - drogue, mais aussi or, armes, animaux - qui suscitent une délinquance particulièrement organisée et déterminée.
Enfin, les territoires d'outre-mer se caractérisent par la récurrence des crises, qu'elles soient de nature sociale, économique ou politique, avec des troubles très importants à l'ordre public, mais aussi par leur exposition aux événements naturels aggravés par le changement climatique, les catastrophes naturelles, dans les Antilles ou à Mayotte notamment.
Ces trois caractéristiques font que les outre-mer pèsent d'un poids particulièrement lourd dans l'action de la gendarmerie nationale. Actuellement, environ 4 300 gendarmes sont déployés dans ces territoires, auxquels il faut ajouter, en temps « normal », environ vingt-deux escadrons de gendarmerie mobile. Ceux-ci assurent les renforts en cas de troubles à l'ordre public, mais ils assument aussi des missions de la gendarmerie départementale.
Dotés d'une importante autonomie, puisque la plupart ont une antenne du GIGN et une section aérienne, ainsi qu'une section de recherches, les commandements de gendarmerie d'outre-mer (Comgend) sont en mesure de monter en puissance rapidement en cas de crise. Nous l'avons vu à Mayotte après le cyclone Chido, en Martinique avec les manifestations contre la « vie chère » en 2024, et aussi, bien sûr, lors de la crise de Nouvelle-Calédonie. Cette montée en puissance est également permise par les renforts de la gendarmerie mobile : en Nouvelle-Calédonie, on a ainsi compté jusqu'à trente-deux escadrons au plus fort de la crise, en mai 2024.
Au total, ces crises ont mis en avant la pertinence du modèle opérationnel de la gendarmerie, notamment en Nouvelle-Calédonie où les engagements ont été d'une dureté sans précédent. Pour rappel, la crise a été provoquée par la décision de mettre fin au gel du corps électoral à l'occasion des élections provinciales. Au plus fort de la crise, entre le 15 et le 28 mai 2024, 2 gendarmes ont été tués et 107 blessés, tandis que l'on dénombre 12 tués et 210 blessés entre mai et août parmi les participants aux troubles. Il nous a été indiqué que certains engagements, face à des groupes particulièrement expérimentés et déterminés, étaient de niveau quasi militaire.
Du fait de sa position de première force de sécurité intérieure, la gendarmerie assume souvent un rôle de chef de file dans les structures inter-services telles que les antennes de l'Office anti-stupéfiants (Ofast) ou les groupes d'intervention régionaux (GIR) dédiés à la lutte contre la délinquance organisée. Les Comgend que nous avons entendus ont tous fait état de l'excellence de la coopération avec les autres forces (police, douanes) - c'est à relever alors que cette entente laisse parfois à désirer sur le territoire métropolitain.
Un autre point saillant de l'action de la gendarmerie outre-mer est la structuration de la coordination avec les forces armées. En Guyane, elle a été institutionnalisée avec la formation d'un état-major commun de l'opération Harpie contre l'orpaillage illégal, dirigé par un colonel de gendarmerie.
Ce modèle a fait la preuve de sa pertinence dans la réponse aux crises, et pourrait s'avérer précurseur en matière de coopération entre forces de sécurité. Je songe notamment à la défense opérationnelle du territoire, notion remise en lumière par le contexte international actuel.
Cependant, et c'est la seconde partie de notre constat, les capacités de la gendarmerie outre-mer sont clairement à la limite. Selon l'estimation du commandement de la gendarmerie outre-mer (CGOM), le général Poty, il manquerait environ 1 700 effectifs à la gendarmerie pour remplir pleinement dans la durée ses missions en outre-mer. L'utilisation graduée de renforts de gendarmerie mobile a le mérite de la souplesse, mais avec la succession des crises de tous ordres, nous arrivons peut-être au bout de ce modèle. Il n'est pas exagéré de dire que la gendarmerie mobile est épuisée, avec un stock très important de congés non pris par les gendarmes. Elle reste sollicitée bien au-dessus du « socle » de vingt-deux escadrons, puisque trente-neuf sont encore actuellement déployés outre-mer.
De plus, ces crises ont eu un effet d'éviction très important sur les dépenses du programme. Le cyclone Chido à Mayotte, ce sont 66 millions d'euros supplémentaires ; la crise de Nouvelle-Calédonie, 127 millions d'euros en crédits de paiement pour la seule année 2025, car vingt escadrons de gendarmerie mobile supplémentaires y restent positionnés.
Quant aux moyens matériels, ils restent au plus juste. Les besoins immobiliers sont estimés par le CGOM à pas moins de 900 millions d'euros... Autre point noir, déjà évoqué par mon collègue Philippe Paul : les moyens aériens. Plusieurs sections aériennes n'ont qu'un appareil ; or ceux-ci sont de plus en plus fréquemment immobilisés pour maintenance, ce qui contraint à des fermetures temporaires de section. Au vu du relief, de l'isolement, de l'insularité, des élongations en outre-mer, l'hélicoptère est plus indispensable encore à la gendarmerie que dans l'Hexagone.
En somme, on retrouve dans les territoires ultramarins les problématiques présentes en métropole, mais sous une forme plus exacerbée. À bien des égards, si l'on considère les menaces sécuritaires auxquelles la France est confrontée, nos gendarmes outre-mer sont souvent en première ligne.
M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Sécurités ». - La commission des finances a émis un avis favorable sur le projet de budget pour 2026, avec des motifs de satisfaction sur l'immobilier, à la suite du rapport du Sénat qui relevait des aberrations. Lorsque j'ai visité la caserne de Dijon, j'ai pu constater que rien n'avait été fait depuis 1971, et que 400 militaires devaient être logés dans la ville, ce qui créait une carence de logements pour accueillir d'autres populations. Les travaux prévus dans le PLF seront les bienvenus. Je pense à la réhabilitation de logements datant des années 1930 dans le camp de Satory ou à la partie dédiée au groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).
Concernant les recrutements, 400 nouveaux postes sont prévus, mais ils sont essentiellement destinés à répondre aux besoins des 238 nouvelles gendarmeries annoncées par le Président de la République. De plus, 57 d'entre elles, prévues en 2025, n'ouvriront qu'en 2026 avec les moyens humains que nous venons d'évoquer. Finalement, il ne s'agit pas tant de nouveaux recrutements pour les autres brigades, puisqu'ils seront sans doute fléchés sur les nouvelles.
Ces nouvelles brigades posent encore des points d'interrogation aux élus locaux en cette fin de mandat municipal, notamment sur la question des financements. Le recours aux bailleurs départementaux, aux bailleurs sociaux et aux collectivités a ses limites. Un travail sur une nouvelle utilisation des décrets de 1993 et de 2016 est en cours ; un autre pourrait être engagé à la demande du rapporteur général Jean-François Husson sur l'implication de la Caisse des dépôts dans ces projets à travers sa compétence logement.
La question se pose également de savoir si la gendarmerie doit rester propriétaire de tout son immobilier. Faudra-t-il nouer de nouveaux partenariats pour accueillir plus dignement nos gendarmes ?
Philippe Paul a eu raison d'insister sur la question des équipements. Nos fameux fusils d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne vont être dépassés. Dans ce monde tendu, il est grand temps que l'on donne aux gendarmes les moyens de nous protéger. Concernant les hélicoptères, sur un marché de 26 appareils, 24 ont été consacrés à la sécurité civile et seuls deux ont pu bénéficier aux gendarmes. Nous savons également que les Écureuil des années 1960 devront être rapidement remplacés. Enfin, le directeur général a beaucoup insisté sur le développement du système de lecture automatique des plaques d'immatriculation (Lapi), qui permet de suivre le parcours de personnes à bord de go-fast. La France dispose aujourd'hui de moins de 1 000 appareils, quand un pays comme la Belgique en compte 15 000. Vous imaginez bien qu'il y a un effort à faire, qui demande là aussi des moyens.
La commission des finances a donc émis un avis favorable sur le projet qui sera présenté en séance le 8 décembre, en présence du ministre Laurent Nuñez.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - S'agissant du déploiement de 239 brigades, certains départements tels que l'Yonne n'ont pas encore été « servis ». La première brigade doit être constituée en 2026 dans le cadre du déploiement de 57 brigades annoncé par Bruno Retailleau en novembre 2024, mais plusieurs dizaines de brigades doivent encore être constituées : avez-vous de la visibilité sur la poursuite du déploiement de ces 239 brigades ?
Par ailleurs, les gendarmes font état d'une situation critique au niveau des véhicules : certes, plusieurs milliers de véhicules ont été livrés en 2021-2022 dans le cadre du plan de relance, mais certaines brigades dotées d'une flotte de quatre à cinq véhicules ne sont parfois en mesure d'en faire rouler qu'un ou deux, ce qui me fait dire que la situation est particulièrement alarmante.
Quelles sont les perspectives de renouvellement du parc, au-delà des 600 véhicules évoqués pour le PLF pour 2026 ? Ce volume n'est pas à la hauteur des besoins alors qu'il était compris entre 2 000 véhicules et 2 500 véhicules les années précédentes.
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis. - Le déploiement des nouvelles brigades de cette année sera décalé à l'année prochaine pour des raisons liées aux crédits, environ 460 postes devant être créés.
De nombreux véhicules ont été achetés dans le cadre du plan de relance, mais les modèles 5008 ont été touchés par un problème de motorisation qui rend de nombreux véhicules hors service au bout de deux ans. Au total, 10 000 véhicules seraient nécessaires pour rattraper le retard pris ces trois dernières années, sachant que leur prix unitaire minimal est d'environ 25 000 euros pièce. En y ajoutant le coût des Famas et celui des hélicoptères, il faudrait trouver et lisser dans le temps 715 millions d'euros supplémentaires.
De manière générale, on constate qu'un accroissement des dépenses immobilières entraîne un moindre investissement dans le matériel : cette année, les premières sont privilégiées au détriment des véhicules, ce qui pose de sérieux problèmes. Lors de l'audition des membres du Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG), un adjudant d'une brigade du Jura nous a ainsi indiqué que ses deux véhicules étaient défectueux et qu'il ne disposait d'aucune solution de remplacement, ce qui est désolant.
M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis. - Parmi les véhicules les plus récents, les automobiles Stellantis équipées du moteur PureTech sont particulièrement fragiles.
M. Cédric Perrin, président. - Ces problèmes rencontrés sur des véhicules récents s'ajoutent aux difficultés d'un parc vieillissant. Au total, comme le soulignait Philippe Paul, près de 800 millions d'euros seraient nécessaires pour rééquiper l'ensemble des forces de gendarmerie.
Parmi ces équipements figure la lecture automatique des plaques d'immatriculation, qui constitue un réel enjeu dans la lutte contre le narcotrafic : le recours à l'intelligence artificielle devrait grandement renforcer l'efficacité de ce système. Mais il faut pour cela un maillage de vidéosurveillance, or seules 800 caméras sont installées en France, contre 10 000 caméras au Canada et le double en Espagne. Il faudra avancer sur ce sujet en lien avec les collectivités et compléter ces 800 caméras appartenant à l'État par des équipements locaux, afin d'assurer un véritable maillage territorial.
Je salue au passage l'action du directeur de la gendarmerie nationale, qui consacre une grande énergie à tous ces sujets d'avenir.
M. Olivier Cadic. - Ces sujets sont déjà d'actualité, comme nous avons eu l'occasion d'en débattre lors de la commission d'enquête consacrée au narcotrafic : au Brésil, les forces de l'ordre sont capables d'anticiper les parcours des trafiquants, ce qui est une grande force.
M. Cédric Perrin, président. - Ce pays compte 49 000 caméras.
M. Olivier Cadic. - Ce dispositif impressionne par son efficacité et mérite que l'on s'y intéresse.
Sur un autre sujet, un article intitulé « Contrer une vague qui vient » paru dans la Revue de la gendarmerie nationale lance l'alerte au sujet du trafic d'armes et de munitions. Dans le prolongement de la lutte contre le narcotrafic, on constate que les trafiquants sont de mieux en mieux armés : sur le plan budgétaire, est-il prévu de renforcer les outils assurant la défense passive de nos gendarmes face à ces gangsters ?
M. Patrice Joly. - Il y a véritablement urgence dans le domaine immobilier : dans mon département, certaines gendarmeries n'ont pas été rénovées depuis des dizaines d'années et sont dans un état lamentable, alors que nous devrions offrir des conditions de travail et d'hébergement dignes à nos gendarmes.
À titre d'exemple, un plan de rénovation prévoyait, au début du mandat municipal, la réfection de cinq gendarmeries : in fine, aucune ne l'a été, tout simplement, car nous sommes incapables de trouver un plan de financement adéquat, même en scindant la partie « logements » de la partie professionnelle et même en tentant de faire porter une plus grande part de la charge aux collectivités, en rappelant qu'il est question d'une fonction régalienne de l'État. Des collectivités qui ne comptent qu'environ 500 habitants ne sont évidemment pas en mesure de consacrer les sommes nécessaires au bouclage d'un tel plan de financement.
Pour rebondir sur les observations de M. Belin, nous n'avancerons pas tant que les loyers devront être acquittés pour la totalité des espaces nécessaires à l'activité professionnelle ; il en résulte un problème d'attractivité pour nos territoires, car les conditions de travail et d'hébergement laissent beaucoup à désirer. De plus, cela contribue au sentiment d'insécurité qui peut s'exprimer dans les territoires ruraux, dans lesquels réside une population vieillissante.
L'enjeu est de taille et j'ajoute que les sommes en question ne sont pas si importantes, la rénovation d'une gendarmerie coûtant environ 1,5 million d'euros. Pourquoi ne pas mobiliser la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) à cet effet au lieu de continuer à faire peser sur les collectivités locales des dépenses qui ne relèvent pas de leurs compétences et surtout qu'elles ne peuvent pas assumer ? Il y a urgence, vraiment.
M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis. - Le nouveau dispositif de la redevance transparente correspond à une sorte de location avec option d'achat et permet de ne plus être contraint par le plafond du loyer ; les collectivités et bailleurs qui participent à l'opération y retrouvent leur compte. De cette manière, la gendarmerie repasse dans le domanial en devenant propriétaire en l'espace de vingt à vingt-cinq ans : il faudra voir si ce dispositif est de nature à régler progressivement la question.
Pour ce qui est du narcotrafic, la situation risque de nous échapper en Guyane avec l'orpaillage illégal, car nous faisons face non pas à des paysans brésiliens venant arrondir leurs fins de mois, mais à de véritables bandes armées et organisées. Il faut reconnaître que nos moyens sont extrêmement limités face à l'impressionnante montée de cette menace.
M. Cédric Perrin, président. - Ce sujet a fait l'objet d'un rapport d'information rendu il y a trois semaines, dans lequel nous abordions la question de la légalisation de l'orpaillage afin de faire face aux factions armées brésiliennes.
Dans le domaine immobilier, le partenariat de la gendarmerie avec la Banque des territoires est bienvenu. Les collectivités territoriales ne seront pas forcément perdantes dans cette affaire, à la condition que le programme soit correctement bâti. Lorsque des baux emphytéotiques d'une durée de trente ans existaient, les collectivités pouvaient redevenir propriétaires des locaux considérés, ce qui pouvait être intéressant.
Le nouveau mécanisme devrait donc améliorer la situation de la gendarmerie en lui permettant de devenir propriétaire et de placer de l'argent en réserve pour effectuer régulièrement les nécessaires travaux de rénovation. Le rapporteur spécial a évoqué le fait qu'aucun chantier de rénovation n'a été conduit à Dijon depuis 1971 : il faut sortir de ce type de situation et prévoir un budget annuel pour la rénovation et la mise en conformité des locaux. Nous allons donc dans la bonne direction, même si la démarche nécessite d'assortir le budget d'une vision à moyen terme, en ne nous limitant pas à des recherches d'économies régulières et à des coupes claires.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».
AUDITION DU GÉNÉRAL D'ARMÉES HUBERT BONNEAU
Compte rendu de l'audition du Général d'armée Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale - mercredi 29 octobre 2025
M. Cédric Perrin, président. - Mon général, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui pour ce qui est votre deuxième audition devant notre commission.
Vous avez, au début de cette année, tenu des propos très forts dans une lettre adressée à vos plus hauts commandants. Soulignant le durcissement de notre environnement stratégique, vous jugez que « la possibilité d'un conflit armé et d'une agression du sanctuaire national » doit « être sérieusement envisagée » et que la gendarmerie « a le devoir de se préparer pour tenir sa place ». La « militarité » de la gendarmerie, notion que vous mettez régulièrement en avant, retrouve ainsi sa pleine pertinence au regard des nouvelles menaces.
Je vous inviterai donc à nous indiquer comment ce constat oriente concrètement votre action à la tête de la gendarmerie nationale et comment il se reflète dans le budget du programme 152. Je vous demanderai également de revenir, si vous le voulez bien, sur la notion de défense opérationnelle du territoire (DOT), dont la gendarmerie est partie prenante, avec nos forces armées. Quelle est sa pertinence ? Et devons-nous l'adapter au nouveau contexte stratégique ?
Dès votre prise de fonctions, vous avez également identifié une autre priorité, l'immobilier, qui, à travers le logement en caserne, fonde la condition militaire du gendarme. Ceux d'entre nous qui ont été maires ou qui ont eu l'occasion d'oeuvrer à la construction de gendarmeries mesurent l'importance de cet enjeu. Plusieurs années de sous-investissement ont engendré une « dette grise » d'environ 2 milliards d'euros, qui se traduit par un délabrement notable du parc, mais aussi par le poids budgétaire croissant du locatif. Amorcé l'an dernier, le redressement se poursuit cette année, avec pas moins de 352 millions d'euros en crédits de paiement.
Nous retiendrons également la reprise du déploiement des 239 nouvelles brigades, mis en pause en 2025, les 25 millions d'euros supplémentaires pour la réserve opérationnelle, après la coupe sévère opérée l'an dernier, et la refonte de la grille indiciaire des officiers, attendue pour la fin de l'année.
Toutefois, malgré ces points de satisfaction, et en dépit d'une progression globale du budget de la gendarmerie dans le contexte budgétaire que nous connaissons, le sentiment demeure que la réalisation de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) a été percutée par les priorités plus immédiates que sont les jeux Olympiques et la crise en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.
Comment, dans ces conditions, la gendarmerie pourra-t-elle « tenir sa place », selon vos propres mots, face à la multiplication des défis qui l'attendent ?
Sans plus attendre, je vous cède la parole. Après votre exposé liminaire, les rapporteurs pour avis du programme 152, Philippe Paul et Jérôme Darras, vous poseront leurs questions ; je donnerai ensuite la parole aux autres commissaires.
Général Hubert Bonneau, directeur général de la gendarmerie nationale. - C'est pour moi un honneur de me présenter devant vous pour la deuxième fois, accompagné de M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances à la direction générale de la gendarmerie nationale, et du colonel Ronan Lelong, chef du bureau de la synthèse budgétaire.
Je souhaiterais, avant mon propos liminaire, vous présenter un court film sur les actions de la gendarmerie, afin de nous plonger dans l'ambiance de notre institution. (La vidéo de présentation est diffusée aux membres de la commission.)
Je commencerai par évoquer les éléments qui font la force de la gendarmerie et nos points de vigilance.
Plutôt que par les missions qu'elle assure - sécurité publique, renseignement, ordre public, maintien de l'ordre, police judiciaire -, je définis la gendarmerie comme une force armée dont la vocation est de garantir l'accès de tous aux services publics de sécurité sur 96 % du territoire national.
Depuis 2007, la population de notre zone de compétence a augmenté de plus de 3 millions d'habitants, tandis que les effectifs de la gendarmerie devraient seulement retrouver leur niveau de 2007 en 2026, avec l'arrivée de 400 équivalents temps plein (ETP) prévus par la Lopmi, ce qui correspond aux 58 brigades qui n'ont pas pu être créées cette année.
Au cours de la même période, nous avons constaté une hausse massive des interventions et de la délinquance.
Sur dix ans, la délinquance générale dans notre zone de compétence a augmenté de plus de 25 %. Les interventions ont crû de plus de 53 % et les gardes à vue de plus de 40 %. Nous constatons une augmentation du niveau de violence subie par la population et par les forces de l'ordre : depuis le début de l'année, six gendarmes sont décédés en service ou en mission, 4 100 ont été victimes d'agressions et 8 000 ont été blessés, soit une hausse notable de 3,5 % par rapport à l'an dernier.
La montée de la criminalité organisée est un phénomène qui ne peut pas non plus nous échapper, en métropole comme en outre-mer, et qui connecte toutes les formes de délinquance. Il n'y a pas de narcotrafic sans point de deal ou « Uber shit » ; il n'y a pas de gang criminel organisé itinérant venant d'Europe de l'Est, comme les Vory v zakone (« voleurs dans la loi »), sans cambriolages au niveau local.
Nous faisons également face à des problématiques majeures d'immigration illégale et de vols en bande organisée.
La multiplication des crises dans nos outre-mer est un autre phénomène majeur, notamment depuis mai 2024, qui entraîne un niveau d'engagement inédit de la gendarmerie mobile. Actuellement, 39 escadrons, soit 2 730 gendarmes mobiles, sont détachés en permanence dans les outre-mer. Il faut y ajouter 165 gendarmes départementaux en missions de courte durée pour apporter une compétence supplémentaire, notamment en police judiciaire. Ces escadrons ne sont pas engagés au quotidien dans le maintien de l'ordre, mais dans la sécurité publique générale en Guyane, aux Antilles et, bien évidemment, en Nouvelle-Calédonie, où nous mobilisons en permanence 20 escadrons.
Le contexte budgétaire est marqué par des contraintes qui justifient des efforts à tous les niveaux. Ceux-ci se traduisent sur le programme « Gendarmerie nationale » par certains renoncements.
La gendarmerie est une force de couverture des territoires dont la réponse opérationnelle repose sur quatre forces essentielles.
La première, la gendarmerie départementale, représente notre « système d'armes ». Les 3 700 implantations et 3 100 brigades territoriales constituent les points d'appui essentiels de la gendarmerie, qui nous permettent une rapide montée en puissance des moyens.
La deuxième, ce sont les moyens spécialisés. Nous avons développé des chaînes spécialisées qui viennent appuyer dès que nécessaire nos unités territoriales. En fait, il y a une espèce de double maillage : il y a un maillage territorial et un maillage subsidiaire qui vient renforcer le travail des unités territoriales. Nos actions à l'échelon national sont renforcées avec l'unité nationale de police judiciaire, la fameuse UNPJ, qui vient d'être créée.
La troisième, c'est évidemment la gendarmerie mobile, qui fait face à un taux d'engagement particulièrement soutenu, en particulier dans les outre-mer. Pour être à l'équilibre, il est nécessaire de faire un peu « souffler » les forces, mais aussi de les maintenir en condition opérationnelle par un entraînement. On estime que l'engagement maximum devrait être de 68 escadrons par jour. En réalité, nous montons pratiquement en moyenne à 77 escadrons par jour.
Enfin, la quatrième, essentielle à mes yeux, c'est la réserve opérationnelle, qui est un apport précieux, un atout majeur dans les territoires. Pour faire face au niveau d'engagement requis, nous avons repensé les dispositifs opérationnels. Je pense par exemple aux dispositifs de renfort estivaux et hivernaux. Grosso modo, l'hiver, des gendarmes de plaine montent en renforcement des stations de ski, et l'été, des gendarmes de l'intérieur viennent renforcer les gendarmes de la côte. Cela s'effectue à l'échelon régional, mais aussi, le cas échéant, à l'échelon national.
Notre finalité est d'abord le contrôle des flux, la surveillance et le contrôle sur le ruban routier, mais pas seulement : la gendarmerie doit être efficace en surveillance et en contrôle sur le trait de côte, dans les ports de plaisance, dans les ports secondaires, dans les ports de pêche. Elle doit être performante en surveillance et contrôle sur les canaux, sur les aérodromes secondaires, sur la voie ferrée. Tout passe par les flux.
Pour pouvoir exécuter de telles missions sous plafond d'effectifs, j'ai décidé de transformer nos escadrons départementaux de sécurité routière, qui ont été dissous, en escadrons départementaux de contrôle des flux. Ces gendarmes sont capables aujourd'hui non seulement d'être en contrôle sur les axes routiers, mais aussi de monter dans les trains et d'avoir une surveillance particulière sur le trait de côte et des compétences supplémentaires, y compris sur l'immigration illégale.
Les efforts que nous avons réalisés se sont répercutés sur notre chaîne de police judiciaire. L'approche que nous avons retenue est d'abord celle du renseignement judiciaire et administratif, ce qu'on appelle le renseignement criminel. Nous avons rapproché partout, dans toutes nos structures, les responsables de la police judiciaire et du renseignement. Je demande aujourd'hui aux gendarmes de travailler plus sur les criminels que sur la criminalité. Nous faisons plus de ciblage.
Cela se retrouve dans notre organisation, avec la création, à compter du 1er septembre 2025, de l'UNPJ, qui regroupe 1 200 enquêteurs à Pontoise. Il s'agit de spécialistes de la police judiciaire dans le cyber, dans le numérique, dans la délinquance financière, dans les cryptomonnaies.
Par exemple, face à la DZ Mafia, nous avons détaché à Marseille de manière permanente des dizaines d'enquêteurs sur des mois pour augmenter le niveau d'expertise de la section de recherche.
Nous essayons aujourd'hui de nous réorganiser, de nous restructurer, pour être plus performants. Nous avons fait de même dans le continuum sécurité-défense. Ainsi, en matière de défense opérationnelle du territoire, j'ai demandé à mes réservistes d'organiser dès maintenant partout dans les territoires, sous le contrôle de la gendarmerie départementale, des dispositifs d'une meilleure connaissance du terrain. Mes gendarmes doivent avoir refait un état complet des organismes d'importance vitale (OIV) et des points d'importance vitale (PIV) d'ici à la fin de l'année. Le travail avance bien, y compris dans les outre-mer.
Le projet de loi de finances doit soutenir notre modèle. Je voudrais remercier la représentation nationale et les ministres des efforts qui ont été réalisés, notamment, sur l'immobilier de la gendarmerie. C'est essentiel. Si nous voulons une gendarmerie pérenne, nous devons assurer le maillage territorial. Nous retrouvons des marges, avec 300 millions d'euros en investissement, même s'il le besoin annuel est estimé à 400 millions d'euros.
Certes, en 2025, nous n'avons pas eu la possibilité de faire les 58 brigades nouvelles prévues dans le cadre de la Lopmi. En 2026, le schéma d'emplois est prévu à 400 ETP ; il nous en faudrait exactement 464 pour faire les 58 brigades supplémentaires. Même si nous faisons les brigades nouvelles l'année prochaine, il manquera encore 1 145 ETP pour faire la totalité des 239 brigades prévues par la Lopmi.
En 2007, le ratio était de 3,2 gendarmes pour 1 000 habitants. Aujourd'hui, il est de 2,9. L'enveloppe prévue pour la réserve opérationnelle, qui nous aide au quotidien, doit augmenter de près d'un tiers. Nous avions 70 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025 ; il est prévu de monter à 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026. C'est absolument nécessaire.
La Lopmi prévoyait 50 000 réservistes. Aujourd'hui, nous disposons de près de 39 000 réservistes. Toutes nos préparations militaires gendarmerie sont pleines. Il faut pratiquement un an d'attente pour entrer dans la réserve gendarmerie. Je suis contraint par le budget, alors que le nombre de jours par réserviste par an diminue. Avec 150 millions d'euros ou 160 millions d'euros, je pourrais continuer la marche en avant vers les 50 000 réservistes et employer davantage mes réservistes sur une année.
Le projet de budget prévoit 33 millions d'euros de plus en faveur de l'investissement. Le parc immobilier, qui est le socle de notre système d'armes, avait souffert d'un sous-investissement chronique. Avec votre soutien, nous avons obtenu pour 2025 des crédits favorables pour financer des travaux impératifs et urgents, qu'il s'agisse de la qualité de vie des familles ou des locaux de services et techniques (LST) pour mieux accueillir nos concitoyens.
Notre schéma directeur immobilier vise à redonner aux familles, aux gendarmes, la vision d'une politique immobilière ambitieuse. Nous avons lancé le projet Cap Satory, qui est un partenariat public-privé pour remettre en condition le plateau de Satory. Ce sont des travaux dont le montant s'élèvera à plus de 600 millions d'euros.
Je considère le retour en immobilier domanial comme une absolue nécessité. Une caserne domaniale coûte deux fois moins cher en exploitation qu'une caserne locative.
Il faut aussi revoir les décrets de 1993 et 2016, qui permettent la construction locative en gendarmerie. Il faudrait que nous puissions démarcher les collectivités pour contracter dans le cadre d'un emprunt à taux fixe, à l'issue duquel la brigade reviendrait en domanialité à la gendarmerie.
Les véhicules sont un sujet d'attention particulière pour nos brigades territoriales. Actuellement, la durée de vie des véhicules en gendarmerie est estimée à huit ans - je devrais donc, normalement, renouveler un huitième du parc chaque année, ce qui correspond à 3 700 véhicules. Or l'âge moyen du parc en gendarmerie est déjà de sept ans ou huit ans. Sur la base de ce calcul, je devais renouveler environ 15 000 véhicules sur la période 2023-20026, mais la somme des véhicules renouvelés sur ces années ne sera que de 5 000, parce que je n'ai pas les moyens de faire plus.
J'en viens aux équipements stratégiques de projection. Les hélicoptères de la gendarmerie sont une priorité. Nous sommes engagés dans le renouvellement partiel de la flotte par dix H160 - les premiers devraient arriver cette année -, et nous avons obtenu six H145, dont deux sont payés par les Britanniques dans le cadre des accords de Sandhurst. Toutefois, le programme ne peut pas couvrir, pour l'instant, ce que l'on appelle la tranche complémentaire du programme d'acquisition des nouveaux H145 D3. Sans décision d'ici au début de 2027, la gendarmerie connaîtra une rupture capacitaire majeure sur sa flotte d'aéronefs, avec des conséquences fortes, notamment dans les outre-mer. Nous avons des hélicoptères Écureuil qui ont aujourd'hui plus de quarante ans : il faut impérativement les renouveler, sous peine de devoir fermer des sections aériennes de gendarmerie, soit en métropole, soit dans les outre-mer. Nous sommes déjà obligés de fermer partiellement certaines sections aériennes de gendarmerie par rotation pour garantir le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères.
Sur le volet numérique, 120 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus. Ils couvrent 60 % du besoin. Je pense qu'aujourd'hui, tout n'est pas qu'une question d'ETP. L'important est d'avoir des « gendarmes augmentés » ; le numérique, le cyber et l'intelligence artificielle (IA) doivent le permettre. Mais tous ces programmes ont un coût. Avec 120 millions d'euros, il me faut faire des choix. J'ai des difficultés à renouveler certains équipements. Certains ordinateurs, certains terminaux portables de la gendarmerie, ce qu'on appelle les NEO, seront assez compliqués à rénover cette année.
Enfin, en tant que force armée, la gendarmerie a des missions spécifiques de niveau militaire. Là encore, nous avons besoin d'un niveau d'équipement acceptable pour la gendarmerie. Il y a des plans capacitaires à prendre en compte pour le renouvellement des équipements, des armes, des gendarmes. Nous sommes, me semble-t-il, la seule armée à être encore dotée de Famas, équipements qui ont plus de quarante ans et qui ne seront bientôt plus soutenus, parce que plus personne ne saura les entretenir. Il faut que nous dotions nos unités territoriales de moyens modernes, notamment de vision nocturne et de protection individuelle. Et songeons à ce que seraient nos besoins dans le cadre d'un engagement majeur de nos armées sur l'extérieur.
M. Cédric Perrin, président. - Mon général, je vous remercie de ces propos liminaires. Je connais bien les difficultés auxquelles un maire doit faire face pour pouvoir construire une brigade de gendarmerie. Outre les problèmes administratifs, la gestion de l'ensemble des constructions de brigades relevait autrefois - je pense que cela a dû évoluer depuis - d'une seule personne.
M. Philippe Paul - Mon général, je vous remercie de cette présentation très complète.
Vous avez évoqué les brigades nouvelles. Cette année, il n'y a pas eu de création d'emploi. Tout est décalé sur l'année prochaine. Nous perdons ainsi un an. Voilà quelques semaines, nous avions des garanties du précédent ministre de l'intérieur que les effectifs seraient au rendez-vous en loi de finances.
Vous avez également abordé le domanial, sujet que nous connaissons bien. Je sais que vous attendez des arrêtés de la part de Bercy. Comment les choses se présentent-elles ?
Les hélicoptères sont, il est vrai, un peu fatigués. Pourriez-vous nous rappeler les chiffres à cet égard ? Pensez-vous que, côté Bercy, les financements seront au rendez-vous ?
Le remplacement des Famas, notamment avec des HK416, est urgent. J'ai cru comprendre qu'il fallait tous les remplacer d'ici à 2030. Combien de pièces faudra-t-il acheter ? Des crédits sont-ils prévus, en imaginant un lissage entre 2027 et 2030 ?
Je termine sur la défense opérationnelle du territoire. Avec quelques collègues, j'ai conduit une mission récente dans les pays scandinaves, qui sont assez en avance sur le mélange du civil et du militaire - on appelle cela la « défense totale » là-bas. Je l'avoue, pour certaines personnes, cela peut être un peu anxiogène. Vous avez évoqué les réservistes ; comment voyez-vous les choses de ce point de vue ? On a aussi évoqué, cet été, la possibilité d'actionner les hôpitaux pour un éventuel afflux de blessés, ou la distribution d'un guide de survie. Je pense qu'il faut tranquilliser quelque peu la population. Quels éléments complémentaires pouvez-vous nous communiquer sur la DOT ?
M. Jérôme Darras - Mon général, je vous remercie à mon tour de cette analyse complète et franche du programme « Gendarmerie nationale », qui montre les réalités qui se cachent derrière les chiffres. Je veux rendre hommage à l'engagement et au dévouement de nos gendarmes, qui, vous l'avez rappelé, paient un lourd tribut face à la montée de la violence et continuent pourtant d'imposer partout sur le territoire national leur présence rassurante.
Les crédits de la réserve opérationnelle, après avoir été ramenés à 75 millions d'euros en 2025, remontent à 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026. Mais, si le nombre de réservistes est passé de 33 000 en 2023 à 38 000 aujourd'hui, la marche pour atteindre l'objectif de 50 000, fixé par la Lopmi, demeure haute. Pensez-vous être en mesure de mobiliser nos réservistes à l'avenir plus de vingt jours par an ?
Vous l'avez rappelé, compte tenu du schéma d'emplois, l'objectif des 239 brigades annoncées paraît difficilement atteignable à l'échéance prévue. Néanmoins, les implantations se poursuivront-elles jusqu'à ce qu'il soit atteint ? Ne craignez-vous pas une démotivation des communes qui ont engagé des projets immobiliers pour l'accueil de brigades ? Le nouveau dispositif de location avec option d'achat leur sera-t-il rapidement proposé ?
La dimension ultramarine de l'action de la gendarmerie, qui constitue l'essentiel de nos forces de sécurité intérieure dans ces territoires, est très spécifique. En Guyane, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, des conditions de maintien de l'ordre particulièrement difficiles ont nécessité et nécessitent encore un suremploi de la gendarmerie mobile. Est-il envisageable de repenser globalement le déploiement des effectifs et des matériels outre-mer, afin de ne pas avoir à sursolliciter les renforts de gendarmerie mobile ?
J'en viens à l'équipement en véhicules légers. L'effort important sur l'investissement immobilier, qu'il faut saluer, s'effectue au prix d'un recul de 100 millions d'euros sur les autres postes. Ainsi le budget réservé à l'acquisition des véhicules ne permettra-t-il d'acquérir que 600 à 700 véhicules quand le besoin annuel est de 3 750 véhicules pour le seul renouvellement. S'ajoutent des problèmes de fiabilité de ceux qui ont été acquis entre 2020 et 2022.
Enfin, l'état-major commun qui a été constitué par la gendarmerie et les forces armées en Guyane semble particulièrement bien fonctionner. Peut-il être considéré comme la préfiguration d'un dispositif de défense opérationnelle du territoire et être appliqué à l'avenir sur l'ensemble du territoire national ?
- Présidence de M. Pascal Allizard, vice-président -
Général Hubert Bonneau. - Je crois que nous ne valons que par le maillage territorial. Je pense que ce serait une erreur de le casser.
Par exemple, dans le sud de la France, où le trait de côte est particulièrement occupé - je pense notamment à la Côte d'Azur - et où l'intérieur des terres l'est moins, c'est pourtant à l'intérieur que l'on trouve aujourd'hui une implantation du cartel de Sinaloa.
Si les gendarmes ne sont pas au contact, nous ne voyons pas ce qui se passe. Encore une fois, je pense que la gendarmerie nationale doit être la force qui surveille et qui contrôle sur l'ensemble des territoires les flux. Tout passe par les flux : le trafic d'êtres humains, le trafic d'armes, le trafic de stupéfiants.
À mon sens, notre action est améliorable, et même grandement améliorable. Je réclame beaucoup d'efforts aux gendarmes, qui sont déjà très chargés. Je leur demande ainsi d'orienter leur action de présence sur la voie publique sur des objectifs précis de contrôle, de regarder ce qui se passe dans les territoires, de ramener du renseignement à vocation criminelle.
Nous contrôlons mieux les aérodromes secondaires, qui sont des endroits névralgiques sur lesquels on peut avoir de l'arrivée massive de produits.
Aujourd'hui, il faut avoir véritablement la conscience que nous ne pouvons pas aller plus loin dans la réorganisation territoriale de nos forces. La bascule de forces est toujours possible, mais elle s'effectuerait au détriment du contrôle du territoire national et de la profondeur des territoires.
Je pense que nous ne pourrons pas renforcer notre action dans les outre-mer sans ETP supplémentaires. Il y a quinze ans, à Saint-Laurent-du-Maroni, il y avait entre 15 000 et 20 000 personnes. Aujourd'hui, on parle de 80 000 à 100 000 personnes ; et les effectifs de gendarmerie ont peu évolué.
Et, encore une fois, tout n'est pas affaire d'ETP. Il faut donner les moyens aux gendarmes d'être plus performants. Je pense à la technologie, à l'intelligence artificielle. Nous avons ainsi lancé le système de traitement central Lapi (STCL), qui nous permet de mieux cerner ce qui se passe sur nos axes routiers. Aujourd'hui, l'axe d'effort de la gendarmerie est d'augmenter les capacités du gendarme grâce à la technologie et à l'IA.
Je vais laisser la parole au directeur des soutiens et des finances sur l'immobilier, qui est évidemment un sujet essentiel.
M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances à la direction générale de la gendarmerie nationale. - Actuellement, le délai entre la décision de construire une brigade et l'inauguration est de cinq ans à six ans. Il y a une partie incompressible, qui est la construction de la caserne elle-même. Nous avons examiné comment simplifier la phase administrative, ce qui nous a permis de gagner entre neuf mois et douze mois. Le financement avec les collectivités locales reste un point difficile : les décrets de 1993 et de 2016 ont souvent un effet bloquant, notamment depuis le regain d'inflation de 2022. Nous n'arrivons pas toujours à boucler les financements, ce qui retarde les projets.
C'est pourquoi nous sommes en train d'envisager une révision des décrets. L'avantage d'un décret « LOA », au-delà duretour en domanialité, est de nous faire changer de logique. Au lieu d'un plafond applicable à tous les projets de construction de manière indifférenciée, nous pourrions avoir, comme cela avait émergé des auditions du sénateur Belin l'an dernier, un principe de « redevance transparente » : discuter avec les collectivités locales sur la réalité de leurs coûts, et compenser ces coûts avec les frais de gestion correspondants. Les collectivités nous ouvrent en quelque sorte leurs comptes, et nous payons le juste prix en échange. Cela permettrait de lever tous les blocages qui ajoutent aujourd'hui des délais quand on veut construire des brigades.
Le décret fait actuellement l'objet de consultations. Nous espérons pouvoir présenter le projet au début de l'année prochaine et le voir entrer en vigueur avant l'été 2026. Ce serait intéressant pour les collectivités locales, qui n'auraient plus à se demander si leurs frais seront couverts par le plafond, et pour l'État, grâce au retour en domanialité. Et le processus devrait être accéléré assez substantiellement. Normalement, il ne devrait pas y avoir trop d'oppositions. Il nous reste à convaincre Bercy, mais nous avons bon espoir d'y arriver.
M. Jérôme Darras. - Peut-on considérer que, dès que le système sera acté, les projets qui étaient prévus en locatif et qui étaient en attente de financement repartiront ?
M. François Desmadryl. - Oui. Ces projets ne sont pas suspendus aujourd'hui. Pour l'instant, nous continuons avec les décrets en vigueur. Lorsque le nouveau décret, qui sera a priori plus avantageux pour tout le monde, sera sorti, il n'y aura, je le crois, aucune difficulté pour basculer d'un système à l'autre.
Général Hubert Bonneau. - Je poursuis sur les besoins en renouvellement d'équipements.
Aujourd'hui, 22 000 fusils d'assaut doivent être remplacés, pour un budget estimé à 110 millions d'euros. L'ensemble du budget estimé pour renouveler les équipements dits « militaires » de la gendarmerie, mais qui servent aussi au quotidien - les monoculaires de vision nocturne qui permettent de débusquer des individus se livrant à des actions de sabotage, et les armes tactiques utiles à la gendarmerie mobile -, est aujourd'hui de 800 millions d'euros.
Au sein de la gendarmerie nationale, nous disposons aujourd'hui de 56 hélicoptères : 15 EC145, 15 EC135 et 26 Écureuil. Dans le cadre de la Lopmi, comme je l'ai dit, six H145 D3 ont été acquis sur marché commun. Nous avons besoin d'une tranche complémentaire de 22 hélicoptères, pour un montant de 355 millions d'euros. Cela doit impérativement être signé avant 2027.
Dans notre parc automobile, l'âge moyen des véhicules est de sept ou huit ans. Nous estimons pouvoir en remplacer 600 l'an prochain, quand il faudrait en renouveler, comme vous l'avez rappelé, 3 700 chaque année.
Sur la réserve opérationnelle, aujourd'hui, je suis capable de faire exactement 22,14 jours d'emploi réserviste par an. Les réservistes trouvent qu'ils ne sont pas assez employés, et je les comprends. L'idéal pour moi serait de dépasser les trente jours par an. La réserve opérationnelle de gendarmerie - ce chiffre est important - est constituée à plus de 70 % de purs civils. Et il n'y a pas que des jeunes majeurs ; on trouve aussi des mères de famille, des chefs d'entreprise, etc. C'est une vraie richesse, en particulier à une époque où l'on parle souvent du lien entre l'armée et la Nation. En outre, et c'est un aspect qui me tient à coeur, nos réservistes sont employés là où ils vivent : le lien, c'est le lieu. Je peux témoigner, comme tous mes commandants, du niveau d'engagement de nos réservistes. Je leur rends hommage, comme à mes gendarmes départementaux.
Je tiens à vous décrire l'idée que nous nous faisons de la DOT, notamment par rapport aux armées. Aujourd'hui, celles-ci nous appuient. Nous ne pouvons pas être performants en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et en Guyane - j'y reviendrai tout à l'heure - si nous n'avons pas l'appui des armées. Nous avons vu lors des Jeux olympiques ou lors du quatre-vingtième anniversaire du Débarquement combien les armées viennent aujourd'hui en appui des forces de sécurité intérieure. Je pense que, dans l'hypothèse d'un engagement majeur, ce sera l'inverse. Par exemple, si nous avons un engagement majeur à l'Est, cela ne se fera pas sans agitation sur le territoire national : actions de proximité, sabotage, voire manifestations, car je ne suis pas sûr que tous nos concitoyens soient favorables à ce type d'engagement. Et avant même un engagement, il faudra peut-être faire transiter par la France des matériels sensibles ; il faudra alors couvrir le territoire avec des moyens, et c'est, je le crois, le rôle de la gendarmerie nationale. Nous devons nous préparer à de telles hypothèses.
L'état-major conjoint que nous avons mis en place en Guyane n'est pas nécessairement une préfiguration de la DOT. Il a été institué dans le cadre de l'opération Harpie. Je l'ai visité ; c'est remarquable. Les gendarmes sont totalement intégrés dans un état-major otanien dirigé par le COMSUP des forces armées en Guyane, où plusieurs bureaux sont dirigés par des gendarmes, notamment dans le renseignement. Cela permet aujourd'hui d'orienter les actions contre l'orpaillage de façon inégalée : 85 % de nos missions programmées font un hit sur le terrain. C'est l'exemple même de ce que l'on peut faire en appui conjoint entre les forces armées et la gendarmerie dans un département aussi compliqué que la Guyane.
M. Olivier Cigolotti. - Mon général, avec le président Perrin et notre collègue André Guiol, dans le cadre d'une mission lancée par notre commission, nous avons eu l'occasion de partager le quotidien des gendarmes de Guyane, notamment en forêt. Nous tenons à saluer le travail remarquable et exemplaire qui est réalisé au quotidien par ces gendarmes dans un milieu à la fois abrasif et hostile. Je pense à la lutte contre le narcotrafic et à la lutte contre l'orpaillage illégal.
Aujourd'hui, la montée de la criminalité en Guyane est parfaitement documentée. Ne pensez-vous pas qu'il serait opportun de revoir le dispositif Harpie ? Un certain nombre de compétiteurs - je pense notamment à la Chine, pour ne pas la nommer - pillent nos ressources naturelles dans ce département, et notre dispositif, même s'il remplit aujourd'hui pleinement les objectifs qui lui sont fixés, risque d'être rapidement dépassé par l'intérêt qui est lié à l'évolution du cours de l'or.
M. Philippe Folliot. - Mon général, j'avais déjà évoqué l'an dernier le décalage entre les éléments nationaux relatifs à l'immobilier que vous venez de rappeler et les propositions qui peuvent être formulées sur le terrain, mais qui n'aboutissent pas, ce qui est bien dommage...
Vous avez indiqué que la réserve opérationnelle était l'un de vos piliers majeurs. Si mes informations sont exactes, il semblerait que, pour la garde républicaine à Paris, tous les crédits soient utilisés sur les huit ou neuf premiers mois de l'année. Est-ce lié à un problème de programmation ?
En 2009, j'avais fait part d'interrogations quant à l'intégration de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur. Aujourd'hui, certains commencent à dire qu'il pourrait être intéressant de réintégrer la gendarmerie dans le périmètre du ministère de la défense. Existe-t-il des réflexions en ce sens de votre côté ? Pour notre part, nous sommes tous très attachés au caractère militaire de la gendarmerie, que vous avez su préserver malgré le rattachement au ministère de l'intérieur.
Mme Nicole Duranton. - Je me fais le relais des questions de mon collègue Lemoyne. Certains départements verront la réalisation de leur première brigade en 2026. Y aura-t-il d'autres brigades que celles que vous avez annoncées ? À défaut, la cible de 2027 pour la réalisation de l'ensemble du plan de 200 brigades est-elle maintenue ?
M. Jean-Pierre Grand. - Mon général, j'ai un peu sursauté quand vous avez parlé du retour au domanial. Vous le savez, je suis un fan de la gendarmerie.
La gendarmerie, ce sont aussi des familles. Et quand j'ai construit la gendarmerie que vous connaissez, je l'ai fait en pensant aux familles des gendarmes. On a regroupé tout le monde de manière à ne pas être obligés d'organiser une sorte de ramassage scolaire pour une opération à trois heures du matin. Or demain, ce seront des bureaux parisiens qui dessineront la gendarmerie de telle ou telle commune. Pour moi, ce n'est pas cela, la gendarmerie du XXIe siècle. La gendarmerie du XXIe siècle, c'est la gestion de la famille, c'est-à-dire la proximité avec les équipements publics, les écoles, les sports, les transports. La CDC Habitat, c'est un retour à l'autre fois qui me laisse perplexe. Il faut être très attentifs à la qualité de l'habitat.
En plus, on nous dit que des communes mettraient la main à la poche pour construire des brigades. Au moment où nous allons voter un budget dans lequel il n'y aura plus de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), cela risque tout de même d'être un peu compliqué ! Et ce n'est pas leur rôle.
Ce retour au domanial me laisse donc très perplexe, non pas par idéologie, mais par sens des réalités pratiques. Je vous invite à venir visiter ce que nous avons fait : vous verrez combien les gendarmes et les familles y sont heureux. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait encore réfléchir et revoir votre projet de retour au domanial ?
Général Hubert Bonneau. - Je réponds d'emblée à cette dernière question. Je ne suis pas du tout d'accord avec vous, monsieur le sénateur.
Je suis un homme de terrain. J'ai fait évacuer totalement des compagnies de gendarmerie, parce que l'habitat locatif y était indigne. Et ce n'est pas la gendarmerie qui fixait le montant des loyers. En 2009, lors de notre intégration au ministère de l'intérieur, le prix des loyers en gendarmerie, c'était 300 millions d'euros. L'année dernière, c'était 620 millions d'euros. Et, dans moins de dix ans, ce sera 1 milliard d'euros.
Notre modèle sur le locatif est-il supportable ? Je n'ai pas l'argent pour cela. Très concrètement, une brigade domaniale coûte deux fois moins cher qu'une caserne locative. Les logements que nous construisons pour nos gendarmes ne sont pas des prisons ; il y a de multiples normes que nous devons respecter et que nous respectons !
Aujourd'hui, le coût du locatif est trop important, ce qui menace l'équilibre de la gendarmerie. Nous devons nous poser la question de la soutenabilité du modèle. Voilà pourquoi je prône un retour vers le domanial.
Au demeurant, monsieur le sénateur, si une collectivité ne veut pas installer une gendarmerie, c'est son choix. S'il n'y a ni brigade ni terrain, nous n'y allons pas ; il ne faut pas nous demander l'impossible. Aujourd'hui, vu l'augmentation des coûts des loyers, nous sommes bien obligés de faire des choix. Vous avez bien compris ce vers quoi je m'oriente.
Monsieur le sénateur Folliot, si nous sommes effectivement obligés de ne plus convoquer de réservistes, c'est parce que les crédits sont épuisés ; ce n'est pas forcément un défaut de planification. Étant donné le taux d'emploi de la gendarmerie mobile, j'ai dû faire des choix d'engagement de nos réservistes. En effet, je ne peux pas non plus convoquer des réservistes sans les rétribuer ou en reportant les paiements de plusieurs mois.
Un rattachement de la gendarmerie aux armées n'est pas du tout à l'ordre du jour. La gendarmerie a trouvé, je le crois, trouvé sa place au sein du ministère de l'intérieur. Nous travaillons avec la police judiciaire au quotidien, notamment pour lutter contre la criminalité organisée. En la matière, nous avons ainsi monté un état-major commun qui est piloté par une commissaire de la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), avec un gendarme pour adjoint. Je pense que nous avons trouvé un équilibre.
Monsieur le sénateur Cigolotti, je rejoins ce qui a été indiqué sur le programme Harpie et la montée en puissance des groupes criminels. À titre d'exemple, au premier trimestre 2025, la gendarmerie de Guyane a détecté la présence de ce qu'on appelle les factions armées brésiliennes dans cette zone. Nous nous sommes interrogés sur les causes d'une telle présence. En réalité, ces organisations criminelles, qui ne font pas énormément de trafic de stupéfiants, vont là où elles peuvent trouver de l'argent. Aujourd'hui, le cours de l'or, c'est, je crois, 105 euros le gramme. Le cours de la cocaïne, lui, est plus fluctuant ; le prix du kilo est beaucoup moins élevé en Guyane qu'en métropole. C'est donc pour l'or que ces organisations investissent la Guyane. C'est ce que nous devons combattre. C'est pourquoi la mission Harpie a été renouvelée, notamment avec la constitution de cet état-major commun, et nous obtenons de bons résultats. Il faut continuer à lutter contre cette criminalité organisée, qui crée des atteintes majeures à l'environnement - le mercure fait des dégâts terribles - et qui s'infiltre en Guyane.
Madame la sénatrice Duranton, en 2024, 80 brigades nouvelles ont été réalisées. Les 57 qui n'ont pas été réalisées en 2025 sont reportées sur le projet de loi de finances pour 2026. Il reste donc une centaine de brigades qui, normalement, devraient être faites en 2027. C'est source d'inquiétudes, car cela représente tout de même 1 145 ETP. Je ne sais pas aujourd'hui s'il y aura un glissement au-delà de 2027. Il y a des négociations à mener. J'espère en tout cas que le plan ira au bout.
M. Alain Cazabonne. - Ma première question porte sur le narcotrafic. Nous le savons, s'il n'y avait pas de consommateurs, il n'y aurait pas de trafic. Concrètement, qu'est-ce qui est fait en matière de contrôle ? Voilà plus de quarante ans que je conduis, et je n'ai été contrôlé aux stupéfiants qu'une seule fois ! En tant que maire, j'avais équipé les véhicules municipaux de dispositifs empêchant la voiture de démarrer lorsque le conducteur avait trop bu. Pourrait-on envisager des dispositifs similaires ? De même, voilà une quinzaine ou une vingtaine d'années, j'avais suggéré de faire une opération coup de poing : prévenir les habitants que le quartier va être bloqué un matin et que tous les appartements seront visités ; les personnes qui, détenant des armes ou autres, les auront rendues préalablement ne seront pas poursuivies, mais celles chez qui du matériel aura été trouvé le seront. Est-ce techniquement envisageable ?
Ma deuxième question concerne les rave-parties. Est-il possible de bloquer l'accès à un terrain quand il commence déjà à y avoir quelques véhicules ? Il s'agirait d'une mesure pratique, n'engageant pas de crédits.
M. Guillaume Gontard. - Monsieur le directeur général, je partage votre avis sur l'importance du maillage territorial, notamment en zone rurale.
Vous avez aussi évoqué l'augmentation des violences intrafamiliales. La Lopmi prévoyait la création de quarante postes d'intervenants sociaux en gendarmerie (ISG) par an pendant cinq ansCela se met-il en place à l'échelle nationale ? Y a-t-il des secteurs dépourvus de professionnels formés ? Je pense notamment aux zones rurales, où se pose en plus le problème de la présence de lieux d'accueil pour recevoir les personnes concernées.
M. Akli Mellouli. - Mon général, je vous remercie pour vos propos éclairants.
Comment la gendarmerie compte-t-elle préserver la qualité des enquêtes malgré la baisse des temps pleins consacrés à la filière judiciaire ?
Comment la DGGN évalue-t-elle la réforme de la formation des officiers de police judiciaire (OPJ) ? Est-ce une occasion de renforcer le métier d'enquêteur ou, au contraire, une fragilisation ? Que mettez-vous en oeuvre pour améliorer les taux d'élucidation ?
Mme Gisèle Jourda. - Dans mon département, la caserne de Palaja, qui n'a pas vu le jour l'année dernière, se fera au cours de cette année.
Ma question porte sur la féminisation des effectifs de la gendarmerie. Le taux de féminisation est-il à la hausse ? Les effectifs féminins sont-ils répartis dans toutes les unités et, surtout, à tous les niveaux de commandement ?
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. - Mon général, en tant qu'ancien maire de Cahors, je voudrais revenir sur l'implantation dans ma commune, annoncée en son temps par Gérald Darmanin, d'une antenne de l'inspection générale de la gendarmerie nationale. On a le sentiment qu'il n'y a pas de réelle envie d'avancer sur ce dossier. Si vous avez des éléments à communiquer à cet égard, je suis preneur.
Par ailleurs, et sans vous manquer de respect, je ne peux pas vous suivre lorsque vous indiquez que ce serait aux élus de décider s'ils veulent une brigade. Je rappelle qu'il s'agit d'une compétence régalienne. Les communes ont déjà beaucoup à faire, et toutes n'ont pas les mêmes capacités financières. Surtout, je trouve que c'est une logique dangereuse : imaginez que l'on demande aux communes de mettre la main à la poche chaque fois que l'État veut implanter un service public, par exemple un hôpital, sur le territoire concerné...
M. Pascal Allizard, président. - Sénateur du Calvados, je peux constater combien la mise en concurrence de deux communes pour la construction d'une brigade nouvelle est source de tensions à l'échelle locale, à quelques mois des élections municipales. Et, dans le cas d'une compétence régalienne, il y a effectivement de quoi s'interroger.
Général Hubert Bonneau. - Certes, monsieur le président. Mais il est difficile d'exercer une compétence régalienne sans budget. En l'occurrence, je ne peux tout simplement pas acheter de terrains.
Monsieur le sénateur Cazabonne, je souhaite rappeler quelques chiffres sur le trafic de stupéfiants. L'année dernière, 1 209 opérations sur 650 points de deal identifiés en gendarmerie ont été menées, et il y a eu 8 300 mises en cause pour trafic de stupéfiants. Nous avons saisi près de 600 millions d'euros d'actifs sur les enquêtes liées aux stupéfiants. Nous avons un dispositif de ciblage des trafiquants, mais un effort est également fait sur les consommateurs. Idem pour le dépistage d'alcoolémie : comme nous ne pouvons pas être en permanence en contrôle d'alcoolémie, nos gendarmes font des actions ciblées sur le terrain, par exemple autour des discothèques ou des points de consommation habituels.
Nous sommes également vigilants sur les rave-parties, qui sont un sujet majeur de perturbations à l'échelon local. Pour un maire, il est compliqué de recevoir une rave-party sur son territoire ; ça l'est aussi pour les agriculteurs. Je rends un hommage tout particulier à mes gendarmes. Ce sont eux qui doivent absorber la foule et traiter nos concitoyens mécontents. Ils effectuent un travail remarquable. Quand des centaines de personnes arrivent, il ne s'agit pas de bloquer la circulation. Et même lorsque nous le faisons, les gens abandonnent leur véhicule sur la voie publique et viennent à pied. Nous travaillons avec l'autorité administrative pour des saisies préalables. Nous avons en outre un dialogue et un suivi permanents avec l'autorité judiciaire pour relever toutes les infractions et effectuer les saisies de matériel, ce que nous pouvons souvent faire en fin de rave-party, quand le rapport de force s'est inversé.
Monsieur le sénateur Gontard, les violences intrafamiliales (VIF) demeurent un sujet de préoccupation pour les gendarmes. Il y a d'abord une problématique de prévention. En 2024, rien qu'en milieu scolaire, nous avons sensibilisé 450 000 personnes autour des violences intrafamiliales et des violences sexuelles et sexistes. Les ISG sont un outil essentiel, qui permet de créer le lien avec les associations. En outre, 21 500 gendarmes ont suivi la formation initiale concernant les VIF. Nous avons formé 820 experts à l'échelon national. Il faut absolument maintenir les ISG.
Monsieur le sénateur Mellouli, je n'ai aucune difficulté à propos des OPJ. Nous avons 35 000 OPJ en gendarmerie. Il va d'ailleurs falloir que j'en limite le nombre, parce que chaque OPJ en gendarmerie a droit à une prime, et l'enveloppe dédiée à cette prime n'est pas extensible ! En gendarmerie, l'OPJ est consubstantiel de l'avancement : pour être gradé en gendarmerie départementale, il faut être OPJ. Le taux d'encadrement OPJ est parfois très important. Et nous avons des écoles de formation continue en la matière. Par exemple, nous formons chaque année 200 spécialistes capables de travailler sur les circuits financiers et la cryptomonnaie.
Que ce soit dans nos brigades ou sections de recherche ou au sein de l'UNPJ, nous n'avons aucune difficulté quant au traitement des procédures. Nous avons essayé d'être plus performants, notamment face aux retards de procédure. Aujourd'hui, grâce aux dispositifs volontaristes que nous avons mis en place, les procédures sont traitées non plus par un gendarme, mais par un groupe de gendarmes. Le traitement de la procédure est accéléré pour que nos concitoyens aient une réponse la plus rapide de la part de la justice.
Madame la sénatrice Jourda, en gendarmerie, le taux de féminisation est de 22,9 % pour les militaires. Pour l'ensemble des personnels - car nous avons, je le rappelle, 5 000 camarades qui sont des personnels civils et font un travail remarquable -, ce taux est de 24,6 %. Pour les officiers supérieurs de gendarmerie, il est de 12 %. Chaque année, nous essayons de faire en sorte que des officiers féminins puissent accéder au généralat.
Ce qui nous manquait jusqu'à présent, c'était la ressource. En effet, les camarades féminines venaient essentiellement des grandes écoles militaires. Or nous avons ouvert le concours universitaire en gendarmerie voilà une vingtaine d'années. Aujourd'hui, nous allons commencer à avoir une véritable ressource de colonels féminins pour l'accès au généralat. Au sein des promotions d'élèves officiers qui entrent chaque année à l'académie militaire de la gendarmerie à Melun, le taux d'intégration des femmes est tout à fait remarquable, au-delà de 40 %. Cette année, pour la première fois, nous avons nommé la première femme quatre étoiles à la tête d'une zone de gendarmerie, en l'occurrence la générale Florence Guillaume, qui commande 20 000 hommes dans le Grand Est.
M. Pascal Allizard, président. - Mon général, nous vous remercions pour vos réponses claires et précises.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mercredi 1er octobre 2025
- Chef d'escadron Benoit Marichez-Dauriac, commandant de la gendarmerie de Wallis et Futuna
Mercredi 22 octobre 2025
- M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances et le Colonel Ronan Lelong, chef du bureau de la synthèse budgétaire de la Gendarmerie nationale
Mardi 28 octobre 2025
- Général de division Loïc Baras, commandant de la gendarmerie de Guyane
Mardi 4 novembre 2025
- Général de corps d'armée Pierre Poty, commandant de la gendarmerie d'outre-mer, Général de brigade Étienne Martinez, officier adjoint commandement du commandement de la gendarmerie d'outre-mer et lieutenant-colonel Marc Lesquir, adjoint au chef du bureau de la synthèse budgétaire
- Général Christophe Perret, commandant de la gendarmerie de Guadeloupe et Général de brigade Yvan Carbonnelle, commandant de la gendarmerie de Martinique
Mercredi 5 novembre 2025
- Général de brigade Lucien Barth, commandant de la gendarmerie de Mayotte
Vendredi 7 novembre 2025 :
- Général de brigade François Haouchine, commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie
Mercredi 12 novembre 2025 :
- Conseil de la Fonction Militaire de la Gendarmerie (CFMG)
* 1 Immobilier de la gendarmerie nationale : mettre fin au désordre bâtimentaire, rapport déposé par le sénateur Bruno Belin au nom de la commission des finances le 10 juillet 2024.
* 2 Loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, qui définit une trajectoire budgétaire pour les forces de sécurité intérieures entre 2023 et 2027.
* 3 Les véhicules sont remplacés après 8 ans ou 200 000 km parcourus. On considère donc qu'il faut remplacer un huitième du parc, soit 3 750 véhicules, tous les ans pour le maintenir à niveau.
* 4 Cannibaliser un équipement ou un appareil consiste à l'utiliser comme réserve de pièces détachées afin de réparer d'autres équipements ou appareils.
* 5 Le fait a été abondamment documenté dans le rapport de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier (rapport n° 588 (2023-2024) déposé le 7 mai 2024 par MM. Jérôme Durain président, et Étienne Blanc, rapporteur).
* 6 Réponse du CGOM au questionnaire transmis par les rapporteurs.
* 7 Réponse du CGOM au questionnaire adressé par les rapporteurs.
* 8 Les données présentées dans cet encadré sont issues des questionnaires envoyés au CGOM ainsi qu'aux différents COMGEND en préparation des auditions. Les COMGEND de La Réunion, de Polynésie française et de Saint-Pierre et Miquelon n'ont pas été auditionnés.
* 9 L'écart entre ces deux chiffres correspond à un reste à payer de 19 M€ au titre de 2024, non couvert par la loi de règlement.
* 10 Réponse du CGOM au questionnaire adressé par les rapporteurs.









