- L'ESSENTIEL
- I. L'ADMINISTRATION CONSULAIRE POURSUIT SA
MODERNISATION
- II. BOURSES, AESH : UN SYSTÈME
DIFFICILE À SUIVRE ET À PILOTER
- III. DES AIDES SOCIALES STABILISÉES
- IV. LA CAISSE DES FRANÇAIS DE
L'ÉTRANGER À UN TOURNANT DÉCISIF
- I. L'ADMINISTRATION CONSULAIRE POURSUIT SA
MODERNISATION
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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N° 141 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense |
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TOME III ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT Français à l'étranger et affaires consulaires (Programme 151) |
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Par MM. Ronan LE GLEUT et Guillaume GONTARD, Sénateurs |
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(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mme Valérie Boyer, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Avec une baisse de 1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025, les crédits du programme 151 sont relativement épargnés par le reflux du budget de la mission « Action extérieure de l'Etat ». Dans ce total, l'effort est maintenu sur les projets de modernisation (état-civil électronique, renouvellement des passeports sans comparution notamment), alors que l'enveloppe des bourses scolaires pour les élèves du réseau AEFE est en reflux.
I. L'ADMINISTRATION CONSULAIRE POURSUIT SA MODERNISATION
Un récent rapport de nos collègues Nadège Havet et Gilbert-Luc Devinaz a souligné le rôle précurseur de l'administration des Français de l'étranger dans la dématérialisation de nos services publics au bénéfice de l'usager1(*). Vos rapporteurs ont eu l'occasion, dans leurs avis budgétaires précédents, de se féliciter de la mise en oeuvre de ces projets qui semble se dérouler dans de bonnes conditions, à la satisfaction des usagers et des agents concernés. Malgré le contexte budgétaire, les crédits dédiés aux différents chantiers de modernisation sont en augmentation de 2,9 M€, pour atteindre 16,2 M€ : vos rapporteurs s'en félicitent, car cette dépense est en réalité un investissement dans un service à la fois meilleur et plus économique. Il conviendra néanmoins que les Français s'approprient pleinement ce service et qu'il ne se substitue pas à la présence physique assurée par le réseau consulaire.
A. FRANCE CONSULAIRE : UNE PLATEFORME PLEINEMENT OPÉRATIONNELLE EN 2026
D'abord, le service France Consulaire, une plateforme téléphonique destinée à décharger les consulats de la réponse aux demandes les plus simples formulées par les Français de l'étranger, achèvera son déploiement à la fin de l'année 2025. A la fin octobre, 166 pays, représentant près de 79% des Français inscrits au registre des Français établis hors de France, sont couverts par le réseau. Le déploiement s'achèvera à la fin de l'année, avec l'intégration du continent américain et de l'Océanie. Pour couvrir l'ensemble des fuseaux horaires, l'ouverture du service sera étendue de 7 heures à 22 heures. La plateforme reçoit désormais environ 2 300 appels par jour.
Compte tenu de l'achèvement du déploiement en 2025, les crédits alloués à France Consulaire sont en baisse de 900 000 euros dans le PLF pour 2026.
Comme vos rapporteurs l'avaient noté dans leurs avis précédents, où le fonctionnement de la plateforme était décrit en détail, le bilan du service est à ce stade très satisfaisant : le gestionnaire du programme fait état d'un taux de satisfaction de 89% sur la qualité de la réponse, 94% sur la qualité de l'accueil et 90% sur le délai d'attente. Quant aux postes diplomatiques et consulaires, ils se voient déchargés de 90% du volume d'appels, ce qui leur permet de mieux se concentrer sur leurs missions.
B. RECE, DÉMATÉRIALISATION DES DÉMARCHES, VOTE PAR INTERNET : DES BUDGETS EN AUGMENTATION
1. L'achèvement du registre d'état-civil électronique
Le chantier qui illustre le mieux l'effort de modernisation de l'administration est le registre d'état-civil électronique (RECE) des Français nés à l'étranger ou ayant eu un événement d'état civil à l'étranger, dont la mise en place a commencé en 2019. Ce projet de longue haleine devrait trouver son aboutissement en 2026.
L'un des principaux apports du RECE est, pour les Français résidant à l'étranger, une réduction significative des délais : selon le gestionnaire du programme, la transmission d'un acte d'état-civil réclame 3,4 jours de traitement avec le RECE en moyenne début 2024 contre 15 à 30 jours en moyenne pour l'envoi par courrier selon les pays. Comme vos rapporteurs l'avaient indiqué dans leur rapport sur le PLF pour 2025, le gain est aussi budgétaire : 1,3 million par an en frais d'envoi et en ETP.
L'année 2026 devrait voir l'achèvement du projet, avec :
· la dématérialisation complète des documents d'état civil consignés dans les registres ;
· la refonte des applications de gestion de l'état civil, aujourd'hui obsolètes ;
· l'ouverture d'une téléprocédure de demande de transcription d'acte d'état civil en ligne, sans déplacement dans un consulat (ouverture fin 2026).
Pour cette dernière étape, les crédits prévus s'élèvent à 3,8 M€, soit une hausse de 500 000 euros.
2. La poursuite de la dématérialisation des démarches
Dans le même registre, 1,3 M€ supplémentaires sont alloués à plusieurs projets de dématérialisation, dont :
· l'expérimentation du renouvellement dématérialisé des demandes de passeport, très attendu des Français de l'étranger car ce renouvellement pouvait les contraindre à de longs trajets vers leur consulat, qui reprendra à la fin 2025,
· l'application REGISTRE pour faciliter l'inscription au registre des Français à l'étranger,
· la refonte de la procuration en ligne.
Ces services devraient faciliter grandement la vie de nos compatriotes à l'étranger, en leur évitant des déplacements qui, dans leur cas, sont souvent de longue distance.
3. Vote par internet : une procédure qui arrive à maturité, bien acceptée de nos concitoyens
L'essentiel de l'augmentation des crédits alloués aux projets de modernisation, soit 2 M€, va à la préparation du vote par internet pour l'élection consulaire de mai 2026 accompagnée du développement d'une nouvelle solution de vote intégrant l'identité numérique certifiée. Expérimenté en 2003, utilisé une première fois dans l'ensemble du réseau à l'occasion des élections de l'Assemblée des Français de l'étranger en 2006, le vote par internet a été utilisé à huit reprises depuis 2012. Il s'installe progressivement dans les moeurs ; 85 % des votants y ont eu recours lors de la dernière élection, la législative partielle dans la cinquième circonscription des Français de l'étranger, les 28 septembre et 12 octobre derniers.
Organisation des élections : un transfert non effectué
L'organisation des élections à l'étranger est assumée conjointement par le ministère de l'intérieur et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, selon une clé de répartition imputant 75% à 85% des coûts au ministère de l'intérieur. Cela inclut l'envoi du matériel électoral dans les bureaux de vote et l'envoi de la propagande électorale destinée aux électeurs, les permanences électorales, certains frais de fonctionnement des bureaux de vote ainsi qu'une partie du coût du vote par internet.
A ce titre, 4,23 M€ devaient donc être reversés par ce dernier au MEAE au titre des élections législatives anticipées de 2024. Or ce transfert n'a pas été effectué, ce qui a contraint la DFAE à procéder à un dégel partiel de la réserve de précaution pour rétablir l'équilibre du programme.
Dans le cadre de la même procédure, le ministère de l'intérieur doit verser 900 000 euros au MEAE au titre de la quote-part due pour l'organisation de l'élection législative partielle des 28 septembre et 12 octobre dans la 5e circonscription des Français établis hors de France. Les rapporteurs espèrent vivement que ce transfert sera effectué dans les conditions prévues.
La nouvelle solution de vote en cours de développement permettra aux électeurs qui le souhaitent de s'authentifier sur le portail de vote grâce à l'identité numérique souveraine certifiée « France Identité », au lieu du mode actuel de double authentification qui restera disponible.
II. BOURSES, AESH : UN SYSTÈME DIFFICILE À SUIVRE ET À PILOTER
A. LA BAISSE DE L'ENVELOPPE DES BOURSES SCOLAIRES SUIT LA BAISSE DU NOMBRE DE BOURSIERS
Les bourses scolaires allouées aux élèves du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger concentrent l'essentiel des baisses de ce programme, à -4,9 M€ pour s'établir à 104,5 M€2(*).
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2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
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Dotation en LFI (en M€)3(*) |
105,31 |
104,75 |
95,52 |
105,75 |
120,5 |
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Dotation effectivement allouée à l'AEFE (après gel, mise en réserve...) (en M€) |
140,8 |
80,5 |
83,8 |
105,75 |
107,61 |
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Enveloppe effectivement distribuée (en M€) |
89,24(*) |
102,6 |
114,3 |
110 |
105,6 |
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Nombre de bénéficiaires |
24 786 |
24 864 |
24 810 |
23 790 |
22 074 |
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Montant moyen de la bourse allouée5(*) |
4 382 |
4 700 |
4 465 |
5 706 |
6 000 |
Source : DFAE
C'est donc une diminution marquée, qui est toutefois difficile à replacer dans une évolution plus générale en raison des différences entre les montants votés en LFI et les montants effectivement distribués, illustrée par le tableau ci-dessus : annulations de crédits, gels voire surgels, décalages calendaires entre le rythme Nord (à cheval sur deux exercices) et le rythme Sud, application d'une contribution progressive de solidarité pour faire entrer les montants distribués dans l'enveloppe allouée.
Quoi qu'il en soit, cette baisse marquée accompagne une baisse concurrente du nombre de boursiers dans le réseau AEFE, alors même que le nombre total d'élèves est en augmentation régulière, et que le nombre d'élèves français reste à peu près constant depuis cinq ans.
Source : CAEDFA, d'après les données fournies par la DFAE
Vos rapporteurs se sont interrogés sur cette baisse tendancielle et marquée depuis 2020/2021, phénomène concomitant à une hausse continue des frais de scolarité - donc du coût par boursier. À ce stade il existe des pistes de réponses, mais celles-ci restent de l'ordre de l'hypothèse :
· on constate une diminution importante dans certains postes en raison de vérifications plus approfondies de la situation des familles, y compris en procédant à des visites à domicile ;
· certaines familles qui ne bénéficient pas d'une quotité de 100% ont pu sortir du dispositif au regard du coût croissant, en termes absolus, de la scolarité - à titre d'illustration, le montant moyen accordé par bénéficiaire (qui est corrélé au coût de la scolarité) dépasse les 10 000 euros en Chine, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Iran, à Taiwan, aux Philippines, à Singapour et en Turquie). C'est particulièrement marqué dans les pays où le montant des bourses est plafonné et ne suit pas l'évolution réelle des droits, comme aux Etats-Unis ;
· l'Assemblée des Français de l'étranger pointe la lourdeur de la procédure, la nécessité de refaire la demande chaque année et les défaillances de l'application utilisée pour les demandes de bourses (voir infra).
· enfin, la concurrence croissante des dispositifs locaux ou d'autres systèmes internationaux peut jouer un rôle ; à cet égard l'Assemblée des Français de l'étranger manifeste un certain pessimisme, on peut en effet estimer que la « fuite » hors du système français peut avoir un effet cumulatif.
En résumé, si la baisse de l'enveloppe des bourses soulage le budget général, ce n'est pas une bonne nouvelle pour le rayonnement de la France à l'étranger. Les causes du phénomène de baisse du nombre de boursiers restent à expertiser plus complètement. Il a été indiqué à vos rapporteurs que des remontées consolidées seraient demandées aux conseils consulaires en formation bourse, dont les résultats seraient synthétisés en fin d'année. Parmi les pistes de réforme envisagées figure notamment la révision des seuils d'exclusion en matière de patrimoine immobilier, dont l'Assemblée des Français de l'étranger estime qu'ils sont trop bas dans les pays où le coût de l'immobilier est particulièrement élevé, ou encore les indices de parité de pouvoir d'achat.
Vos rapporteurs seront particulièrement attentifs aux résultats de ce travail car la puissance publique ne peut se contenter d'accompagner la baisse du nombre de boursiers : cet indicateur qui reflète à la fois l'effort national en faveur de nos compatriotes les moins aisés et le rayonnement de l'enseignement français à l'étranger doit faire l'objet d'un vrai pilotage par l'autorité publique. Le gestionnaire du programme a indiqué à vos rapporteurs que le montant de l'enveloppe pourrait être revu à la hausse en 2027, afin de tenir compte de l'inflation des droits de scolarité ; on peut s'en féliciter, mais c'est là une mesure essentiellement réactive.
De l'application Scola à Scolaide : des difficultés persistantes de gestion et de suivi
L'application Scola utilisée pour le dépôt des demandes de bourses était critiquée par les familles en raison de ses complexités et de sa lourdeur ; son utilisation était également malaisée pour les agents, en raison de durées élevées de téléchargement. Elle a été remplacée par Scolaide, testée en novembre et décembre 2024 dans neuf postes, puis lancée officiellement le 16 janvier 2025. Or les premiers retours sont pour le moins contrastés : la directrice de l'AEFE a reconnu un lancement difficile et une performance médiocre du prestataire. Les ratés semblent en effet s'être accumulés, conduisant même certaines familles à revenir au dossier papier et contraignant la commission nationale des bourses à reporter sa réunion de deux semaines. Ces ratés sont d'autant plus dommageables que Scolaide devait mettre fin aux difficultés rencontrées avec Scola mais aussi faciliter les extractions de données, donc le suivi de l'évolution des bourses. L'exécution 2026 dira donc si ces difficultés relèvent des problèmes qui accompagnent ordinairement le lancement d'une nouvelle application ou d'un dysfonctionnement plus profond.
B. AESH : UNE REVALORISATION BIENVENUE, MAIS DES PARENTS PEU ACCOMPAGNÉS
Si le montant global des bourses accordées dans le réseau AEFE est en baisse, l'enveloppe réservée à l'accompagnement des enfants en situation de handicap (AESH) est revalorisée de 2 à 2,5 M€.
La mise en place de l'aide AESH dans le réseau AEFE, sans condition de ressources et pour les élèves français ayant un taux d'incapacité supérieur à 50%, remonte à la rentrée 2021. A mesure que la connaissance du dispositif se diffusait dans le réseau, les besoins sont allés croissant, et l'enveloppe a suivi avec des ajustements en gestion. Ainsi l'enveloppe attribuée en loi de finances initiales pour 2024 était de 1,5 M€ soit 1,42 M€ de crédits disponibles après application de la réserve de précaution (5,5%) ; elle a été portée à 2,41 M€ en gestion. Le même montant a été alloué en 2025, pour 2 millions en LFI (1,89 millions après application de la réserve de précaution). Tenant compte de ces besoins, l'enveloppe a été rehaussée à 2,5 M€ dans le PLF pour 2026. Il est impératif que ces crédits soient entièrement distribués : il n'est pas sûr que l'enveloppe votée soit à la hauteur de l'augmentation des demandes. Là encore il serait préférable d'anticiper la montée en volume des demandes dans le budget initial, les ajustements en gestion se faisant par ponction sur l'enveloppe des bourses.
De plus, la mise en oeuvre de l'aide semble poser quelques difficultés. Les parents doivent trouver un accompagnant et avancer les sommes, qui leur sont ensuite reversées par l'administration, parfois avec un décalage de 10 à 12 mois. Ils se heurtent également à des difficultés réglementaires, car dans certains pays une personne travaillant dans un établissement d'enseignement ne peut avoir un employeur extérieur. Enfin le taux minimal d'incapacité de 50% donnant droit à l'aide financière engendre d'inévitables effets de seuil.
C. PELF : UN ENTERREMENT SANS FLEURS NI COURONNES
Le Pass Enfants langue française, lancée en 2024 dans 14 pays et destinée à amener vers le français les enfants de Français à l'étranger qui ne le parlaient pas, consistait à proposer 20 heures de cours de français en ligne gratuits aux enfants de 6 à 11 ans, dispensés par les Instituts français et Alliances françaises. Doté de 1 million d'euros, le dispositif n'avait pas été financé dans la loi de finances pour 2025, dans l'attente de l'évaluation de l'expérimentation.
Le PELF n'est pas réapparu dans le projet de loi de finances pour 2026. Interrogée à ce sujet, la DFAE a expliqué que l'expérimentation « a mis en évidence plusieurs limites en termes de niveau de langue (le PELF a été conçu comme un produit d'appel mais ne peut permettre à lui seul d'amener les enfants à un niveau suffisant), de satisfaction des parents (seuls 60% des parents s'estiment satisfaits) et de disponibilité des familles à prendre en charge une poursuite des cours à leurs frais (seuls 28% des parents s'y disent disposés). »6(*) En indiquant que « des actions pourront être engagées au niveau local, pour accompagner des parents souhaitant poursuivre l'apprentissage du français par leurs enfants selon un autre dispositif, notamment celui d'une association FLAM7(*), ou pour mener des opérations de promotion du français dans des pays cibles », l'État acte donc son désengagement du projet, ce que l'on ne peut que regretter.
III. DES AIDES SOCIALES STABILISÉES
Vos rapporteurs s'étaient inquiétés, dans leur avis sur les crédits du programme 151 dans le PLF pour 2025, de la baisse marquée touchant l'ensemble des aides bénéficiant aux Français à l'étranger, survenant dans un contexte socio-économique déjà dégradé dans de nombreuses parties du monde. Cette année, le montant global de ces aides se stabilise, certaines aides spécifiques étant même en augmentation.
A. AFFAIRES SOCIALES : DES AIDES GLOBALEMENT PRÉSERVÉES
1. Les aides sociales directes se stabilisent après les coupes de 2025...
Après une baisse de 1 million d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025, le montant des aides sociales directes versées aux Français de l'étranger se stabilise à 15,2 M€ cette année. Mais en réalité, c'est un montant de 14,4 millions qui a été notifié aux postes en mars 2025, après application de la réserve de précaution. En répercussion de cette baisse, la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger (CPPSFE), qui émet au niveau national un avis sur les demandes d'aides sociales remontées par les conseils consulaires, a décidé une baisse de 5,5% du taux de base - c'est-à-dire du plafond de ressources au-delà duquel nos concitoyens ne sont plus éligibles à l'aide - dans l'ensemble des pays.
Pour rappel, les Français établis hors de France ne sont normalement pas éligibles aux aides sociales. Cette enveloppe leur est accordée par l'État - et versée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères - en quelque sorte à titre gracieux, l'article L121-10-1 du code de l'action sociale et des familles8(*) n'imposant aucune obligation à cet égard.
Dès lors, et inévitablement, la CPPSFE doit prendre en compte une logique budgétaire, qui consiste à faire entrer artificiellement le volume des demandes dans l'enveloppe allouée - même si les conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger et des représentants des associations des Français de l'étranger siègent dans cette instance. En ce sens, le mécanisme est assez analogue à celui des bourses. Il serait donc souhaitable que ce type de dépenses soit préservé des coupes telles que la baisse de 5,5% du taux de base, car il bénéficie aux plus vulnérables de nos concitoyens, envers lesquels notre solidarité ne devrait pas être tributaire des aléas budgétaires.
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Aide attribuée en 2024 et nb de bénéficiaires |
Aide consommée en 2024 |
Aide attribuée en 2025 et nb de bénéficiaires |
Variation 2025/2024 (sur l'aide attribuée) |
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Aides sociales versées aux Français de l'étranger par les CCPAS |
15,4 M€ 4246 allocataires |
14,9 M€ |
14,4 M€* 4 205 allocataires |
-1 M€ -6,50% |
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Soutien au tissu associatif des Français de l'étranger (STAFE) |
1,7 M€ 226 associations |
1,6 M€ 226 associations |
1,4 M€ 227 associations |
-293 640 € -17,60% |
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Subventions aux organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES) |
1 163 150 € 91 associations |
1 180 661 € 91associations |
1 146 411 € 86 associations |
-16 739 € -1,40% |
Source : DFAE
2. ... tout comme les crédits STAFE et OLES
Après une baisse de près de 300 000 euros l'an dernier, le dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l'étranger (STAFE), qui, depuis 2018 se substitue à la réserve parlementaire, été lui aussi stabilisé dans le projet de loi de finances pour 2026, à 1,6 million d'euros. En réalité, 1,37 million ont été octroyés à 227 associations en 2025, en raison d'une sous-consommation répétée des crédits. Face aux critiques sur le processus d'examen des demandes, jugé trop rigide et centralisé, une nouvelle procédure, plus rigoureuse et cadrée, a été mise en place : le respect des critères d'éligibilité reste du ressort du ministère, tandis que les conseils consulaires des postes statueront sur la pertinence des projets, classés par ordre de priorité. Vos rapporteurs saluent cette initiative qui relève d'une volonté de rendre plus pertinente la dépense publique et devrait permettre aux associations de mieux s'approprier le dispositif.
Enfin, l'enveloppe allouée aux organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES) a été portée de 1,2 M€ à 1,4 M€, retrouvant ainsi son niveau de 2024. Là encore nous nous félicitons que le rabot ne soit pas passé sur ces organismes dont l'objet est de répondre, selon les documents budgétaires, « à des situations qui, par leur urgence ou leur nature, ne peuvent trouver de solution dans le cadre des aides sociales directes ». Les fonds distribués ont bénéficié à 86 associations en 2025, contre 91 en 2024. L'augmentation de l'enveloppe laisse espérer une augmentation concomitante des bénéficiaires.
Fin d'une anomalie budgétaire : les rapatriements sanitaires depuis le Vanuatu
Depuis 2022, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères prend en charge les évacuations sanitaires, pour des raisons sanitaires ou d'indigence, depuis le Vanuatu vers la Nouvelle-Calédonie, ainsi que les frais de santé sur place. Rappelons en effet que le Vanuatu a été, jusqu'en 1980, un condominium franco-anglais, et qu'à ce titre il reste des citoyens français dans cet archipel.
Le fait que le MEAE doive assumer le coût de frais de santé constituait une véritable anomalie budgétaire. Le coût de ces hospitalisations - 200 par an - est d'environ 500 000 euros ; il sera désormais pris en charge par le ministère de la santé et des affaires sociales, au titre du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Le ministère conservera la prise en charge des billets aller et retour.
IV. LA CAISSE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER À UN TOURNANT DÉCISIF
La Caisse des Français de l'étranger, organisme de droit privé à mission de service public, assure à nos compatriotes établis hors de France une protection sociale équivalente à celle de la Sécu. Alors que la situation financière de la CFE s'était dégradée au fil des années, le concours de l'État au financement de la catégorie dite aidée bénéficiant d'un tarif d'adhésion préférentiel, très déficitaire, s'est amenuisé.
Vos rapporteurs, à l'initiative de Ronan Le Gleut et avec les rapporteurs du programme 105, ont fait adopter dans la loi de finances pour 2025 un amendement doublant ce concours pour le porter à 760 000 euros. En gestion, 718 000 euros seront donc versés après application de la réserve de précaution. Pour 2026, la subvention est reconduite à son niveau antérieur de 360 000, sous réserve d'ajustements en gestion.
La CFE se trouve aujourd'hui dans une situation difficile liée à trois facteurs principaux :
· le déficit, qui s'élève à 4,9 millions M€ environ (hors contribution de l'État), des contrats aidés réservés à nos compatriotes sous plafond de ressources,
· celui, qui s'élève à 12,5 M€ en 2025, des contrats dits « ex » souscrits avant la réforme de la CFE pour lesquels l'augmentation des tarifs est plafonnée,
· la baisse de la part des contrats collectifs souscrits par les entreprises, plus bénéficiaires que les contrats individuels.
Grâce à des mesures tarifaires et contractuelles, le résultat d'exploitation de la CFE est passé de -18,3M€ en 2024 à un prévisionnel de - 15,4M€ pour 2025 avant passage des provisions. L'une des principales mesures a consisté à supprimer le tiers payant hospitalier pour les contrats « ex », ce qui a engendré des économies substantielles. Mais l'avenir de la caisse est en doute à moyen terme.
Un récent rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF a formulé des préconisations pour résorber le déficit, notamment une réforme du plafond de ressources appliqué aux contrats aidés afin de prendre en compte le coût de la vie dans le pays de résidence. Les inspecteurs envisagent trois scénarios pour l'avenir de la CFE : une disparition pure et simple, une intégration au régime général et une transformation en mutuelle ou en assurance.
Il conviendra que ces choix soient portés devant la représentation nationale. Le précédent ministre chargé du Commerce extérieur et des Français de l'étranger, Laurent Saint-Martin, a évoqué un prochain projet de loi sur les Français à l'étranger qui porterait l'évolution de ce statut, ainsi qu'une possible réforme des contrats « ex ». Le contexte politique actuel n'incite cependant pas à l'optimisme.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, les rapporteurs recommandent à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme P151.
Le mercredi 3 décembre 2025, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » dans le projet de loi de finances pour 2026.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » - programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 151.
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis du programme « Français à l'étranger et affaires consulaires ». - Dans l'ensemble, le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » a été relativement préservé des ponctions qui touchent la mission « Action extérieure de l'État ». Il est vrai que les montants concernés sont assez modestes puisque les crédits s'élèvent dans ce projet de loi de finances (PLF) à 154 millions d'euros, soit une baisse de 1,5 million d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025.
L'essentiel des diminutions de crédits porte sur l'enveloppe des bourses scolaires destinées aux élèves du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), en baisse de 4,9 millions d'euros. Le gestionnaire du programme justifie cette décision par la baisse continue du nombre de boursiers : -10 % depuis 2022-2023.
Nous nous sommes donc intéressés aux raisons de cette baisse, qui sont multiples. Tout d'abord, on constate une diminution importante dans certains postes en raison de vérifications plus approfondies de la situation des familles, y compris en procédant à des visites à domicile. Ensuite, certaines familles ne bénéficiant pas d'une quotité de 100 % ont pu sortir du dispositif au regard du coût croissant, en termes absolus, de la scolarité, particulièrement marqué dans les pays où le montant des bourses est plafonné et ne suit pas l'évolution réelle des droits, comme aux États-Unis.
L'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) pointe la lourdeur de la procédure, la nécessité de refaire la demande chaque année et les défaillances du logiciel.
Enfin, la concurrence croissante des dispositifs locaux ou d'autres systèmes internationaux peut jouer un rôle ; à cet égard, l'AFE manifeste un certain pessimisme, et on peut en effet estimer que la « fuite » hors du système français peut avoir un effet cumulatif.
Nous devons malheureusement nous contenter d'hypothèses à ce stade, car les raisons de cette baisse n'ont pas encore fait l'objet d'une expertise consolidée. Un double travail a été engagé en ce sens, au niveau national par la commission nationale des bourses, et au niveau local par les postes consulaires, afin de mieux comprendre les déterminants locaux. L'une des pistes étudiées consiste à revoir certains seuils entrant dans le calcul, notamment le seuil relatif au patrimoine immobilier.
Ce travail est indispensable, car le suivi - et donc le pilotage - des bourses scolaires est rendu extrêmement difficile par plusieurs facteurs, dont l'application des divers gels et surgels, et le fait que le « rythme Nord » et le « rythme Sud » ne sont pas sur le même calendrier, ce qui rend plus compliquée la consolidation des données.
La directrice des Français à l'étranger et de l'administration consulaire nous a indiqué envisager, pour 2027, une hausse de l'enveloppe des bourses afin de tenir compte de l'augmentation des frais de scolarité. Nous nous en félicitons, mais une telle mesure témoigne de la nature essentiellement réactive de la gestion des bourses dans le réseau. C'est d'autant plus frustrant que le maintien des enfants des Français de l'étranger dans le giron de la francophonie est un enjeu qui touche au rayonnement de la France et qui devrait faire l'objet d'une politique proactive.
Il convient en revanche de saluer l'augmentation de l'enveloppe réservée aux accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) qui est portée de 2 millions d'euros à 2,5 millions d'euros pour tenir compte des demandes croissantes exprimées par les parents. Mais là encore, il s'agit d'une mesure réactive, puisque les besoins exprimés - qui ont fait l'objet d'un ajustement en gestion - s'élevaient à environ 2,4 millions d'euros en 2025. Pour rappel, depuis la rentrée 2021, les aides AESH sont attribuées sans condition de ressources.
J'aborde maintenant le volet plus positif de ce budget, qui est l'effort maintenu en faveur des chantiers de modernisation des services consulaires. C'est un domaine dans lequel l'administration des Français de l'étranger s'est montrée précurseure, avec plusieurs projets destinés à améliorer les services rendus tout en réduisant les coûts. Et, malgré le contexte budgétaire, les crédits dédiés à cette modernisation sont en augmentation de 2,9 millions d'euros.
L'essentiel de cette augmentation, soit 2 millions d'euros, va à la préparation du vote par internet pour l'élection consulaire de mai 2026 et le développement d'une nouvelle solution de vote intégrant l'identité numérique certifiée. Utilisé pour la première fois en 2006 à l'occasion des élections à l'AFE, puis à huit reprises depuis 2012 dans différentes élections, le vote par internet s'installe progressivement dans les moeurs ; 85 % des votants y ont eu recours lors de la dernière élection, à savoir la législative partielle de la cinquième circonscription des Français de l'étranger en septembre dernier.
La mise en place du registre d'état civil électronique (RECE), dont les crédits, en augmentation de 500 000 euros, sont portés à 3,8 millions d'euros, s'achèvera en 2026 : il sera désormais possible de créer, transcrire et modifier un acte d'état civil entièrement en ligne.
La plateforme France Consulaire de réponse aux demandes téléphoniques des Français à l'étranger achèvera elle aussi son déploiement dans les prochains mois. Désormais l'ensemble du monde sera couvert ; les retours depuis la mise en place de la plateforme sont très largement positifs, avec des taux de satisfaction supérieurs à 90 %.
Enfin, plusieurs projets de moindre ampleur, mais importants, comme l'application REGISTRE pour faciliter l'inscription au registre des Français à l'étranger, la poursuite de l'expérimentation du renouvellement de passeport sans comparution et la refonte de la procuration en ligne seront menés à bien, avec un budget en augmentation de 1,3 million d'euros.
J'insiste sur la pertinence de ces différents chantiers dont certains pourraient bénéficier, à terme, à l'ensemble de la population française.
Au vu de cet effort maintenu, et en dépit des difficultés exposées relatives au pilotage de l'enveloppe des bourses scolaires, je vous recommanderai de donner un avis favorable aux crédits de ce programme.
M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis du programme « Français à l'étranger et affaires consulaires ». - Monsieur le président, mes chers collègues, après une baisse de 1 million d'euros dans le PLF pour 2025, le montant des aides sociales directes versées aux Français de l'étranger se stabilise à 15,2 millions d'euros cette année. Mais en réalité, c'est un montant de 14,4 millions d'euros qui a été notifié aux postes en mars 2025 après application de la réserve de précaution, ce qui a entraîné une baisse de 5,5 % du plafond de ressources d'éligibilité.
Pour rappel, les Français établis hors de France ne sont pas éligibles aux aides sociales. Cette enveloppe leur est versée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) à titre gracieux, et il serait donc souhaitable que ces dépenses soient préservées, car elles bénéficient aux plus vulnérables de nos concitoyens, envers lesquels notre solidarité devrait s'exprimer sans être tributaire des aléas budgétaires.
Après une baisse de près de 300 000 euros, le dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l'étranger (Stafe), qui se substitue à la réserve parlementaire depuis 2018, a été lui aussi stabilisé dans le PLF pour 2026 à hauteur de 1,6 million d'euros. En réalité, 1,37 million d'euros ont été octroyés à 227 associations en 2025, en raison d'une sous-consommation répétée des crédits.
Face aux critiques sur le processus d'examen des demandes, jugé trop rigide et centralisé, une nouvelle procédure, mieux cadrée, a été mise en place : le respect des critères d'éligibilité reste du ressort du ministère, tandis que les conseils consulaires des postes statueront sur la pertinence des projets, classés par ordre de priorité. Nous nous félicitons de cette initiative qui rend la dépense publique plus pertinente.
Enfin, l'enveloppe allouée aux organismes locaux d'entraide et de solidarité (Oles) a été portée de 1,2 million d'euros à 1,4 million d'euros, retrouvant ainsi son niveau de 2024. Là encore, nous nous félicitons que le rabot ne soit pas passé sur ces organismes dont l'objet est de répondre, selon les documents budgétaires, « à des situations qui, par leur urgence ou leur nature, ne peuvent trouver de solution dans le cadre des aides sociales directes ».
Je relève également la fin d'une véritable anomalie budgétaire, à savoir la prise en charge par le programme 151, depuis 2022, des évacuations sanitaires depuis le Vanuatu vers la Nouvelle-Calédonie, ainsi que des frais de santé sur place pour des raisons sanitaires ou d'indigence. Le coût de ces hospitalisations - au nombre d'environ 200 par an - avoisine 500 000 euros pour la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE) et sera désormais pris en charge par le ministère de la santé et des affaires sociales, au titre du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
Je souhaite également vous appeler à la vigilance sur le déploiement du RECE : l'expérimentation court jusqu'en 2027, ce qui impose d'achever le déploiement en 2026. Or les coûts de développement augmentent en raison de la complexité technique et des exigences de sécurité, et le Gouvernement doit donc impérativement préserver les crédits supplémentaires nécessaires, car tout retard compromettrait le respect de l'échéance de 2027 et priverait nos concitoyens d'un outil déjà largement utilisé, et qui simplifie largement les procédures.
Concernant l'accompagnement des élèves en situation de handicap, le PLF pour 2026 prévoit 2,5 millions d'euros pour les AESH, soit une hausse de 500 000 euros. Cette augmentation est nécessaire, mais représente le strict minimum. L'historique récent est éloquent : en 2024, il a fallu redéployer en urgence près de 1 million d'euros depuis l'enveloppe des bourses scolaires pour porter la dotation à 2,41 millions d'euros et accompagner 474 élèves à besoins particuliers. En 2025, l'enveloppe allouée s'élevait à 2 millions d'euros ; l'administration avait notamment été contrainte de refuser des dossiers et d'ajouter des critères excluants en cours d'année : ces crédits devraient être sanctuarisés.
Enfin, je souhaite revenir de manière plus détaillée sur la situation de la Caisse des Français de l'étranger (CFE), organisme de droit privé à mission de service public, qui assure à nos compatriotes établis hors de France une protection sociale équivalente à celle de la sécurité sociale. Sa situation financière se dégrade gravement avec un déficit prévisionnel de 15,4 millions d'euros en 2025, celui-ci étant notamment lié au déficit des contrats aidés pour nos compatriotes sous plafond de ressources - environ 5 millions d'euros - ; au déficit des contrats « ex », pour lesquels l'augmentation des tarifs est plafonnée à 5 % ; et enfin à la baisse de la part des contrats collectifs souscrits par les entreprises.
L'an dernier, nous avions, à l'initiative de Ronan Le Gleut et avec les rapporteurs du programme 105, fait adopter un amendement pour doubler le concours de l'État à hauteur de 760 000 euros, amendement qui a été adopté en commission mixte paritaire (CMP). Pour 2026, la subvention est reconduite à hauteur de 360 000 euros, sous réserve d'ajustements en gestion.
La CFE a pris des mesures tarifaires et contractuelles pour améliorer le résultat d'exploitation, passé de -18,3 millions d'euros en 2024 à un prévisionnel de -15,4 millions d'euros avant passage des provisions, mais l'avenir de la Caisse est en jeu à moyen terme.
Un récent rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF) a formulé des préconisations pour résorber les pertes, notamment une réforme du plafond de ressources appliqué aux contrats aidés afin de prendre en compte le coût de la vie dans le pays de résidence. Les inspecteurs envisagent également trois scénarios pour l'avenir de la CFE : une disparition pure et simple ; une intégration au régime général ; une transformation de la Caisse en mutuelle ou en assurance.
Il conviendra que ces choix soient portés devant la représentation nationale. L'ancien ministre chargé du Commerce extérieur et des Français de l'étranger, Laurent Saint-Martin, avait évoqué une possible réforme des contrats « ex » dans un futur projet de loi sur les Français à l'étranger. Le contexte politique actuel n'incite cependant pas à l'optimisme.
Ces réflexions ne doivent pas servir de prétexte à l'inaction budgétaire : tant que la CFE existe et assure sa mission de service public, l'État doit contribuer à son équilibre financier à hauteur de ses responsabilités. Une subvention de 360 000 euros face à un déficit de plus de 15 millions d'euros est évidemment dérisoire, et nous demandons au Gouvernement de clarifier rapidement le statut et l'avenir de la CFE, ainsi que d'augmenter substantiellement sa contribution pour 2026. Les 15 000 adhérents de la catégorie des contrats aidés, à savoir nos compatriotes les plus modestes, ne peuvent être les victimes collatérales de l'indécision et de l'insuffisance budgétaire de l'État.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci pour cet excellent rapport. Les causes de l'hémorragie d'élèves boursiers vous ont-elles été présentées dans le cadre des auditions ? Leur nombre a diminué de 25 % en l'espace de cinq ans.
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - Comme je l'ai indiqué, nous avons cherché à identifier les raisons de cette baisse : on constate une diminution importante dans certains postes en raison de vérifications plus approfondies de la situation des familles, y compris en procédant à des visites à domicile. Ensuite, certaines familles qui ne bénéficient pas d'une quotité de 100 % ont pu sortir du dispositif au regard du coût croissant, en termes absolus, de la scolarité, particulièrement marqué dans les pays où le montant des bourses est plafonné et ne suit pas l'évolution réelle des droits, comme aux États-Unis.
Par ailleurs, l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) pointe la lourdeur de la procédure, la nécessité de refaire la demande chaque année et les défaillances du logiciel. Enfin, la concurrence croissante des dispositifs locaux ou d'autres systèmes internationaux peut jouer un rôle.
M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis. - Il manque en effet un bilan détaillé permettant d'expliquer cette baisse.
M. Olivier Cadic. - Une ligne présente il y a deux ans sur le programme 151 concernait le Pass éducation langue française, pour 1 million d'euros. Ce dispositif n'a pas été renouvelé l'an dernier et une évaluation de cette expérimentation avait été évoquée : avez-vous abordé ce sujet au cours de vos auditions ?
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - Il nous a été indiqué que l'expérimentation ne serait pas poursuivie.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Lundi 3 novembre (en visio) :
· Mme Pauline Carmona, directrice des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE) et Mme Samantha Bonbayl, cheffe de mission de gestion administrative et financière
Lundi 10 novembre (en visio) :
· M. Éric Pavy, directeur général de la Caisse des Français de l'étranger (CFE)
Vendredi 14 novembre (en visio) :
· Mme Hélène Degryse, présidente de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), M. Renaud Le Berre, président de la commission des finances, du budget et de la fiscalité et M. Ramzi Sfeir, membre de la commission des lois, des règlements et des affaires consulaires
· Mme Claudia Scherer-Effosse, directrice générale de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE), et Mme Vanessa Léglise, conseillère aux relations institutionnelles
* 1 Rapport de la mission d'information "L'accès aux services publics : renforcer et rénover le lien de confiance entre les administrations et les usagers" n° 895 (2024-2025), déposé le 16 septembre 2025 par M. Gilbert-Luc Devinaz (président) et Mme Nadège Havet (rapporteure).
* 2 Le montant alloué dans le PLF pour 2025 initialement présenté était de 111,5 M€ ; un amendement gouvernemental l'a porté à 109,5 M€ au regard de la sous-exécution constatée en 2024.
* 3 Dont bourses AESH (0,31 M€ à compter de 2020, 1,31 M€ à compter de 2022 puis 1,5 M€ depuis 2024).
* 4 Enveloppe constituée pour partie des crédits budgétaires précités, pour partie d'un prélèvement sur la réserve de crédits bourses non utilisés dans les comptes de l'AEFE et communément appelée « soulte »
* 5 Coût moyen défini par rapport au montant attribué, et non par rapport au montant effectivement distribué
* 6 Réponse au questionnaire adressé à la DFAE par les rapporteurs.
* 7 Le dispositif FLAM (français langue maternelle), géré par l'AEFE, consiste à soutenir les associations qui proposent des activités autour de la pratique du français en tant que langue maternelle aux enfants français non scolarisés dans notre langue.
* 8 « Les actions menées à l'égard des Français établis hors de France en difficulté, en particulier les personnes âgées ou handicapées, relèvent de la compétence de l'État.
Ces personnes peuvent bénéficier, sous conditions, de secours et aides prélevés sur les crédits d'assistance aux Français établis hors de France du ministère des affaires étrangères, et d'autres mesures appropriées tenant compte de la situation économique et sociale du pays de résidence. »
