B. UNE DIMINUTION DES CRÉDITS REGRETTABLE, ALORS QUE LES TERRITOIRES ULTRAMARINS SONT CONFRONTÉS À DES DIFFICULTÉS NE CESSANT DE S'AGGRAVER
1. Des difficultés économiques et sociales structurelles persistantes dans les outre-mer
Les territoires ultramarins sont marqués par des difficultés économiques et sociales persistantes. Comme régulièrement mis en lumière par les travaux du Sénat, les outre-mer restent ainsi confrontés à des retards structurels de développement et font notamment face à :
· un taux de chômage plus élevé que dans l'Hexagone, qui s'établissait, au deuxième trimestre 2025, à 17,1 % en Guyane et à 29 % à Mayotte, contre 7,3 % en métropole, et qui touche particulièrement les jeunes2(*) ;
· un niveau de vie moins élevé en outre-mer, le PIB par habitant s'établissant par exemple à 27 300 € en Guadeloupe ou encore à 19 300 € en Polynésie française, alors que la moyenne nationale est de 41 300 € (2023) ;
· un niveau de pauvreté élevé, avec 900 000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté en outre-mer - dont 77 % de la population mahoraise, soit cinq fois plus que la moyenne nationale ;
· des difficultés d'accès à l'eau potable, à Mayotte notamment, où plus de 30 % de la population n'a pas accès à l'eau courante dans son logement - un enjeu aggravé par le passage des cyclones Chido et Dikeledi en décembre 2024 et janvier 2025 ;
· un niveau des prix plus élevé dans les outre-mer, avec, pour les prix alimentaires, des écarts très importants par rapport à l'Hexagone (+ 42 % plus élevés en Guadeloupe en 20223(*) et + 39 % en Polynésie française), en raison notamment de la dépendance aux importations en matière alimentaire, chaque territoire ultramarin dépendant des importations à hauteur de 63 % à 98 % en 2022.
2. Des difficultés qui se sont aggravées au cours de l'année 2025, en raison de crises successives
Les difficultés observées dans les territoires ultramarins se sont amplifiées au cours de l'année 2025, en raison des crises qui ont touché les outre-mer :
· ainsi, en Nouvelle-Calédonie, les violentes émeutes de 2024, en réaction au projet de dégel du corps électoral spécial qui ont entraîné la mise en place de l'état d'urgence sur l'archipel pendant 12 jours, ont provoqué de nombreux dégâts matériels ainsi que la destruction de nombreux emplois dans le secteur privé. Elles ont conduit à une diminution de 13 % du PIB local, qui pèse encore aujourd'hui sur la population. La situation financière de la collectivité s'est en outre dégradée, puisque la baisse des recettes fiscales causée par la crise a contraint la collectivité à s'endetter fortement auprès de l'Agence française de développement (AFD) pour pallier le manque de financements, et ainsi éviter l'aggravation de la crise4(*). Au regard des besoins de reconstruction restant à financer, le rapporteur accueille favorablement la prolongation en 2026 du fonds de reconstruction pour la Nouvelle-Calédonie, créé par la LFI 2025. Toutefois, selon les informations transmises par la direction générale des outre-mer (DGOM), les CP prévus seraient « insuffisants par rapport aux besoins du territoire afin de couvrir les engagements de 2025 ».
· à Mayotte, les habitants subissent encore les conséquences de la crise de l'eau ayant éclaté en 2023, en raison d'une période de sécheresse exceptionnelle. Malgré des travaux d'urgence, les habitants du centre et du sud de l'île ont fait face à de nouvelles coupures d'eau au mois d'octobre 2025, qui ont pour certaines duré 96 heures consécutives. Ces difficultés préexistantes ont été aggravées par le passage du cyclone Chido le 14 décembre 2024, qui a provoqué des dégâts humains et matériels considérables5(*), ainsi que, dans une moindre mesure, par le passage du cyclone Dikeledi en janvier 2025. Le rapporteur se félicite à cet égard des mesures prises par le Gouvernement et plus particulièrement des crédits alloués au fonds de reconstruction de Mayotte (200 M€ en AE et 125 M€ en CP).
· en Polynésie française, en Guyane et dans les Antilles, de nombreuses défaillances d'entreprises ont été enregistrées entre juin 2024 et juin 20256(*), suivant une progression plus rapide que dans l'Hexagone. En outre, en Martinique, un an après les manifestations contre la vie chère, qui ont causé des dégâts estimés à plus de 100 M€, l'activité économique apparaît en recul depuis trois trimestres consécutifs. Le nombre de défaillances d'entreprise a ainsi augmenté de 8,8 % au deuxième trimestre 20257(*). Lors de la discussion au Sénat du projet de loi contre la vie chère, le 28 octobre dernier, de nombreuses réserves ont été exprimées sur la capacité de ce texte, faute de leviers financiers, à combler les attentes des populations ultramarines.
· à la Réunion, le passage du cyclone Garance le 28 février 2025 a également provoqué des dégâts importants, dont le coût a été évalué à 849 millions d'euros. Le rapporteur se satisfait là aussi de la création d'un fonds de reconstruction, doté de 30 M€ en CP pour l'année 2026, afin de couvrir les engagements pris en 2025.
Dans ce contexte, et alors que les collectivités ultramarines demeurent confrontées à des perturbations climatiques et des tensions économiques et sociales fortes, le rapporteur juge particulièrement regrettable la baisse des crédits alloués à la mission « Outre-mer », prévue par le PLF 2026.
* 2 À titre d'exemple, 30,1 % des 15-24 ans de la Réunion n'étaient ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET) en 2018, contre 12 % en moyenne en France, d'après l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
* 3 Insee Première, n° 1958, juillet 2023.
* 4 Son taux d'endettement propre atteint désormais 360 % des recettes réelles de fonctionnement.
* 5 Voir par exemple le rapport pour avis n° 275 (2024-2025) du 28 janvier 2025 d'Isabelle Florennes au nom de la commission des lois sur le projet de loi d'urgence pour Mayotte.
* 6 Selon l'Institut d'émission des outre-mer (IEOM), 2605 défaillances d'entreprises ont été enregistrées au total.