- L'ESSENTIEL
- I. LA MAÎTRISE DES EFFECTIFS ET DE LA MASSE
SALARIALE DE LA FONCTION PUBLIQUE : UN ENJEU BUDGÉTAIRE
INSUFFISAMMENT PRIS AU SÉRIEUX
- II. LA BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME
148 CONCERNE NOTAMMENT L'ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE ET
REFLÈTE ÉGALEMENT LE DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT DU
FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE DANS LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE
- A. LA FORMATION : RÉFORME DU CONCOURS
DES IRA, PROLONGATION DE L'EXPÉRIMENTATION DES CONCOURS «
TALENTS », ET MENACE SUR L'ÉQUILIBRE DU FINANCEMENT DE
L'APPRENTISSAGE PUBLIC LOCAL
- B. ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE :
UNE RÉPARTITION DES CRÉDITS À PRÉCISER, UNE ABSENCE
PERSISTANTE D'ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE DE LA
DÉPENSE
- A. LA FORMATION : RÉFORME DU CONCOURS
DES IRA, PROLONGATION DE L'EXPÉRIMENTATION DES CONCOURS «
TALENTS », ET MENACE SUR L'ÉQUILIBRE DU FINANCEMENT DE
L'APPRENTISSAGE PUBLIC LOCAL
- III. LA FONCTION PUBLIQUE D'UN GOUVERNEMENT
À L'AUTRE : QUEL SUIVI DES RÉFORMES ET QUEL CAP ?
- I. LA MAÎTRISE DES EFFECTIFS ET DE LA MASSE
SALARIALE DE LA FONCTION PUBLIQUE : UN ENJEU BUDGÉTAIRE
INSUFFISAMMENT PRIS AU SÉRIEUX
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
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N° 145 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) |
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TOME V FONCTION PUBLIQUE |
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Par Mme Catherine DI FOLCO, Sénateur |
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(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Marc-Philippe Daubresse, Mmes Laurence Harribey, Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, Lauriane Josende, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. Jean-Baptiste Blanc, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Thani Mohamed Soilihi, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Anne-Sophie Patru, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Les crédits du programme 148 « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques », qui financent le volet interministériel de la politique de formation, d'action sociale et de ressources humaines de l'État, connaissent une diminution de 10 % par rapport à 2025.
Si cette baisse traduit l'objectif du Gouvernement de réduction de déficit public, elle reflète également le désengagement de l'État du financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. À ce sujet, le rapporteur attire, cette année encore, l'attention sur les risques que le système de financement issu de la loi de finances initiale pour 2023 fait peser sur l'avenir de l'apprentissage public local. Afin de limiter la baisse du nombre de contrats finançables par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), le rapporteur a proposé de doter le programme « formation » de 15 millions d'euros supplémentaires.
La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique », sous réserve de l'amendement du rapporteur.
I. LA MAÎTRISE DES EFFECTIFS ET DE LA MASSE SALARIALE DE LA FONCTION PUBLIQUE : UN ENJEU BUDGÉTAIRE INSUFFISAMMENT PRIS AU SÉRIEUX
A. DES EFFECTIFS DE LA FONCTION PUBLIQUE EN FORTE AUGMENTATION MAIS UNE PROGRESSION CONTENUE DE LA MASSE SALARIALE
1. En 2023, les effectifs de la fonction publique ont poursuivi leur augmentation
Au 31 décembre 2023, la fonction publique comptait un peu plus de 5,8 millions d'agents, dont 44,3 % dans la fonction publique de l'État (FPE), 34,4 % dans la fonction publique territoriale (FPT) et 21,4 % dans la fonction publique hospitalière (FPH). Par rapport à fin 2022, les effectifs ont ainsi augmenté de 1,1 %.
Évolution des effectifs de la fonction publique de 2020 à 2023 (en millions)
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2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Évolution |
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|
Fonction publique de l'État |
2,53 |
2,52 |
2,55 |
2,57 |
+ 0,95 % |
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Fonction publique territoriale |
1,96 |
1,98 |
1,97 |
1,99 |
+ 1,49 % |
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Fonction publique hospitalière |
1,21 |
1,22 |
1,22 |
1,24 |
+ 1,92 % |
Source : commission des lois à partir des réponses au questionnaire budgétaire
La part des contractuels dans l'ensemble des agents publics continue sa croissance entamée en 2016, atteignant 23 % fin 2023, contre 22 % fin 2022. Le versant territorial est celui où le poids des contractuels est le plus élevé (26 % des agents1(*)).
2. Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit de nombreuses créations de postes
Le schéma d'emploi du PLF pour 2026 prévoit la création globale de 6 724 emplois en équivalents temps plein travaillé (ETP), en conséquence de la création de 8 459 emplois pour l'État et de la suppression de 1 735 postes pour les opérateurs de l'État. Les ministères régaliens seraient les premiers bénéficiaires de ces créations (+ 1 600 ETP pour la justice et + 1 550 pour l'intérieur). En outre, 5 400 postes seraient créés pour le ministère de l'éducation nationale. À l'inverse, sept ministères verraient leurs effectifs diminuer, dont en premier lieu le ministère de l'action et des comptes publics (- 565 ETP).
Le rapporteur ne peut que s'étonner de la trajectoire retenue pour 2026, au regard de la situation préoccupante des finances publiques et des engagements pris dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Compte tenu de l'objectif de création de postes affiché pour 2026, la perspective de compenser le schéma d'emplois prévisionnel cumulé des années 2023 à 20252(*) de manière à attendre l'objectif de stabilisation des emplois pour les années 2023-2027 semble hautement incertaine3(*). Il rappelle, du reste, que les lois de programmation sectorielle des ministères des armées, de la justice et de l'intérieur ont à elles seules un impact de + 33 193 ETP pour 2023-20274(*). Par ailleurs, la réforme de la formation initiale des enseignants se traduit par la création de 11 520 ETP sur la période 2026-2027.
B. EN L'ABSENCE DE NOUVELLES MESURES GÉNÉRALES ET CATÉGORIELLES, LA PROGRESSION DE LA MASSE SALARIALE DE L'ÉTAT RESTERAIT MODÉRÉE EN 2026
Dans le PLF pour 2026, la masse salariale de l'État hors pensions atteindrait 109, 47 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,30 % par rapport à 2025. Il s'agit de la deuxième plus faible augmentation à l'échelle des six dernières années (après l'augmentation de + 0,99 % entre 2024 et 2025).
Au total, depuis 2017, la progression totale de la masse salariale de l'État n'en demeurerait pas moins conséquente (+ 26,4 %).
1. Après les deux dernières augmentations de la valeur du point d'indice, le Gouvernement n'envisage pas de nouvelle mesure générale en 2026
En 2025 et 2026, le coût des mesures générales serait limité à respectivement 23 millions et 14 millions d'euros5(*). Ces chiffres contrastent avec ceux des années précédentes6(*), marquées par le déploiement de plusieurs mesures générales successives de revalorisation en soutien à l'ensemble des agents publics, d'une part, et de mesures ciblant les moyens et bas salaires, d'autre part.
Les mesures indiciaires générales mises en oeuvre depuis 2022
Face à la crise inflationniste née du conflit en Ukraine, le Gouvernement a mis en oeuvre, au 1er juillet 2022, une première revalorisation de 3,5 % du point d'indice7(*), dont le coût est évalué à 7,6 milliards d'euros en année pleine pour l'ensemble de la fonction publique, puis une deuxième revalorisation de 1,5 % à compter du 1er juillet 2023, pour un coût de 3,4 milliards d'euros en année pleine.
La valeur annuelle brute du point pour les agents des trois versants est ainsi passée de 56,23 euros à 59,07 euros, se traduisant par un gain mensuel brut par agent estimé, dans la fonction publique d'État :
- en 2022, à 107 euros pour les agents de la catégorie A, de 74 euros pour ceux de la catégorie B, et de 65 euros pour ceux de la catégorie C ;
- en 2023, de 47 euros pour les agents de catégorie A, de 32 euros pour ceux de la catégorie B et de 29 euros pour ceux de la catégorie C8(*).
De plus, au 1er janvier 2024, cinq points d'indice majoré supplémentaires ont été attribués à l'ensemble des agents publics. Chaque agent a ainsi bénéficié de 295 euros bruts par an, pour un coût total estimé à 2,1 milliards d'euros pour les trois versants.
Par ailleurs, au 1er juillet 2023, les grilles des agents de catégories B et C ont été revalorisées, avec l'attribution de 9 points (au plus) d'indice majoré différenciés supplémentaires - soit un gain mensuel brut pouvant atteindre 42 euros pour les agents de catégorie B et 39 euros pour les agents de catégorie C - pour un coût en année pleine de 437 millions d'euros.
Au regard du ralentissement de l'inflation depuis 2024 et des fortes contraintes budgétaires, le Gouvernement n'envisage pas de nouvelles mesures générales indiciaires en 2026.
2. Un coût des mesures indemnitaires en nette diminution
D'une manière comparable, le coût des mesures catégorielles prévu pour 2025 et 2026 est très inférieur à celui des années précédentes : après avoir atteint un pic de 3 705 millions d'euros en 2024, il devrait s'élever à 590 millions d'euros en 2025, et 321 millions d'euros en 2026. La progression attendue pour 2026 résulterait, pour 204 millions d'euros, d'extensions en année pleine de mesures initiées en 2025, et pour 117 millions d'euros, de mesures nouvelles.
La multiplication de mesures catégorielles intervenues en 2022, 2023 et 2024
Visant à compenser la perte de pouvoir d'achat pour les agents dont le traitement indiciaire a évolué moins vite que l'indice des prix à la consommation (hors tabac) au cours des quatre dernières années, la garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA)9(*) a été reconduite en 2022 et 2023, pour un coût total pour les trois versants de la fonction publique de 121 millions d'euros en 2022, et 311 millions d'euros en 202310(*). Elle n'a pas été reconduite en 2024 ni 2025, et le Gouvernement n'envisage pas non plus sa reconduction pour 2026.
Par ailleurs, le forfait mobilité durable a été rénové au 1er septembre 2022, tandis que le taux de prise en charge du titre de transport collectif domicile-travail a été relevé de 50 % à 75 % au 1er septembre 202311(*), pour un coût en année pleine de 129 millions d'euros.
Une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat a été en outre attribuée aux agents publics dont la rémunération se situait entre le SMIC et 3 250 € bruts par mois12(*). Elle a ainsi bénéficié à près de deux millions d'agents dans la FPE et la FPH, pour un coût d'un milliard d'euros dans ces deux versants13(*).
Enfin, le montant du « forfait télétravail » a été relevé à 2,88 euros par jour de télétravail14(*) au 1er janvier 2023, tandis que le barème de monétisation du compte épargne-temps (CET) a été revalorisé de 10 % à compter du 1er janvier 2024, pour un coût estimé pour la FPE et la FPH de 29 millions d'euros15(*). Les frais de mission ont eux aussi été revalorisés.
II. LA BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 148 CONCERNE NOTAMMENT L'ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE ET REFLÈTE ÉGALEMENT LE DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT DU FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE DANS LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE
Le programme 148 « Fonction publique »16(*) finance les actions interministérielles en matière de formation des fonctionnaires, d'action sociale et de gestion des ressources humaines. Piloté par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), il est mobilisé en complément des initiatives de chaque ministère. Aucun emploi n'y est inscrit17(*).
Le montant des autorisations d'engagement (AE) prévues par le PLF pour 2026 est en diminution de 14 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025, passant de 263,5 millions d'euros à 226,5 millions d'euros. Cette baisse est néanmoins modérée à l'échelle de la mission « Transformation et fonction publiques », dont les autorisations d'engagement pour 2026 diminuent de 45,8 % par rapport à 2025.
Les actions 1 (formation des fonctionnaires) et 2 (action sociale interministérielle) verraient leurs crédits baisser de respectivement 17,2 % et 15,7 %, tandis que ceux de l'action 3 (appui et innovation des ressources humaines) connaîtraient une légère augmentation (+ 3,5 %).
Dans l'ensemble, la ventilation des crédits du programme resterait stable par rapport à 2025 : l'action sociale demeure la première action en crédits (53,2 % des AE), suivie de la formation (35,3 % des AE), puis de l'appui aux ressources humaines (11,4 % des AE).
A. LA FORMATION : RÉFORME DU CONCOURS DES IRA, PROLONGATION DE L'EXPÉRIMENTATION DES CONCOURS « TALENTS », ET MENACE SUR L'ÉQUILIBRE DU FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE PUBLIC LOCAL
Les crédits de l'action 1 « Formation des fonctionnaires » s'élèveraient en 2026 à 77,1 millions d'euros en AE soit une diminution de 17,2 % par rapport à la LFI pour 2025. Cette nette baisse s'explique à titre principal par la disparition en 2026 de la contribution versée par l'État au financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale.
1. Les IRA : retour à une session unique de concours par an
En 201918(*), la réforme des instituts régionaux d'administration (IRA) s'est traduite par l'instauration d'un nouveau parcours de formation, organisé selon une période de six mois en institut et une période de six mois en administration (dont deux mois en tant qu'élève et quatre mois en tant que stagiaire dans le corps des attachés d'administration) d'une part, et la mise en place de deux promotions annuelles, d'autre part.
En 202419(*), la formation initiale des IRA a été à nouveau réformée. La durée de la scolarité en institut est allongée de six à huit mois, portant la durée globale de la formation initiale à quatorze mois. Un stage de six semaines au sein d'une administration est réintroduit durant la scolarité en institution. Enfin, la période de pré-affectation de deux mois est supprimée. Cette réforme a notamment pour conséquence le retour à une promotion annuelle20(*).
En outre, la fusion des cinq instituts régionaux d'administration en un opérateur de formation unique, annoncée par l'ancien ministre Laurent Marcangeli en mai 202521(*) devrait se traduire par la création, début 2026, d'un nouvel établissement public unique qui aura vocation à se substituer, au plus tard au 1er janvier 2027, aux cinq IRA22(*), dont l'existence en tant que sites de formation n'est toutefois pas remise en question.
Le rapporteur forme le voeu que ce projet de fusion contribue à renforcer la lisibilité du concours des IRA - laquelle a pu pâtir de la succession de réformes ces six dernières années - et in fine à renforcer l'attractivité de la filière administrative.
2. Les classes prépa et concours « Talents » : une expérimentation prolongée et élargie, un dispositif à mieux faire connaître
Créées en 2021 en remplacement des classes préparatoires intégrées (CPI), les classes préparatoires « Talents du service public », ou « prépas Talents », visent à promouvoir l'égalité des chances et à diversifier le recrutement de la haute fonction publique. Intégrées à des écoles de service public, à des universités, à des instituts d'études politiques, à des centres de préparation à l'administration générale (CPAG) ou encore à des instituts de préparation à l'administration générale (IPAG), ces prépas reçoivent une subvention de 6 500 euros par élève effectivement accueilli, pour un total de 12,2 millions d'euros en AE au PLF pour 2026.
Sélectionnés sous conditions de ressources et de mérite, sur la base d'un dossier puis d'un entretien, les étudiants reçoivent chacun une bourse de 4 000 euros ; le montant des subventions versées par la DGAFP à ce titre s'élève à 8,3 millions d'euros en AE.
Les concours « Talents » : une expérimentation prolongée in extremis grâce à une initiative parlementaire
Les étudiants des classes prépas « Talents » bénéficient d'un accompagnement renforcé pour préparer les concours de la fonction publique, et en particulier les six concours externes spéciaux dits « Talents » mis en place pour l'accès à cinq écoles de service public formant des cadres d'emplois de catégorie A + dans les trois versants de la fonction publique : l'Institut national du service public (INSP) ; l'Institut national des études territoriales (INET), pour la formation d'administrateur territorial ; l'École des hautes études en santé publique (EHESP), pour la formation de directeur d'hôpital et de directeur d'établissement sanitaire, social et médico-social ; l'École nationale supérieure de police (ENSP); et l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP).
Le nombre de places offertes, par année, aux lauréats des concours « Talents » est compris entre 10 % et 15 % du nombre de places ouvertes au titre du concours externe « classique » d'accès à l'école concernée ; aussi bien le jury que les programmes et les épreuves sont identiques à ceux du concours externe « classique ».
Mis en place par l'ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2024, le dispositif des concours « Talents » a été prolongé jusqu'au 31 août 2028 par la loi n° 2025-269 du 24 mars 2025, d'initiative parlementaire, qui a ainsi sécurisé les concours « Talents » organisés au titre de la session 202523(*). De plus, dans l'objectif de permettre la mise en place d'un concours « Talents » pour l'accès au corps des ingénieurs de l'armement, cette même loi a élargi le périmètre de l'expérimentation à l'accès aux écoles assurant la formation de militaires. Le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport d'évaluation de cette expérimentation avant le 31 mars 2028.
À la rentrée 2025, 1 762 places étaient offertes en prépas « Talents », réparties sur 102 classes sur l'ensemble du territoire hexagonal et ultra-marin. Par rapport à l'année précédente, le nombre de places a été légèrement revu à la baisse, afin de tenir compte de la demande réelle et d'assurer un taux de remplissage satisfaisant.
Effectifs des classes prépas « Talents »
|
Rentrée |
Nombre de prépas Talents |
Nombre de places offertes |
Nombre d'élèves accueillis |
Taux de remplissage |
|
2021 |
74 |
1 566 |
1 108 |
71 % |
|
2022 |
100 |
1 884 |
1 221 |
65 % |
|
2023 |
97 |
1 845 |
1 278 |
69 % |
|
2024 |
103 |
1 950 |
1 521 |
78 % |
|
2025 (chiffres provisoires) |
102 |
1 762 |
1 556 |
88 % |
Source : éléments transmis par la DGAFP au rapporteur
Tout en saluant cet ajustement entre l'offre et la demande, qui est cohérent au regard de l'impératif de bon usage des deniers publics, le rapporteur souligne la nécessité de renforcer les actions de communication menées aux échelles nationale et locale de manière à mieux faire connaître le dispositif.
Le rapporteur souscrit à l'objectif d'une plus grande diversité sociale et territoriale au sein de la haute fonction publique, y compris parmi les grands corps techniques. Il rappelle toutefois que l'ouverture d'un concours « Talents » pour l'accès au corps des ingénieurs de l'armement s'adressera à un vivier très limité, d'une part, et que le nombre de postes offerts aux concours externes étant lui-même très restreint, d'autre part, il est probable que seul un poste soit ouvert à ce titre.
3. L'apprentissage dans la fonction publique
a) Quelques incertitudes dans les versants étatique et hospitalier
Le dispositif de titularisation des personnes en situation de handicap à l'issue du contrat d'apprentissage, instauré à titre expérimental par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, a pris fin au 6 août 2025. Si cette mesure, applicable aux trois versants de la fonction publique, concerne un faible nombre de personnes24(*), elle n'en constitue pas moins un outil précieux d'attractivité pour la fonction publique ; aussi le rapporteur invite-t-il le Gouvernement à prévoir dès que possible sa pérennisation.
Dans les versants étatique et hospitalier, la circulaire de la Première ministre Élisabeth Borne du 10 mars 2023 a posé des objectifs ambitieux en recrutement d'apprentis pour les années 2023 à 2026 : pour l'année scolaire 2025-2026, les ministères sont ainsi incités à recruter 23 219 apprentis, dont au moins 10 % dans la filière numérique, tandis que la cible de 4 000 recrutements est fixée aux employeurs hospitaliers. La DGAFP a indiqué au rapporteur ne pas avoir d'informations quant à la publication d'une nouvelle circulaire portant sur l'année scolaire 2026-2027 et les suivantes.
b) Le désengagement financier de l'État risque de compromettre l'avenir de l'apprentissage public local
Les crédits relatifs au financement de l'apprentissage dans la FPT, qui étaient portés à hauteur de 15 millions d'euros par l'action 1 « formation » dans les PLF pour 2024 et 2025, sont absents du PLF pour 2026 tel que déposé par le Gouvernement.
L'extinction de la contribution versée par l'État au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) est certes conforme à l'objectif de la réforme du financement de l'apprentissage public local décidée unilatéralement par le Gouvernement à l'automne 2022.
Le système de financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale : un équilibre remis en cause depuis 2023
Depuis 202225(*), le CNFPT verse aux centres de formation des apprentis (CFA) les frais de formation des apprentis employés par les collectivités territoriales et leurs établissements. Il bénéficie en contrepartie d'une cotisation de 0,1 % sur la masse salariale de ces collectivités, dont le produit devrait atteindre 47,5 millions d'euros en 2025.
En contrepartie, il était prévu que France compétences verse au CNFPT une contribution d'un montant annuel maximal de 15 millions d'euros, tandis que l'État s'était engagé à verser lui aussi 15 millions d'euros dans le cadre de la convention annuelle d'objectifs et de moyens pour 2022, signée le 23 février 2022. Ce système devait permettre de financer environ 9 000 contrats, tout en limitant la charge annuelle pour le CNFPT à 10 millions d'euros (hors frais de gestion), ou 13 millions d'euros avec frais de gestion.
La loi de finances initiale pour 2023 a pourtant acté le désengagement financier de l'État, en prévoyant :
- d'une part, que la contribution versée par l'État au CNFPT pour participer au financement des frais de formation des apprentis employés par les collectivités territoriales et leurs établissements a un simple caractère facultatif, de même que la contribution annuelle versée par France compétences ;
- d'autre part, que la convention d'objectifs et de moyens conclue à cette fin entre l'État et le CNFPT n'a plus nécessairement un caractère annuel26(*).
La convention d'objectifs et de moyens pour les années 2023 à 2025, signée le 16 novembre 2023, maintient, pour ces trois années-là, l'engagement de l'État à hauteur de 15 millions d'euros par an. La contribution maximale versée par France compétences a, quant à elle, constamment décru depuis, passant de 15 millions d'euros en 2023, puis à 10 millions d'euros en 2024 et à 5 millions d'euros en 2025.
Pour l'heure, aucune convention d'objectifs et de moyens n'a été conclue entre l'État et le CNFPT pour les années 2026-2029, et il n'est pas davantage prévu que France compétences verse une contribution au CNFPT en 2026.
Définitivement acté par le PLF pour 2026, le désengagement de l'État du financement de l'apprentissage public local est profondément regrettable au regard des risques qu'il fait peser sur l'avenir de celui-ci.
Depuis 2023, l'écart entre les demandes de contrat d'apprentissage par les employeurs territoriaux et la capacité effective de financement par le CNFPT ne cesse en effet de se creuser : si, en 2022, près de 12 500 contrats d'apprentissage ont pu être pris en charge - à la suite notamment de la demande faite par la Première ministre de l'époque aux employeurs territoriaux d'augmenter leurs recrutements d'apprentis - en 2023, seuls 8 000 contrats ont été pris en charge.
En 2024, alors même que 21 000 intentions de recrutement de la part des collectivités avaient été recensées en début d'année, seuls 7 000 contrats ont bénéficié d'un accord de prise en charge : de nombreuses collectivités ont donc été contraintes de renoncer aux recrutements d'apprentis.
En 2025, l'objectif de recrutement d'apprentis fixé à 9 000 par l'État aux employeurs territoriaux ne pourra être tenu, le CNFPT ayant été contraint de réduire à 5 000 le nombre de contrats financés pour tenir compte du désengagement de l'État et de France compétences27(*). Un maintien de la trajectoire du nombre de contrats finançables aurait nécessité, à l'inverse, de relever le taux de la cotisation « apprentissage » due par les employeurs ou d'augmenter la part de financement sur ressources propres du CNFPT - aucune de ces deux options n'étant réaliste sur les plans économique et budgétaire.
Afin de respecter l'objectif de 5 000 contrats finançables, tout en priorisant les métiers en tension, le CNFPT a prévu un critère supplémentaire de sélection pour la cohorte 202528(*) : seuls sont pris en charge les contrats couvrant des qualifications inférieures au niveau « bac + 3 ».
Comparaison entre les nombres de recrutements
souhaités,
pris en charge et effectifs
|
Cohorte d'apprentis |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
202529(*) |
|
Intentions de recrutement exprimées en début d'année par les collectivités locales |
nc |
nc |
nc |
18 000 |
21 000 |
15 176 |
|
Nombre d'accords de prise en charge délivrés par le CNFPT |
8 187 |
11 444 |
12 489 |
8 141 |
7 201 |
5 000 |
|
Effectifs d'apprentis recrutés par les collectivités locales30(*) |
9 520 |
12 700 |
14 090 |
12 145 |
13 500 |
nc |
Source : Système d'information sur l'apprentissage (SIA), Dares. Traitement DGAFP-SDessi
De la même manière, en 2026, seuls 5 000 nouveaux contrats seront pris en charge par le CNFPT, correspondant aux contrats finançables uniquement par la cotisation additionnelle « apprentissage » de 0,1 %.
Afin de permettre le financement d'environ 1 600 contrats supplémentaires par cohorte31(*), le rapporteur propose d'inscrire au PLF pour 2026 la contribution de l'État d'un montant de 15 millions, qui serait portée par l'action 1 « formation » du programme 148. Une telle mesure ne suffirait certes pas à répondre à l'intégralité des besoins exprimés par les employeurs territoriaux, mais limiterait la diminution du nombre de contrats d'apprentissage pris en charge.
Le rapporteur ne peut que déplorer le manque de cohérence de l'État, qui tout en demandant aux employeurs territoriaux de soutenir l'apprentissage, supprime son engagement financier, ainsi que l'inégalité de traitement par rapport au secteur privé32(*). Alors que l'apprentissage public local constitue une modalité privilégiée de recrutement des collectivités territoriales ainsi qu'une voie majeure d'insertion professionnelle des jeunes, et qu'il participe à l'attractivité du secteur public, le système de financement issu de la loi de finances pour 2023 est hautement inadapté et compromet l'avenir de l'apprentissage public local.
B. ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE : UNE RÉPARTITION DES CRÉDITS À PRÉCISER, UNE ABSENCE PERSISTANTE D'ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE DE LA DÉPENSE
Le programme 148 finance au titre de l'action sociale interministérielle quatre prestations individuelles, directement gérées par la DGAFP au niveau central, et cinq dispositifs collectifs, qui font l'objet de délégations de crédits vers le niveau déconcentré.
Dans le PLF pour 2026, le montant de l'ensemble des prestations d'action sociale s'élève à 118,3 millions d'euros en AE, soit une diminution de 15,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. La répartition des crédits n'était néanmoins pas encore arrêtée à la date de publication du projet annuel de performances du programme, devant faire l'objet de concertations préalables avec les organisations syndicales33(*).
S'agissant des prestations individuelles, le chèque-vacances est celle qui a connu le plus d'évolution ces deux dernières années, avec le recentrage de son bénéfice, à compter du 1er octobre 2023, sur les seuls agents de l'État en activité. Les économies générées par rapport à 2023 sont estimées à 5,4 millions d'euros en 2024 et 9 millions d'euros en 2025. Le nombre de bénéficiaires était de 114 000 en 2023, et de 85 000 en 2024.
La prestation « CESU - garde d'enfant 0/6 ans » a quant à elle bénéficié à plus de 72 000 agents en 202434(*), pour un total de 39,3 millions d'euros ; en 2025, le nombre de bénéficiaires est évalué à 65 000 agents.
L'aide au maintien à domicile a connu une augmentation significative de son montant en 2024 (8 millions d'euros hors frais d'instruction, contre 6,6 millions d'euros en 2023, soit une hausse de 22,4 %), traduisant le vieillissement de la population des retraités.
S'agissant des prestations collectives, les 5 050 berceaux réservés en crèches35(*) à l'attention des agents publics seront conservés en 2026, pour un coût estimé à 29,3 millions d'euros.
Cette année encore, le rapporteur regrette que les deux indicateurs de performance relatifs à l'action sociale interministérielle qui figuraient dans le programme annuel de performance du PLF pour 2021 aient été remplacés, depuis le PLF pour 2022, par un indicateur de performance unique, le « taux de satisfaction des bénéficiaires de certaines prestations d'action sociale », qui apparaît à la fois partiel et peu révélateur. En effet, le taux de satisfaction atteignant déjà 96 %, les marges de progression demeurent faibles ; ensuite, seule la prestation du CESU-garde d'enfant est concernée ; enfin, cet indicateur ne dit rien des coûts de gestion induits par le recours, pour quatre prestations d'action sociale36(*), à des prestataires extérieurs, lesquels coûts ont d'ailleurs augmenté en 2024.
Enfin, le rapporteur souscrit, dans un objectif de réduction du déficit public, à la suppression du fonds interministériel d'amélioration des conditions de travail (FIACT), à la valeur ajoutée discutable37(*).
III. LA FONCTION PUBLIQUE D'UN GOUVERNEMENT À L'AUTRE : QUEL SUIVI DES RÉFORMES ET QUEL CAP ?
Au cours des douze derniers mois, le portefeuille de la fonction publique aura changé pas moins de trois fois de titulaire38(*). Aussi le rapporteur invite-t-il le Gouvernement à veiller à l'aboutissement des réformes déjà engagées.
A. LOI DU 6 AOÛT 2019, RÉFORME DE LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE, TEMPS DE TRAVAIL : DES CHANTIERS QUASIMENT ACHEVÉS
1. Réforme de la haute fonction publique : une transposition en cours au versant territorial
Mise en oeuvre par l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 et un ensemble de textes réglementaires, la réforme de la haute fonction publique s'est notamment traduite par la suppression de quinze corps au profit de la création du corps interministériel des administrateurs de l'État, afin de décloisonner les parcours ; la refonte de la formation initiale à l'Institut national du service public (INSP), qui a succédé à l'école nationale d'administration (ENA) et la suppression du classement de sortie ; ou encore, la création de la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE).
Engagés en 2024, les travaux de transposition de cette réforme au versant territorial sont en cours. Seront ainsi en particulier prévus, sur le modèle du versant étatique, le classement des emplois supérieurs du versant territorial en quatre niveaux ainsi que l'instauration d'un régime indemnitaire propre aux emplois fonctionnels administratifs et d'une nouvelle grille indiciaire applicable aux administrateurs territoriaux, identique à celle des administrateurs de l'État. Le rapporteur souscrit aux objectifs de parité, de cohérence et de facilitation de la mobilité inter-versants que poursuit cette transposition. Pour autant, il peut comprendre l'opposition exprimée par certaines organisations professionnelles et organisations syndicales s'agissant de la suppression de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et des primes existantes.
2. Temps de travail dans la fonction publique territoriale : une progression vers l'alignement sur la durée annuelle légale
La durée annuelle effective du temps de travail dans la fonction publique est en hausse : en 2024, elle atteint 1 637 heures pour les agents de la fonction publique à temps complet (hors enseignants).
S'il demeure un écart entre les versants étatique et territorial (1 701 heures pour la FPE, contre 1 599 heures pour la FPT), et si la durée travaillée dans la FPT reste inférieure à la durée légale, fixée à 1 607 heures, il faut rappeler qu'un certain nombre d'emplois dans ce versant sont marqués par des sujétions (travail de nuit, le dimanche ou en horaires décalés, par exemple) qui justifient une réduction annuelle de travail. En outre, le temps de travail dans la FPT est en progression (+ 36 heures entre 2022 et 2024) depuis la loi du 6 août 2019 qui a généralisé dans ce versant la durée annuelle de travail de 1 607 heures en supprimant la possibilité de maintenir des régimes dérogatoires antérieurs à 2001.
B. MENER LA RÉFORME DE LA PROTECTION SOCIALE COMPLÉMENTAIRE À SON TERME
Le rapporteur salue l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 11 décembre prochain de la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux39(*), adoptée par le Sénat le 2 juillet dernier. L'engagement du Gouvernement sur ce sujet lui paraît toutefois quelque peu timide, dans la mesure où il n'a pas inscrit lui-même le texte, ni n'a engagé la procédure accélérée.
Une entrée en vigueur rapide du texte n'en demeure pas moins indispensable afin de permettre le déploiement effectif de contrats collectifs à adhésion obligatoire en matière de prévoyance dans le versant territorial, et de permettre également aux collectivités ou établissements qui n'ont pas encore conclu de convention de participation à ce jour d'anticiper suffisamment l'échéance du 1er janvier 2029 posée par le texte. Pour le rapporteur, la poursuite de la navette parlementaire doit néanmoins être l'occasion de préciser certaines dispositions du texte de manière à pleinement sécuriser la prise en charge des agents en cas de succession de contrats, et parer aux situations contentieuses se présentant actuellement au détriment des agents territoriaux.
Dans le versant hospitalier, l'ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 a prévu l'entrée en vigueur de la protection sociale complémentaire au 1er janvier 2026. Les négociations menées par l'État avec les partenaires sociaux étant à l'arrêt depuis décembre 202340(*), un report est inévitable. Pour autant, la différence de traitement induite par l'absence de transposition de cette mesure au versant hospitalier, et le risque associé que ses agents ne renoncent aux soins41(*), ne sauraient être prolongés trop longtemps. C'est pourquoi le rapporteur juge adaptée la date du 1er janvier 2027 qui a été retenue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PFLSS) pour 2026 sur proposition de la rapporteure pour la branche assurance maladie de la commission des affaires sociales42(*).
Cette échéance apparaît en effet à la fois réaliste, en tenant compte des délais nécessaires à la tenue des négociations préalables à la conclusion d'un accord, et suffisamment ambitieuse pour inciter activement l'ensemble des parties prenantes à la poursuite des négociations.
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À plus long terme, l'objectif d'une révision des régimes indiciaires conserve sa pertinence, face au phénomène de « tassement » des grilles. Une telle réforme devra toutefois être conciliée avec les fortes contraintes budgétaires pesant sur les employeurs publics, ceux des versants hospitalier et territorial devant notamment faire face à l'augmentation de douze points sur quatre ans du taux de cotisations vieillesse versées à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL)43(*).
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La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » inscrits au projet de loi de finances pour 2026 sous réserve de l'amendement qu'elle propose.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous entendons à présent l'avis de notre collègue Catherine Di Folco sur les crédits du programme « Fonction publique ».
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis du programme « Fonction publique ». - Les crédits du programme 148 « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » financent le volet interministériel de la politique de formation, d'action sociale et de ressources humaines de l'État.
J'aborderai successivement les effectifs et la masse salariale de l'État ; le programme 148 en lui-même ; et enfin le suivi des réformes en cours.
Concernant les effectifs, la fonction publique comptait, au 31 décembre 2023, un peu plus de 5,8 millions d'agents, dont 44,3 % dans la fonction publique de l'État, 34,4 % dans la fonction publique territoriale (FPT) et 21,4 % dans la fonction publique hospitalière. Par rapport à fin 2022, les effectifs ont augmenté de 1,1 %.
Le schéma d'emplois du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit la création globale de 6 724 équivalents temps plein (ETP), avec, d'une part, la création de 8 459 emplois pour l'État, dont 1 600 emplois pour la justice ; 1 500 emplois pour l'intérieur et 5 400 emplois pour l'éducation nationale ; et d'autre part, la diminution de 1 735 postes pour les opérateurs de l'État et sept ministères, dont 565 postes en moins pour le ministère de l'action et des comptes publics.
Au vu de cette trajectoire, l'atteinte de l'objectif de stabilisation des emplois pour les années 2023-2027 semble hautement incertaine, d'autant que les lois de programmation sectorielle des ministères des armées, de la justice et de l'intérieur ont à elles seules un impact de + 33 193 ETP pour 2023-2027, tandis que la réforme de la formation initiale des enseignants se traduit par la création de 11 520 ETP sur la période 2026-2027.
La masse salariale de l'État hors pensions, quant à elle, atteindrait 109,47 milliards d'euros dans le PLF 2026, soit une augmentation de 1,30 % par rapport à 2025. Au total, depuis 2017, la progression de la masse salariale de l'État s'élève à 26,4 %.
Au regard du ralentissement de l'inflation depuis 2024 et des fortes contraintes budgétaires, le Gouvernement n'envisage pas de mesures générales indiciaires, ni de mesures catégorielles nouvelles en 2026.
J'en viens au programme 148 « Fonction publique », qui finance les actions interministérielles en matière de formation des fonctionnaires, d'action sociale et de gestion des ressources humaines, en complément des initiatives de chaque ministère. Aucun emploi n'y est inscrit.
Le montant des autorisations d'engagement (AE) prévues par le PLF 2026 est en diminution de 14 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2025, passant de 263,5 millions d'euros à 226,5 millions d'euros.
L'action nº 01 « Formation des fonctionnaires » couvre principalement les dépenses liées à la subvention pour charges de service public versée aux instituts régionaux d'administration (IRA), à l'organisation du concours d'accès à ces instituts, à des actions de formation interministérielle, aux classes prépas Talents et aux bourses Talents.
Ses crédits, qui correspondent à 35,3 % des AE du programme, s'élèveraient, en 2026, à 77,1 millions d'euros, soit une diminution de 17,2 %.
Cette baisse s'explique à titre principal par la disparition, par rapport à 2025, de la contribution versée par l'État au financement de l'apprentissage dans la FPT.
S'agissant des IRA, plusieurs réformes ont été réalisées en 2019, puis en 2024 sur les parcours de formation, la durée et les modalités de la scolarité. En 2026, la fusion des cinq IRA en un opérateur de formation unique devrait se traduire par la création d'un nouvel établissement public, au plus tard au 1er janvier 2027. Il est à souhaiter que ce projet de fusion contribue à la lisibilité du concours des IRA et, in fine, à renforcer l'attractivité de la filière administrative.
S'agissant des classes prépas « Talents », qui visent à promouvoir l'égalité des chances et à diversifier le recrutement de la haute fonction publique, elles reçoivent une subvention de 6 500 euros par élève pour un total de 12,2 millions d'euros au PLF 2026. Les étudiants reçoivent chacun une bourse de 4 000 euros. Le montant des subventions versées par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) à ce titre s'élève à 8,3 millions d'euros en AE.
À la rentrée 2025, 1 762 places étaient offertes en prépas « Talents », réparties sur 102 classes sur l'ensemble du territoire hexagonal et ultramarin, soit une légère baisse, afin de tenir compte de la demande réelle et d'assurer un taux de remplissage satisfaisant. Il me paraît toutefois nécessaire de renforcer les actions de communication de manière à mieux faire connaître ce dispositif, qui me semble indispensable.
Je rappelle que ce dispositif était expérimental jusqu'au 31 décembre 2024 et que nous avons prolongé l'expérimentation jusqu'au 31 août 2028 par la loi n° 2025-269 du 24 mars 2025, tout en élargissant son périmètre à l'accès aux écoles assurant la formation des militaires.
S'agissant de l'apprentissage, je précise que, dans les trois versants de la fonction publique, le dispositif expérimental de titularisation des personnes en situation de handicap à l'issue du contrat d'apprentissage a pris fin le 6 août 2025.
Cette mesure, même si elle ne concerne qu'un faible nombre de personnes, est un outil précieux d'attractivité pour la fonction publique : j'invite donc le Gouvernement à prévoir sa pérennisation dès que possible.
Je souhaite évoquer rapidement la problématique du financement de l'apprentissage dans le versant territorial. Les crédits relatifs au financement de l'apprentissage dans la FPT, qui étaient de 15 millions d'euros dans les PLF 2024 et 2025, sont absents du PLF 2026.
L'extinction de la contribution versée par l'État au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) est certes conforme à l'objectif de la réforme du financement de l'apprentissage public local décidée unilatéralement par le Gouvernement à l'automne 2022, mais ce désengagement de l'État est profondément regrettable au regard des risques qu'il fait peser sur l'avenir de l'apprentissage comme voie de recrutement dans la FPT.
Depuis 2023, l'écart entre le nombre des demandes de contrats d'apprentissage par les employeurs territoriaux et la capacité effective de financement par le CNFPT ne cesse en effet de se creuser.
Quelques chiffres pour illustrer mon propos : en 2022, 12 500 contrats d'apprentissage ont pu être pris en charge, contre 8 000 contrats en 2023, 7 000 en 2024 - alors même que 21 000 intentions de recrutement de la part des collectivités avaient été recensées au début de cette année. En 2025, 5 000 contrats ont été pris en charge alors que l'État avait fixé aux employeurs territoriaux un objectif de 9 000 recrutements d'apprentis.
Afin de sélectionner les contrats à financer, le CNFPT priorise désormais les métiers en tension et ne prend en charge que les contrats couvrant des qualifications inférieures au niveau bac +3. En 2026, seuls 5 000 contrats seront pris en charge, correspondant aux contrats finançables uniquement par la cotisation additionnelle « apprentissage » de 0,1 % versée par les employeurs.
L'apprentissage public local constitue une modalité privilégiée de recrutement des collectivités territoriales, ainsi qu'une voie majeure d'insertion professionnelle des jeunes, et participe à l'attractivité du secteur public. C'est pourquoi on ne peut que déplorer le manque de cohérence de l'État qui, tout en demandant aux employeurs territoriaux de soutenir l'apprentissage, supprime son engagement financier, ainsi que l'inégalité de traitement par rapport au secteur privé.
Afin de permettre le financement d'environ 1 600 contrats supplémentaires par cohorte d'apprentis, je vous propose un amendement visant à inscrire au PLF 2026 la contribution de l'État d'un montant de 15 millions d'euros, tout en ayant bien conscience que cela ne couvrira pas l'ensemble des demandes.
Par ailleurs, l'action nº 02 « Action sociale interministérielle » finance des prestations individuelles directement gérées par la DGAFP au niveau central, et des dispositifs collectifs qui font l'objet de délégations de crédits vers le niveau déconcentré.
Dans le PLF 2026, les crédits de l'ensemble des prestations d'action sociale, qui correspondent à 53,2 % des AE, s'élèvent à 118,3 millions d'euros, soit une diminution de 15,7 % par rapport à 2025.
Ce sont 84 000 agents qui ont bénéficié des chèques-vacances en 2024. L'accès à cette prestation pour les agents retraités de l'État a pris fin le 24 juillet 2025, ce qui va générer des économies substantielles.
Le chèque emploi service universel (Cesu) pour la garde d'enfant âgé de 0 à 6 ans devrait bénéficier à environ 65 000 agents en 2025, contre 72 000 agents en 2024 - ce nombre élevé étant lié aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris.
En outre, l'aide au maintien à domicile augmente du fait du vieillissement de la population des retraités.
S'agissant des prestations collectives, les 5 050 berceaux réservés en crèches seront conservés en 2026, pour un coût estimé à 29,3 millions d'euros.
Une fois de plus, je regrette que les deux indicateurs de performance relatifs à l'action sociale interministérielle, qui figuraient dans le programme annuel de performance du PLF 2021, aient été remplacés, depuis le PLF 2022, par un indicateur de performance unique, le « taux de satisfaction des bénéficiaires de certaines prestations d'action sociale », qui paraît à la fois très partiel et fort peu révélateur.
Enfin, les crédits de l'action nº 03 « Appui et innovation des ressources humaines », qui représentent 11,4 % des AE, connaîtraient une augmentation de 3,5 %. Il est à noter que, dans un objectif de réduction du déficit public, le fonds interministériel pour l'amélioration des conditions de travail (FIACT) a été supprimé au regard de sa valeur ajoutée discutable.
Enfin, plusieurs réformes sont en cours, et il conviendrait de les mener à bien malgré la valse des ministres à l'oeuvre depuis un an.
La transposition dans le versant territorial de la réforme de la haute fonction publique prévoit ainsi, sur le modèle du versant étatique, le classement des emplois supérieurs du versant territorial en quatre niveaux, ainsi que l'instauration d'un régime indemnitaire propre aux emplois fonctionnels administratifs et d'une nouvelle grille indiciaire applicable aux administrateurs territoriaux, identique à celle des administrateurs de l'État.
Certaines organisations professionnelles et organisations syndicales expriment de fortes réserves, bien compréhensibles, s'agissant de la suppression de la nouvelle bonification indiciaire et des primes existantes.
Les discussions se poursuivent au sein du conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).
Concernant la loi de 2019 de transformation de la fonction publique, trois dispositions demeurent encore sans effet, faute de mesures d'application. Il s'agit de celles qui sont relatives à l'usure professionnelle et à l'entretien de carrière, aux autorisations spéciales d'absence liées à la parentalité, ainsi qu'à la création d'une catégorie A pour l'administration de la Polynésie française.
Concernant le temps de travail dans la fonction publique, l'alignement du temps de travail dans le versant territorial sur la durée de travail annuelle légale progresse.
Concernant enfin la protection sociale complémentaire (PSC), l'Assemblée nationale examinera en séance publique le 11 décembre prochain la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux qui avait été déposée par Isabelle Florennes et que le Sénat a adoptée le 2 juillet dernier. La procédure accélérée n'a pas été engagée par le Gouvernement ; toutefois, une entrée en vigueur est vivement souhaitée pour appliquer les dispositions figurant dans l'accord national signé entre les employeurs territoriaux et les organisations syndicales en juillet 2023.
Néanmoins, la poursuite de la navette parlementaire doit être l'occasion de préciser certaines dispositions du texte, de manière à sécuriser pleinement la prise en charge des agents en cas de succession de contrats, et à parer aux situations contentieuses se présentant actuellement au détriment des agents territoriaux.
En revanche, dans le secteur hospitalier, les négociations entre l'État et les partenaires sociaux sont à l'arrêt depuis décembre 2023, alors que l'entrée en vigueur de la PSC était prévue pour le 1er janvier 2026 par l'ordonnance de février 2021. Un report est donc inévitable.
C'est pourquoi je remercie la rapporteure pour la branche assurance maladie de la commission des affaires sociales d'avoir, par amendement, rétabli l'article 23 du PLF, qui avait été supprimé par l'Assemblée nationale. L'entrée en vigueur de la PSC a ainsi été reportée au 1er janvier 2027. Je souhaite que cette échéance ambitieuse incite l'ensemble des parties prenantes à la reprise et à la poursuite des négociations.
Enfin, à plus long terme, une révision des régimes indiciaires demeure une nécessité compte tenu du tassement des grilles indiciaires. Une telle réforme devra toutefois tenir compte des fortes contraintes budgétaires pesant sur les employeurs publics territoriaux et hospitaliers, qui font face à l'augmentation de douze points du taux de cotisation à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) et à la mise en oeuvre de la PSC.
Sous réserve de l'approbation de l'amendement que je vous présente, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique ».
Mme Isabelle Florennes. - Je vous remercie de votre intervention et de votre travail, comme tous les ans, sur les crédits relatifs à la fonction publique.
Je suis sensible au fait que vous ayez déposé un amendement visant à rétablir le financement de l'État pour l'apprentissage dans la fonction publique territoriale à hauteur de 15 millions d'euros, répondant ainsi à l'inquiétude exprimée par le CNFPT et les employeurs territoriaux. Comme vous l'avez rappelé, l'apprentissage est un facteur important d'attractivité et de recrutement pour un certain nombre de métiers dans les collectivités territoriales, et je trouve particulièrement regrettable que l'État se désengage aujourd'hui de son financement. Le groupe Union Centriste (UC) sera donc favorable à votre amendement.
Je note aussi avec intérêt les avancées de la proposition de loi relative à la protection sociale complémentaire des agents publics territoriaux, que le Sénat a votée le 2 juillet dernier. Elle doit être examinée par la commission des lois de l'Assemblée nationale ce mercredi 26 novembre 2025. Son rapporteur et président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée, Stéphane Delautrette, souhaite obtenir un vote conforme. Cela reviendrait à adopter un texte en cinq mois, ce qui serait assez remarquable compte tenu de la situation politique actuelle et ce qui montrerait qu'il demeure possible de trouver des accords sur des sujets transpartisans.
Mme Audrey Linkenheld. - À mon tour, je vous remercie de votre présentation et du panorama, toujours un peu plus large que le seul programme 148, qu'elle dresse. Il est en effet intéressant que nous sachions où nous en sommes pour les trois versants de la fonction publique et les réformes qui les concernent.
S'agissant du programme 148 proprement dit, nous observons des évolutions contrastées : d'un côté, et sous réserve de l'adoption de votre amendement, les crédits affectés aux actions principales du programme, la formation des fonctionnaires et l'action sociale interministérielle, subissent plutôt des baisses ; de l'autre, les crédits de l'action no 03 « Appui et innovation des ressources humaines » augmentent, mais ils ne représentent que 11 %, du budget global du programme.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) est évidemment favorable à cette augmentation des crédits de l'action no 3, susceptible de renforcer l'attractivité de la fonction publique via la plateforme « Choisir le service public » et la « marque employeur ». Cependant, peut-être est-il quelque peu contradictoire d'essayer d'améliorer le « contenant » au travers d'actions de communication sans chercher véritablement à améliorer le « contenu », c'est-à-dire la réalité du statut de fonctionnaire dans les trois fonctions publiques, dont font partie l'action sociale et la formation.
Nous partageons vos regrets sur l'apprentissage, ce que nous avions également eu l'occasion d'exprimer les années précédentes, et l'adoption de votre amendement serait une bonne nouvelle. Vous pourrez compter sur notre soutien.
Toutefois, je ne sais si cela pourra suffire à renforcer l'attractivité de la fonction publique que nous appelons de nos voeux. D'autres éléments interviennent en la matière, particulièrement les aspects de rémunération, de retraite, de protection sociale, de congés paternité et maternité, qui ne figurent pas nécessairement dans le programme 148.
Enfin, je vous adresserai deux questions.
Premièrement, sur l'action sociale, savons-nous quelles sont les prestations, individuelles ou collectives, touchées par les baisses de crédits ? Ce devrait notamment être le cas du Cesu, en contrecoup du dispositif temporaire qui avait été mis en place pendant la période des Jeux olympiques et paralympiques.
Deuxièmement, le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » prévoit une baisse de dix ETP au sein de l'institut national du service public (INSP), en compensation de l'augmentation de l'effectif du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Cette diminution intervient-elle en accord avec la direction de l'INSP ou est-elle, au contraire, préjudiciable à l'établissement et fragilise-t-elle le service public qu'il dispense ?
M. David Margueritte. - Merci à Catherine Di Folco de son rapport. Je rejoindrai Isabelle Florennes sur la question de l'apprentissage public et soutiendrai aussi l'amendement que vous proposez.
Nous relevons depuis plusieurs années le paradoxe d'un État qui incite les entreprises à recourir à l'apprentissage, en n'étant pas lui-même exemplaire dans ce domaine, faute de s'en donner les moyens et, surtout, de les donner aux collectivités territoriales. C'est là l'un des angles morts de la loi du 5 septembre 2018 qui avait pour objet de relancer l'apprentissage dans notre pays.
Il s'avère d'autant plus utile de rétablir les crédits qui concernent l'apprentissage dans la fonction publique territoriale que plusieurs mesures tendent actuellement à remettre fortement en cause cette loi du 5 septembre 2018 : ainsi de celles qui ont trait à l'exonération des cotisations sociales sur les apprentis, de la baisse massive des aides aux entreprises ou de la baisse des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage (NPEC).
Mme Lana Tetuanui. - Je vous remercie d'avoir également rappelé que rien n'a encore été fait en vue de créer une catégorie A pour la fonction publique d'État en Polynésie française, pourtant prévue par la loi de 2019 de transformation de la fonction publique.
La frustration que nous vivons dans nos outre-mer et en particulier dans les collectivités du Pacifique est grandissante sur le sujet des fonctionnaires d'État. J'avais déposé en 2022 une proposition de loi visant à supprimer tous les avantages octroyés aux fonctionnaires d'État métropolitains affectés en Polynésie française et qui reposent sur les dispositions d'un décret antérieur à la Constitution de 1958, prises à une époque où le voyage en bateau depuis la métropole prenait presque trois mois et où nos territoires avaient réellement besoin de fonctionnaires expatriés qualifiés. Or ce n'est plus aujourd'hui le cas et nos enfants venus suivre leurs études en métropole et ayant acquis des compétences équivalentes peinent à rentrer au pays pour les y faire valoir. C'est une injustice que nous continuons à subir.
Chaque année, je réitère mes propos devant différents interlocuteurs ministériels et l'on ne cesse de me répéter qu'il n'est pas souhaitable que seuls les Polynésiens occupent les emplois locaux de la fonction publique d'État. Ce serait pourtant l'occasion de réaliser des économies, car les fonctionnaires de l'Hexagone qui se rendent dans nos territoires jouissent de tous les avantages.
Dans le même temps, quand nos ressortissants des outre-mer réussissent un concours de la catégorie supérieure de la fonction publique et qu'ils doivent suivre en métropole une formation d'une durée d'un an, voire deux ans, ils ne bénéficient d'aucune aide. Je le répète : c'est une injustice !
Voyez quelles en sont les conséquences, par exemple en Nouvelle-Calédonie. La frustration croissante conduit à ne plus vouloir soutenir la République et nourrit les revendications indépendantistes dans nos territoires. Je m'en inquiète et si je conçois que l'on nomme encore des fonctionnaires métropolitains dans les services de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou de l'administration pénitentiaire, je plaide pour le retour de nos enfants, à compétences égales, dans nos territoires pour tous les autres corps de l'État, dont celui de l'éducation nationale.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. - Merci chers collègues de votre soutien à l'amendement que je vous propose.
La répartition des crédits de l'action n° 02 « Action sociale interministérielle » du programme 148 n'a pas encore été établie ; elle fait toujours l'objet de discussions avec les partenaires sociaux. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu entrer dans le détail à ce sujet.
Pour sa part, le Cesu avait donné lieu à une prise en charge tout à fait particulière en 2024, lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. La diminution que nous constatons en 2025 tient compte du retour à une situation moins exceptionnelle.
Je ne saurais répondre à votre question sur l'INSP, qui ne relève pas directement du programme 148.
J'entends le courroux de Lana Tetuanui et il va en effet falloir insister sur la question de la création d'une catégorie A pour la fonction publique d'État en Polynésie française. Sur ce point, nous ne perdrons en tout cas aucune occasion de remettre l'ouvrage sur le métier.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis. - Je précise que la loi de finances rectificative pour 2022 avait posé les bases d'un système de financement de l'apprentissage public local réparti entre l'État, à hauteur de 15 millions d'euros, France Compétences, pour un même montant, le CNFPT, pour 10 à 13 millions d'euros, et les collectivités territoriales par leur cotisation de 0,1 %.
La contribution de France Compétences n'atteignait plus que 5 millions d'euros en 2025 ; elle sera nulle en 2026.
L'État avait maintenu son versement de 15 millions d'euros jusqu'à cette année, dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens pour les années 2023 à 2025. Ce versement disparaît à son tour dans le PLF 2026.
Par ailleurs, la convention d'objectifs et de moyens revêtait jusqu'à présent un caractère annuel, ce qui permettait aux partenaires de rediscuter régulièrement du sujet. Depuis la loi de finances initiale pour 2023, elle n'a plus qu'un caractère facultatif, si bien qu'elle Elle- reste hypothétique pour l'avenir e. Je présenterai en séance en mon nom propre un amendement visant à réinstaurer une convention d'objectifs et de moyens annuelle.
Par le présent amendement, je vous propose d'abonder de 15 millions d'euros les crédits de l'action « Formation des fonctionnaires » du programme 148, de manière à prévoir la participation de l'État au financement de l'apprentissage dans la FPT.
L'amendement LOIS.1 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques », sous réserve de l'adoption de son amendement.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Ministère de l'action et des comptes publics
Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP)
M. Boris Melmoux-Eude, directeur général
M. François Charmont, directeur adjoint au directeur général
Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Direction générale des collectivités locales (DGCL)
M. Pascal Mathieu, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale
Mme Maëva Achemoukh, cheffe du bureau de l'emploi territorial et de la protection sociale
Mme Laurence Lavy-Painault, cheffe du bureau des statuts et de la réglementation des personnels territoriaux
M. Nicolas Orban, adjoint à la cheffe du bureau des élus locaux et de la formation des personnels territoriaux
Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)
M. Belkacem Mehaddi, directeur général
M. David Rey, directeur de cabinet du président
Fédération hospitalière de France (FHF)
M. Rodolphe Soulié, responsable du pôle ressources humaines hospitalières
Mme Hélène Gendreau, responsable adjointe du pôle ressources humaines hospitalières
* 1 Contre 21 % dans la FPH et 23 % dans la FPE (source : direction générale de l'administration et de la fonction publique).
* 2 Qui s'élève à 21 265 ETP pour l'État et ses opérateurs (+ 10 267 ETP en 2023 ; + 8 634 ETP en 2024 ; et + 2 364 ETP en 2025) - source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur.
* 3 Arithmétiquement, il serait nécessaire pour cela d'avoir un schéma d'emploi d'environ - 28 000 ETP en 2027.
* 4 Loi de programmation militaire : +3 100 ETP ; loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice : + 10 000 ETP ; loi de programmation du ministère de l'Intérieur : + 8 573 ETP.
* 5 Cette somme correspond au coût des revalorisations liées à l'évolution du Smic pour les contractuels (principalement dans la police nationale et chez les accompagnants en situation de handicap).
* 6 Le coût des mesures générales s'est élevé à 1 552 millions d'euros en 2022 ; à 2 272 millions d'euros en 2023, et à 839 millions d'euros en 2024.
* 7 Décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation, article 1er.
* 8 Source : éléments transmis par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).
* 9 Décret n° 2022-1101 du 1er août 2022 et décret n° 2023-775 du 11 août 2023.
* 10 En 2023, le gain moyen brut annuel par bénéficiaire s'est élevé à 822 euros pour les agents de catégorie A, à 498 euros pour les agents de catégorie B, et à 406 euros pour les agents de catégorie C (source : DGAFP).
* 11 Décret n° 2023-812 du 21 août 2023.
* 12 Décret n° 2023-702 du 31 juillet 2023.
* 13 Le dispositif a été transposé dans la FPT (décret n° 2023-1006 du 31 octobre 2023). Sa mise en oeuvre y est conditionnée à une délibération des organes délibérants, qui déterminent le montant de la prime. Les données relatives au montant consolidé des versements effectués ne sont pas disponibles, comme indiqué par la DGAFP.
* 14 Arrêté du 23 novembre 2022 modifiant l'arrêté du 26 août 2021 pris pour l'application du décret n° 2021-1123 du 26 août 2021.
* 15 Dans la FPT, l'ouverture du CET est de droit, mais son utilisation sou forme d'indemnisation ou de retraite additionnelle requiert une délibération. Les données relatives au montant consolidé des versements effectués par les collectivités territoriales ne sont pas disponibles.
* 16 Le programme 148 fait partie, depuis la loi de finances pour 2021, de la mission « Transformation et fonction publiques », qui comporte actuellement trois autres programmes (P 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » ; P 349 « Transformation publique » ; et P 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques »).
* 17 Il comprend toutefois de faibles crédits de personnel (290 000 €) correspondant aux rémunérations accessoires versées dans le cadre dans le cadre de la formation interministérielle déconcentrée au profit des agents de l'État en poste dans les territoires et de l'organisation du concours des IRA (source : PAP, p. 87).
* 18 Décret n° 2019-86 du 8 février 2019, arrêté du 26 avril 2019 et arrêtés du 5 juillet 2019.
* 19 Décret n° 2024-234 du 18 mars 2024 et arrêtés du 12 décembre 2024 et du 31 juillet 2025.
* 20 Le premier concours avec une session unique s'est tenu en juillet 2024, pour un début de scolarité au 1er janvier 2025. Le nombre d'élèves formés reste néanmoins fixé à 960 par an.
* 21 Lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État.
* 22 Bastia, Lille, Lyon, Metz et Nantes.
* 23 Sachant que l'ENSP et l'INSP avaient pris l'arrêté d'ouverture du concours dès l'été 2024, et l'INET et l'EHESP, au début de l'année 2025. L'ENAP a fait le choix de ne pas ouvrir de concours « Talents » pour la session 2025.
* 24 D'après les éléments transmis par la DGAFP au rapporteur, entre 2021 et 2024, 37 apprentis en situation de handicap ont été titularisés par cette voie dans la fonction publique d'État et 17 dans la fonction publique hospitalière, tandis que dans la fonction publique territoriale, 2 % des collectivités ont indiqué utiliser cette voie.
* 25 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, article 27.
* 26 Article L. 451-11 du code général de la fonction publique dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2023.
* 27 À noter que le financement d'une cohorte d'apprentis pèse sur quatre exercices budgétaires ; ainsi, la cohorte au titre de l'année 2025 pèsera sur les exercices allant jusqu'à 2028. La durée moyenne des contrats dont les frais de formation sont pris en charge par le CNFPT est en effet de dix-huit mois.
* 28 Qui s'ajoutent à ceux approuvés par les employeurs locaux réunis le 12 novembre 2024 au sein de la coordination des employeurs territoriaux et par le conseil d'administration du CNPFT le 18 décembre 2024.
* 29 Les données consolidées pour 2025 ne seront disponibles qu'après le 31 janvier 2026, date de clôture de la période de conclusion des contrats, le dernier trimestre concentrant traditionnellement un nombre important de demandes.
* 30 Il s'agit du nombre total de contrats d'apprentissage signés par les employeurs territoriaux et enregistrés auprès des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS).
* 31 Sur la base du coût moyen constaté de 9 500 euros par contrat (source : CNFPT).
* 32 L'État maintient en effet un soutien massif à l'apprentissage dans le secteur privé : la dotation d'équilibre annuelle à France compétences est de 1 à 2 milliards d'euros par an, tandis que l'aide aux entreprises s'élève à 2 000 euros pour celles de plus de 250 salariés et à 5 000 euros pour les autres.
* 33 Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur.
* 34 En raison de l'aide attribuée aux agents de l'État mobilisés lors des jeux olympiques et paralympiques.
* 35 Ce chiffre est identique à celui de 2025, et légèrement supérieur à celui de 2024 et 2023 (4 930 places).
* 36 À savoir, les prestations chèque-vacances, aide à l'installation des personnels de l'État, aide au maintien à domicile et CESU - garde d'enfant.
* 37 Dans son rapport public thématique publié en juin 2024 sur les fonds d'accompagnement en matière de ressources humaines, la Cour des comptes relève des « résultats [...] modestes ».
* 38 Guillaume Kasbarian (21 septembre-23 décembre 2024), Laurent Marcangeli (23 décembre 2024-5 octobre 2025), David Amiel (depuis le 12 octobre 2025), sans compter Naïma Moutchou (5-12 octobre 2025).
* 39 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-300.html.
* 40 Deux types d'obstacles à la poursuite des travaux peuvent être identifiés, comme indiqué par la fédération hospitalière de France au rapporteur : d'une part l'absence de cadrage national, notamment d'accord-cadre négocié avec les partenaires sociaux, ne permet pas pour l'heure d'engager les démarches de passation des marchés publics ; d'autre part, la question des modalités du financement reste à trancher, le coût estimé pour le versant hospitalier se situant entre 500 et 600 millions d'euros ; or la situation budgétaire et financière des établissements de santé et médico-sociaux ne permet pas d'envisager ce financement sur leurs fonds propres.
* 41 Étant entendu que le recours au dispositif dit de « soins gratuits » (prévu par l'article L. 722-1 du CGFP) ne garantit pas, à lui seul, une prise en charge comparable à celle offerte par un dispositif de protection sociale complémentaire, en raison de son champ d'application, de ses contraintes d'utilisation et son incidence fiscale.
* 42 Amendement n° 667 de Corinne Imbert au nom de la commission des affaires sociales.
* 43 Atteignant 30,65 % en 2023, ce taux a été relevé à 31,65 % dès 2024 (décret n° 2024-49 du 30 janvier 2024). En application du décret n° 2025-86 du 30 janvier 2025, il est fixé à 34,65 % en 2025, et sera fixé à 37,65 % en 2026, à 40,65 % en 2027, pour atteindre 43,65 % en 2028.