CHAPITRE II - L'ACTION CONDUITE PAR LES POUVOIRS PUBLICS ET LE PROJET DE BUDGET POUR 1996

I. LA POLITIQUE CONDUITE EN 1995

A. LE NOUVEAU PLAN POUR LA PÊCHE

Annoncé le 16 février dernier, à la suite d'un rapport d'audit des armements à la pêche artisanale, ce plan devrait mobiliser 330 millions de francs, dont 180 à la charge de l'État.

Ce plan de restructuration financière de la pêche artisanale vient donc compléter les mesures prises en 1994 : la réduction des charges sociales et financières des armements, le renforcement des fonds propres, la constitution du fonds du mareyage pour un coût budgétaire de 240 millions de francs. Il comprend quatre grandes séries de mesures.

1. L'amélioration de la situation des marins

Ces mesures, qui concernent l'ensemble du secteur de la pêche artisanale, sont au nombre de quatre.


L'amélioration du régime des caisses de chômage « intempéries ».

Actuellement, les caisses d'indemnisation du chômage dû aux intempéries assurent aux marins un salaire forfaitaire pour une durée totale annuelle de 20 jours, ce qui s'avère souvent insuffisant et ne couvre pas les risques liés aux avaries techniques. Le quadruplement de l'enveloppe (60 millions de francs au lieu de 15) permettra d'accroître la durée de prise en charge du chômage et de prendre en compte le risque avarie.


La clarification des contrats d'engagement et de la définition des charges communes

Sur ce point, l'audit a mis en évidence la nécessité de clarifier, dans un processus encadré de négociations professionnelles, port par port, les contrats d'engagement et la définition des charges communes, afin de mettre un terme à certaines irrégularités.


L'extension aux patrons pêcheurs des mesures de cessation d'activité anticipée (CAA) et des allocations complémentaires de ressources (ACR)

Ces dispositifs, applicables aux matelots et patrons dans le cadre des mesures d'apurement du passif, sont étendus aux patrons pêcheurs, dans le cadre du plan de sortie de flotte 1995 (150 navires concernés) après examen individuel des dossiers. Le coût de cette extension représente 10 millions de francs qui s'ajoutent aux 8,8 millions actuels.


L'aide aux familles en difficulté

Cette aide est dotée d'une nouvelle enveloppe de 10 millions de francs sur crédits ENIM (Établissement national des invalides de la marine). Elle prolonge ainsi les aides attribuées en 1993 et 1994 (10 millions de francs, chacune).

2. Le soutien aux armements en difficulté

Le rapport d'audit évalue à environ 370 le nombre de navires de 12 à 25 mètres qui rencontrent de graves difficultés, soit 25 % des navires de cette catégorie.

Parmi ceux-ci, 270 connaissent un résultat d'exploitation convenable, mais supportent des charges financières excessives.

Par ailleurs, 100 bateaux sont difficilement viables en raison de résultats d'exploitation négatifs ou très faibles, avant même toute imputation des charges financières.

Dans ces conditions, le plan retient deux types de mesures : améliorer la situation financière des navires jugés viables et permettre une sortie de flotte dans des conditions sociales et financières acceptables pour les autres.


• Pour les unités de 12-25 mètres qui ont un avenir, le plan prévoit d'alléger la durée des prêts bonifiés à 15 voire 18 ans au lieu de 12actuellement. Cette mesure toucherait plus de 200 navires.

En outre, une aide au désendettement des navires acquis entre 1988 et 1991 est mise en place. Cette aide prend la forme d'une prise en charge d'une partie du capital restant dû sur les prêts à l'acquisition. L'aide est plafonnée à un millions de francs et devrait être en moyenne de 600.000 francs par navire. 170 navires en bénéficieraient. En contrepartie, le bénéficiaire s'engage à ne pas contracter de nouvel emprunt pour l'acquisition d'un navire avant le remboursement complet des prêts concernés.


• Pour la centaine d'armements qui paraissent non viables (pour cause de gestion déficitaire, pour des raisons techniques, d'obsolescence ou d'inadaptation de l'outil), le plan vise à permettre une sortie de flotte honorable pour le patron pêcheur en préservant son patrimoine personnel, ainsi que celui des personnes qui se sont portées caution.

Pour ces armements, deux types de mesures d'apurement du passif sont envisagés.

Si le navire, viable techniquement, est cédé à un autre patron, l'objectif d'apurement du passif consiste à réduire l'endettement hors fournisseurs avant cession. Le prix de vente du navire doit correspondre alors à sa valeur économique. Dans ce cas, il y aura prise en charge du passif hors fournisseurs, évalué après cession. Les collectivités territoriales et les établissements bancaires sont sollicités dans le cadre de cette action exceptionnelle. De son côté, au-delà de sa participation à l'apurement du passif, l'État renonce à la taxation des plus-values.

En cas d'arrêt définitif du navire, le passif hors fournisseurs fera l'objet d'un apurement quel que soit l'âge du navire (plus ou moins de dix ans).

3. Le soutien aux navires de moins de 12 mètres

L'audit a montré que la plupart des bateaux de moins de 12 mètres (75 % du nombre total des navires) ne connaissent pas de difficultés financières majeures qui seraient susceptibles de compromettre la poursuite de leur activité. Certains d'entre eux supportent cependant des charges d'investissement excessives.

Le plan prévoit ainsi, pour les navires ayant un encours élevé (supérieur à 100.000 francs) l'allongement de la bonification des prêts bonifiés. L'État prendra en charge l'équivalent de cinq points d'intérêt pendant une durée de six ans (au lieu de trois ans) ou pendant la période de remboursement de l'emprunt restant à courir si celle-ci est inférieure à six ans. Cette mesure ne peut avoir pour effet de ramener le taux d'intérêt résiduel de l'emprunt à une valeur inférieure à 6,5 % par an pendant la période de prise en charge.

Il prévoit également l'exonération des plus-values en cas de cession : les navires présentant des situations financières difficiles pourront être cédés sans plus-values après un examen, au cas par cas, par les commissions régionales.

4. La réduction des prélèvements au débarquement

La dernière mesure du plan vise à réduire les prélèvements sur les produits de la mer opérés actuellement au moment de leur débarquement et de leur première mise en vente. Elle vise à prolonger, à terre, les efforts de productivité réalisés en mer.

Parmi les différents postes de charges pesant sur le compte d'exploitation, celui des prélèvements au débarquement est le plus important ; son allégement permettrait d'améliorer la compétitivité de l'ensemble des armements français. Une circulaire adressée aux préfets vise à mobiliser l'ensemble des partenaires concernés, autour d'un plan pluriannuel de réduction des charges de toute nature tirées au débarquement du poisson. Cet allègement nécessitera à la fois des efforts de productivité et de maîtrise de l'investissement.

Le 16 février dernier, le ministre de l'agriculture et de la pêche avait souligné, devant les professionnels, , l'ampleur inégalée de ce plan, destiné à « permettre à la pêche française de retrouver le chemin de la croissance, et assurer aux marins pêcheurs, les garanties nécessaires à l'exercice de leur métier ». L'opération de restructuration et de désendettement en cours permettra ainsi à la pêche française de tirer parti de l'atout que représentent les efforts de modernisation engagés au cours des années 80 : la moyenne d'âge de ses navires est en effet très sensiblement inférieure à celle de certains de ses concurrents, espagnols ou écossais par exemple.

Le coût total des mesures de désendettement et d'apurement du passif (hors exonération des plus-values) est estimé à 225 millions de francs pris en charge solidairement par l'État (75 millions de francs), les banques, les collectivités territoriales étant invitées à participer à la même hauteur.

Il faut, par ailleurs, indiqué que l'enveloppe (340 millions de francs) des prêts, bonifiés pour 1995, a été mise à disposition cette année, avec une anticipation de plusieurs mois, par rapport aux pratiques antérieures.

B. L'AMÉLIORATION DE LA COMPÉTITIVITÉ DE LA FILIÈRE

1. Les mesures conjoncturelles

Pour donner aux organisations de producteurs les moyens de faire face à la crise, des fonds ont été mis à leur disposition afin, notamment, de financer des actions de valorisation des produits, des démarches communes de commercialisation et la mise en place de fonds de garantie.

Pour 1995, les sommes débloquées à ce titre atteignent 65 millions de francs (dont 20 millions de francs au titre des fonds de garantie), 15 millions de francs supplémentaires étant mis en réserve à cet effet.

En outre, des campagnes de promotion très ciblées ont été lancées, soit pour faciliter l'écoulement de produits débarqués en grandes quantités, soit pour mettre en avant des productions de qualité.

2. Les mesures structurelles

Celles-ci s'articulent en trois volets.


Améliorer la transparence et la fluidité du marché

Un effort particulier est fait en faveur de l'amélioration de la connaissance anticipée des apports. Dans un marché caractérisé par une très forte concentration de la demande face à une offre très dispersée, cette anticipation sur les quantités disponibles à la vente est nécessaire. À ce titre, le FIOM a été doté de moyens financiers lui permettant de contribuer à l'équipement des navires que dans le cadre d'une démarche collective, veulent se doter des matériels nécessaires.

Dans la même perspective, les pouvoirs publics soutiennent la mise en réseau des opérateurs pour améliorer la circulation de l'information entre les différents opérateurs du marché (criées, organisations de producteurs, mareyeurs), nécessaire pour la mise en adéquation de l'offre à la demande et éviter le retrait de produits qui auraient pu trouver preneur.

Le développement de la normalisation des présentations des produits mis à la vente est encouragé, la France ayant en la matière un certain retard dû à l'extrême diversité des usages sur le littoral.


Valoriser la production

L'accent est, par ailleurs, mis sur la qualité du produit et les actions de valorisation, afin de renforcer l'attractivité commerciale de la production française.

Le FIOM soutient financièrement les initiatives en ce domaine, y compris celles visant à la sensibilisation et à la formation des marins aux techniques et usages permettant d'améliorer la qualité du produit d'amont en aval de la filière.

Dans certains cas et pour certaines espèces, ce type de démarches peut déboucher sur l'attribution de signes de qualité (certifications, indications géographiques protégées).


• Renforcer le mareyage

Comme le rapport Guérin l'a mis en évidence, ce maillon essentiel de la filière, premier acheteur de produits de la mer et a été directement affecté par la crise, alors même qu'il était est confronté à la nécessité de consentir des investissements importants pour mettre ses équipements en conformité aux normes sanitaires communautaires. Ce secteur, encore trop émietté, face notamment à la grande distribution, traverse aujourd'hui une période de profonde restructuration, caractérisée par la disparition de nombreuses entreprises.

Outre les subventions d'aides à l'équipement ou à la création de fonds de caution inter-portuaires délivrées par le FIOM, un fonds de structuration du mareyage -co-financé par le FIOM, les banques du secteur et l'Union du mareyage français- a été mis en place, en vue d'accompagner de manière sélective les initiatives de développement menées par certaines entreprises de mareyage viables (diversifications, regroupements, modernisations...).

Ces mesures s'insèrent dans une action à plus long terme d'amélioration des échanges et de renforcement des contrôles.

Le caractère structurellement déficitaire du commerce extérieur de la pêche a conduit les pouvoirs publics à prendre un certain nombre de mesures pour améliorer nos échanges.

Il s'agit tout d'abord de stabiliser la production nationale en recherchant, grâce aux campagnes de prospection halieutique, de nouvelles opportunités, et en développant les techniques aquacoles. Il s'agit, d'autre part de promouvoir une valorisation accrue de la production, en développant les démarches « qualité » et en modernisant les équipements : la valorisation de la matière première nationale -ou étrangère- devrait permettre un recours moindre aux importations de produits transformés.

L'accent, enfin, est mis sur le contrôle de la qualité des importations, indispensable dans le cadre du grand marché.

C'est ainsi qu'au niveau communautaire, la France a demandé que les contrôles soient développés, afin de garantir le respect homogène des règles sanitaires et douanières dans tous les pays membres.

Au niveau national, les importations de produits de la pêche font l'objet sur notre territoire d'un régime de contrôle renforcé : en matière sanitaire, en matière de normes de commercialisation (fraîcheur, calibrage, ...), en matière d'origine. Dans ce dernier cas, l'objectif est d'éviter que l'application des régimes tarifaires préférentiels accordés à certains pays tiers (les deux-tiers des importations communautaires s'effectuent sous couvert d'un régime dérogatoire...) ne bénéficie indûment à d'autres pays.

C'est à ce titre que le ministère a organisé, les 11, 12 et 13 septembre dernier, une opération de contrôle des produits de la mer dans les ports de Boulogne, Lorient et Sète, ainsi que sur les marchés d'intérêt national de Rungis, Marseille, Lyon, Bordeaux et Nantes. Selon le communiqué de presse publié par le ministère, « l'objectif de cette opération de contrôle coordonné portait sur la qualité sanitaire, l'origine des produits et le respect des règles de concurrence entre produits importés et produits communautaires.

Au total, 622 tonnes de marchandises ont été contrôlées. Si, sur le plan sanitaire, seulement 800 kilogrammes de poissons impropres à la consommation ont été saisis, il a été relevé, en revanche, plusieurs anomalies concernant les documents d'accompagnement des marchandises qui ne permettaient pas une identification satisfaisante des produits, notamment quant à leur origine. Ces anomalies font l'objet d'investigations plus approfondies de la part des services de l'État, en vue d'une saisine éventuelle des autorités communautaires et, le cas échéant, des pays membres de l'Union européenne. »

Le ministre de l'agriculture et de la pêche a d'ailleurs indiqué qu'il renouvellerait périodiquement ce type d'opération, dont le bilan serait communiqué.

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