III. LES DOTATIONS INSCRITES AU BUDGET DE L'AGRICULTURE
A. LE « BLEU » BUDGÉTAIRE : UNE APPROCHE MINIMALISTE
1. Les crédits explicitement considérés comme d'aménagement rural
Dans la présentation retenue cette année pour le bleu budgétaire, les dépenses en faveur de l'aménagement de l'espace rural, jusqu'ici distinctes, sont fusionnées avec les dépenses forestières, au sein de l'agrégat 3 « Espace rural et forêt ». Cette nouvelle ventilation conduit, d'ailleurs, à requalifier des actions jusqu'ici considérées comme d'aménagement de l'espace rural. Ainsi, le chapitre 37.11.article 42 « Aménagement rural manifestations et expositions » est désormais rangée parmi les lignes des services généraux. Les articles 30 et 50 du chapitre 44.80, essentiellement les indemnités compensatrices de handicap, et le chapitre 61.84 (crédits des compagnies d'aménagement régional) figurent désormais dans l'agrégat « Activités productives ».
Par conséquent, à s'en tenir à cette nomenclature budgétaire, les crédits explicitement considérés comme d'aménagement de l'espace rural inscrits au ministère de l'agriculture représenteraient 467,5 millions de francs, -dont 400 millions de francs au titre du seul fonds de gestion de l'espace rural- soit, à structure constante, une baisse de 18,3 % (- 20,7 % compte tenu des diminutions de crédits opérés à l'Assemblée nationale).
• Les crédits du fonds de gestion de l'espace
représentent désormais plus de 85 % des crédits
explicitement considérés comme d'aménagement rural. Or,
ces crédits enregistrent une
évolution défavorable
le chapitre 44-83 est crédité de 400 millions de francs
en 1996, soit une baisse de 20 % par rapport aux 500 millions de francs dont le
fonds avait été doté, par anticipation d'ailleurs sur sa
création..., dans la loi de finances initiale pour 1995. En outre, pour
la première année de sa création, le fonds aura
été lourdement affecté par les annulations de
crédit du collectif budgétaire (- 152,5 millions de francs, soit
- 30 %).
On peut sur ce point rappeler qu'il avait été envisagé, dans un premier temps une dotation d'un milliard de francs, alimentée pour partie par des ressources pérennes. Le CNJA envisageait ainsi une majoration de la TVA alimentaire et une taxe sur le changement de destination des sols. Cette dernière piste mériterait d'être explorée afin de pérenniser le financement du fonds et d'éviter qu'il ne se transforme en chapitre réservoir, naturellement sollicité pour d'ultérieures annulations de crédit.
À l'Assemblée nationale, en deuxième délibération, les crédits du FGER ont été diminués de 12 millions de francs. Ses crédits seront donc en retrait de 22,4 % par rapport à 1995.
• On peut rappeler que les crédits du chapitre
44-80 sont orientés vers :
- l'aide au recrutement, les trois premières années et par des associations locales, d'animateurs chargés d'organiser et d'aider le développement des territoires ruraux de développement prioritaire :
- le financement des analyses, de diagnostics, d'animations et d'investissements intellectuels préalables privilégiant la diversification et les actions exemplaires et démonstratives dans les principaux secteurs du développement rural ou dans le cadre d'une approche « ville-campagne » (amélioration des services, du cadre de vie, de l'environnement, pluriactivité, emploi, tourisme rural, valorisation des ressources locales et- des nouvelles technologies).
Les crédits de l'enveloppe contractualisée sont consacrés, en priorité, aux investissements intellectuels préalables à la conduite d'opérations démonstratives et exemplaires ou innovantes en matière de gestion de l'espace. Mais, les préfets de régions peuvent également consacrer leur enveloppe à la promotion de produits montagne ou à des actions de soutien à la sélection animale.
Ces crédits ont été minorés d'1,2 million de francs à l'Assemblée nationale.
• Les crédits du chapitre 61-44 ont
sensiblement le même champ d'intervention, mais pour les projets ayant la
nature de dépenses d'investissement, matériel ou
immatériel.
Par conséquent, ces crédits sont incontestablement des crédits d'aménagement rural. Il faudrait pouvoir y rajouter la partie des crédits (35 %, soit environ 60 millions de francs) des grands aménagements régionaux qui ne sont pas strictement consacrés à l'hydraulique, soit au total environ 520 millions de francs.
2. Les autres crédits gérés par la direction de l'espace rural
Une autre approche conduit à considérer comme des crédits d'aménagement rural les crédits (hors crédits forestiers) gérés par les services en charge de ce volet de la politique du ministère : la direction de l'espace rural et de la forêt.
Il faut alors rajouter aux crédits, budgétairement considérés comme des crédits d'aménagement rural, les crédits :
- d'aménagement foncier et d'hydraulique (article 10 du chapitre 61.44) ;
- des grands aménagements régionaux (chapitre 61.84).
Ces crédits baissent aussi : - 18,6 % en crédits de paiement et -12,2 % en autorisations de programme. En outre, l'Assemblée nationale a réduit de 5 millions de francs les crédits des compagnies d'aménagement régional.
Les crédits d'aménagement rural, au sens strict, sont, par conséquent, en nette diminution dans le budget de l'agriculture. Ils ont, d'ailleurs, été particulièrement touchés par les annulations de crédit de 1995 : -25 % pour les crédits d'investissement, de -30 % (pour le FGER) à -10 % pour les autres dépenses.
On notera, enfin, que les crédits des OGAF (opérations groupées d'aménagement foncier - chapitre 44-41 article 60) et des SAFER (société d'aménagement foncier et d'établissement rural - chapitre 44-44), qui peuvent également être considérés comme des crédits d'aménagement rural, sont aussi en diminution. Les crédits des SAFER ont, d'ailleurs, été réduits d'1,3 million de francs en seconde délibération à l'Assemblée nationale.
• À structure constante, c'est-à-dire
en reconstituant l'agrégat utilisé jusqu'en 1995, on parvient,
sans même tenir compte des diminutions des crédits à
l'Assemblée nationale, au même constat d'une baisse sensible (-
16,3%).
Dans toutes les hypothèses, on observe donc une baisse des crédits d'aménagement rural. La tendance à la diminution des crédits destinés à des opérations physiques structurantes, n'est pas compensée par la revalorisation ou même le maintien des crédits destinés au nouvel instrument d'intervention : le FGER.
B. LES CRÉDITS DESTINÉS À LA COMPENSATION DES HANDICAPS OU DE CONTRAINTES SPÉCIFIQUES
L'approche traditionnelle de votre commission consiste à prendre également en compte, au titre de l'aménagement de l'espace rural, les crédits de compensation des handicaps ou de contraintes spécifiques.
Ces crédits comprennent, d'une part, les indemnités compensatoires de handicaps, les aides aux bâtiments d'élevage ou à la mécanisation en faveur des zones de montagne (61.40, article 30), ainsi que celles aux équipements collectifs en zone de montagne et, d'autre part, l'ensemble des mesures agri-environnementales, y compris la prime à l'herbe.
Le tableau ci-après retrace l'évolution des principales dotations.
Ce sont ainsi environ 2,7 milliards de francs que le budget de l'agriculture consacrera à la compensation de contraintes particulières, auxquels il faudrait ajouter les subventions accordées aux bâtiments d'exploitation et au matériel en zone de montagne (sur le chapitre 61.40).
Compte tenu des cofinancements communautaires, se sont désormais environ 4 milliards de francs qui sont versés à ce titre.
Si l'on considère que ces différentes actions, en favorisant l'extensification et le soutien des pratiques agricoles compatibles avec l'environnement, en modifiant les conditions de consommation de l'espace, ont un impact certain sur l'aménagement rural, c'est désormais principalement par ce biais que le ministre intervient.
On constate sur ce point d'ailleurs un désengagement des actions spécifiques en faveur des zones de montagne destinées à compenser les surcoûts. Ainsi, pour la modernisation des exploitations, la progression des crédits s'explique par la majoration des crédits destinés à la mise aux normes : les dotations destinées à la montagne diminuent d'environ 30 %. La même évolution négative peut être relevée pour le chapitre 61-44 article 20 qui bénéficient principalement à l'élevage de montagne.
C. L'APPROCHE SYNTHÉTIQUE DU « BLANC » BUDGÉTAIRE
Si l'on retient la nouvelle nomenclature des aides publiques (concours budgétaires, mais aussi financements inscrits aux comptes spéciaux ou en provenance de la Communauté) élaborée par le ministère (« Les concours publics à l'agriculture - annexe au projet de finances pour 1996 »), deux ensembles d'actions (ensembles 1.4 et 5.1) pour tout ou partie intéressent principalement l'aménagement rural.
Cet examen du « blanc » budgétaire permet, en outre, de mesurer la part prise par les financements communautaires dans la politique d'aménagement de l'espace rural.
• Au sein du domaine 5 « espace rural et
forestier », l'ensemble 5-1 rassemble
les crédits
d'infrastructures
gérés ou cogérés par le
ministère de l'agriculture (le FNDAE, mais pas le FACE, les dotations du
fonds de gestion de l'espace, les crédits des sociétés
d'aménagement régional (hors hydraulique), les dotations du FIDAR
et de l'ancienne AIIZR.
Dans ce domaine, la politique nationale en faveur de l'espace rural est puissamment soutenue par les interventions du FEDER, du FSE et du FEOGA-orientation. Ces fonds socio-structurels participent aux nouveaux programmes 1994/1999 destinés à aider les territoires qui connaissent des difficultés particulières : zones en retard de développement (objectif 1), zone de reconversion industrielle (objectif 2) et zones rurales en situation difficile (objectif 5 b), et à aider l'adaptation des structures agricoles (objectif 5 a). La sélection des zones est fondée sur les critères inscrits dans les règlements européens modifiés en 1993.
À la fin 1994, la Commission de Bruxelles avait approuvé tous les documents uniques de programmation (DOCUP) pour les programmes régionaux de l'objectif 5 b. En France, la zone 5 b couvre plus de 53 % du territoire, contre 31 % auparavant et concerne 9,75 millions d'habitants, au lieu de 6 millions, soit 17, 3 % contre 10,5 % de la population. Elle concerne 18 régions, et dans leur totalité le Massif central et les Pyrénées. Les concours communautaires attendus se montent à 2,238 milliards d'écus (14,5 milliards de francs).
En outre, les zones 1 et 5 b bénéficient des concours liés aux programmes d'initiatives communautaires (PIC), tels LEADER pour le développement rural, REGIS en faveur des régions ultrapériphériques, et INTERREG (coopération transfrontalière). La France doit recevoir 1,2 milliard d'écus au titre des différentes initiatives communautaires qui viennent d'être renouvelées pour 1994-1999. Ainsi, LEADER II, doté de 182 millions d'écus, soutient les projets de développement local (acquisition de compétences, innovations rurales et coopération transnationale).
Il faut également ajouter aux crédits de cet ensemble, une partie de ceux recensés dans l'ensemble 5-3 « autres financements en faveur de l'aménagement et de la protection de l'espace rural et forestier » c'est-à-dire principalement les crédits du chapitre 44-80 du budget du ministère, doté de 34 millions de francs en loi de finances initiale 1995 et de 32 millions de francs en 1996 pour appuyer les démarches d'animation et d'expérimentation des organismes publics locaux et consulaires. Une partie de ces crédits correspond à la part de l'État dans les contrats de plan en faveur des zones rurales fragiles. Ils financent des études préalables à l'élaboration de programmes de développement rural.
On peut également mentionner pour mémoire les crédits (900.000 francs en 1995. 830.000 francs en 1996) destinés au financement des actions d'information, de formation et d'assistance technique en milieu rural conduites par le Centre d'information et de formation sur l'Aménagement rural (CIFAR) qui bénéficient à ce titre d'un cofinancement communautaire.
• Dans le domaine 1 « Activités agricoles
productives », l'ensemble 1-4 recense l'ensemble des crédits
destinés à la « compensation de handicaps ou de contraintes
spécifiques ».
L'ensemble 1-4 comprend d'une part les aides spécifiques à la montagne, les indemnités compensatoires de handicaps, les aides aux bâtiments d'élevage ou à la mécanisation en faveur des zones de montagne (61-40 article 30) ainsi que celles aux équipements collectifs en zone de montagne) et, d'autre part, l'ensemble des mesures agri-environnementales, y compris la prime à l'herbe.
Le tableau ci-après retrace l'évolution de ces crédits (en dépenses constatées) au cours des cinq dernières années.
Ainsi, au sens du blanc budgétaire, ce sont environ 6,5 milliards de francs qui seraient consacrés à l'aménagement rural (dont plus de 60 % au titre de la compensation de différents handicaps), avec une participation communautaire de l'ordre de 40 %.
D. L'APPROCHE MAXIMALISTE DU « JAUNE » BUDGÉTAIRE
Une dernière approche des crédits consacrés par le ministère de l'agriculture à l'aménagement rural peut être tentée : celle retenue dans le « jaune budgétaire », état récapitulatif des crédits affectés à l'aménagement du territoire.
Si l'on veut bien admettre que les crédits en provenance du ministère de l'agriculture recensés dans ce document budgétaire comme concourant à l'aménagement du territoire 1 ( * ) peuvent être considérés comme des crédits d'aménagement rural, il apparaît alors que l'aménagement rural mobiliserait 13 milliards de francs sur le budget de l'agriculture. Le budget du ministère de l'agriculture serait donc le deuxième contributeur -en moyens de paiement- à la politique d'aménagement du territoire, après celui des transports terrestres (20 milliards de francs).
Comme l'illustre le tableau ci-après, la présentation retenue est contestable.
BUDGET DE L'AGRICULTURE, DE LA PÊCHE ET DE L'ALIMENTATION ÉTAT DES CRÉDITS AFFECTÉS À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Sont en effet considérés comme concourant à l'aménagement rural :
- les crédits de la pêche (logiquement retracés dans le bleu budgétaire dans l'agrégat 06 « Pêche ») ;
- les crédits de la forêt (imputés dans le bleu budgétaire à l'agrégat 03 « Espace rural et forêt ») ;
- la totalité des crédits d'amélioration des structures agricoles, alors que celles-ci figurent, dans le bleu, soit dans l'agrégat 01 « activités agricoles productives » (DJA, retrait des terres, extensification, boisement, mesures agri-environnementales. prime à l'herbe, OGAF, SAFER, CNASEA), soit dans l'agrégat 05 « protection sociale et solidarité (IVD, préretraite) ;
- les crédits des offices (censés bénéficier, selon le bleu, aux« activités agricoles productives ») ;
- les subventions économiques, alors qu'elles sont imputées, dans le bleu soit aux « activités agricoles productives » (le régime des alcools, le soutien au sucre dans les DOM, l'aide aux agriculteurs en difficulté) soit à« la protection sociale et à la solidarité » (l'aide alimentaire) ;
- la prime au maintien du troupeau allaitant (rangée dans l'agrégat 01) ;
- les dépenses en capital en faveur de l'espace rural et de la forêt, alors que les crédits d'aménagement foncier et d'hydraulique sont considérés, par le bleu budgétaire, comme concernant le financement des « activités agricoles productives » ;
- les crédits de politique industrielle (logiquement imputés dans le bleu à l'agrégat 02 industries agro-alimentaires) ;
- les crédits des compagnies d'aménagement régional (considérés jusqu'à cette année contribuer à l'aménagement rural, mais figurant pour 1996 dans les crédits bénéficiant aux activités productives) ;
- le fonds de gestion de l'espace rural, cette fois-ci en concordance avec le bleu budgétaire.
On constate, par conséquent, que l'opacité de la notion même d'aménagement rural s'accompagne d'une opacité similaire dans l'estimation des crédits budgétaires qui lui sont consacrés. Votre rapporteur ne peut que rappeler sur ce point, le souhait de votre commission de voir mieux distinguer, dans le « jaune budgétaire », les crédits bénéficiant au développement rural, qui paraissent difficilement pouvoir être assimilés à ceux en provenance du budget de l'agriculture que ce document impute à l'aménagement du territoire.
Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits d'aménagement rural inscrits au budget du ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation pour 1996.
* 1 Trois critères principaux ont été retenus pour la définition des crédits concourant à l'aménagement du territoire :
- Les crédits engagés au titre des contrats de plan entre l'État et les régions, tels qu'ils ressortent des contrats signés dans la période 1994-1998.
- Les crédits dont l'affectation a été décidée lors d'un comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT).
Les crédits ayant un impact sur l'implantation géographique des activités ou concourant au développement local.