B. UN REGROUPEMENT PLUS SATISFAISANT DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES
Les crédits budgétaires pour l'outre-mer s'élèvent à 4,903 milliards de francs en 1996, soit un doublement par rapport à ceux votés pour 1995 qui étaient de 2,460 milliards de francs. Ce niveau élevé de crédits s'explique par deux séries de facteurs.
D'une part, comme l'a rappelé M. de Peretti lors de son audition devant votre commission des Affaires sociales, les priorités budgétaires de son ministère sont nombreuses : développement des interventions en faveur de l'emploi, recherche d'une politique active en faveur du logement social, respect des engagements contractuels de l'État, préservation des moyens logistiques du ministère.
D'autre part et surtout, ces crédits se caractérisent par le rapatriement, dans le budget de l'outre-mer, de sommes importantes correspondant à des interventions dans le domaine social et qui donne une appréciation plus juste de l'effort ainsi consenti par l'État. En sens inverse, les crédits afférents à la recherche dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont désormais rattachés au budget du ministère de la recherche.
1. L'impact croissant des crédits sociaux
La majoration de 106 % du budget voté pour 1995 correspond essentiellement aux mesures de transfert concernant la créance de proratisation du RMI et de la ligne budgétaire unique en faveur du logement social dans les DOM ainsi qu'à la montée en charge du FEDOM institué par la loi du 25 juillet 1994.
a) La créance de proratisation
La créance de proratisation qui s'imputait précédemment au budget des charges communes est portée de 742,7 millions de francs à 871,6 millions de francs, soit une progression de 17 %.
Sur la période récente, cette créance a suivi les évolutions suivantes :
(l) En 1994
En 1994, Le nouveau dispositif n'étant pas en vigueur, la répartition s'est faite selon les modalités des années antérieures à la loi Perben.
Sur la base des propositions d'utilisation présentées par les Préfets et retenues par le Gouvernement, les crédits de la créance de proratisation, inscrits au chapitre 46-01 du budget des charges communes, « Actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion dans les départements d'outre-mer », ont été répartis, au titre de 1994, entre les budgets des différents ministères concernés pour le financement des actions d'insertion correspondantes, pour chacun des DOM.
Le montant de la créance 1994 est de 750 millions de francs, mais cette somme n'a pas été déléguée dans sa totalité.
En effet, une première répartition de 635,243 millions de francs a été faite de la façon suivante :
-Guadeloupe : 167,6 MF
- Guyane : 36,4 MF
- Martinique : 115,3 MF -Réunion : 315,9 MF
Le reliquat de 114,757 millions de francs doit être réparti prochainement. Il se décompose ainsi :
- 81,132 millions de francs pour le démarrage des agences d'insertion :
- Guadeloupe : 21,505 MF
- Guyane : 4,640 MF
- Martinique : 14,715 MF
- Réunion : 40,272 MF
- 33,625 millions de francs restants sont des crédits pour le financement des logements en faveur des allocataires du RMI et à ce titre ils ne seront pas délégués aux agences (loi du 25 juillet 1994).
(2) En 1995
En 1995, le montant de la créance fixé à 771,1 millions de francs a été déjà délégué à hauteur de 557,1 millions de francs, réparti de la façon suivante entre les quatre départements d'outre-mer :
- Guadeloupe : 146,75 MF -Guyane : 36,15 MF
- Martinique : 99,1 MF
- Réunion : 275,1 MF
Pour permettre la poursuite des actions d'insertion engagées, une 4ème délégation de 185,64 millions de francs va avoir lieu au cours du dernier trimestre de l'année 1995.
Ces 185,64 millions de francs seront répartis ainsi :
- Guadeloupe : 48,43 MF -Guyane : 12,95 MF -Martinique : 31,0 MF
- Réunion : 93,26 MF
742,74 millions de francs auront ainsi été répartis en 1995 aux quatre départements d'outre-mer. Cette somme correspond au montant inscrit en loi de finances initiale pour 1995. Or, le montant total de la créance du RMI pour 1995 est de 771,1 millions de francs.
Le reliquat, soit 28,36 millions de francs, sera délégué aux agences d'insertion en 1995, après déduction de la part logement en faveur des allocations du RMI.
b) La ligne budgétaire unique
En ce qui concerne la ligne budgétaire unique (LBU) qui globalise l'ensemble des crédits de l'État en faveur du logement social dans les DOM et qui figurait dans le budget du logement jusqu'à présent, elle devrait passer de 619 millions à 632 millions, soit une augmentation de 2,1 % en crédits de paiement.
Les crédits de paiement de la LBU ont fait apparaître, pendant plusieurs années, des reports importants qui ont conduit à diminuer leur volume en loi de finances initiale qui est passé de 1.075 millions de francs en 1993 à 756 millions de francs en 1994 et 618,9 millions de francs en 1995. Une légère augmentation est prévue pour 1996 : 631,9 millions de francs. Plusieurs raisons expliquent ces retards de consommation des crédits de paiement sur les autorisations de programme.
1) La croissance depuis plusieurs années de la LBU en autorisations de programme se traduit, en crédits de paiement, avec une période de latence plus ou moins longue.
2) Depuis 1990, la LBU est abondée par la créance de proratisation RMI qui est versée pour un même montant en autorisations de programme et crédits de paiement, alors que les crédits de paiement ne seront principalement consommés que dans les années suivantes.
3) Les crédits de paiement versés à la Caisse des dépôts et consignations, pour le financement des logements locatifs sociaux, le sont avec un peu plus de retard. Initialement versés en proportion des autorisations de programme engagées, ils sont aujourd'hui demandés par la Caisse des dépôts et consignations en fin d'exercice.
Selon les informations transmises par le ministère, les retards de consommation devraient être résorbés au cours de l'année 1996, ce qui nécessitera une augmentation sensible en fin d'année.
c) Le fonds pour l'emploi dans les DOM
S'agissant du FEDOM, il convient de rappeler qu'il a pour objet de globaliser les crédits consacrés au financement des principaux dispositifs de lutte pour l'emploi dans les départements d'outre-mer.
Les ressources du fonds sont constituées, notamment, des crédits consacrés au financement dans les départements d'outre-mer des CES (contrats emploi solidarité) et des CRE (contrats de retour à l'emploi), des crédits correspondant à la charge budgétaire que représentent les bénéficiaires du RMI (allocation) appelés à signer des CIA (contrats d'insertion par l'activité), de la participation financière de l'État prévue à l'article 2 du décret du 20 janvier 1989 (créance de proratisation par insertion).
Les dépenses du fonds sont constituées par le financement des rémunérations des CES et des CIA, des primes aux employeurs pour les contrats d'accès à l'emploi, des versements aux agences départementales d'insertion de la part insertion de la créance de proratisation du RMI consacrée au financement des programmes départementaux d'insertion, du remboursement aux comptes sociaux de l'exonération des charges liées aux contrats d'accès à l'emploi.
N'ayant pu être véritablement mis en place qu'au dernier trimestre de l'année 1995, 1996 sera la première année où le FEDOM sera réellement opérationnel.
Pour 1996, le montant du FEDOM devrait s'élever à 1,235 milliard de francs, se répartissant comme suit :
- contrats emploi-solidarité 434,00 MF
- contrats d'insertion par l'activité 107,43 MF
- contrats d'accès à l'emploi 404,56 MF
(+ 60 millions de francs en transfert)
- primes à la création d'emploi 24,00 MF
- créance de proratisation 175,00 MF
- contrats de retour à l'emploi 30,00 MF
Au total, la dotation du FEDOM permettra, selon le Gouvernement, la réalisation en 1996 de 47.500 actions d'insertion.
2. Les souhaits de votre commission
Votre commission émet trois souhaits particuliers :
- une déconcentration accrue des crédits ;
- des efforts supplémentaires en matière de logement ;
- un renforcement du service militaire adapté.
a) Une déconcentration accrue des crédits
Votre commission considère que les crédits devraient être davantage déconcentrés au niveau des préfets afin d'accélérer les versements correspondants et permettre une utilisation plus proche du terrain. Interrogé sur ce sujet, M. de Peretti a indiqué qu'il avait diligenté une mission dans le cadre du projet de réforme de l'État sur ce sujet.
Pour 1996 pourtant, votre commission constate que les sections régionale et départementale du Fonds d'investissement pour les DOM enregistrent une baisse de leurs crédits de 13 %.
Elle relève également que, pour la créance de proratisation, les retards dans les délégations de crédits restent importants. Pour 1994 seuls 635 millions ont été délégués, soit 85 % de l'ensemble des crédits. Sur ce total de 635 millions, la répartition entre les différents ministères concernés par le financement des actions d'insertion a été la suivante :
- Affaires sociales, santé, ville : 63,5 MF
- Jeunesse et sports : 10,90 MF
- Travail, emploi : 46,7 MF
- Logement : 503,0 MF
- Éducation nationale : 1,1 MF
- Équipement. 0,5 MF
- Agriculture et pêche : 5,8 MF
- Environnement : 3,0 MF
Le reliquat, soit 115 millions de francs, doit être réparti, à une date qui n'a pas été précisée, de la façon suivante : 81 millions de francs pour le démarrage des agences d'insertion et les 34 millions de francs restants pour le financement des logements en faveur des allocataires du RMI. Seule la répartition a été arrêtée.
b) Des efforts supplémentaires en matière de logement
Votre commission réitère son voeu de voir réalisé un effort particulier en faveur du logement social. En effet, pour 1996, la LBU a été fixée au même niveau qu'en 1995 alors que le précédent gouvernement s'était engagé à abonder cette ligne à compter de 1995 de 100 millions de francs supplémentaires par an pendant cinq ans. Certes, une partie des crédits de la créance de proratisation viendra abonder la LBU en 1996 mais ce transfert n'est pas satisfaisant car la créance de proratisation devrait davantage être consacrée à l'insertion par l'économie.
Il convient de rappeler que les besoins en matière de logement social dans les DOM restent considérables : 30 % des logements sont précaires ou dépourvus d'éléments de confort et 10% sont insalubres. Les besoins en terme de logements sociaux, à eux seuls, sont évalués à 17.000 environ par an, alors que les crédits permettent d'en financer environ 12.000 par an.
Par ailleurs, d'autres éléments sont à prendre en compte pour développer l'efficacité de la politique de logement : l'aide aux collectivités locales afin qu'elles puissent proposer davantage de foncier équipé pour le logement social, le bon fonctionnement des circuits financiers et l'implication du secteur bancaire. Enfin, l'État privilégie les aides à la pierre alors que les aides à la personne devraient également se développer.
A cet égard, votre rapporteur émet le voeu que le prêt à taux zéro soit étendu à l'outre-mer mais conteste que son financement soit prélevé sur la LBU dans la mesure où, contrairement à cette dernière, la population touchée serait celle ayant accès aux logements intermédiaires.
Il convient de rappeler que le prêt à taux zéro a été avant tout présenté comme une mesure destinée à relancer l'accession à la propriété et prend la forme d'une avance remboursable ne portant pas intérêt, mise en place par des établissements de crédits conventionnés. L'État verse à ces établissements une subvention qui compense l'absence d'intérêt.
En métropole, ses caractéristiques principales sont :
- Le montant maximum du prêt est de 70.000 à 180.000 F (selon la composition du ménage et le lieu d'habitation). Ce montant ne peut excéder 20 % du coût de l'opération et doit représenter au plus le tiers du montant total des sommes empruntées (ex. pour une opération à 600.000 F, le montant du prêt à 0 % ne peut excéder 120.000 F à condition que le montant total de l'emprunt soit au moins de 360.000 F).
- Le prêt doit financer la construction d'un logement, l'acquisition d'un logement neuf, l'acquisition d'un logement en vue de son amélioration et les travaux d'amélioration. Le logement doit être destiné à la résidence principale.
- L'octroi du prêt est subordonné à des conditions de ressources de la part des attributaires. Ces plafonds seront définis par arrêté. Ils devraient être de 20.000 F pour un couple, jusqu'à 27.500 F pour un couple avec trois enfants.
Le ministère de l'outre-mer et le ministère du logement ont indiqué à votre commission qu'ils n'étaient pas fermés à ce que ce prêt soit, dans une phase ultérieure, étendu aux DOM.
Les premières données d'appréciation sur ce produit qui ont été transmises sont les suivantes :
- Par rapport à l'aide apportée actuellement pour le logement en accession intermédiaire, sous forme d'un prêt du Crédit Foncier de France (prêt spécial immédiat ou PSI à 7,15 % sur 15 ans et 7,5 % sur 20 ans) bonifié par l'État (LBU), les plafonds maxima de ressources sont en moyenne supérieurs, ce qui permettrait de faire entrer dans le créneau du prêt aidé une frange complémentaire de population.
- Le taux d'effort pour les ménages à revenus moyens ou faibles (jusqu'à 5 personnes) serait a priori un peu plus favorable dans la formule du prêt à taux 0 par rapport au PSI.
- Le coût de la bonification du prêt à taux zéro serait certainement plus fort qu'en métropole compte tenu du niveau plus élevé des prêts dans les DOM. Ce coût serait toutefois à priori inférieur à celui du PSI actuel. En métropole, le coût moyen par prêt est estimé très approximativement à 65.000 F.
- Le mécanisme du prêt à taux zéro est lié à l'octroi d'un prêt complémentaire accordé selon les conditions du marché, ce qui poserait un problème dans le DOM compte tenu de la réserve des banques sur le créneau des prêts au logement et des taux pratiqués.
Ces ministères considèrent donc que l'hypothèse de l'extension aux DOM pourrait être étudiée de manière ciblée pour les ménages dont les ressources approchent le plafond (ex. 14.000 à 20.000 F pour un couple) Mais qu'il sera nécessaire de mener au préalable une négociation avec les établissements bancaires.
c) Un renforcement du service militaire adapté
Votre commission souhaite enfin que le service militaire adapté soit davantage doté à l'avenir. Certes, une enveloppe globale de 3,4 millions de francs est dégagée pour la création de 55 emplois militaires pour le centre de Périgueux et l'installation d'une section du service militaire adapté à la Réunion.
Il convient de rappeler que le SMA est une forme de service militaire effectué selon les modalités particulières liées au contexte économique, social, démographique et culturel propre aux départements, aux territoires et aux collectivités territoriales d'outre-mer. Ces missions sont de dispenser aux appelés la formation militaire nécessaire à tout combattant, et de les préparer à une meilleure insertion dans la vie active lors de leur retour à la vie civile par une formation professionnelle adaptée.
Mais, globalement, les crédits d'investissement du SMA devraient passer de 6,92 millions à 6,84 millions de francs, cette diminution ne permettant pas de faire face aux besoins constatés sur le terrain.
Telle sont les principales observations sur ce budget pour 1996. Les crédits afférents méritent toutefois d'être resitués dans un contexte plus général pour mieux apprécier leur portée au regard des problèmes liés notamment à la situation sociale difficile en outre-mer.
Telles sont les principales observations sur ce budget pour 1996. Les crédits afférents méritent toutefois d'être resitués dans un contexte plus général pour mieux apprécier leur portée au regard des problèmes liés notamment à la situation sociale difficile en outre-mer.