B. LA SITUATION ACTUELLE RÉVÈLE DE PROFONDES ÉVOLUTIONS ET L'ACTION DE MULTIPLES ACTEURS
1. L'examen de la situation actuelle révèle de profondes évolutions
En effet, la politique familiale actuelle s'inscrit dans un contexte extrêmement modifié. On peut mentionner bien évidemment la décolonisation et l'évolution des populations immigrées en France, en terme de nationalité (cf. graphique ci-après). L'appartenance à la CEE a engendré des contraintes comme le versement par le pays d'emploi du travailleur des prestations familiales. La France a ainsi dû mettre en oeuvre les conséquences des deux arrêts Pinna de 1986 et 1989. même si certaines prestations sont explicitement exclues de ce dispositif comme les allocations de naissance ou les prestations affectées.
Parallèlement, les prestations familiales n'ont cessé de perdre de l'importance et du pouvoir d'achat par rapport aux revenus des familles. Selon l'UNAF. ramenées en francs constants, alors qu'elles équivalaient à 20.000 francs en moyenne par enfant en 1950. elles ne s'élèveraient, toujours par enfant, qu'à 8.000 francs en 1995. En effet, alors qu'au départ, la base de calcul était le salaire mensuel de référence correspondant à 225 heures de travail du manoeuvre de l'industrie des métaux dans le département de la Seine, dès juillet 1947. elle a été fixée forfaitairement par les pouvoirs publics. Cette base a. en fait, plus ou moins évolué comme les prix alors que les salaires connaissaient globalement des hausses plus importantes. Ainsi, en pourcentage des dépenses de sécurité sociale, comme dans le budget des familles, l'importance des prestations familiales a-t-elle décrû. Il faut rappeler que. au départ et jusqu'en 1952. une famille modeste de quatre enfants voyait ses ressources majorées de moitié grâce aux allocations familiales. ( ( * )2) Aussi, la France qui était tout à fait à la pointe, sur le plan européen, en matière de politique familiale au départ, a-t-elle été rejointe, voire dépassée par certains pays, sur le plan des prestations. Cependant, elle reste tout de même sur ce plan à un rang plus qu'honorable par rapport à ses principaux partenaires européens, comme en témoignent les tableaux ci-joints.
Facteurs explicatifs du montant total des prestations familiales
Source : Eurostat, Recettes et dépenses de protection sociale 1980-1991, Luxembourg 1993 ; statistiques démographiques, Luxembourg, 1992
Tableau comparatif des allocations familiales
( 1 ) Montant mensuel en ECUS
Tableau comparatif des allocations familiales (suite)
( 1 ) Montant mensuel en ECUS.
Parallèlement, par rapport à 1945, la société elle-même, et non pas seulement le contexte, a profondément changé : baisse de la natalité, du nombre des mariages, accroissement des familles monoparentales, du concubinage, des divorces, des familles recomposées, du nombre des jeunes adultes encore à la charge de leurs parents du fait du chômage ou de la poursuite des études. On doit aussi noter la progression du travail salarié des femmes, même si, depuis que l'on dispose de statistiques à peu près fiables, le taux d'activité des femmes n'a pas progressé d'une manière très importante, dans la mesure où, par rapport à d'autres pays, ( ( * )3) les femmes françaises, salariées ou non, ont toujours eu un fort taux d'emploi.
A cet égard, pour témoigner des évolutions sociologiques qu'il se contente de constater, votre rapporteur souhaite faire état de l'étude récente de l'INSEE sur le mariage et la vie en couple, réalisée par M. Christophe Lefranc, de la division des études sociales. Ainsi, si le mariage reste la forme de vie en couple la plus courante, l'union libre n'a cessé de se développer depuis vingt ans. Mais la baisse de la proportion d'hommes et de femmes vivant en couple s'est accentuée entre 1982 et 1990, ce qui inclinerait à penser que la solitude progresse notablement.
Globalement, le pourcentage des couples non mariés est passé de 3 % en 1954 à 13 % en 1990. De plus, en 1975, seulement 3 % des couples avec un enfant où l'homme avait moins de 40 ans, n'étaient pas mariés. Désormais, c'est le cas d'un quart d'entre eux en 1990, tout comme 10% des couples avec deux enfants. Le mariage n'est donc plus considéré comme un préalable à l'établissement d'une famille.
Du dernier rapport sur la situation démographique en France, votre rapporteur tire un certain nombre de constats. Ainsi, au 1 er janvier 1995, la population française métropolitaine a-t-elle dépassé 58 millions. Elle s'est donc accrue de 248.000 personnes l'an passé. Parallèlement, la baisse de la fécondité s'est enrayée, ce que votre rapporteur note avec intérêt, sans qu'il puisse en expliciter les raisons : effets de la loi famille ou palier atteint ? La fécondité atteint, en effet, 1,65 enfant par femme mais c'est la plus basse valeur de la fécondité française depuis 50 ans. De plus, il est vraisemblable que la descendance finale des générations nées dans les années 1960 s'abaissera au-dessous des deux enfants par femme. Le nombre des mariages, après avoir chuté en 1992 et davantage encore en 1993 s'est stabilisé en 1994. Or, ce niveau n'avait jamais été aussi faible depuis 50 ans.
Quant au divorce, sa fréquence après s'être à peu près stabilisée dans la seconde moitié des années 80, avec 31 divorces pour 100 mariages (soit 100.000 divorces par an) a recommencé de croître. Elle a dépassé 33 divorces pour 100 mariages en 1991 et, très vraisemblablement 34 en 1993, ce qui ne laisse pas d'être inquiétant. Le nombre global des divorces devrait donc dépasser 110.000.
Votre rapporteur note, par ailleurs, avec satisfaction que la mortalité infantile en France recule à un rythme relativement rapide, passant à 6,1 décès pour 1.000 naissances en 1994, soit un quart de moins que dix ans plus tôt. Ceci est particulièrement remarquable dans la mesure où ce taux était déjà relativement bas. Il faut y voir notamment les effets du plan en faveur de la périnatalité du début de 1994.
2 ... et l'action de multiples acteurs
a) Le rôle de l'Etat : un rôle d'impulsion dans le domaine législatif et fiscal, plus que purement budgétaire
Les crédits d'Etat en faveur de la famille sont, en effet, stricto sensu, peu importants si on les met en regard avec les prestations servies par la Caisse nationale d'Allocations familiales et les autres organismes concernés, soit 261 milliards de francs en 1994 et même si l'on considère les sommes versées par les départements au titre de l'aide sociale à l'enfance, soit 23,3 milliards de francs pour cette même année.
Ces crédits s'élèvent à 62,354 millions de francs (cf. tableau ci-dessous) en 1996 contre 65,359 millions pour 1995, ce qui représente une baisse de 3,005 millions de francs et de 5,6 %. Ils sont ventilés en trois types de crédits. Il s'agit de ceux relatifs à l'Institut de l'Enfance et de la Famille, situés à l'article 20 du chapitre 36-21, qui connaissent une diminution de 275.000 francs, soit une baisse en pourcentage de 3,23 %, passant ainsi de 8,547 millions de francs en 1995 à 8,271 millions en 1996. Il est permis de s'interroger sur les raisons d'une telle diminution. Parallèlement, alors que les dépenses non déconcentrées de l'action sociale en faveur de la famille, situées a l'article 10 du chapitre 47-21, baissent significativement en pourcentage avec - 8,84 % et en montant, avec - 2,758 millions de francs, passant ainsi de 32,73 millions en 1995 à 29,971 millions en 1996, les dépenses déconcentrées sises à l'article 20 du même chapitre stagnent. Elles passent, en effet, de 24,082 millions de francs à 24,112 millions en l'espace d'un an, soit une hausse de 30.000 francs et de 0,12 %.
Evolution des crédits du ministère de la solidarité entre les générations en matière de famille.
A cela, on peut ajouter les crédits de subventions d'investissement situés au chapitre 66-20 qui étaient de 4 millions de francs en 1995 et qui devraient s'élever à 6 millions de francs, soit + 50 %.
A côté de ces crédits relativement faibles, l'Etat a une fonction d'impulsion incontestable notamment dans le domaine fiscal. L'an passé, la loi de finances initiale pour 1995 avait accru la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile à 45.000 francs. Toutefois, votre rapporteur n'a pu avoir d'indications sur la ventilation des ménages qui bénéficient de cette réduction et donc des familles avec de jeunes enfants qui utilisent ce dispositif.
L'Etat doit, par ailleurs, mettre en oeuvre une véritable neutralité fiscale vis-à-vis des différentes situations familiales, mariage ou concubinage. Dans le droit fil du rapport dit « Ducamin », l'Assemblée nationale, lors de l'examen du présent projet de loi de finances, a adopté un amendement du Gouvernement visant à assimiler aux couples mariés, au regard de l'impôt sur le revenu, les couples vivant en concubinage ayant un ou plusieurs enfants à charge. Cette disposition qui est devenue l'article 2 bis supprime la demi-part supplémentaire dont peuvent se prévaloir les deux membres d'un couple de concubins ayant un ou plusieurs enfants à charge mais elle la maintient pour les personnes qui peuvent prouver qu'elles assument seules la charge d'enfants. La Haute Assemblée a, d'ailleurs, adopté ensuite cette disposition.
A cet égard, dans la perspective d'une loi d'orientation fiscale prévue pour le mois de janvier, votre rapporteur souhaite que le Gouvernement veille au maintien de dispositions favorables à la famille et à la compensation des charges de celle-ci.
Parallèlement, l'Etat affirme son rôle prééminent dans la définition de la politique familiale par la part grandissante qu'il prend dans son financement grâce à la prise en charge progressive des exonérations de cotisations familiales prévues par les trois lois de 1993, le collectif de juillet, la loi relative à l'emploi et à la formation professionnelle du même mois, et la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle du 20 décembre 1993. Les dispositions que cette dernière prévoyait sont rappelées dans le tableau ci-après. Le but est qu'à terme la moitié des salariés soit concernée par cette disposition qui devrait coûter globalement 150 milliards.
Il faut, à cet égard, rappeler que l'Etat a apporté une double garantie au financement de la politique familiale par, d'une part, la loi relative à la sécurité sociale du 25 juillet 1994 qui dispose que « toute mesure d'exonération totale ou partielle de cotisations de sécurité sociale donne lieu à compensation intégrale par le budget de l'Etat pendant la durée de son application » et, d'autre part, par la loi relative à la famille également du 25 juillet 1994, dans son article 34, qui ne concerne que la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998 et qui charge la commission des comptes de la sécurité sociale de vérifier le maintien des ressources de la CNAF pendant cette période.
Rappel des exonérations de cotisations des allocations familiales sur les bas salaires telles qu'elles figuraient dans les lois précitées
Exonérations de cotisations prises en charge par l'Etat compensées au régime général (allocations familiales et ristourne dégressive)
(en milliards de francs)
La montée en charge des exonérations de cotisations d'allocations familiales a donc été forte, passant de 3,852 milliards pour six mois en 1993 à 16,089 milliards en 1995. Parallèlement, la loi du 4 août 1995 relative aux mesures d'urgence en faveur de l'emploi, institue une ristourne dégressive de 800 francs par mois au niveau du SMIC de 400 francs pour 1,1 fois le SMIC. Cette ristourne s'éteint lorsque le salarié touche 1,2 fois le SMIC. La montée en charge de ces deux types de dispositifs qui doivent fusionner à partir du 1 er juillet 1996 et jusqu'au 31 décembre 1997 ( ( * )4) devrait représenter, pour 1996, un montant total de 26,4 milliards de francs, ce qui est tout à fait considérable.
A cet égard, il faut préciser que certains aménagements ont été effectués au calendrier déterminé par la loi quinquennale. Ainsi, entre le 1 er janvier 1996 et le 30 juin 1996, les seuils des dispositifs sont maintenus à fois le SMIC pour la ristourne progressive et respectivement à 1,2 fois et fois le SMIC pour l'exonération totale et l'exonération partielle des cotisations d'allocations familiales Pendant la période de fusion des deux dispositions, le seuil unique d'exonération serait de 1,34 fois le SMIC.
Par ailleurs, outre son pouvoir fiscal et budgétaire, le législateur oriente la politique familiale par des textes à dominante de prestations (lois du 25 juillet relative à la famille) ou concernant le droit des personnes (examen prochain d'un texte relatif à l'adoption ( ( * )5) .
En ce qui concerne les prestations, même sans texte législatif, l'Etat a un fort rôle d'impulsion. En témoigne la majoration exceptionnelle de rentrée scolaire octroyée en 1993 et reconduite en 1994 et 1995 avec des modes de financement différents. Ainsi, l'an passé, la CNAF avait fait l'avance de fonds, mais l'Etat dans le collectif de décembre avait budgété l'ensemble de la mesure. En revanche, cette année, le coût de cette mesure a été réparti entre l'Etat pour 4,85 milliards de francs et la CNAF pour 1,5 milliard, ce qui ne peut que contribuer au déséquilibre de cette dernière. Toutefois, le collectif budgétaire présente une légère différence pour la contribution de l'Etat de 4,626 milliards seulement. Il est donc permis de s'interroger sur les raisons de cette différence de 224 millions de francs.
b) L'action nécessaire et primordiale de la CNAF
La branche famille est, comme on l'a vu, désormais financée pour une part non négligeable par les contributions de l'Etat, même si les cotisations constituent la part la plus importante du financement avec 67,1 % en 1995 et croissante avec 68,6 % en 1996. Les autres recettes sont la CSG avec un taux de 1,1 %, les transferts reçus, les recettes diverses et les « recettes DOM » ainsi que les produits financiers (cf. tableau ci-dessous).
Les recettes de la branche famille
Les prestations que la CNAF sert, avec les années, sont devenues de plus en plus complexes et nombreuses. 23 prestations existaient auxquelles la loi famille en a encore ajouté deux autres : l'allocation d'adoption qui. pour l'instant, avec un champ d'intervention relativement restreint -il y a 4.000 adoptions- n'a pas encore connu un grand développement ( ( * )6) et l'aide à la scolarité qui a remplacé la bourse des collèges servie par l'éducation, en nationale. Cette aide, d'un montant de 337 ou de 1.080 francs est attribuée, en fonction des ressources de la famille, pour chaque enfant de 11 à 16 ans, ce qui pose en particulier un problème pour les enfants en avance -de 11 ans- et en retard -plus de 16 ans-.
Pour l'année 1994, près de 66.000 familles pour 970.000 enfants en ont bénéficié. Cela a entraîné une dépense de 742 millions de francs , soit 664 millions de francs pour la métropole et 78 millions pour les DOM. Cette prestation s'est répartie entre 53 % pour le montant le moins élevé et 47 % pour le montant le plus élevé.
Pour la rentrée 1995, la dépense d'aide à la scolarité était estimée à 768 millions de francs dont 678 millions de francs au titre de la métropole et 90 millions de francs pour les DOM.
Cette nouvelle aide avait suscité nombre d'appréhension lors de sa création, notamment du fait de son versement en une fois -au lieu de trois, pour les bourses de collèges- au mois de septembre en même temps que l'allocation de rentrée scolaire, ce qui conduisait les familles modestes à utiliser cet argent rapidement et à se retrouver démunies pendant le reste de l'année, notamment pour régler les frais de cantine. Cet aspect a été souligné par M. Jean-Paul Probst, Président de la CNAF, qui a déclaré que nombre d'intendants des cantines transmettaient à la CAF concernée un certain nombre d'impayés.
Pour évaluer les problèmes rencontrés, Mme Simone Veil, Ministre d'Etat, Ministre des Affaires sociales, de la santé et de la ville, et M. François Bayrou, Ministre de l'Education nationale, ont confié, en janvier 1995, une mission d'expertise à deux parlementaires, M. Claude Huriet, sénateur, et M. Charles de Courson, député. Ceux-ci ont approuvé, dans l'ensemble, ce système qui concerne 30 % de la population des collèges. En effet, les frais de gestion des dossiers qui étaient de 250 francs par enfant ont été considérablement réduits et l'éducation nationale a pu supprimer 300 postes affectés à cette tâche. Toutefois, la modification des critères et des modalités d'attribution a toutefois créé de nouvelles disparités. Les deux rapporteurs ont considéré que 258.000 à 308.000 familles ont pu bénéficier du nouveau système alors que, jusqu'à présent, elles n'avaient pas droit à une bourse de l'éducation nationale. En revanche, entre 130.000 et 180.000 familles s'en sont trouvées exclues. En effet, les CAF ne prennent pas en compte la situation des collégiens de moins de 11 ans (6.500) ni celle des plus de 16 ans (56.600). Les familles monoparentales ainsi que les familles de plus de cinq enfants seraient également pénalisées par la différence d'appréciation du plafond de ressources. De plus, les CAF ignorent l'enfant unique. Certes, l'an passé, cela avait été compensé par une aide exceptionnelle, mais celle-ci ne devrait pas être reconduite.
Pour corriger cela, les rapporteurs ont suggéré de réintégrer les droits des familles exclues par le biais du renforcement du fonds social collégien dont ils ont souhaité l'extension au secteur privé. En même temps, ils ont suggéré que soit rétablie la dotation pour les élèves des sections technologiques et spécialisées. Pour compenser ce coût, ce rapport propose la suppression des « cumuls » de bourse, dont bénéficient les lycéens de moins de 16 ans et les élèves des établissements agricoles. Mais le problème du paiement des frais de cantine reste entier, même si les rapporteurs n'en préconisent pas moins une redéfinition de la politique d'aide sociale, notamment de la part des collectivités territoriales. Un tel rapport devrait donc être suivi d'effets. C'est en tout cas ce à quoi les ministères concernés travaillent, selon les informations recueillies par votre rapporteur.
Votre rapporteur pense que les dysfonctionnements évoqués doivent être corrigés. Toutefois, il tient à rappeler son souhait, année après année, de voir simplifier ce système des prestations que ne maîtrisent plus les allocataires et à peine, c'est notamment le cas en matière d'allocation de logement, ceux qui gèrent les prestations.
Les montants servis par la CNAF en prestations sont tout à fait considérables (cf. tableaux ci-dessous). Il faut noter aussi que les prestations familiales se répartissent encore à peu près équitablement entre sans condition de ressources et avec condition de ressources. Les prestations familiales ont connu en 1995 des évolutions contrastées. Les allocations familiales, du fait de l'évolution démographique défavorable -effectifs plus faibles, disparition des familles nombreuses- connaissent une évolution négative. C'est d'ailleurs le cas (cf. tableau ci-après) depuis plusieurs années. D'autres prestations comme les prestations spécifiques (allocation de soutien familial ou allocation de parent isolé) ou les prestations liées à la naissance comme l'allocation pour jeune enfant, connaissent également des évolutions négatives. En revanche, du fait de l'intervention de la loi famille, trois prestations liées à la petite enfance ont connu, en 1995, des taux d'accroissement considérables : l'allocation parentale d'éducation (+ 36,07 %), l'allocation de garde à domicile (70,44 %) et l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée (AFEAMA) et sa majoration (+ 33,01 %).
Prestations familiales financées par la branche famille et l'ensemble des organismes
Evolution en volume des prestations familiales versées par l'ensemble des régimes en métropole
(pourcentages d'évolution)
(1) hors majoration d'ARS versée à la rentrée scolaire 1993, 1994 et 1995
Les bénéficiaires des prestations au 31 décembre 1994
En ce qui concerne l'allocation parentale d'éducation (APE) que la loi du 25 juillet 1994 accorde dès le deuxième enfant, votre rapporteur souhaite faire plusieurs remarques. Tout d'abord, la CNAF a largement informé les bénéficiaires potentiels de cette disposition pour en faire un succès. Ainsi, plus de 450.000 prédemandes ont-elles été adressées aux familles de juin à décembre 1994. Près de 70 % des ouvertures de droit l'ont été suite à cette demande. Fin décembre 1994, le nombre de bénéficiaires de l'APE se répartissait entre 16.163 APE de rang 2 dont 9,1 % au titre du temps partiel et 141.411 APE de rang 3 et plus dont 0,4 % également pour un temps partiel. Ces bénéficiaires étaient à 98,40 % des femmes et vivaient en couple à 95,5 %. L'extension de l'APE dès le deuxième enfant a également entraîné un effet inattendu dans la mesure où l'APE de rang 3 a connu une nouvelle dynamique.
A la fin juillet 1995, en ce qui concerne le régime général, 140.151 familles de trois enfants et 58.767 familles de deux enfants bénéficiaient de l'allocation à taux plein et 14.343 familles de l'allocation à taux partiel. Par rapport aux prévisions, l'APE à taux plein a connu une montée en charge plus forte que prévu, tandis que pour l'APE à taux partiel, le constat est inverse Quant au nombre des bénéficiaires de deux APE à taux partiel, disposition introduite par le Sénat, il est encore faible.
L'AFEAMA a également connu une forte montée en charge, puisqu'à la fin du premier trimestre 1995, 290.831 familles en bénéficiaient, soit + 7 % en l'espace de trois mois. L'accroissement de sa majoration à compter du 1er janvier 1995, intervenu dans le cadre du décret du 2 février 1995, qui a été porté à 2.400 francs par trimestre contre 1.590 francs auparavant pour la garde d'un enfant de moins de trois ans et à 1.200 francs contre 954 francs antérieurement pour celle d'un enfant âgé de trois à six ans, a contribué très significativement à cette montée en charge.
En ce qui concerne l'AGED, même si le nombre des familles concernées reste relativement faible -25.590 et 25 dans les DOM-l'accroissement obtenu est considérable (+ 70,44 %) et devrait se poursuivre en 1996 (+ 10,75 %). Cette aide s'est, en effet, accrue avec un montant maximum désormais de 11.838 francs par trimestre pour un enfant de trois ans et étendue, à taux réduit, pour un enfant de trois à six ans (soit 5.919 francs par trimestre).
Sur ce point, la loi relative à la famille a été un succès incontestable. Toutefois, elle est encore incomplète dans la mesure où les dispositions relatives aux jeunes adultes, très attendues par les familles, sont conditionnées au moins jusqu'à la fin de 1998, à la création d'excédents pour la branche famille. A cet égard, il convient de noter que la loi relative à la famille a coûté à la CNAF 3,74 milliards de francs en 1995 et devrait avoisiner les 6,57 milliards en 1996.
Coût de la loi famille du 25 juillet 1994
(millions de francs)
Source : Direction de la sécurité sociale (DEEF)
( 1 ) A compter du 1er janvier 1996, la quote-part APE DOM est supprimée et remplacée par de nouvelles mesures
Le bilan du coût de la loi famille amène votre rapporteur à parler de la situation financière de la branche famille (cf. tableau ci-dessus). Celle-ci, alors que, pendant des années elle a été excédentaire -de 64 milliards en cumulés jusqu'en 1993- est déficitaire depuis 1994 alors même que des garanties de financement lui ont été offertes avec, notamment, la séparation des branches, le maintien de ses ressources au niveau qui aurait dû être atteint, si la législation avait été constante depuis le 1er janvier 1993 et la compensation par l'Etat des nouvelles exonérations de cotisations sociales.
Situation financière de la branche famille
La quatrième garantie, l'affirmation d'une stricte indexation sur les Prix de la base mensuelle des allocations familiales, apportée par la loi relative à la famille, est remise en cause, en 1996, par le plan du 15 novembre 1995. La loi d'habilitation devra donc comporter la modification de la loi relative à la famille sur ce point précis.
Cette situation financière, pour le moment problématique, résulte de facteurs qui vont en sens inverse : d'une part, la baisse démographique et l'indexation sur les prix qui sont générateurs soit d'un excédent, soit d'un contrôle de l'évolution des dépenses, qui sont structurels, et, d'autre part, des dispositions plus conjoncturelles comme la montée en charge de la loi famille, l'imputation à la branche famille d'une partie de la majoration exceptionnelle d'ARS, ou les rentrées plus difficiles de cotisations du fait de la situation économique.
La situation financière de la CNAF, compte tenu de ce qui vient d'être dit, ne semble donc pas aussi inquiétante que celle des autres branches et, en bonne partie, résulte de facteurs transitoires qui lui sont en particulier imputés par la puissance publique.
c) Les compétences très diversifiées des collectivités territoriales
En effet, l'action des départements s'articule autour de l'aide sociale à l'enfance (ASE) alors que les communes jouent un rôle très important en partenariat avec les CAF dans le domaine de l'accueil de la petite enfance.
• Pour les départements, l'aide sociale
à l'enfance constitue le tiers des dépenses d'aide sociale.
En effet, en 1994, les dépenses d'aide sociale à l'enfance représentaient pour les départements, environ 23,3 milliards de francs soit un tiers de leurs dépenses d'aide sociale. La part relevant de l'hébergement était majoritaire avec 54,6 % tandis que les deux autres secteurs étaient à peu près à égalité : 22 % pour le placement familial et 24 % pour les autres dépenses qui consistent soit en action éducative en milieu ouvert soit en aides financières.
Il faut noter que, selon l'ODAS, sur les cinq dernières années, les dépenses d'aide sociale à l'enfance ont crû de près de 39 % passant de 16,8 milliards de francs en 1989 à 23,3 milliards en 1994 (Cf. tableau ci-dessous) et de 5 % en 1994 par rapport à 1993 ce qui n'est pas négligeable.
Dépenses d'aide sociale à l'enfance
en milliards de francs
(France Métropolitaine)
Source ODAS
Mais en pourcentage, l'ASE a baissé de 38 % à 34 % dans la structure de dépense nette d'aide sociale des départements entre 1989 et 1994.
Il faut rappeler, à cet égard, que la dépense d'ASE après avoir diminué entre 1984 et 1989, en francs constants, a fortement augmenté depuis 1989 malgré une baisse puis une stagnation des placements. Sur le plan des populations concernées, l'ASE se voyait confier, en 1991, 112.000 enfants ou adolescents. Parallèlement, elle assure un accompagnement de 400.000 enfants au sein de leur famille.
Structure de la dépense d'aide sociale à l'enfance en 1989 et 1994
en milliards de francs
(France métropolitaine)
Si la dépense d'ASE reste inégale selon les départements, de 700 à 1.600 francs par habitant de moins de vingt ans, la tendance est néanmoins au resserrement des écarts.
En ce qui concerne le placement, il diminue en établissement : 2.000 enfants en moins de 1992 à 1994, ce qui est plus que compensé par l'augmentation du placement en famille d'accueil (3.500 enfants en plus pendant la même période).
Ensuite, en ce qui concerne l'action éducative en milieu ouvert (AEMO) bien que le nombre d'enfants concernés ait globalement augmenté entre 1989 et 1992, passant de 112.000 à 118.000, il est difficile d'identifier une tendance précise. En effet, ainsi que le mentionne l'ODAS dans sa lettre du 1er septembre 1995, un nombre croissant de départements réalise tout ou partie des AEMO en gestion directe et ne mesure pas cette activité. Seules peuvent être véritablement identifiées les mesures d'AEMO judiciaires gérées majoritairement par les associations. Or, le nombre de celles-ci n'a pas augmenté depuis 1992 : la tendance serait même plutôt à la baisse dans es départements peu et moyennement peuplés, tandis que les départements les plus peuplés seraient plutôt stables sur ce point.
Enfin il faut souligner le rôle des départements en matière de protection Maternelle et infantile, d'agrément des assistantes maternelles, d'autorisation en matière d'ouverture des structures (crèches parentales).
• L'action des communes et des structures
intercommunales : le choix de la petite enfance et le partenariat étroit
avec les CAF.
Les communes ont une grande responsabilité en matière de gestion des modes de garde collective de la petite enfance dans la mesure où les crèches collectives sont gérées dans 75 % des cas par une municipalité alors que pour les haltes-garderies, la proportion est moindre soit 44,6 %. Enfin, les crèches familiales sont regroupées dans une structure de gestion et d'animation presque toujours municipale.
Toutefois, l'action des communes, du fait du coût élevé de ces structures se fait en partenariat avec la CNAF et les CAF qui ont également pu être associées dans le cadre des contrats de ville.
Les contrats enfance sont le fruit de ce partenariat. Mis en place en 1988 en métropole et en 1991 dans les DOM et succédant aux contrats crèches, ils se traduisent par une prise en charge accrue de la CAF en contrepartie de l'engagement de la commune concernée de développer son effort en faveur de la petite enfance. Grâce à « l'enrichissement » de ces contrats prévu dans le cadre de la loi famille (+ 600 millions de la part de la CNAF en 1995, + 500 millions en 1996 pour arriver au bout des cinq ans a 3 milliards de francs), une nouvelle dynamique s'est instaurée -250 nouveaux contrats devraient être signés en 1995- qui s'est appuyée sur trois types de dispositions :
- tout d'abord, la majoration de 10 points du taux de financement par les CAF du taux de la prestation de service enfance (de 50 à 70 % des dépenses nouvelles des communes au lieu de 40 à 60 %). Le taux concernant les petites communes de moins de 5.000 habitants a également été majoré ;
- ensuite, l'extension du bénéfice du contrat enfance à l'ensemble des places nouvelles de centres de loisirs sans hébergement programmées, y compris pour l'accueil d'enfants de moins de six ans ;
- enfin, la subvention pour une période limitée à cinq ans, de l'investissement dans ce domaine, en fonction du type d'accueil et des places créées.
Par ailleurs, dans le cadre des contrats de ville, plusieurs mesures spécifiques ont été souscrites par les CAF comme l'extension du champ du contrat enfance à des actions d'amélioration de l'accueil des 2/3 ans à l'école maternelle et le financement de l'accompagnement scolaire pour les 6/11 ans.
Une enquête sur l'attitude des CAF face aux contrats de ville, élaborée par un groupe de travail mis en place par une commission consultative auprès de la CNAF a conclu à un degré d'implication différent selon les CAF. Sur les 101 caisses concernées par les contrats de ville, 84 ont répondu à cette enquête. Parmi ces dernières, 72 ont été sollicitées et associées à l'élaboration de 127 contrats de ville. 34 caisses ont collaboré étroitement avec l'instance politique chargée de la négociation et de la mise en oeuvre du contrat. Elles ont été majoritairement signataires dans ce cas qui est celui de 30 CAF. Les 38 autres ont simplement été associées à la maîtrise d'oeuvre technique du contrat de ville.
Par ailleurs, il n'est pas encore possible de dresser un premier bilan des schémas locaux de développement de l'accueil des jeunes enfants prévus par l'article 11 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, du fait de la nouveauté de la mesure et surtout de son caractère facultatif.
Globalement, le bilan que l'on peut dresser des contrats enfance est le suivant. En l'espace de 4 ans, ils sont passés de 670 à 1.600 (cf. tableau ci-dessous).
Il faut ajouter que 150 contrats intercommunaux regroupaient 800 communes.
Les 2.500 communes qui ont signé un contrat enfance regroupent 44 % des 4,5 millions d'enfants de moins de six ans recensés par l'INSEE et 60 % des enfants résidant dans les DOM. Si le contrat enfance bénéficie actuellement davantage aux villes moyennes et grandes (il couvre 80 % des communes de plus de 50.000 habitants), il n'en est pas moins un succès dans les petites communes rurales dont il faut, pour nombre d'entre elles, saluer l'effort méritoire.
Sur le plan quantitatif, ces 1.600 contrats ont représenté 4.000 places supplémentaires en accueil permanent et 124.000 en accueil temporaire -soit en haltes garderies, centres de loisirs sans hébergement, garderies périscolaires. 21.000 enfants pourront, de ce fait, être accueillis dans les bibliothèques, ludothèques, maisons ouvertes. Toutefois, les disparités départementales restent fortes.
Sur le plan qualitatif, ces contrats ont permis une amélioration de l'information des familles, de la coordination des services et de la concertation entre les différents partenaires. Cela a également permis d'encourager des expériences innovantes telles que les relais « assistantes maternelles », les ludothèques et les maisons ouvertes. Cela a également contribué à favoriser la prévention des exclusions et la socialisation des enfants.
Votre commission a certes constaté un certain nombre de progrès dans ce domaine mais également une très grande complexité dans les normes qui doivent être respectées en matière de création des structures à destination de la petite enfance. Sur la suggestion de M. Jean-Pierre Fourcade, son président, votre commission a donc souhaité la mise en place d'une commission de simplification des normes en matière de création de ce type de structure.
ETAT DES LIEUX EN MATIERE D'ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE
Source : bureau des statistiques sur I état de santé de la population et la prévention du ministère de la solidarité entre les générations
( 1 ) dont 8.300 places en crèches parentales. Il faut noter, d'ailleurs, que les petites structures (mini-crèches et crèches parentales) ont enregistré une croissance extrêmement rapide Elles représentent désormais 20 % de la capacité d'accueil des crèches collectives contre 5 % il y a six ans.
A cela, il faut ajouter 250.300 places chez les 209.300 assistantes maternelles agréées employées par des particuliers.
Cependant, selon la CNAF, seuls 21 % des 900.000 enfants de moins de trois ans ayant besoin d'un accueil permanent sont accueillis en crèches, tandis que 24 % le sont par des assistantes maternelles et 17 % sont gardés à domicile.
Toutefois la situation s'est grandement améliorée depuis 30 ans puisqu'il y avait en 1994, 5,6 places pour 100 enfants nés entre 1990 et 1992, contre moins d'une place en 1964. Parallèlement, de fortes disparités locales subsistent même si elles ont plutôt tendance à diminuer. L'Ile-de-France qui possédait plus de la moitié de l'offre n'en totalise plus que 41 %. Mais Paris est, de loin, le département le mieux pourvu avec 21 places pour 100 enfants de moins de trois ans.
Source : CNAF
Dépenses d'action sociale des CAF en faveur des équipements sociaux destinés à la petite enfance
en millions de francs)
Les équipements destinés à la garde des jeunes enfants tiennent une place très importante dans les dépenses d'action sociale des caisses puisqu'ils en totalisent 29 %. La progression des dépenses effectuées dans le cadre de « l'enrichissement » des contrats enfance prévu par la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille est tout à fait considérable (+ 44 %). Elle devait s'accroître encore en 1995 avec 600 millions et s'élever à 500 millions pour 1996.
* (2) Les prestations constituaient ainsi respectivement en % des dépenses de sécurité sociale. 40 % en 1950, 28.8 %, en 1960, 17,9 % en 1970 et 147 % en 1980 (Source : Commissariat Général au Plan : juin 1985 - la politique familiale en France depuis 1945)
Source Antoine Prost : Petite histoire de France au XX eme siècle.
* (3) Comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne
* (4) Selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sonate
* (5) Elaboré à partir des propositions de M. Jean-François i, qui fut parlementaire en mission sur cette question.
* (6) Au mois d'août, il n'y en avait encore que douze.