B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR : RETROUVER LES PRINCIPES FONDATEURS DE LA POLITIQUE FAMILIALE, UN DEMI-SIÈCLE PLUS TARD

Ces propositions s'articulent donc autour de deux thèmes : réorganiser les structures du mouvement familial pour tenir compte des évolutions de la société, notamment dans le domaine audiovisuel, et recentrer la politique familiale sur ses buts initiaux.

1. Réorganiser les structures du mouvement familial et en renforcer le rôle

A cet égard, l'organisation de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) créée il y a cinquante ans, même si la loi du 11 juillet 1975 a apporté quelques modifications à ce statut, doit être revue pour tenir compte des mutations de la société.

En effet, l'UNAF et les unions départementales des associations familiales ont un rôle limitativement défini et en même temps peu précis, mentionné à l'article 3 du code de la famille et de l'aide sociale. Elles sont, en effet, habilitées à « donner leur avis aux pouvoirs publics sur les questions d'ordre familial et leur proposer les mesures qui paraissent conformes aux intérêts matériels et moraux des familles », et à représenter officiellement auprès des pouvoirs publics l'ensemble des familles et, notamment, désigner ou proposer « les délégués des familles aux divers conseils, assemblées ou autres organismes institués par l'Etat, le département ou la commune ». Elles peuvent également gérer tout service d'intérêt familial dont les pouvoirs publics estiment devoir leur confier la charge. C'est le cas de la tutelle aux prestations. Enfin, elles peuvent exercer devant toutes les juridictions, l'action civile « relativement aux faits de nature à nuire aux intérêts moraux et matériels des familles, y compris pour les infractions prévues par l'article 227-24 du code pénal ».

A cet égard, votre rapporteur souhaite rénover, préciser et adapter la législation concernant le mouvement familial. En effet, le mouvement familial se retrouve relativement démuni sur le plan juridique, face aux dérives, maintes fois dénoncées, constatées dans le domaine audiovisuel. Ainsi, le développement des médias n'a pas été pris en compte par la loi du 11 juillet 1975 qui a modifié le statut de l'UNAF.

Il semble, donc, primordial à votre rapporteur, en cette année où nous fêtons le cinquantenaire de l'UNAF de permettre à celle-ci, dans le cadre ou non de la loi de septembre 1986 relative à la liberté de communication, d'être davantage, en amont, impliquée dans le choix de la programmation, par le biais de sa participation aux comités de programmes, et de pouvoir, en aval, véritablement ester en justice, lorsque la famille et l'idée même de famille, sont tournées systématiquement en dérision. A cet égard, votre rapporteur souhaite rappeler qu'il n'existe pas un modèle familial mais il n'en reste pas moins que la cellule de base de la famille est composée d'un père, d'une mère et d'un ou plusieurs enfants. Les autres cas de figure résultent, en fait, des accidents de la vie (monoparentalité, divorces, etc.). C'est pourquoi, ils doivent être aidés. C'est, d'ailleurs, le sens de l'intervention du président de l'UNAF, M. Roger Burnel, lors du cinquantenaire de cette organisation.

Outre l'audiovisuel, d'autres secteurs devraient ainsi être concernés par l'action de l'UNAF. Ainsi, celle-ci devrait être représentée au sein des différents organismes directeurs et conseils d'administration en matière d'éducation et de formation professionnelle.

La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale a accru, dans les caisses d'allocations familiales, qu'il s'agisse de la métropole ou des DOM, la représentation de l'UNAF au conseil d'administration. Il y aura désormais cinq membres au lieu de trois. Mais encore faut-il qu'il y ait renouvellement de ces conseils d'administration ! A cet égard, le plan du 15 novembre 1995 paraît porteur d'espoirs. Toutefois, votre rapporteur se demande si la représentation instituée par la loi du 25 juillet 1994 -5 sur 30- -soit 1/6- est véritablement suffisante et s'il ne conviendrait pas de l'accroître.

De même, votre rapporteur souhaite que soit accrue la représentation de l'UNAF au sein du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. En effet, actuellement, sur les vingt-cinq membres qui le composent, le conseil d'administration de la CNAVTS ne compte qu'un membre représentant les associations familiales, ce qui apparaît insuffisant à votre rapporteur compte tenu de l'importance de la famille et des aidants familiaux dans la politique à mener en faveur des personnes âgées. Il lui apparaîtrait également opportun d'envisager une représentation accrue de l'UNAF à la CNAMTS où elle n'a actuellement qu'une voix consultative.

Parallèlement, votre rapporteur propose, concernant l'UNAF elle-même, un certain nombre de pistes comme un accroissement de la représentation des veuves au sein de son conseil d'administration comme au sein de celui des UDAF. Votre rapporteur souhaite également que l'on donne les moyens juridiques et financiers aux différentes composantes de l'UNAF pour agir lorsqu'il est porté atteinte à leur propre conception de la famille dans les médias, notamment. En effet, l'UNAF, du fait de son caractère fédéral, est amenée à une certaine prudence.

Concernant les UDAF, votre rapporteur souhaiterait, au contraire, leur accorder plus de pouvoirs afin d'éviter un certain nombre de dérives. Il n'est, en effet, pas normal que, au niveau départemental, certaines subventions destinées aux familles ne transitent pas par elles. Ce serait un gage d'objectivité de permettre aux UDAF de répartir ces subventions.

Il faut rappeler, en effet, que, selon les informations fournies par le ministère à votre rapporteur, les subventions accordées aux associations familiales sont de trois types :

- les subventions aux associations ou fédérations familiales nationales,

- la participation forfaitaire aux activités des établissements d'information, de consultation et de conseil conjugal et familial ;

- les subventions distribuées directement par l'UNAF aux mouvements familiaux adhérents.

Ces dernières subventions sont financées sur le fonds spécial de l'UNAF qui provient du prélèvement qui est effectué sur les ressources des différents régimes de prestations familiales.

A partir du 1 er janvier 1994, les crédits accordés aux associations ont fait l'objet d'une nouvelle nomenclature. Il y a donc, au chapitre 47-21, programmes d'action sociale de l'Etat, deux articles budgétaires qui les concernent. Tout d'abord, il y a l'article 20 intitulé « action sociale en faveur de la famille, de l'enfance et des jeunes, actions nationales » dont les crédits relatifs à la famille représentent 7,75 millions de francs. Quand à l'article 70, relatif au développement social et à la prévention de l'exclusion, en ce qui concerne les actions sociales en faveur des familles, de l'enfance et des jeunes, on peut le ventiler en deux parties inégales : d'une part, 1.000.259 francs versés aux établissements, et, d'autre part, 2.117.175 francs versés aux associations de médiation.

En 1994, globalement les subventions en faveur des associations représentaient donc 19.867.434 francs.

En 1995, les crédits déconcentrés de l'article 70 étant globalisés, il n'est pas encore possible de les ventiler. En ce qui concerne l'article 20, les crédits qui lui sont rattachés ont représenté 8 millions de francs. Par ailleurs, 10 millions de francs ont été inscrits en réserve parlementaire pour le financement d'actions de conseil familial prioritairement destinées aux jeunes.

A cet égard, il faut noter la parution de la circulaire n° 95-13 du 28 avril 1995 relative au développement de l'activité des établissements de formation et de conseil familial, en particulier en direction des jeunes.

2. Retrouver les buts et l'élan initial de la politique familiale

Ainsi qu'on l'a vu dans la première partie, la politique familiale mise en oeuvre en 1945 était très clairement à visée démographique. Il n'est que citer l'un des rapporteurs de la loi du 22 août 1946 à l'Assemblée nationale constituante, M. Ramette, rapporteur pour avis de la commission des finances, qui déclare que le « Gouvernement reconnaît que seule la mise en oeuvre d'une vigoureuse politique de la natalité peut rendre à la France la jeunesse et les forces indispensables à sa prospérité et à sa grandeur ».

Encore marqués par le déclin démographique de la France dans l'Entre-Deux Guerres, où l'on a vu certaines années les décès excéder les naissances, les parlementaires ont souhaité donner une impulsion décisive à la natalité française, sous la houlette de M. Adolphe Landry, rapporteur au fond qui avait été dans les années trente l'un des premiers à déplorer la situation démographique. La politique familiale, fondée à cette époque à partir du lien professionnel, a pour objet de développer la nation française « en danger de mort par suite de la dénatalité ( ( * )6) »

Or aujourd'hui que se passe-t-il ? La situation démographique n'est pas plus brillante puisque la fécondité atteint, en 1994, 1,65 enfant par femme, soit précisément son niveau le plus faible depuis cinquante ans.

Ces objectifs démographiques doivent être à nouveau mis au premier rang des priorités de notre politique familiale. Les allocations familiales proprement dites doivent donc être prioritairement consacrées à ces objectifs. On peut, à cet égard, s'interroger sur les critères d'attribution de ces seules prestations. Votre rapporteur rappelle, en effet, que la loi de 1975 qui a généralisé les prestations familiales a institué un simple critère de résidence de trois mois pour leur attribution.

S'agissant des parents de nationalité étrangère, on arrive donc à la situation paradoxale suivante : les pays d'origine connaissent souvent une démographie bien trop dynamique pour leur niveau de ressources et qu'ils ne peuvent contrôler. Leurs nationaux sont donc attirés sur notre sol par l'octroi de prestations familiales destinées au départ à favoriser la natalité française. Votre rapporteur estime que, dans ce domaine, il serait plus pertinent d'aider par la coopération ces pays et de ne pas favoriser leur démographie, qui joue à l'encontre de leur développement.

C'est pourquoi il serait sans doute opportun d'opérer une distinction dans l'attribution des prestations familiales entre les prestations à caractère social, qui représentent plus de 50 % de l'ensemble, et qui continueraient d'être attribuées à toutes les familles, françaises ou étrangères, sous réserve de remplir des conditions de ressources ( ( * )7) et les allocations familiales, à caractère démographique. Celles-ci ne seraient attribuées qu'aux familles françaises et aux familles étrangères en fonction de leurs enfants ayant la nationalité française.

Dans la mesure où les allocations familiales seraient réservées aux enfants français, celles-ci seraient ouvertes, outre aux enfants de deux parents français ou d'un seul, aux enfants devenus français au titre de l'article 19-1 du code civil, c'est-à-dire ceux nés en France de parents apatrides et ceux nés en France de parents étrangers et à qui n'est pas attribuée par les lois étrangères la nationalité d'aucun des deux parents.

Ce dernier cas est, certes, limité à quelques centaines de personnes par an et concerne deux catégories de pays : ce sont, tout d'abord, les pays d'Amérique latine, telle la Colombie, qui ne prévoient pas forcément l'attribution de plein droit de la nationalité des parents aux enfants nés à l'étranger. Ensuite, nombre de pays à dominante musulmane ou musulmans qui ne reconnaissent pas la filiation des enfants naturels ou les mariages civils.

De même, les adolescents ou les jeunes adultes devenus français en vertu de l'article 21-7 du code civil pourraient également prétendre à ces allocations majorées en raison de leur âge. Il faut préciser que l'article précité recouvre le cas de l'étranger né en France de parents étrangers, qui a manifesté la volonté de devenir français, entre 16 et 21 ans, et qui justifie d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui l'ont précédée.

On peut, également, s'interroger sur la mise en oeuvre d'une certaine harmonisation entre la durée de séjour requise pour l'attribution des prestations familiales -qui est de trois mois actuellement- et celle requise pour le RMI -qui est de trois ans de résidence ininterrompue. Votre rapporteur tient à rappeler cette dernière disposition a été instituée en 1988 par le gouvernement de M. Michel Rocard. Il pourrait être envisagé pour ceux qui exercent une activité professionnelle de maintenir le système actuel mais de demander une durée de séjour égale à celle requise pour le RMI à ceux qui n'en exercent pas. Les dispositions actuelles engendrent un effet attractif que l'on ne peut nier qui se conjugue avec un problème éthique et juridique : la polygamie ( ( * )8) . Le regroupement familial qui, sur le plan humain, se justifie parfaitement est certainement à la base de ces problèmes.

Certains pourraient s'interroger sur le caractère constitutionnel de ces mesures. Toutefois, il faut remarquer que le préambule de la Constitution de 1946 dispose que la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Sur le plan de la réglementation européenne, les arrêts Pinna de 1986 et 1989 confortent cette position.

Votre rapporteur estime ainsi que c'est en retrouvant une assise véritablement démographique que la politique familiale regagnera sa cohérence et que l'on pourra mettre en oeuvre, à terme, une véritable allocation parentale de libre choix qui permettra vraiment à chaque famille d'avoir le nombre d'enfants qu'elle désire. C'est, en effet, une allocation extrêmement attendue et qui pourrait avoir des effets tout à fait bénéfiques.

Compte tenu de tous ces éléments et de la nécessité de préserver le système de notre protection sociale, en espérant que cela permettra de mettre en oeuvre, à terme, tant l'allocation parentale de libre choix que des mesures prévues par la loi relative à la famille à destination des jeunes adultes, et en souhaitant que les dispositions favorables aux familles ne seront pas remises en cause par la future loi d'orientation fiscale et, qu'au contraire, la neutralité de l'impôt vis-à-vis des différentes situations familiales sera accrue, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la politique familiale.

* (6) cf. débats de l'Assemblée nationale Constituante, séance du 6 août 1946 p. 2986 : citation de M. Bouxom, rapporteur pour avis de la commission de la famille, de la population et de la santé publique.

* (7) Selon les dernières statistiques qu'il faut prendre avec beaucoup de précaution et qui datent de 1993, le taux brut de natalité pour 1.000 était, respectivement, de 46,8 au Burkina Faso, de 48,5 aux Comores, de 49,8 en Côte d'Ivoire, de 50,6 en Guinée et de 50,7 au Mali

* (8) On dénombrerait actuellement 8.000 familles polygames, soit environ 90.000 personnes

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