II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mardi 28 novembre 1995 sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, la commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis des crédits en faveur des personnes âgées ouverts par le projet de loi de finances pour 1996.

A titre liminaire, M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a observé qu'à bien des égards, 1995 resterait comme une année charnière à l'égard de la politique en faveur des personnes âgées. Elle a, en effet, commencé par l'instauration d'expérimentations en matière de dépendance dans douze départements. Elle s'est poursuivie avec l'annonce d'un projet de loi sur la prestation d'autonomie.

L'année 1995 a également été l'occasion d'une revalorisation exceptionnelle des retraites de 0,5 % dont le coût global pour l'assurance vieillesse est de 1,5 milliard de francs en année pleine.

Mais 1995 restera également pour les dispositions très complètes à l'égard des personnes âgées et des retraites contenues dans le plan du 15 novembre 1995.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a ensuite examiné la contribution de l'Etat à la politique en faveur des personnes âgées.

Les crédits d'Etat en faveur des personnes âgées s'avèrent relativement faibles, 453,76 millions de francs pour 1996 et sont, de plus, nettement en régression puisqu'ils baissent de 15 % et de 80 millions de francs.

Ces crédits se répartissent en quatre articles d'importance inégale et dont l'évolution oscille entre la pure stagnation et la baisse significative.

Tout d'abord, les crédits concernant le certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile (CAFAD) stagnent, ce qui peut sembler dommageable dans la mesure où la formation des personnels intervenant auprès des personnes âgées est une question importante.

Les dépenses non déconcentrées d'action sociale en faveur des personnes âgées baissent de près de 15 % à partir de montants déjà peu importants.

Les dépenses déconcentrées d'action sociale en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées augmentent globalement de 6,02 % mais les crédits concernant, au sein de cette ligne budgétaire, les personnes âgées, sont très marginaux, et stagnent.

Enfin, évoquant le programme d'humanisation des hospices, M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a constaté une baisse importante des crédits qui lui sont affectés, qu'il s'agisse des crédits de paiement (-15,65 %) ou des autorisations de programme (- 14,9%).

A côté de ces crédits budgétaires, somme toute, limités et en baisse, l'Etat a un rôle d'impulsion essentiel en matière de politique en faveur des personnes âgées.

Parallèlement, par le biais de dispositions fiscales, l'Etat influe fortement sur la politique de maintien à domicile.

Le projet de loi de finances pour 1996 vient d'ajouter une nouvelle disposition à destination des personnes dépendantes hébergées en établissement : le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5,5 % sera désormais appliqué aux prestations liées à l'état de dépendance des pensionnaires des maisons de retraite.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a ensuite analysé l'action des organismes de protection sociale.

Il a estimé que le fonds de solidarité vieillesse (FSV) est en perpétuelle mutation, aussi bien sur le plan de ses missions que de ses ressources.

En effet, l'intégralité de la dette accumulée en 1992 et 1993 doit faire l'objet d'un transfert du FSV à une caisse d'amortissement de la dette sociale. Les recettes du FSV devraient désormais aller à de vraies dépenses de solidarité, et notamment de la validation des périodes de chômage.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a observé que, dans la mesure où ces validations sont prises en charge sur une base forfaitaire variable, le pouvoir réglementaire disposait ainsi d'une variable d'ajustement très importante de l'équilibre du Fonds sur laquelle le Parlement n'avait aucune prise.

Le FSV enregistrera une nouvelle recette, un prélèvement de 6 % à la charge des entreprises, assis sur la part patronale des contrats complémentaires de prévoyance. M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur la pérennité de cette mesure.

Evoquant ensuite les actions menées par la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a indiqué que la situation financière de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) a été quelque peu modifiée par l'intervention au cours de cette année d'un certain nombre de décisions gouvernementales.

Du côté des recettes, elle a bénéficié de ressources supplémentaires du fait de la suppression de la remise forfaitaire de 42 francs sur les cotisations vieillesse.

Du côté des dépenses, les pensions ont bénéficié d'une revalorisation de 1,2 % au 1er janvier 1995 et d'une nouvelle revalorisation exceptionnelle de 0,5 %.

Pour 1996, le plan du 15 novembre 1995 a limité la hausse des pensions à la hausse des prix prévisionnels, 2,1 %, ce qui devrait économiser à la branche 500 millions de francs en 1996 et 300 millions en 1997.

Compte tenu des effets de ce plan, le déficit de la branche vieillesse serait considérablement réduit, puisqu'il passerait de 14,37 milliards de francs à 2,93 milliards de francs en 1996.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a fait observer que le report de la prestation d'autonomie posait des problèmes à la CNAVTS dans la mesure où certaines de ses prestations -comme la prestation de garde à domicile- avaient été créées pour suppléer l'absence d'une prestation autonomie. Or, la CNAVTS comptait bien procéder à une refonte globale de son système d'aide avec une meilleure articulation entre les différentes prestations y compris l'aide ménagère.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a ensuite examiné les dispositions relatives aux personnes âgées dans le plan du 15 octobre 1995, et notamment l'accroissement de la cotisation maladie des retraités. Il a rappelé que les personnes âgées de 60 ans et plus qui représentent 19,9 % de la population, entraînent 42,2 % des dépenses médicales. Or, elles ont un taux de cotisation maladie bien inférieur à celui des actifs.

Il a estimé qu'il était donc normal de rapprocher la contribution des retraités imposables de celle des actifs.

Il s'est félicité que la question des fonds d'épargne retraite soit enfin abordée, sans remettre en cause le principe de la répartition qui doit rester le socle intangible de notre système de retraite.

En conclusion, M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a affirmé à nouveau la nécessité de lier l'intervention de la prestation d'autonomie en établissement à la mise en oeuvre d'une loi sur la réforme de la tarification des structures d'hébergement à destination des personnes âgées.

Il a estimé que le report de l'examen du projet de loi instituant la prestation autonomie laissait entier le problème de la dérive de l'allocation compensatrice, celui de son non-paiement en établissement de la part d'un certain nombre de départements, ainsi que celui du non-financement des lits de cure médicale pourtant autorisés par les comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS) et qui finit par peser sur les départements.

Il a donc suggéré de prévoir des dispositions transitoires visant à solutionner ces problèmes.

Il a enfin jugé nécessaire de prolonger les expérimentations.

Après avoir félicité M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, pour la clarté de son rapport, M. Charles Metzinger a rappelé les difficultés résultant du vieillissement démographique et de la réduction des effectifs cotisant aux régimes de retraite. Il a estimé que la réforme des retraites adoptée sous le Gouvernement Balladur n'avait pu permettre d'assurer une véritable solidarité entre générations. Il a rappelé son souhait de revaloriser les carrières les plus longues et les plus pénibles et d'accorder un départ anticipé à la retraite à taux plein, après quarante ans de cotisations.

Il s'est également prononcé en faveur d'une revalorisation des pensions de reversion. Après avoir rappelé son total désaccord avec l'institution de fonds de pension, il a regretté la baisse générale des crédits budgétaires destinés aux personnes âgées.

Il a rappelé que Mme Colette Codaccioni, ancien ministre de la solidarité entre les générations, avait justifié la baisse très importante des crédits d'action sociale aux personnes âgées par la création imminente de la prestation autonomie.

De semblables arguments avaient pu être invoqués pour justifier la réduction de 15 % des crédits destinés à l'humanisation des hospices. Il a proposé à la commission de déposer un amendement rétablissant tous les crédits qui ont été supprimés dans la perspective de la création de la prestation autonomie.

M. Jean Chérioux a évoqué les problèmes rencontrés par les régimes spéciaux. Il a indiqué que leur réforme ne devrait pas mettre en cause le passé, mais aménager ces régimes pour l'avenir. Il a rappelé que le coût des régimes spéciaux pour le régime général n'était pas nécessairement dû aux règles applicables par ces régimes, mais qu'ils résultaient en grande partie de problèmes démographiques.

Il a rappelé la proposition formulée par certains syndicats de transformer les régimes spéciaux en régimes par point. Il a demande au rapporteur s'il ne pourrait pas reprendre à son compte cette proposition.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a rappelé qu'il avait proposé une telle réforme au cours du débat sur la protection sociale qui s est déroule le 16 novembre dernier.

M. Jean Madelain a souligné l'ampleur des péripéties qu'a déjà connues le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), malgré sa création récente. Il a observé qu'il conviendrait que la commission suive de près son évolution.

Evoquant les crédits d'humanisation des hospices, il a demandé au rapporteur de faire part au ministre du souhait très vif de la commission que des mesures de régulation budgétaire ne viennent pas les amputer en cours d'année.

M. Jean-Louis Lorrain a estimé que si les crédits d'Etat destinés aux personnes âgées connaissent l'évolution soulignée par le rapporteur, le rôle financier des départements dans la prise en charge des personnes âgées augmentait.

Il a estimé qu'il ne fallait pas prôner systématiquement une augmentation des crédits, mais exiger une amélioration qualitative des interventions de l'Etat sur le terrain.

Mme Joëlle Dusseau a confirmé que la diminution des interventions de l'Etat entraînait une augmentation de celle des départements. Elle a jugé cette évolution très négative car inégalitaire. Elle a estime qu'il n'était pas acceptable que certaines lignes budgétaires mélangent des crédits destines aux personnes âgées et des crédits destinés aux personnes handicapées.

Elle a jugé dangereuse cette confusion des genres, qui n'était pas, selon elle, que budgétaire.

Elle a vivement regretté que l'Etat s'engage pour certaines interventions dans des contrats Etat-régions puis se désengage avant même leur réalisation.

Elle a enfin interrogé le rapporteur sur les modalités de financement des lits de cure médicale.

M. Bernard Seillier a rappelé que les fonds de pension correspondraient à un troisième niveau de retraite. Il a indiqué que ce n'est que dans cette mesure que la majorité accepterait leur création.

M. Georges Mazars a regretté la diminution des crédits destinés aux comités départementaux des retraités et des personnes âgées (CODERPA). Les CODERPA constituent, en effet, selon lui, un très bon moyen pour favoriser la participation des retraités à la vie sociale et publique. Il a souhaité que le report d'un an de la création de la prestation autonomie soit mis à profit pour créer des lits de cure médicale. Il s'est déclaré très sensible aux propositions du rapporteur concernant la nécessité de mesures provisoires en faveur des départements et la poursuite des expérimentations concernant la dépendance.

Regrettant la diminution des crédits destinés aux personnes âgées, il a souhaité que les services déconcentrés en soient informés afin que le déroulement de certaines actions, telles que des stages, ne soit pas interrompu.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, a pris acte des propositions de M. Charles Metzinger sur la question des retraites. Il a rappelé que chaque fois qu'existaient des possibilités budgétaires, des décisions favorables étaient prises.

Il a fait siens les propos de M. Bernard Seillier sur les fonds de pension. Il a rappelé que s'il regrettait l'évolution de la baisse de certains crédits budgétaires, il fallait surtout améliorer la qualité des interventions publiques.

Déclinant la proposition de M. Charles Metzinger de déposer un amendement rétablissant certains crédits, il a toutefois indiqué qu'il rappellerait au ministre la nécessité de financer l'ensemble des lits de cure médicale autorisés par les comités régionaux d'organisation sanitaire et sociale (CROSS), dont le report constant de la création pénalise financièrement les départements.

Un débat entre M. Jean-Pierre Fourcade, président, Mme Joëlle Dusseau, MM. Charles Metzinger, Alain Vasselle, rapporteur pour avis, Jean Chérioux et Jean Madelain, s'est ensuite engagé sur les modalités de financement de la création et du fonctionnement des lits de section de cure médicale.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a indiqué à Mme Joëlle Dusseau que le retrait de l'Etat de certaines interventions pourtant prévues par contrats de plan ne correspondaient pas à un désengagement de la part de celui-ci.

Il a précisé que la direction du budget faisait le point chaque année sur l'utilisation réelle des crédits de paiement qui ont été ouverts. Si ceux-ci ne sont pas utilisés enfin d'année, ils sont souvent repris par l'Etat à des fins de régulation budgétaire.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, répondant à M. Jean Chérioux, s'est déclaré en accord avec sa conception de la réforme des régimes spéciaux. Il a indiqué qu'il mentionnerait dans son rapport la proposition de transformer ces régimes en régimes par point.

M. Charles Metzinger a indiqué qu'il appartenait aux partenaires sociaux de négocier sur ces sujets.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a observé que les régimes de l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et de l'Association des régimes de retraites complémentaires (ARRCO), pourtant gérés par les partenaires sociaux, étaient des régimes par point.

Il a souligné la faiblesse du montant des cotisations dans certains régimes spéciaux et a estimé que, pour ce qui les concerne, l'intervention de l'Etat était nécessaire.

M. Charles Metzinger a certes estimé cette intervention nécessaire, mais a jugé qu'il convenait de négocier avec les partenaires sociaux avant de prendre toute décision.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, répondant à M. Georges Mazars, a estimé que la diminution des crédits des CODERPA ne remettait pas en cause leur existence. Il lui a indiqué qu'il évoquerait avec le ministre la question de l'interruption de stages, pour raisons financières, alors qu'ils ne sont pas terminés.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a estimé que le rapport de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, devrait insister sur la nécessité de financer les 18.000 lits de cure médicale déjà autorisés et qui correspondent à des besoins réels.

Mme Joëlle Dusseau a demandé si les expérimentations concernant la dépendance ne pouvaient pas être élargies.

M. Jean Chérioux a estimé qu'un tel élargissement serait techniquement difficile à réaliser dans un bref délai.

M. Georges Mazars a estimé que les difficultés des départements, cette année, proviendraient une fois encore du contrôle insuffisant de l'effectivité de l'emploi d'une tierce personne qui justifie le versement de l'allocation compensatrice.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a approuvé ces propos. Il a estimé qu'il serait souhaitable que le décret sur le contrôle de l'effectivité de l'aide d'une tierce personne soit modifié. La commission a adopté le principe du dépôt d'un amendement dans ce sens.

Sur proposition de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux personnes âgées dans le projet de loi de finances pour 1996.

Mesdames, Messieurs,

A bien des égards, 1995 restera comme une année charnière pour la politique en faveur des personnes âgées. Elle a, en effet, commencé par l'instauration d'expérimentations en matière de dépendance dans onze départements et quelques cantons d'un douzième, la Savoie. Elle s'est poursuivie avec l'annonce d'un projet de loi sur la prestation d'autonomie, projet dont la Haute Assemblée a, d'abord, été saisie et dont votre rapporteur était également le rapporteur saisi au fond. Le report de l'entrée en vigueur de cette prestation au 1er janvier 1997, alors même que la Haute Assemblée avait terminé la discussion générale, est venu conforter l'analyse de votre rapporteur dans la mesure où il souhaitait que cette loi ne soit qu'une loi de basculement et voulait que soient précisées les conditions de financement d'un complément apporté par le FSV, aux montants acquittés par les départements au titre de l'allocation compensatrice versée aux personnes âgées. 1995 a été, également, l'occasion d'une revalorisation exceptionnelle au 1er juillet des retraites de 0,5 %.

Mais 1995 restera également pour les dispositions très complètes à l'égard des personnes âgées et des retraites contenues dans le plan du 15 novembre 1995 : accroissement de la cotisation maladie des retraités, création d'une caisse autonome des retraites des fonctionnaires, transfert de la dette du régime général arrêtée au 31 décembre 1993 du FSV à une nouvelle caisse, recentrage du fonds précité sur certaines missions et création d'une nouvelle recette pour celui-ci.

Compte tenu de ces temps forts de l'année 1995, votre rapporteur examinera, dans un premier temps, les contributions des différents acteurs de la politique en faveur des personnes âgées : l'Etat dont la relative faiblesse des crédits qui, de plus, décroissent significativement cette année, est contrebalancée par le rôle d'impulsion fondamental, les collectivités territoriales avec les départements qui sont aux prises avec les dérives de l'allocation compensatrice, les communes et leur action de proximité, la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés qui mène une politique active en faveur du maintien à domicile, et la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés dont la contribution financière s'est accrue compte tenu de l'évolution de l'état des personnes âgées hébergées en établissement. Votre rapporteur examinera également, avec un souci particulier, les évolutions du Fonds de solidarité vieillesse.

Dans un deuxième temps, votre rapporteur analysera plus précisément les conséquences du plan du 15 novembre 1995 en matière de politique des retraites et d'action en faveur des personnes âgées, avant de livrer ses propres réflexions sur le texte portant création d'une prestation d'autonomie et sur l'avenir des expérimentations en matière de dépendance.

C'est, donc, à partir de ces deux angles, interventions des acteurs de la politique en faveur des personnes âgées, et contenu du plan du 15 novembre 1995 et suggestions du rapporteur que s'est articulé le présent avis.

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