IL LE RENFORCEMENT DES MOYENS GÉRÉS PAR LE MINISTRE CONFIRME LE CHOIX D'UNE PRÉSENCE ACCRUE SUR PLACE
A. LES DIFFICULTÉS DES COLLECTIVITÉS LOCALES
1.- La situation administrative
- La décentralisation
S'agissant des DOM, le ministre de l'outre-mer a précisé lors de l'examen de son budget à l'Assemblée nationale (JO Assemblée nationale 2ème séance du 28 octobre 1995, p. 2730) que « même si l'on (pouvait) intellectuellement penser qu'une assemblée (unique) serait une bonne chose » les termes de la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre 1982 lui paraissait exclure de l'envisager dans le cadre institutionnel actuel.
Rappelons les termes de cette décision : « en confiant la gestion des départements d'outre-mer à une assemblée qui, contrairement au conseil général des départements métropolitains en l'état actuel de la législation, n'assure pas la représentation des composantes territoriales du département, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel confère à cette assemblée une nature différente de celles des conseils généraux ; (...) ces dispositions vont au-delà des mesures d'adaptation que l'article 73 de la Constitution autorise en ce qui concerne l'organisation des DOM. »
Ainsi les deux collectivités territoriales qui cohabitent sur le même territoire dans les quatre DOM ne peuvent-elles s'attacher qu'à coordonner leurs interventions en matière économique pour laquelle elles ont toutes deux compétences aux termes de la loi du 2 mars 1982.
Les contrats de plans et la mise en oeuvre des programmes communautaires incitent à ce partenariat dans les DOM. Il est particulièrement développé à la Réunion.
Votre rapporteur a néanmoins interrogé le ministre lors de son audition sur la possibilité d'élaborer, sur des bases différentes de celle sanctionnée par le Conseil constitutionnel, et dans le cadre d'une réflexion plus large sur l'articulation région-département, une formule de décentralisation plus satisfaisante et moins coûteuse que la coexistence sur le même territoire géographique de deux structures administratives dotées d'une assemblée.
M. de Peretti a confirmé à la commission des lois que, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel, il ne se hasarderait pas à proposer une assemblée unique mais que dans le cadre, par exemple, de la réforme de l'État, il souhaiterait voir clarifier la répartition des compétences entre ces deux collectivités territoriales et permettre au représentant de l'État de faire respecter la ligne de démarcation.
S'agissant de la Réunion, il a indiqué sa préférence pour une réorientation des services vers le sud plutôt que pour l'installation de nouvelles instances.
A Mayotte, la modernisation de la législation se poursuit notamment avec le dépôt de projets de loi d'habilitation qui permettront d'y adapter le nouveau code pénal, les récentes réformes de procédure pénale (en vue d'une entrée en vigueur le 1er mai 1996) et d'y instaurer un statut général des fonctionnaires des collectivités locales de Mayotte. De même, un projet de loi portant diverses dispositions relatives aux TOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon contient des dispositions relatives aux étrangers, aux débits de boisson, aux offices notariés.
Deux décrets d'application sont en cours d'élaboration pour l'extension du code des marchés de l'État et de ses établissements et l'adaptation des dispositions réglementaires du code du domaine de l'État et des collectivités publiques.
Outre le contrat de plan, Mayotte bénéficie d'une convention de développement signée le 5 avril 1995 avec l'État, en application de l'article 34 de la loi du 25 juillet 1994.
Les 1,8 milliards de francs prévus pour la période 1995-1999 seront consacrés à la rémunération des personnels de l'éducation et aux bâtiments scolaires, à l'hôpital de Mamoudzou, au logement et à l'eau.
Ils complètent ainsi le milliard de francs du contrat de plan signé en octobre 1994. Lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, le ministre a pris l'engagement que Mayotte serait amenée à déterminer son statut avant l'an 2 000.
Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, l'accord entre la France et le Canada signé et entré en vigueur le 2 décembre 1994 relatif au développement de la coopération régionale entre la collectivité territoriale française de Saint-Pierre-et-Miquelon et les Provinces atlantiques canadiennes a été publié au Journal officiel du 21 septembre 1995.
Il a mis un terme à des années de négociations sans régler dans l'immédiat les graves difficultés économiques des 6 000 habitants de l'archipel.
Du côté des institutions, l'arrêté du 20 février 1995 a mis en place le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont les six représentants des collectivités territoriales au conseil d'administration ont été désignés.
D'autre part, en application de l'article 33 de la loi du 11 juin 1985, des négociations ont été engagées entre le préfet et le président du conseil général pour l'établissement d'une convention de mise à disposition du conseil général de la section du service des finances et de la comptabilité de la préfecture qui traite les affaires de la collectivité territoriale.
- L'aménagement du territoire
La loi du 4 février 1995, d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire s'applique aux DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon, avec quelques aménagements, ainsi que, pour certains articles, à Mayotte.
Plusieurs mesures spécifiques ont été prévues sur les DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon :
- l'introduction des directives territoriales d'aménagement (article 5 B) dans la loi relative aux compétences des régions de Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion, ainsi que la prorogation de 6 mois (jusqu'au 30 juin 1995) du délai d'élaboration des schémas d'aménagement régionaux, qui tiennent lieu (article 6) de schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire créés par la loi lesquels seront intégrés au schéma national ;
- le maintien, pour la répartition entre les communes du Fonds national de péréquation (article 70), d'une quote-part destinée aux communes des départements d'outre-mer ;
- les DOM seront représentés au Conseil national d'aménagement du territoire par deux élus.
Mayotte bénéficie (article 88) de :
- l'éligibilité au Fonds de péréquation des transports aériens, au Fonds d'investissement des transports terrestres, au Fonds de gestion de l'espace rural et au Fonds national de développement des entreprises ;
- la mise en place d'un schéma régional d'aménagement et de développement du territoire.
- les relations avec l'Union européenne
Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon en tant que « PTOM » (pays et territoires d'outre-mer) sont associés et non intégrés à l'Union européenne ce qui leur permet notamment de garder des droits de douane particuliers ou d'appliquer des restrictions à l'importation des produits en provenance de la communauté ou d'un autre PTOM.
En revanche, le paragraphe 2 de l'article 227 du Traité de Rome constitue actuellement la base des relations des départements d'outre-mer avec l'Union européenne.
Il est actuellement ainsi rédigé :
« En ce qui concerne les départements français d'outre-mer, les dispositions particulières et générales du présent traité relatives : à la libre circulation des marchandises, à l'agriculture, à l'exception de l'article 40, paragraphe 4, à la libération des services, aux règles de concurrence, aux mesures de sauvegarde prévues aux articles 105H, 1091 et 226, aux institutions sont applicables dès l'entrée en vigueur du présent traité.
» Les conditions d'application des autres dispositions du présent traité seront déterminées au plus tard deux ans après son entrée en vigueur, par des décisions du Conseil statuant à I unanimité sur proposition de la Commission.
« Les institutions de la Communauté veilleront, dans le cadre des procédures prévues par le présent traité et notamment de l'article 226, à permettre le développement économique et social de ces régions. »
L'évolution jurisprudentielle récente de la Cour de justice (arrêts Legros de 1992 et Lancry de 1994) ainsi qu'une approche politique moins favorable de la part de certains de nos partenaires (difficultés de négociation du règlement cadre agricole révisé du POSEIDOM) traduisent le développement de réticences à l'égard de la démarche en faveur des régions ultrapériphériques.
En préparation de la renégociation du Traité de l'Union européenne en 1996, le ministère de l'outre-mer a pris l'initiative d'organiser à Strasbourg, en mars 1995, des journées d'études sur la situation des régions ultrapériphériques. A cette occasion, les exécutifs des 7 régions concernées ont adopté une motion proposant une rédaction nouvelle de cet article et ont confirmé cette intention lors des journées de Pointe-à-Pitre à la fin mars 1995.
Le projet de texte qui fournit la base de travail actuelle reprend la motion de Strasbourg et de Pointe-à-Pitre :
« Les dispositions du traité instituant la Communauté européenne et du droit dérivé s'appliquent aux régions ultrapériphériques (départements français d'outre-mer, Açores et Madère et Iles Canaries) ; toutefois, pour tenir compte des réalités et des spécificités de ces régions, le Conseil adopte des mesures particulières en leur faveur, sur proposition de la Commission et selon la procédure prévue à l'article 189B, dans la mesure et aussi longtemps qu'il existe un besoin objectif de prendre de telles dispositions. Celles-ci doivent viser, notamment, à permettre à ces régions de rattraper le niveau économique et social moyen de la Communauté. Les dispositions du droit dérivé, relatives aux régions ultrapériphériques, actuellement en vigueur, restent d'application. »
Le ministre a indiqué à la commission des lois que la France, en liaison active avec la présidence espagnole, recherchait la reconnaissance, à l'intérieur même du nouveau traité, de l'ultra-périphéricité. Il a précisé qu'il espérait régler ainsi la situation des DOM et que s'agissant des PTOM, il souhaiterait les insérer dans l'annexe, comme l'étaient les DOM jusqu'à présent, afin que leur régime ne soit plus aligné sur celui des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). Il a annoncé qu'en concertation avec les territoires, un mémorandum pour les PTOM serait déposé.
Celui-ci paraît mériter réflexion. Certes, pour Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte le régime actuel implique qu'ils ne peuvent bénéficier des aides communautaires au même titre que les DOM : le ministre a indiqué que pour 1 000 F versés à la Réunion, Mayotte recevait 80 F ; le rapport de notre excellent collègue, Daniel Millaud, sénateur de la Polynésie française, au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, était également très éclairant sur ce point.
En revanche, ce régime leur permet de conserver des dispositions fiscales et douanières protectrices qui ont été contestées aux DOM, précisément dans le régime auquel semble s'être référé le ministre.
2.- Les comptes des collectivités locales
La Cour des comptes n'a pas consacré cette année une étude particulière aux DOM. Son rapport confirme en revanche qu'en 1994 la Chambre régionale des comptes de Guadeloupe-Guyane-Martinique a reçu le quart du total des saisines enregistrées dans l'ensemble des chambres au titre des demandes d'inscription des crédits nécessaires au règlement de dépenses obligatoires. Il rappelle également que « la généralisation et l'ampleur de la dégradation des finances locales dans ces départements pose des problèmes spécifiques, notamment aux Antilles et en Guyane ».
En Guadeloupe, la Chambre régionale des comptes dans son avis du 18 avril 1995 sur le budget primitif 1995 de la région a estimé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la procédure de redressement. Le budget primitif du département est en équilibre : l'épargne reste inférieure à la moyenne nationale tandis que les ratios de la dette sont supérieurs à la moyenne.
En Guyane, on constate une chute des dépenses d'investissement. Le budget de la région traduit la poursuite des efforts d'assainissement. Celui du département, voté en équilibre, comprend une part de dépenses en personnel très élevée : 44 % des dépenses de fonctionnement contre 26 % dans les Antilles et 15,6 % à La Réunion, soit à peu près la moyenne nationale.
La région Martinique a pleinement utilisé les possibilités fiscales qui lui ont été offertes par la loi de finances initiale pour 1994. Elle poursuit actuellement son redressement financier, au prix d'une réduction drastique de ses investissements. Le département connaît lui un ratio de la dette inférieur à la moyenne.
Contrairement aux autres conseils régionaux des DOM, le conseil régional de la Réunion n'a pas eu besoin de recourir aux possibilités d'augmentation du droit additionnel à l'octroi de mer et de création d'une taxe sur les billets ouvertes par la loi de finances initiale pour 1994. La région augmente ses investissements en 1995 : 4 nouveaux lycées sont engagés. Le budget du département est en équilibre avec toutefois un taux d'épargne très faible.