EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le rapport pour avis de M. Philippe Nachbar sur les crédits de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997 au cours d'une séance tenue le mercredi 13 novembre 1996, sous la présidence de son président M. Adrien Gouteyron.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Maurice Schumann, rapporteur spécial des crédits de la culture au nom de la commission des finances, a indiqué que si son analyse de la politique culturelle rejoignait pour l'essentiel celle du rapporteur pour avis, il ne pouvait en revanche souscrire à sa proposition de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 1997. La diminution d'un tiers des autorisations de programme ouvertes l'an prochain en faveur de la restauration du patrimoine monumental, dont les effets seront au mieux partiellement compensés par l'accélération des procédures d'engagement des crédits ouverts en 1997 et le report des reliquats des années précédentes, pourrait en effet être aggravée par l'annulation de 316 millions de francs d'autorisations de programme votées en 1996. Au total, l'amputation des crédits budgétaires excéderait alors 900 millions de francs, soit la moitié des crédits affectés à la restauration du patrimoine, et ses effets seront encore amplifiés par la réduction des efforts consentis par les régions du fait de l'étalement des contrats de plan État-régions. Les conséquences de ce cumul pourraient être dramatiques sur l'emploi, les entreprises spécialisées évaluant entre 3.500 et 4.000 le nombre de licenciements qui en résulteraient.
Le rapporteur spécial a indiqué à la commission que ses protestations auprès du ministre de la culture n'avaient eu qu'un effet limité, puisqu'elles n'avaient permis d'obtenir qu'un « dégel » de 50 millions d'autorisations de programme ouvertes en 1996. Si l'appel au Premier ministre ne devait pas faire évoluer favorablement les crédits du patrimoine monumental dans les prochains jours, le rapporteur spécial a estimé qu'il serait contraint de proposer à la commission des finances de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de la culture.
Le président Adrien Gouteyron a indiqué à la commission qu'il avait pris l'initiative d'écrire au Premier ministre pour attirer son attention sur les conséquences qu'aurait sur l'activité des entreprises spécialisées dans la restauration des monuments historiques le cumul du rééchelonnement de la loi de programme et des annulations d'une partie des autorisations de programme ouvertes en 1996, et pour demander que l'effort consenti par l'État en faveur de la restauration du patrimoine monumental soit en tout état de cause revalorisé lors de la préparation du budget pour 1998.
M. François Lesein a, à son tour, exprimé la crainte que la forte diminution de l'effort consenti par l'État en faveur de la restauration des monuments historiques ne se traduise par d'importants licenciements et a jugé que la commission ne pouvait, dans ces conditions, donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture. Au sujet de l'affectation d'une partie des gains de la Française des jeux à l'acquisition d'oeuvres d'art, il a fait observer que le fonds national pour le développement du sport, qui était financé de cette façon, ne disposait pas de recettes suffisantes pour faire face à l'ensemble de ses missions. Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur le calendrier d'ouverture de la Bibliothèque nationale de France.
M. Ivan Renar s'est déclaré prêt à s'associer à toute démarche visant au rétablissement des crédits affectés à la restauration du patrimoine monumental. Il s'est dit préoccupé de l'érosion des crédits affectés à la culture par l'État dès lors que l'on raisonne à structure constante, et, plus généralement, de l'effacement de la place réservée à la culture dans la politique gouvernementale. Il a en particulier regretté que le Parlement ait pu débattre du contrôle de l'ouverture des multiplexes cinématographiques, de la transformation du statut de l'institut de formation et d'enseignement pour les métiers de l'image et du son (FEMIS) ou de la suppression de l'avantage fiscal consenti aux souscripteurs du capital des sociétés du financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (SOFICA) à l'occasion d'amendements. Il a craint par ailleurs qu'un désengagement de l'État en matière culturelle ne favorise la remise en cause de l'intervention des collectivités locales dans le domaine culturel, comme cela a pu être observé à Orange ou à Toulon.
S'agissant de la politique d'acquisition d'oeuvres d'art, il a demandé au rapporteur des précisions sur l'évolution des crédits affectés au fonds du patrimoine. Il a également estimé que la suppression de la déduction supplémentaire dont bénéficiaient jusqu'à présent les artistes aurait nécessairement des répercussions sur les budgets de fonctionnement des institutions culturelles qui seraient appelées à compenser la perte de revenus correspondante.
Il a enfin déploré la faiblesse des crédits affectés par l'État aux enseignements artistiques et souligné l'effort consenti par les collectivités territoriales pour compenser cette insuffisance.
M. Jean-Louis Carrère s'est déclaré choqué que l'on puisse utiliser l'argent de loteries pour financer l'art ou le sport et a indiqué qu'il voterait contre l'adoption des crédits de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997.
M. Jean-Paul Hugot, tout en déclarant s'associer aux démarches entreprises pour tenter d'obtenir une revalorisation des crédits affectés à la restauration du patrimoine monumental, a souhaité que l'on s'attache à simplifier les procédures administratives préalables à l'engagement des autorisations de programme, dont la complexité explique en partie les retards observés dans la consommation des crédits d'investissement. Soulignant que la diminution de l'effort consenti en faveur du patrimoine monumental s'inscrivait en contradiction avec la priorité gouvernementale affectée à l'aménagement du territoire, il a craint que le financement du fonctionnement des grandes institutions parisiennes ne s'exerce encore au détriment de l'investissement culturel en région.
M. Daniel Eckenspieller, soulignant que les économies budgétaires que permettrait de réaliser le rééchelonnement de la loi de programme sur le patrimoine monumental seraient sans commune mesure avec les coûts économiques et sociaux induits par cette décision, a regretté que de semblables décisions soient prises sans une étude de leurs conséquences macro-économiques et à long terme.
M. Marcel Vidal a demandé au rapporteur pour avis des précisions sur la constitution de la fondation du patrimoine. Rejoignant M. Jean-Paul Hugot pour dénoncer la lourdeur des procédures et des montages financiers liés aux opérations de restauration du patrimoine protégé, il a souhaité qu'une réflexion puisse être engagée sur la simplification des procédures administratives et a suggéré que les collectivités locales puissent avoir accès à des prêts à taux bonifié pour réaliser ces opérations. Il a par ailleurs espéré que la contractualisation des engagements souscrits en matière culturelle entre l'État d'une part et les communes, les groupements de communes ou les départements d'autre part ne serait pas remise en cause.
Soulignant que l'ampleur de l'entreprise de rénovation engagée au centre national d'art et de culture Georges Pompidou exigeait qu'il soit partiellement fermé au public, il a enfin souhaité que les délais envisagés pour la réalisation de ce chantier puissent être respectés.
M. Jean Bernard a plaidé en faveur d'une utilisation plus rationnelle des crédits de restauration des monuments historiques et a rejoint MM. Jean-Paul Hugot et Marcel Vidal pour réclamer une simplification des procédures administratives préalables à la réalisation de travaux sur les monuments classés.
M. Alain Joyandet, estimant que l'on ne pouvait à l'occasion de l'examen du budget de la culture remettre en cause la priorité accordée par le Gouvernement à la réduction des déficits publics, a indiqué qu'il voterait les crédits de la culture inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997.
M. Adrien Gouteyron, président, a fait observer que le ministère de la culture ne pourrait pas faire l'économie d'une réflexion sur la simplification des procédures s'il entendait parvenir à compenser, au moins partiellement, les effets de la réduction des autorisations de programme ouvertes en 1997 par une accélération de l'instruction des dossiers de travaux. Il a par ailleurs fait remarquer qu'en cas de succès, l'accroissement du taux d'engagement des crédits ouverts en 1997 et la consommation des reliquats de crédits reportés des années précédentes conduiraient à différer en 1998 les effets du désengagement de l'État.
Répondant aux différents intervenants, M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- les crédits que l'État est raisonnablement susceptible de consacrer à l'acquisition d'oeuvres d'art resteront toujours hors de proportion avec les valeurs atteintes sur le marché international de l'art. C'est la raison pour laquelle il paraît souhaitable d'envisager le recours au Loto pour permettre à la France d'assurer la conservation sur son territoire des oeuvres maîtresses de son patrimoine ;
- l'ouverture du département « grand public » de la bibliothèque nationale de France à Tolbiac est toujours programmée pour le mois de décembre 1996, celle du « rez-de-jardin » réservé aux chercheurs étant prévue dans le courant de l'année 1998. Les derniers arbitrages relatifs aux coûts de fonctionnement de cette institution n'ont toujours pas été rendus : ils devraient néanmoins s'établir dans une fourchette comprise entre 900 millions de francs et 1,3 milliard de francs par an. D'après les informations disponibles, il semblerait que l'on ait finalement renoncé à ouvrir la bibliothèque au public le dimanche ;
- les crédits du fonds du patrimoine, qui ont bénéficié d'une mesure nouvelle de 50 millions de francs dans la loi de finances pour 1996, seront reconduits en 1997 à 85 millions de francs ;
- la « fondation du patrimoine » est en cours de constitution. L'on peut espérer qu'elle contribue à élargir le champ d'intervention des entreprises spécialisées dans la restauration du patrimoine. L'intervention de la nouvelle fondation apparaît toutefois complémentaire de celle de l'État puisque sa vocation est de contribuer à la sauvegarde du patrimoine non protégé.
A l'issue d'un large débat auquel ont notamment pris part, outre le président Gouteyron et le rapporteur pour avis, MM. Jean Bernadeaux, Jean Bernard, Alain Joyandet, André Egu, Alain Gérard et François Lesein, la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de la culture inscrits au projet de loi de finances pour 1997.