II. LE MAINTIEN DE LA PRÉSENCE POSTALE SUR LE TERRITOIRE
A. LA PRÉSENCE POSTALE, UN ATOUT POUR L'ESPACE RURAL
Votre commission n'a cessé 17 ( * ) de s'alarmer des dangers que font peser sur les zones rurales fragiles les fermetures de bureaux de poste ou leur transformation en agence postale. Elle est, en effet, consciente du fait que le réseau postal et un élément essentiel de solidarité entre les différentes parties de notre territoire.
Quelques chiffres suffisent à s'en convaincre. Chaque jour, La Poste dessert une large partie de la population grâce à ses 73.000 tournées de facteurs et ses 17.000 points de contact dont 14.000 bureaux de poste 18 ( * ) .
Son histoire Ta conduite à être très fortement implantée dans le milieu rural : plus de la moitié des tournées de distribution s'effectuent dans les communes de moins de 10.000 habitants, 16.800 tournées quotidiennes de facteurs et 10.000 points de contacts (60 % de l'ensemble) concernent des communes de moins de 2.000 habitants.
En zone rurale, la densité des guichets (un guichet pour 800 habitants) est supérieure à celle observée en zone urbaine (un guichet pour 2.500 habitants).
Le tableau ci-dessous témoigne de la forte « ruralité » du réseau postal :
TAILLE DE COMMUNE |
POPULATION EN % |
NOMBRE DE BUREAUX DE POSTE EN % |
Moins de 2.000 habitants 2.000 habitants et plus |
25,1 74,9 |
58,1 41,8 |
(Source : DGPT)
D'ailleurs, la Poste a eu historiquement un rôle important à jouer dans la politique d'aménagement du territoire, comme l'illustre l'encadré ci-contre :
LE RÔLE DE LA POSTE DANS L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
1960-1974 : retrait progressif des services publics des zones rurales en relation avec le mouvement de concentration de la population française vers les villes où sont localisés les emplois industriels et tertiaires. La Poste suit ce mouvement de retrait avec retard et apparaît souvent alors, dans les communes dites du « rural profond », comme le dernier service public encore présent au côté de la mairie et de l'école. 1974 : déclaration de la politique générale du Premier ministre demandant la suspension de la fermeture des services publics en milieu rural et la prise de mesures propres à revitaliser les zones rurales. 1979 : mise en place de la polyvalence administrative postale en milieu rural , qui a vu jusqu'à 2.500 bureaux de poste offrir aux populations rurales d'autres services que postaux pour le compte d'administrations (ex. : Intérieur : formulaires de pièces d'identité, Finances : vente d'objets fiscaux et de vignettes auto) ou d'organismes publics (ex. : ANPE : diffusion des offres d'emploi). Début 1990 : mise en place des premiers schémas départementaux de présence postale (SDPP) aidant les directeurs départementaux des postes à implanter des bureaux de poste à partir de critères économiques et socio-démographiques. Avril et septembre 1990 : publication du rapport du sénateur Delfau visant à conforter le réseau postal en zone rurale avec application ultérieure par La Poste de la plupart des 11 mesures préconisées par le sénateur (création de conseils postaux locaux, mise en place du système « Allô Facteur », de télécopieurs, de conseillers financiers itinérants) et généralisation du concept des points-postes et de la diversification de l'offre postale (signature de conventions avec des partenaires privés du type réseau Total, débitants de tabac commerçants des « 1.000 villages »). 1991 : le Premier ministre institue un moratoire interdisant la fermeture des services publics et met en place des schémas et des commissions de services publics en milieu rural dans les 25 départements ruraux les plus fragiles. 1993 : le moratoire, les schémas et les commissions sont étendus à l'ensemble des départements ruraux par le Premier ministre. 4 février 1995 : loi d'orientation sur l'aménagement du territoire. 1995 : le Premier ministre étend les mesures sur les schémas et les commissions de services publics à tous les départements ; publication le 11 octobre 1995 du décret d'application et de la circulaire aux préfets portant sur l'article 28 de cette loi et relatifs à la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics et au schéma départemental des services publics. 21 juin 1995 : à la demande du Président de la République , le président de La Poste décide de ne fermer aucun bureau de poste dans les zones rurales jusqu'à la fin de 1997. |
B. UN PUISSANT MOTIF DE SATISFACTION : LA POURSUITE DE LA POLITIQUE DE « ZÉRO FERMETURE » DÉCIDÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA POSTE
La nécessité du maintien de la présence postale dans nos campagnes a été soulignée, à maintes reprises, par le Sénat, notamment à l'occasion des débats ayant conduit à l'adoption de la loi du 2 juillet 1990 relative a l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications. Suite à un amendement d'origine sénatoriale devenu l'article 6 du texte définitif, le principe de la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire a même été inscrit dans la loi.
La Haute Assemblée a également soutenu avec une grande fermeté le dispositif qui est devenu l'article 29 de la loi du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire. Cet article institue une procédure de contrôle du respect des objectifs d'aménagement du territoire fixés aux « établissements et organismes publics ainsi qu' `aux entreprises nationales » placés sous la tutelle de l'État en cas, notamment, de réorganisation ou de suppression d'un service aux usagers.
C'est pourquoi, votre commission pour avis s'était félicitée que le Gouvernement ait instauré, en avril 1993, un moratoire de durée limitée suspendant la fermeture des services publics en milieu rural.
Aussi, ne peut-elle que saluer avec une grande satisfaction la décision prise en juin 1995 par le président de La Poste, M. André Darrigand, et confirmée le 26 février dernier dans une lettre adressée a tous les parlementaires, de ne fermer aucun bureau dans les zones rurales jusqu'à la fin de 1997, dernière année de mise en oeuvre de l'actuel contrat de Plan de l'opérateur, et de n'effectuer, dans la même période, aucune réduction d'effectif dans les petits bureaux qui emploient moins de cinq personnes.
Cette décision est lourde de conséquences puisque, au vu des chiffres le plus souvent avancés, la majeure partie de ces bureaux implantes en zone rurale ne couvrent pas leurs charges fixes et coûteraient quelque 3 milliards de francs par an à La Poste. L'exploitant public accepte donc de supporter jusqu'à la fin du contrat de Plan une lourde charge. C'est en cela que son engagement en faveur de l'aménagement du territoire et de la revitalisation de l'espace rural doit être donné en exemple à bien des services publics qui n ont pas encore manifesté une aussi vigoureuse volonté en ce sens.
Pour compenser le poids de sa décision courageuse. La Poste, qui est tenue d'équilibrer ses comptes, s'est engagée dans la recherche de gains de productivité dans les centres de tri et les services financiers (programme Atlantis) et prévoit d améliorer la rentabilité de ses bureaux en zone rurale. Pour atteindre ce dernier objectif, elle a choisi une logique de développement des petits bureaux ruraux, qui donne la priorité aux fonctions commerciales : les tâches administratives et de gestion seront centralisées à un niveau supérieur tandis que les conseillers financiers seront multipliés. D'ici à la fin 1997, La Poste a prévu de créer au total 4.000 postes de commerciaux. Parallèlement, la distribution du courrier en zones rurales, jugée actuellement « trop atomisée » va être simplifiée et réorganisée en amont. L'opérateur va, parallèlement, investir 500 millions par an dans la modernisation de ses bureaux ruraux et urbains.
Votre commission pour avis s'intéresse désormais aux conditions de sortie du moratoire, notamment en ce qui concerne la gestion de l'évolution du réseau après 1997. Elle sera particulièrement vigilante pour assurer un maintien de la présence postale, notamment en milieu rural.
C. UNE FORMULE À DÉVELOPPER POUR L'ESPACE RURAL : LA POLYACTIVITÉ
Depuis le milieu des années 1970, la revitalisation de l'offre de services postaux devait passer par la polyvalence administrative.
Pratiquée dans 800 bureaux de poste, la polyvalence administrative porte essentiellement sur des opérations relevant du domaine du ministère de l'Économie et des Finances (ventes de vignettes et de timbres fiscaux, notamment). L'ensemble des prestations effectuées au profit de la SNCF (vente de titres de transport), l'ANPE (affichage des offres d'emploi) et des préfectures (demandes de cartes d'identité, de passeport, de carte grise...) reste très marginal.
La polyactivité, plus prometteuse, consiste en l'utilisation d'agents à temps partiel en complément des activités que ces salariés ou indépendants exercent par ailleurs.
Des nouvelles formules d'optimisation du réseau postal se développent sur ce principe. Elles entrent dans le cadre des orientations fixées dans le contrat de plan qui invite l'entreprise à conclure des partenariats avec des acteurs publics ou privés pour maintenir ou développer l'offre de services postaux.
C'est ainsi que des expériences sont en cours avec des partenaires privés (débitants de tabac) ou publics (communes, points multi-services ou points publics) destinées à développer la polyvalence des lieux en coopérant avec d'autres réseaux. Ces formules, et en particulier les conventions que La Poste souhaite signaler avec les communes, demandent encore à être validées sur un plan réglementaire, notamment en ce qui concerne la comptabilité avec les compétences des communes.
Une impulsion en provenance des pouvoirs publics paraît indispensable à votre rapporteur pour avis qui encourage vivement le développement de telles expériences.
En effet, la présence postale en milieu rural ne peut se dissocier du problème général d'un « service minimum de proximité » offert sur tout le territoire, dans divers domaines prioritaires (communications services sociaux, transports...), et ceci compte tenu des mutations technologiques et démographiques prévisibles. Il s'agira donc de répondre de façon moderne, évolutive suffisante (en qualité et en qualité) et efficace aux différents besoins en services sur tous les points du territoire où le dépeuplement ou les problèmes sociaux ont contribué à la fermeture des services de proximité.
* 17 Voir notamment l'avis de M. Pierre Hérisson relatif au budget Poste et nouvelles technologies
de l'information, Sénat n° 79, Tome XXI, 1995/1996.
* 18 Données du recensement 1993. Source DGPT.