III. LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES
L'organisation et le fonctionnement du service de santé des armées connaîtront une profonde transformation sous le double effet de la suppression du service militaire, qui lui fournissait une part très importante de ses personnels médicaux, et de la réorientation de sa mission vers le soutien de la projection des forces.
L'adaptation du service de santé exigera une nouvelle politique de recrutement, incluant la question de la gestion des réserves, et une restructuration de ses implantations.
Le projet de budget pour 1997 ne traduit que l'amorce de cette profonde mutation.
A. DEUX CONTRAINTES MAJEURES : LA SUPPRESSION DU SERVICE MILITAIRE ET LA PARTICIPATION AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES
La suppression du service militaire va accélérer une restructuration qui était déjà rendue nécessaire par la participation accrue du service de santé aux opérations extérieures.
1. Un service dépendant des appelés du contingent
Globalement, les appelés du contingent ne représentent qu'un peu plus du quart des personnels du service de santé, proportion plutôt inférieure à celle des appelés dans l'ensemble des armées (35 %). On comptait en effet en 1996 4 943 appelés (26,8 %) sur un total de 18 451 personnes, le restant se répartissant entre des militaires d'active, au nombre de 7 255 (39,3 %) et les personnels civils au nombre de 6 253 (33,9 %).
Toutefois, les appelés représentent 38 % des officiers du service :
. 27 % des médecins
. 63 % des pharmaciens
. 75 % des vétérinaires
. 92 % des dentistes
Au terme de la loi de programmation, en 2002, le nombre d'appelés devrait se limiter à 239 volontaires.
2. Une participation accrue aux opérations extérieures
A la date du 18 juillet 1996, 400 personnels médicaux et paramédicaux du service de santé des armées étaient engagés au titre du soutien médical des forces françaises en opérations extérieures, principalement en ex-Yougoslavie et en Afrique.
Le caractère interarmées du soutien médical a permis au service de santé d'optimiser l'utilisation de ses ressources. Par ailleurs, l'emploi de réservistes sur les théâtres d'opérations a été expérimenté et il est envisagé, à terme, d'utiliser leurs services pour relever les personnels de carrière, soit dans les formations sanitaires de campagne en missions extérieures, soit dans les hôpitaux de métropole où ils exerçaient avant de partir en opérations. Enfin, la coopération maximale avec les services de santé des armées étrangères dans les missions extérieures est recherchée pour rationaliser l'emploi des personnels médicaux.
Toutefois, malgré ces efforts pour limiter l'impact des opérations extérieures, le service de santé n'a pas évité que les prélèvements effectués à cette occasion ne perturbent ses activités normales en métropole en raison du déficit en personnel qu'ils provoquent.
Ce déficit se constate au niveau des forces, particulièrement dans les régiments de l'armée de terre et sur les bases aériennes. Il réduit également le potentiel chirurgical des hôpitaux puisque le départ en mission d'une antenne chirurgicale équivaut à la mise en sommeil d'un centre hospitalier des armées. L'engagement simultané et durable de plusieurs antennes chirurgicales réduit d'autant les capacités des hôpitaux des armées à assurer leur mission de temps de paix en métropole.
B. VERS UNE PROFONDE RESTRUCTURATION DU SERVICE DE SANTÉ
La réduction du format des armées et les enseignements tirés de la participation aux opérations extérieures vont conduire le service de santé à se recentrer sur sa mission fondamentale : le soutien des éléments projetés en opération . D'importantes restructurations des organismes de ravitaillement sanitaire et des hôpitaux vont en découler. Ce redimensionnement à la baisse compensera en partie la disparition de la ressource en personnels médicaux fournie par le contingent. Mais une nouvelle politique de recrutement sera néanmoins nécessaire, notamment pour faire face aux missions extérieures.
1. La diminution du nombre d'établissements
La suppression du service militaire se traduira par une baisse de 40 % de l'activité hospitalière des services, du fait de la perte de la « clientèle » des appelés du contingent. Parallèlement, le service de santé perdra le concours des personnels soignants du contingent.
Ce seul élément suffirait à nécessiter une redéfinition de la carte hospitalière des armées . Il faut néanmoins intégrer les autres paramètres tels que la capacité d'assurer le soutien hospitalier médico-chirurgical des forces de projection et le nouveau concept d'intervention, fondé sur la médicalisation de l'avant, la réanimation immédiate et la chirurgie de proximité, qui place notamment les médecins anesthésistes-réanimateurs et les chirurgiens au plus près des zones d'engagement, en début de chaîne d'évacuation des blessés.
Ces besoins doivent être pris en compte tout en garantissant le niveau de sécurité optimal dans les hôpitaux.
D'ores et déjà, la fermeture de quatre hôpitaux des armées , sur les neuf actuellement en fonctionnement en métropole, est programmée pour les trois années qui viennent. Les hôpitaux concernés sont ceux de Bourges en 1997, de Lille et de Dijon en 1998 et de Strasbourg en 1999. Le choix a été effectué en fonction de l'existence de capacités d'hospitalisation civile, et, pour Strasbourg, de la dissolution des dernières unités stationnées en Allemagne dont il assurait le soutien.
Les mesures prévues d'ici la fin 1999 n'affectent pas les neuf centres hospitaliers d'instruction des armées.
L'adaptation des établissements de ravitaillement sanitaire , engagée il y a plusieurs années, va également se poursuivre par la dissolution de l'établissement des matériels de mobilisation de Lyon et par la fermeture de la pharmacie magasin du port de Toulon dès 1997, la mission de ces unités étant reprise par des établissements existant à Marseille. L'établissement central des matériels de mobilisation de Bordeaux-Bègles qui assure le soutien des formations sanitaires de l'armée de l'air sera quant à lui dissous en 1998, sa mission étant assurée par l'établissement de Chartres.
Comme pour l'ensemble des armées, le dispositif de formation n'est appelé à évoluer qu'après 2000. L'école nationale des officiers de réserve du service de santé des armées de Libourne continuera donc à assurer la formation technique et administrative des officiers du contingent jusqu'à la disparition du service militaire sous sa forme actuelle.
2. Une nouvelle politique de recrutement
Le resserrement du dispositif du service de santé sur le territoire national permettra d'absorber une bonne partie de la perte de ressources entraînée par la disparition du service national.
Ainsi, le format du service de santé à l'horizon 2002 prévoit-il une diminution des personnels d'active de certains corps comme les pharmaciens ou les officiers du corps technique et administratif de la santé (OCTA), mais également des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA), qu'ils soient officiers ou sous-officiers. Dans ce dernier cas, les prélèvements effectués au titre des opérations extérieures, notamment pour les structures de traitement d'urgence des blessés, entraînent de réelles difficultés dans les hôpitaux où ils n'étaient pas remplacés. L'adéquation des effectifs de MITHA aux besoins des hôpitaux des armées à l'horizon 2002 repose donc uniquement sur les redéploiements de personnels qui seront rendus possibles par la fermeture d'établissements.
La situation est quelque peu différente dans les secteurs actuellement très dépendants du contingent.
Le cas le plus frappant est celui des chirurgiens dentistes puisque ces fonctions sont exercées à 92 % par des appelés du contingent. Un corps de chirurgiens dentistes devra donc être créé. Il intégrera en premier lieu les quelques officiers de réserve en situation d'activité (ORSA) et officiers sous contrat actuellement en service avant de procéder à un recrutement de dentistes diplômés d'une part, et d'élèves admis en première année d'études odontologiques d'autre part. Ce corps devrait comprendre 58 officiers à l'horizon 2002. Un projet de décret est en cours d'étude, le recrutement ne pouvant réussir que si les intéressés bénéficient de l'assurance, au sein des armées, d'une véritable carrière.
Les fonctions de vétérinaire-biologiste sont elles aussi largement assurées par les appelés (75 % de l'effectif). Un recrutement sera donc opéré soit auprès de volontaires diplômés, soit en école de formation initiale pour compléter les effectifs du corps d'officiers d'active déjà existant.
Plus complexes sont les questions soulevées par le remplacement des médecins appelés du contingent . Ils ne constituent actuellement que 27 % de l'effectif mais la professionnalisation conduit, tout en les remplaçant, à poursuivre deux objectifs :
- assurer le soutien des forces en maintenant l'encadrement médical des forces et en renforçant les spécialités hospitalières nécessaires au soutien de la projection, en premier lieu la chirurgie et l'anesthésie-réanimation.
- garantir le maintien du niveau des hôpitaux des armées, tant pour des exigences de qualité des soins et de sécurité que pour conserver la clientèle libre qui apporte au service de santé des ressources financières à peu près équivalentes aux ressources budgétaires.
Sur la période 1997-2002, la loi de programmation prévoit donc une augmentation du nombre de médecins militaires, qui passeront de 2 303 en 1996 à 2 412 en 2002.
Compte tenu de la diminution depuis plusieurs années des effectifs en écoles, diminution dont l'effet se prolongera encore dans les années qui viennent du fait de la durée des études, c'est donc une vigoureuse politique de recrutement de médecins qui doit être engagée.
L'augmentation du recrutement initial en école de formation, qui peut s'effectuer en début d'études, ou au début de chaque cycle, est bien entendu envisagée mais elle ne pourra avoir d'effet à très court terme. Elle impose en outre une réévaluation de l'enveloppe des soldes.
Le recrutement sur titres de praticiens déjà diplômés, soit sous contrat, soit sous statut d'officier de réserve en situation d'activité (ORSA), est donc indispensable à court terme , sans qu'il soit garanti que le nombre de candidats sera à la fois suffisant pour couvrir les besoins et du niveau requis, notamment dans les spécialités recherchées pour le soutien aux opérations extérieures.
Au regard des objectifs fixés à l'horizon 2002, une incertitude subsiste cependant : le besoin de personnels médicaux militaires pour l'encadrement du rendez-vous citoyen. Selon la formule retenue, et son contenu, le rôle dévolu aux médecins militaires pourra varier et nécessitera une présence en personnels plus ou moins forte.
3. La question des réservistes
La disparition du service militaire sous sa forme actuelle va entraîner une évolution très importante de la ressource de réservistes qui s'établit actuellement à plus de 37 000 personnes.
Cette ressource présente, pour le service de santé des armées, un intérêt tout particulier dans la mesure où elle peut être appelée à exercer au profit des armées des tâches hautement qualifiées qu'elle exerce dans la vie civile.
Le service de santé a procédé à une réévaluation du format des réserves en estimant ses besoins à 8 600 réservistes, la diminution du nombre étant compensée par une plus grande disponibilité et de plus grandes capacités opérationnelles.
Il est envisagé de constituer cette ressource à partir de volontaires qui devront souscrire un engagement spécial de réservistes et d'anciens personnels d'active qui seront maintenus dans la réserve quelques années après leur départ du service actif. Ces personnels effectueront des périodes ne pouvant excéder 30 jours. Certains d'entre eux pourront en outre souscrire un engagement spécial pour participer directement au soutien médical d'une opération extérieure ou pour remplacer temporairement le poste d'un personnel de carrière engagé dans cette opération.
On peut toutefois se demander si la solution envisagée permettra de compenser à la hauteur souhaitée la ressource fournie par des médecins du contingent. Il faut rappeler que pour des médecins en service libéral, un engagement dans la réserve impliquant une grande disponibilité est difficile à concilier avec les obligations professionnelles.
C. LE BUDGET DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES POUR 1997
Les crédits consacrés au service de santé des armées passeront, en loi de finances initiale, de 2 277,5 millions de F en 1996 à 2 322,7 millions de F en 1997 , soit une progression de 2 %.
Les crédits du titre III s'élèveront à 2 039,8 millions de F pour 1997 soit une progression de 1,30 %, la hausse des rémunérations et charges sociales (+ 2,2 %) étant partiellement compensée par une diminution de 0,2 % des charges de fonctionnement.
Le projet de budget prévoit la création de 6 postes d'officiers qui sera obtenue par un double mouvement : 8 postes de MITHA officiers, 8 postes d'OCTA et 10 postes d'aumônier seront supprimés alors que 5 postes de vétérinaires biologistes et 27 postes de médecins seront créés.
En outre, 143 postes de sous-officier (dont 80 MITHA) et 34 postes de militaires du rang engagés seront créés.
En revanche, 893 postes d'appelés (sur 4 943 en 1996) seront supprimés, ainsi que 125 postes de civils.
Au total, les effectifs pour 1997 se monteront à 17 616 personnes (- 4,5 %) dont :
. 3 453 officiers de carrière ou sous contrat (+ 0,2 %)
. 3 941 sous-officiers (+ 3,8 %)
. 44 militaires du rang engagés (+ 340 %)
. 4 050 appelés (- 18,1 %)
. 6 218 civils (- 2 %).
Les crédits d'équipement du titre V se monteront en 1997 à 282,9 millions de F , soit une progression de 7,2 % par rapport au budget voté en 1996. Toutefois, par rapport aux crédits disponibles en 1996, la dotation prévue pour 1997 représente une diminution de 8,4 %.
Les investissements lourds sont essentiellement constitués par la reconstruction du centre de transfusion sanguine du service de santé, le lancement de la reconstruction de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne à Toulon, la réhabilitation du centre de traitement des brûlés de l'hôpital Percy de Clamart et la reconstruction du bloc technique de l'hôpital Robert Picqué à Bordeaux.