B. FAUT-IL SPÉCIALISER LES PLATES-FORMES FRANCILIENNES ?
En
dépit des souhaits exprimés, l'an dernier déjà, par
votre commission pour avis, la décision relative à la
dévolution des plates-formes parisiennes n'est toujours pas intervenue.
Le ministre déclarait, après le report du conseil
d'administration d'Aéroports de Paris du 22 octobre où
aurait dû être examinée cette question, que
" des
inquiétudes et des interrogations continuent à s'exprimer parmi
les élus et les organisation syndicales. Dans ces conditions, j'ai
considéré nécessaire que la concertation
soit
approfondie et que soient apportées toutes les garanties ".
Votre commission pour avis, sans revenir sur une argumentation qu'elle a
déjà largement développée, est favorable à
une évolution de chacun des deux aéroports parisiens, qui
conjugue le souci de long terme de conforter le rôle de premier plan
d'Orly et Roissy en Europe avec celui de moyen terme, d'une limitation des
nuisances sonores et d'un maintien de la croissance et de l'emploi.
La limitation du volume sonore pourrait être un meilleur
élément de régulation des nuisances que la simple
limitation du nombre de mouvements.
C. LA MAÎTRISE DES NUISANCES SONORES AÉROPORTUAIRES
1. Mesures récentes et perspectives d'avenir en matière de lutte contre les nuisances sonores
a) Bilan des mesures annoncées à l'automne dernier
Le
Gouvernement avait annoncé, lorsque la décision avait
été prise, à l'automne dernier, d'étendre les
capacités de Roissy, qu'il mettrait parallèlement en oeuvre des
mesures d'accompagnement, tenant notamment à la maîtrise des
nuisances sonores aéroportuaires. L'engagement avait été
pris de plafonner le niveau de bruit généré par
l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à son niveau de 1997,
malgré l'augmentation du trafic.
Des contraintes accrues
Deux arrêtés ont été pris pour limiter plus
rigoureusement les vols de nuit.
La réduction des vols de nuit
A Roissy, l'interdiction de vol de nuit des
avions de chapitre 2
,
les plus bruyants, a été confirmée. Les avions de
chapitre 3
, les moins bruyants, sont autorisés à
voler la nuit, mais doivent respecter des procédures
particulières de décalage et de montée initiale entre
23 heures 15 et 6 heures. Pour les avions munis
d'atténuateurs de bruit
, les plus bruyants au sein du
chapitre 3, les procédures sont encore plus
contraignantes : les essais moteur sont interdits de 22 heures
à 6 heures, sans dérogation possible entre 23 heures et
5 heures.
La limitation des émissions sonores des avions du chapitre 2
Un arrêté du 29 juin dernier impose aux compagnies
aériennes desservant Roissy-Charles-de-Gaulle une
diminution
progressive de l'énergie sonore émise par les avions de
chapitre 2,
de 15 % en 1998, puis de 20 % jusqu'en 2001.
De nouvelles sanctions
Une commission nationale de prévention des nuisances, mise en place en
mars 1998, a tenu quatre réunions qui ont conduit au prononcé de
72 sanctions
, pour un montant cumulé de
1,9 milliard
de francs
pour infraction aux règles de limitation des nuisances
sonores.
Les aides à l'insonorisation
Un nouveau
plan de gêne sonore
, autour de l'aéroport de
Roissy Charles-de-Gaulle, a été signé en octobre dernier.
Il intègre 1.400 hectares supplémentaires et augmente le
nombre de logements éligibles à l'aide à l'insonorisation,
dont le taux est porté, pour les ménages non imposables, de
80 % à 90 % du plafond des travaux. Par ailleurs, un
nouveau
plan d'exposition
au bruit
est en cours
d'élaboration.
b) La création annoncée d'une autorité administrative indépendante
Rappelons qu'en octobre 1995, à la suite de la mission
Douffiagues, le précédent Gouvernement avait décidé
d'adopter des mesures d'accompagnement d'envergure, notamment avec la mise en
oeuvre d'un programme de réduction du bruit. La mission de concertation
préconisée par le rapport Douffiagues, relative au
développement de Paris-Charles-de-Gaulle, conduite par le préfet
Carrère, avait préconisé la création d'une
institution indépendante pour la mesure et le contrôle des
nuisances.
Le Gouvernement actuel avait, quant à lui, annoncé, le
23 septembre 1997, la création d'une
autorité
indépendante
.
Ce n'est que le 7 octobre 1998 que le
projet de loi portant
création d'une Autorité de Contrôle Technique de
l'Environnement Sonore des Aéroports
(ACTESA) a été
examiné en Conseil des ministres puis déposé sur le bureau
de votre Haute Assemblée
17(
*
)
et renvoyé à votre
commission des affaires économiques. Les grands contours du projet
gouvernemental sont les suivants :
LE PROJET DE CREATION DE L'ACTESA
- l'ACTESA sera une autorité administrative
indépendante, comme le CSA, la CNIL ou l'ART ;
- le champ de compétence de l'ACTESA s'étendra aux
principaux sites aéroportuaires : Roissy, Orly, Nice,
Marseille, Toulouse, Lyon-Satolas, Mulhouse-Bâle, Bordeaux,
Strasbourg ;
- son indépendance sera garantie par le statut de ses membres
inamovibles, non renouvelables et nommés pour 6 ans ;
- l'ACTESA serait composée de 7 membres, dont
2 personnalités compétentes en matière d'acoustique
et de gêne sonore et deux personnalités compétentes en
matière d'aéronautique et de navigation aérienne ;
- l'ACTESA aurait deux types de missions :
. contrôle et consultation : définition des
prescriptions techniques pour les stations de mesure du bruit, contrôle
de leur respect. Consultation sur tous les textes réglementaires sur le
bruit ;
. information et concertation, au moyen notamment d'un rapport public
annuel.
Un an déjà après l'annonce de la création de
cette agence, votre commission pour avis souhaite que le calendrier de la
discussion de ce texte soit rapidement défini, afin que cet important
débat puisse s'engager.
Votre rapporteur pour avis voudrait que ce débat soit l'occasion
d'étudier comment l'introduction de nouvelles règles en
matière d'urbanisme -telles qu'elles se pratiquent déjà
autour de certains aéroports à l'étranger- pourrait
éviter a priori que des situations préjudiciables et pour les
riverains et pour le secteur aérien ne se créent.
2. Une inquiétude : la substitution de la taxe générale sur les activités polluantes à la taxe " bruit "
La loi
n °92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte
contre le bruit à instauré un dispositif d'aide aux riverains des
aérodromes. Une
taxe d'atténuation des nuisances sonores (ou
taxe " bruit ")
est payée par les compagnies à
chaque décollage d'un appareil de plus de 2 tonnes dans chacun des
9 aérodromes concernés : Paris-Orly,
Paris-Charles-de-Gaulle, Toulouse-Blagnac, Nice-Côte d'Azur,
Lyon-Satolas, Marseille-Provence, Bordeaux, Strasbourg Entscheim et
Mulhouse-Bâle.
La gestion de cette taxe a été confiée à l'agence
de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME),
établissement public. Depuis l'instauration de la taxe en 1993, son
produit s'est élevé à 200 millions de francs. En
1998, suite à un doublement de taux intervenu dans la loi de finances
pour 1998, le produit de la taxe " bruit " est estimé à
69 millions de francs.
Les riverains ont, en contrepartie, bénéficié
d'aides
à l'insonorisation des logements
pour un montant de
182 millions de francs depuis 1993, attribuées par les commissions
consultatives d'aide aux riverains. Près de 5000 logements environ
en ont bénéficié.
Le projet de loi de finances pour 1999 propose de substituer à la
taxe " bruit " une taxe générale sur les
activités polluantes (TGAP).
Votre commission pour avis est préoccupée par les
conséquences éventuelles de cette évolution, même si
le Gouvernement fait valoir que les crédits nécessaires à
l'isolation acoustique sont prévus au budget de l'environnement.
En outre, l'assimilation du transport aérien à une
activité " polluante " -comme certaines industries de chimie
lourde générant des " déchets industriels
spéciaux "- n'est pas un symbole positif pour ce secteur
d'activité.