D. LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (T.A.A.F.)
1. Un territoire d'outre-mer jouissant d'un statut international original
Érigées en territoire d'outre-mer par la loi
n° 55-1052 du 6 août 1955
, les Terres australes et antarctiques
françaises sont placées sous l'autorité d'un
administrateur supérieur, actuellement Mme Brigitte Girardin qui a
succédé à M. Pierre Lise au mois de mars 1998.
L'administrateur supérieur, délégué du
Gouvernement, est chargé de coordonner les actions menées par
l'ensemble des administrations et organismes intervenant sur le territoire
(défense, recherche, agriculture et pêche ...). Il est
assisté par un conseil consultatif composé de sept membres
nommés pour cinq ans par arrêté du secrétaire
d'État à l'outre-mer sur proposition des ministres
intéressés. C'est ainsi que notre excellent collègue, M.
Lucien Lanier, président du groupe d'étude sénatorial sur
l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, a été
nommé membre de ce conseil consultatif par arrêté du 23
juin 1998.
Par décret du Premier ministre en date du 16 mars 1996,
le
siège de l'administration des T.A.A.F.
, jusque-là
situé dans le 17ème arrondissement de Paris, a été
transféré à Saint-Pierre de la Réunion
afin
de réduire les délais et les distances entre les services
administratifs et le territoire.
Cette délocalisation nécessite la construction d'un
bâtiment destiné à abriter les effectifs de cette
administration. Un projet initial avait prévu la construction d'un
bâtiment neuf de 750 mètres carrés pour un montant de
13 millions de francs. Un nouveau projet, moins onéreux, a depuis
lors été arrêté : la maîtrise d'oeuvre vient
d'être lancée et l'achèvement des travaux est prévu
pour le début de l'an 2000.
Les TA.A.F. comprennent la Terre Adélie et les îles Kerguelen,
Crozet, Amsterdam et Saint-Paul. Le territoire est divisé en quatre
districts, l'un en Antarctique, la Terre Adélie où est
implantée la base scientifique de Dumont d'Urville, les trois autres
constituant les terres australes.
L'Antarctique jouit d'un statut particulier : les 14 millions de
kilomètres carrés du continent sont partagés entre des
secteurs qui, à l'exception d'une seule zone représentant moins
de 20 % de la superficie totale, font l'objet de revendications de
souveraineté de la part des États dits États
possessionnés.
Les parties au
Traité de l'Antarctique
signé à
Washington le 1er décembre 1959, qui étaient initialement au
nombre de douze, sont aujourd'hui quarante trois et une quarantaine sont
parties consultatives. Le traité organise, dans l'intérêt
de la coopération scientifique, la démilitarisation et la
dénucléarisation de la zone située au sud du 60ème
parallèle et un régime de gestion en commun ; il instaure un gel
des revendications territoriales.
Dans le cadre du Traité, les parties consultatives ont approuvé
en juin 1988 à Wellington la convention sur la réglementation des
activités relatives aux ressources minérales de l'Antarctique.
Cette convention n'a cependant été ratifiée que par seize
États signataires du Traité, dont la France et l'Australie. Un
protocole au traité de l'Antarctique relatif à la protection
de l'environnement
a été
signé le 4 octobre
1991 à Madrid
; il qualifie l'Antarctique de
réserve
naturelle, de paix et de science
. Sa ratification par la France a
été autorisée par la loi du 18 décembre 1992. Son
entrée en
vigueur
, subordonnée à sa
ratification par au moins vingt-six pays, est effective depuis le
14 janvier
1998
, le Japon l'ayant ratifié au mois de décembre 1997
après la Russie et les États-Unis. Outre l'interdiction des
forages pétroliers et des exploitations minières au cours des
cinquante prochaines années, ce protocole interdit de nombreuses autres
activités risquant de menacer la vie sauvage.
Les travaux de la 21ème conférence consultative du Traité
de l'Antarctique, tenue à Christchurch (Nouvelle-Zélande) du 19
au 30 mai 1997, avaient été consacrés à la
définition des mesures de protection de l'environnement dans la
région et en particulier à la responsabilité pour dommages
causés à cet environnement. Ils avaient cependant
été quelque peu occultés par la question du pillage du
légine, poisson antarctique à forte valeur commerciale.
La
22ème conférence
, qui s'est déroulée à
Tromsoe (Norvège) du 25 mai au 5 juin 1998, a abouti à la
décision de mettre en place une
commission spéciale pour
l'environnement
qui devra définir des règles de protection
spécifiques et présenter un rapport à la prochaine
conférence du Traité, en l'an 2000.
2. Une réflexion sur les missions et les moyens de ce territoire d'outre-mer
Un
groupe de réflexion
a été mis en place au mois
d'avril 1997 pour mener une analyse d'ensemble sur les missions et les moyens
impartis au territoire. Parmi les thèmes de réflexion figurent la
question du coût logistique et de la présence humaine dans les
bases implantées dans les Terres australes et antarctiques
françaises, l'utilisation du navire océanographique Marion
Dufresne II, les rapports avec le ministère de la défense et les
relations financières avec l'Institut français pour la recherche
et la technologie polaires (IFRTP).
Composé de quatre personnalités indépendantes (un membre
de l'inspection générale des finances, un membre de l'inspection
générale de l'administration, un contrôleur
général des armées et un représentant du monde
scientifique), ce groupe de travail a procédé à de
nombreuses auditions et a effectué un déplacement dans les Terres
australes au cours de l'été 1997. Il a remis son rapport au
secrétaire d'État à l'outre-mer au mois de février
1998. A la suite de ce rapport, des réunions interministérielles
devraient se tenir pour, notamment, clarifier les compétences et les
financements entre le territoire et l'IFRTP et envisager de nouvelles
modalités de gestion du Marion Dufresne II.
3. Les T.A.A.F., haut-lieu de la recherche scientifique
Les
T.A.A.F. constituent un lieu privilégié de la
recherche
scientifique
. Les recherches entreprises sont effectuées grâce
au soutien logistique de l'Institut Français pour la Recherche et la
Technologie Polaires (I.F.R.T.P.), groupement d'intérêt public
créé en 1992 dont sont membres, en particulier, le
ministère de l'outre-mer, le territoire des T.A.A.F., le
ministère de la recherche et le CNRS.
Les nombreux programmes pluriannuels mis en oeuvre concernent essentiellement
les sciences de l'univers (glaciologie, physico-chimie de l'atmosphère,
géologie, sismologie, magnétisme ...) et les sciences de la vie
(ornithologie, ichtyologie, écophysiologie, enzymologie ...). Dans les
îles sub-antarctiques françaises (Amsterdam, Saint-Paul, Crozet,
Kerguelen), sont menées des activités d'observation
géophysique ou de suivi des populations animales. En Terre
Adélie, sont menées des études sur le contenu en ozone de
la stratosphère et un dispositif de réception de données
satellitaires permettant d'améliorer la prévision
météorologique y a été installé. Outre la
desserte des T.A.A.F., le Marion Dufresne II, affrété 135 jours
par an, effectue des campagnes océanographiques dans le cadre de
programmes internationaux pour parfaire la connaissance de la structure des
fonds sous-marins en liaison avec l'évolution tectonique, recueillir
à l'aide de carottages de sédiments à grande profondeur
des informations sur l'évolution des climats passés et
étudier la circulation des océans et leurs échanges avec
l'atmosphère.
En mars 1993, un accord de coopération a été conclu entre
les deux instituts français et italien chargés des recherches
polaires pour construire sur le plateau antarctique, au lieu-dit Dôme C,
une base scientifique permanente,
la base Concordia
. Les recherches qui
doivent y être effectuées concerneront la géophysique
interne (mesure des variations du champ magnétique, tomographie du
manteau supérieur de la terre ...), la physique de l'atmosphère
(évolution du contenu en ozone de la stratosphère, mesure des gaz
à effet de serre) et l'astronomie. Par ailleurs, un
forage de la
calotte glaciaire
dont l'épaisseur à cet endroit est
d'environ 4.000 mètres, doit permettre d'obtenir des informations sur la
température et la composition de l'atmosphère au cours des quatre
ou cinq derniers cycles glaciaires. Le
programme EPICA
, soutenu par la
commission européenne, fait coopérer dix pays européens
à la réalisation de ce forage. La campagne d'été
1997-1998 a permis de mener à bien, sous la responsabilité
française, trois raids de transport de matériels : le site
devrait être opérationnel dès 1998-1999.