III. LE POIDS DES GRANDES INSTITUTIONS CULTURELLES : UNE CONTRAINTE POUR LE BUDGET DU MINISTÈRE DE LA CULTURE
Un des
défis que devra relever dans les années à venir le
ministère de la culture tient au poids financier croissant que
représentent les grandes institutions culturelles, dont le nombre n'a
cessé d'augmenter depuis le début des années 1980 sous
l'effet cumulé de l'extension de ses compétences et de
l'achèvement des grands travaux.
La charge budgétaire qui en résulte constitue incontestablement
une contrainte pesant sur les marges de manoeuvre dont dispose le gouvernement
dans la conduite de sa politique culturelle et exige à ce titre un
effort de rigueur dans la gestion des établissements. Cependant, les
investissements qui leur ont été consacrés ne pourront
être considérés comme légitimes que si l'Etat assume
dans de bonnes conditions leur fonctionnement.
A. LE POIDS DES GRANDES INSTITUTIONS CULTURELLES
Si l'achèvement des grands travaux permet de restaurer les capacités d'investissement du ministère, les grandes institutions culturelles continuent à peser lourdement sur le budget de la culture en raison de l'importance de leurs coûts de fonctionnement.
a) L'achèvement des grands travaux
Comme
lors des deux précédents exercices budgétaires, le projet
de loi de finances ne prévoit aucune ouverture de crédits au
titre des grands travaux hormis pour le Grand Louvre.
En effet, en 1999, a été soldée la deuxième tranche
de l'opération du Grand Louvre pour un montant total de 3 659,7 millions
de francs. Ces crédits ont permis d'achever un certain nombre de travaux
au nombre desquels figurent l'aménagement des salles Percier de l'aile
Denon consacrées aux fresques de la Renaissance ainsi que la
création de la seconde entrée du musée située
à la Porte des lions.
Les crédits inscrits pour 2000, d'un montant très modeste par
rapport aux enveloppes prévues jusqu'ici, ne concernent que des
opérations annexes. Inscrits sur le chapitre 66-91 article 69
(Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux
culturels), ils s'élèvent à 27,6 millions de francs et
permettront de solder l'opération de rénovation du musée
de l'Orangerie pour 10 millions de francs, d'achever la restauration du
musée des arts décoratifs pour 9 millions de francs et de
poursuivre l'aménagement des ateliers du centre de recherche et de
restauration de la direction des musées de France dans le Pavillon de
Flore pour 8,6 millions de francs. Le coût de l'ensemble de ces
opérations annexes qui seront soldées en 2000 atteindra
857,95 millions de francs.
Le montant total de l'opération du Grand Louvre ainsi achevée
l'an prochain s'élèvera à 6 680,96 millions de
francs, enveloppe qui ne comprend pas les travaux relatifs à la
passerelle Solférino et au jardin des Tuileries.
b) Le poids des dotations versées aux établissements publics
En
dépit de la décrue des crédits d'investissement
consacrés à la conduite des grands travaux, la contrainte
budgétaire qu'ils engendrent demeure.
En effet,
selon un " effet de ciseau ", parfaitement logique au
demeurant, la diminution des crédits de l'enveloppe des grands travaux
s'accompagne d'une progression des dotations de fonctionnement et
d'équipement des nouvelles institutions. Ces dépenses qui ,
à la différence des premières, présentent la
particularité d'être pérennes, constituent une charge
reconductible que le ministère ne maîtrise que partiellement
.
L'estimation exacte de leur montant comme de leur progression d'une
année sur l'autre est difficile à établir, et cela pour
plusieurs raisons.
- La nomenclature budgétaire ne permet d'identifier que les
crédits consacrés au fonctionnement de ses établissements.
Figurant au chapitre 36-60, ils s'élèvent en 2000 à
3 621,2 millions de francs, contre 3 481,83 millions de francs
l'année précédente, soit environ 22 % du budget de la
culture.
- Cependant, à ces subventions, il convient d'ajouter les
dépenses afférentes aux rémunérations des
personnels affectés dans les établissements mais payés sur
crédits du ministère. A titre d'exemple, pour le musée du
Louvre, dont la subvention de fonctionnement s'élevait en 1999 à
274,36 millions de francs, le montant de ces rémunérations
atteignait 170 millions de francs.
- Par ailleurs, outre les subventions de fonctionnement, les
établissements publics bénéficient de subventions
d'investissement qui s'élèvent en 2000 à 596 millions
de francs. Cependant, la présentation des crédits du titre VI, en
dépit des demandes formulées par votre commission à
plusieurs reprises, ne distingue pas au sein de ces crédits ce qui
relève de l'investissement à proprement parler des dotations
consacrées à la maintenance et à l'équipement
courant.
Pour les institutions issues des grands travaux, qui sont les seules pour
lesquelles votre rapporteur dispose de données précises, les
subventions d'équipement s'élevaient en 1999 à 136
millions de francs en crédits de paiement.
Compte tenu de l'ampleur des sommes en jeu, votre rapporteur ne pourra que
regretter l'absence de données d'ensemble actualisées permettant
d'apprécier le montant et l'évolution de l'ensemble des dotations
destinées aux établissements publics.
Des informations complètes ne sont disponibles que pour l'exercice 1998.
Bien que d'un intérêt essentiellement rétrospectif, elles
permettent de mesurer le poids des établissements publics dans le budget
du ministère de la culture.
Si l'on considère
l'ensemble des crédits consacrés par
le ministère à ces établissements c'est-à-dire les
subventions de fonctionnement
inscrites au chapitre 36-60, les
dépenses d'intervention, les subventions d'équipement ainsi que
la valorisation des personnels de l'Etat qui y sont affectés, ces
crédits s'élevaient en 1998 à 4 821,45 millions
de francs, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit
près de 32 % des crédits ouverts en loi de finances
initiale
.
Le tableau ci-après indique la ventilation de ces dotations pour
l'année 1998.
c) Un alourdissement prévisible
En 2000,
si la progression des subventions de fonctionnement accordées aux
établissements publics est supérieure à celle
constatée en 1999, elle apparaît nettement contenue lorsque l'on
considère le budget à structure constante, c'est-à-dire
hors transfert de rémunérations auparavant prises en charge
directement par l'Etat.
Cependant, si cet effort de rigueur mérite d'être salué, le
rayonnement des institutions culturelles, notamment celles issues des grands
travaux, dépendra pour une large part de leurs conditions de
fonctionnement et des services qu'elles offriront au public. A terme, un
alourdissement de la charge budgétaire qu'elles engendrent semble
prévisible à plusieurs titres.
- Les grèves du printemps dernier ont souligné à nouveau
l'insuffisance d'emplois de titulaires
dont dispose le ministère
pour répondre aux besoins engendrés par la création de
nouvelles institutions culturelles.
Les conséquences de l'insuffisance des effectifs sont
particulièrement sensibles dans les musées.
Au Louvre, l'accroissement des espaces ouverts au public ne s'est pas
accompagné d'un effort de recrutement suffisant, ce qui se traduit par
une situation paradoxale : plus on crée de nouvelles salles, moins
elles sont ouvertes au public. En effet, le taux de fermeture des salles pour
manque d'effectifs est passé de 3,03 % en 1993 à près
de 15 % en 1999.
Afin de compenser l'insuffisance des créations d'emplois, les
établissements publics ont eu recours massivement à des
non-titulaires rémunérés sur crédits de vacations.
Ces recrutements, qui ont plus particulièrement concerné la
filière accueil, surveillance et magasinage, ont créé une
confusion des régimes d'emploi dont les mouvements sociaux du printemps
dernier ont montré les limites.
Le projet de budget 2000 traduisant une volonté bienvenue de
remédier à cette situation comporte des mesures de
création d'emplois destinées à remédier à
cette situation.
Pour prétendre à l'efficacité, ces mesures de
résorption de la précarité devront s'inscrire dans une
programmation pluriannuelle qui entraînera mécaniquement un
alourdissement du poids de ces établissements dans le budget du
ministère.
Par ailleurs, elles devront s'accompagner de créations d'emplois
destinés à faire face dans de bonnes conditions aux besoins
engendrés par le fonctionnement de ces institutions.
- Outre cet effort destiné à donner aux institutions culturelles
des moyens correspondant à leurs missions,
l'Etat devra veiller
à assurer leur entretien
.
Leur fonctionnement fait désormais largement appel à des
technologies modernes, lesquelles reposent sur des équipements multiples
et sophistiqués dont la durée de vie est relativement courte.
C'est notamment le cas des systèmes informatiques.
Leur maintenance, comme le rythme accéléré de leur
renouvellement, font apparaître des besoins de financement nouveaux,
très supérieurs à ce que pouvaient représenter ces
postes dans le budget des institutions traditionnelles. A terme, il appartient
à l'Etat de prendre en considération cet impératif dans
l'évolution des dotations destinées aux grands
établissements, impératif qui, s'il se trouvait
négligé, risquerait à terme de se traduire par un effort
de rattrapage nécessairement plus coûteux.
- Enfin, grâce à la marge de manoeuvre dégagée par
l'achèvement des grands travaux, le
ministère lance de
nouveaux projets
dont la réalisation se traduira à terme par
un alourdissement de la contrainte pesant sur l'évolution des
dépenses ordinaires.
Or, force est de constater que la programmation des investissements ne
s'accompagne pas, dans la grande majorité des cas, d'une estimation des
coûts de fonctionnement qu'engendrera l'équipement une fois
achevé. Ainsi, en ce qui concerne, par exemple, le projet de centre de
la jeune création qui ouvrira dans les locaux du Palais de Tokyo, les
réponses fournies à votre rapporteur évoquent un
coût de fonctionnement
" qui restera mesuré "
sans autres précisions
.
Il en est ainsi également pour des
projets plus ambitieux, à l'image du musée des Arts et des
Civilisations, de la Maison du Cinéma ou encore de l'Institut national
d'histoire de l'art, sans compter les opérations de construction ou de
rénovation de bâtiments comme le Grand Palais pour lesquelles
aucune affectation n'est encore arrêtée.