III. LES MESURES NOUVELLES
Ce n'est
pas par goût du paradoxe que votre rapporteur se penche longuement sur le
pari incertain que constitue la montée rapide de la part des
crédits budgétaires dans le financement de France 2 et de
France 3, en examinant un projet de budget qui les augmente de
façon spectaculaire.
Les montants accordés pour 2000, qui seront peut-être les seuils
de repli de demain, restent insuffisants pour assurer au secteur public les
moyens de son développement et de sa diversification,
c'est-à-dire les moyens de poursuivre l'exécution correcte de ses
missions à l'heure où se profilent la numérisation de la
diffusion hertzienne terrestre et les investissements lourds qui devront
l'accompagner.
Force est en effet de constater que les mesures nouvelles prévues dans
le projet de loi de finances sont modestes, et guère à la hauteur
des enjeux de ce que l'on présente parfois comme la nouvelle
frontière du service public.
A. FAIBLESSE DU RELIQUAT DISPONIBLE
Lors de
son audition du 26 octobre par votre commission des affaires culturelles,
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication,
estimait souhaitable, en réponse à une question de votre
rapporteur, de traiter le problème du déficit budgétaire
de France 2 et de France 3 en 1999 dans le cadre de la loi de finances
rectificative " afin de ne pas empiéter sur les marges de
financement supplémentaires que le budget de 2000 accorde aux
chaînes ". Elle estimait par ailleurs cette marge de
développement à quelque 300 millions de francs.
Si le déficit s'élève à 200 millions de francs,
chiffre communiqué à votre rapporteur, et si la loi de finances
rectificative octroie à France télévision, comme il est
prévu, un supplément de crédits de 95 millions de francs
pris sur les excédents de redevance de 1998, le reliquat disponible sera
bien modeste et le développement des chaînes bien
oblitéré à un moment crucial de leur devenir.
Dans ces conditions, l'exercice budgétaire 2000 sera-t-il
véritablement " la première étape de la mise en
oeuvre des engagements pris par le Gouvernement en vue de redonner au secteur
public audiovisuel toute sa légitimité et d'assurer son
développement ", pour reprendre les termes du ministre ?
La réponse est au moins en suspens. Et si l'on ne peut critiquer la
modestie des prévisions de recettes publicitaires, car le marché
ne permettrait pas d'espérer mieux, on est fondé à
s'inquiéter des réalités qui pointent derrière les
accents triomphalistes du ministre de la culture et de la communication :
si les perspectives publicitaires avaient été meilleures pour
elle, France télévision aurait-elle été
autorisée à en tirer partie pour financer son
développement ? La démarche doctrinaire du gouvernement
suggère une réponse négative.
Cette rigidité, dangereuse pour l'audiovisuel public, constitue
nécessairement un des principaux critères d'appréciation
du projet de budget. Le ministre peut avancer des chiffres séduisants, +
4,8 % pour l'ensemble de l'audiovisuel public, + 7,6 % pour France 2,
+ 5,2 % pour France 3, + 11,7 % de ressources publiques... Certes,
mais pour faire quoi ?
B. MODESTIE DES MESURES NOUVELLES
Si le
gouvernement annonce une enveloppe globale de 755,9 millions de francs
pour l'audiovisuel public, les perspectives qui sont ouvertes en matière
de développement sont en réalité modestes.
Cette somme comprend en effet une enveloppe de 63 millions de francs au
titre des glissements salariaux ainsi que diverses enveloppes destinées
à restaurer l'équilibre des comptes de certaines
sociétés : les 41,4 millions de francs annoncés
pour l'INA sont ainsi destinés à accompagner le plan de retour
à l'équilibre budgétaire en 2000.
Par ailleurs, les 19,6 millions de francs annoncés pour RFI, qui
devraient permettre à la chaîne, selon l'annonce qui a
été faite, d'assumer les coûts liés à la
modernisation des modalités de diffusion de ses programmes et au
renforcement de sa diffusion en direction des zones de conflits (Balkans),
serviront en réalité, selon les renseignements recueillis par
votre rapporteur, à assurer le financement, non assuré par le
projet de budget, des glissements salariaux.
En ce qui concerne Radio France, 45,8 millions de francs devraient
permettre d'engager une nouvelle étape du chantier stratégique de
la modernisation de son outil de production, tout en développant les
services associés innovants. A ce rythme le besoin de financement
correspondant, évalué à 200 millions de francs par le
plan stratégique de la chaîne, devrait être assez rapidement
satisfait. Mais ici encore, il semble que la réalité des comptes
soit un peu différente : la mesure nouvelle servira en fait
à financer les augmentations glissantes de charges, telles que
l'augmentation des tarifs de l'AFP.
En ce qui concerne enfin France Télévision, les moyens
supplémentaires accordés à France 2 iront au renforcement
des investissements de la chaîne en matière d'information et de
coproduction de fictions cinématographiques et
télévisuelles, et permettront à la société
de conduire une politique plus active d'acquisitions de droits, notamment
cinématographiques et sportifs.
Le numérique et le multimédia ne sont guère
évoqués dans ces perspectives.
Il en est de même pour France 3 dont les moyens supplémentaires
seront consacrés pour la plus grande part à la poursuite du
développement des programmes régionaux, le développement
de l'offre régionale étant complétée, sur l'antenne
nationale, par une augmentation des moyens consacrés aux coproductions
de fictions cinématographiques et télévisuelles.
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