F. L'INSUFFISANCE DES MESURES ORIENTÉES VERS L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF OUTRE-MER
1. Rappel du dispositif d'incitation fiscale à l'investissement
Il
convient de rappeler que le dispositif d'incitation à l'investissement
outre-mer, issu de l'article 22 de la loi de finances rectificative n°
86-824 du 11 juillet 1986 dite " loi Pons ", a subi de
nombreuses critiques et fait l'objet de multiples modifications dont
l'accumulation a nui à la lisibilité intrinsèque du
dispositif.
Au-delà des multiples dispositions de droit fiscal applicables outre-mer
et qui dérogent au droit commun la
" loi Pons " visait
à offrir un dispositif pérenne aux entreprises et aux
investisseurs, applicable initialement sur dix ans, puis prorogé
jusqu'en 2001.
Le champ d'application de la mesure était aussi
largement entendu, ainsi que les conditions de déduction qui portaient
sur la totalité du prix de revient.
Il s'agissait de remédier aux handicaps de l'outre-mer, notamment un
taux de chômage élevé, l'insuffisance des capitaux locaux
pouvant s'investir sur place, le coût du crédit et la concurrence
de l'environnement économique proche, dans lequel les charges sociales
étaient très faibles.
Depuis 1986, ce dispositif de défiscalisation a été
modifié à plusieurs reprises, dans un sens toujours plus
restrictif, car il a été jugé trop coûteux pour les
finances publiques et sans effet déterminant sur le développement
économique outre-mer et l'emploi.
2. Le rapport sur le bilan de l'application du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer
Les
conclusions du rapport
2(
*
)
annoncé par le Gouvernement lors de la discussion de l'article 18 de la
loi de finances pour 1998 modifiant certaines dispositions fiscales relatives
à la défiscalisation des investissements outre-mer vont dans le
même sens et cherchent à proposer, dans la perspective du
remplacement du dispositif actuel à compter du 1
er
janvier
2003, un système d'aide plus neutre et plus efficient pour l'outre-mer.
Selon le bilan macro-économique établi -en dépit
d'importantes difficultés méthodologiques-
il semblerait que
l'accroissement important de l'investissement réalisé entre 1986
et 1994 (2,9 milliards de francs), a été du même ordre
de grandeur que la dépense fiscale consentie par l'Etat au titre du
dispositif de défiscalisation.
S'agissant des effets sur l'emploi,
le rapport conclut à la faible création d'emplois directs, tout
en reconnaissant la difficulté à évaluer l'importance des
effets induits.
En ce qui concerne les effets du dispositif analysés par secteur
d'activité, le rapport note l'impact très positif pour les
infrastructures touristiques et la modernisation de l'appareil productif qui a
été rendue possible dans le reste du secteur marchand.
Mais, d'un point de vue micro-économique, l'analyse souligne les
défauts intrinsèques de la défiscalisation qui introduit
une distorsion positive en faveur de l'investissement outre-mer. Elle souligne
notamment que cette aide importante perturbe les critères de la
sélection des projets, ceux-ci ne se fondant plus sur leur seule
rentabilité intrinsèque, et qu'elle favorise l'apparition de
surcapacités sur de petits marchés. Enfin, le rapport fait valoir
qu'en diminuant le coût du facteur capital, l'aide à
l'investissement renchérit, relativement, le coût du facteur
travail, déjà très élevé outre-mer,
dissuadant ainsi d'embaucher.
En dehors d'améliorations très limitées du dispositif de
défiscalisation tel qu'il perdure depuis la loi de finances pour 1998,
le rapport préconise la création d'un fonds de garantie
succédant, sur un mode plus ambitieux, à l'actuel Fonds de
garantie géré par l'IEDOM. Il propose également un
allégement partiel de la taxe professionnelle, ainsi qu'un
allégement complémentaire de charges sociales.
Enfin, s'agissant des territoires d'outre-mer, le rapport estime que, compte
tenu de leur autonomie fiscale, un système spécifique d'aide
à l'investissement doit être mis en place.
3. Les dangers du statu-quo
Dépositaire de ce rapport depuis novembre 1998, le Gouvernement ne
propose cependant pas de nouvelles mesures s'agissant de l'aide à
l'investissement, dans le projet de loi de finances pour 2000.
Votre rapporteur pour avis regrette cette situation d'attentisme, qui
succède à une période d'instabilité juridique,
s'agissant de la définition des règles du jeu pour les acteurs
économiques.
Il déplore
comme il l'avait fait l'an dernier,
les effets
particulièrement négatifs de la règle de
" tunnelisation " adoptée dans la loi de finances pour 1998
dans trois secteurs importants pour les économies domiennes, à
savoir l'hôtellerie, la navigation de plaisance et les énergies
nouvelles.
S'agissant des critiques majeures émises à l'encontre du
dispositif de défiscalisation en matière de création
d'emplois, il doit être également tenu compte des emplois
maintenus pour apprécier le dispositif à sa juste valeur,
d'autant plus que cette période se caractérise par une croissance
démographique plus forte outre-mer qu'en métropole et par une
progression du chômage proportionnellement plus faible dans les DOM.
Il faut également regretter que le bilan du dispositif ne tienne pas
plus grand compte des effets de levier produits par les investissements
défiscalisés.
En ce qui concerne les orientations que semblent choisir les pouvoirs publics,
à savoir privilégier les incitations à l'embauche plus que
la bonification du capital,
votre rapporteur pour avis se déclare en
faveur de toute mesure luttant contre le chômage, tout en
considérant que la bonification du coût du travail ne peut pas,
dans la majorité des cas, rétablir un niveau de concurrence
acceptable avec les pays voisins concurrents, où les
rémunérations restent la plupart du temps dérisoires.
En revanche, il faut souligner que les besoins d'investissement restent
considérables pour les entreprises, alors que celles-ci sont
fragilisées par une absence de fonds propres, par un coût du
crédit qui reste plus élevé qu'en métropole -de
l'ordre de deux points- ainsi que par de réelles difficultés
d'accès à ce crédit.
Compte tenu d'une situation sociale quasiment explosive, que le récent
voyage du Premier ministre dans les Antilles a placée sous les feux de
l'actualité, il est urgent de sortir de l'impasse économique dans
laquelle sont plongés les départements d'outre-mer.
Le projet
de loi d'orientation sur l'outre-mer doit, dans son volet économique,
apporter des solutions innovantes dont l'impact puisse être
financièrement évalué.
Une partie de la masse des transferts publics doit être
réorientée pour compenser les handicaps des économies
domiennes et leur donner les moyens d'assurer leur propre développement
économique.
Le soutien fort de l'Union européenne à travers la
réforme des fonds structurels doit être impérativement
relayé, au niveau national, par un plan de viabilisation des
économies domiennes, défini pour vingt ans, qui s'inspire
des mesures adoptées avec succès par l'Espagne et le Portugal
pour leurs régions ultrapériphériques.
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Sur proposition de son rapporteur pour avis, la commission des Affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'outre-mer inscrits au projet de loi de finances pour 2000.