E. LA RECONNAISSANCE DE LA SPÉCIFICITÉ DE L'OUTRE-MER DANS LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE
1. La réforme des fonds structurels annoncée dans l'Agenda 2000
Outre
les différents volets financiers du programme POSEIDOM adopté par
le Conseil des Communautés européennes en
décembre 1989, les départements d'outre-mer
bénéficient également de dotations communautaires
importantes au titre des fonds structurels et du Fonds européen de
développement (FED).
Le montant global des fonds structurels alloués aux DOM dans les
documents uniques de programmation (DOCUP) 1994-1999 s'est élevé
à 10.251,276 millions de francs (prix 1999), auquel s'ajoute le
montant du programme d'initiative communautaire REGIS II, de
1.745,34 millions
de francs, soit un montant global de près de
12 milliards de francs.
La répartition de ce montant est récapitulé dans le
tableau qui suit.
(en millions de francs)
En
millions de francs
|
DOCUP |
REGIS II |
TOTAL |
Guadeloupe |
2 357,793 |
402,16 |
2 759,95 |
Martinique |
2 255,282 |
398,97 |
2 654,25 |
Guyane |
1 127,639 |
186,18 |
1 313,81 |
Réunion |
4 510,562 |
758,03 |
5 268,59 |
Le FED
est également intervenu de façon spécifique à
Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon pour mettre à niveau les
infrastructures.
La réforme initiée par la Commission européenne dans le
document appelé Agenda 2000 du 18 mars 1998 s'est
achevée lors du sommet de Berlin de mars 1999 et s'est
concrétisée, pour les fonds structurels, par l'adoption et la
publication des règlements au JOCE le 26 juin 1999.
Cette réforme, qui obéit à une logique de concentration
des aides de l'Union en faveur des régions en retard de
développement, s'est traduite essentiellement par la réduction du
nombre des objectifs qui passent de 6 à 3, mais
l'objectif 1
intitulé "
promouvoir le développement et l'ajustement
structurel des régions en retard de développement
" est
resté pratiquement inchangé dans ses enjeux et s'est vu attribuer
près de 70 % de l'enveloppe des fonds structurels.
Le montant alloué aux DOM est de
21.344 milliards de francs pour
une période de sept ans
(2000-2006),
ce qui représente une
augmentation de 64,10 % par rapport au " paquet Delors "
(1994-1999).
Les règles d'éligibilité aux fonds
structurels restent globalement inchangées en ce qui concerne le FEDER,
l'IFOP et le FSE.
Les modalités de gestion, en revanche, ont été
profondément modifiées en vue d'assurer une exécution plus
efficace des programmes. Les tranches annuelles des crédits d'engagement
seront désormais fixes et indexées de manière forfaitaire
(2 %). Afin d'accorder une facilité de trésorerie aux
régions, un acompte de 7 % sur la totalité des programmes
sera versé dès l'adoption des DOCUP.
En revanche, les crédits devront être consommés
régulièrement puisqu'il est prévu désormais
d'annuler d'office tout engagement sur lequel n'est intervenu aucun paiement
pendant deux ans. Enfin, le règlement général
prévoit qu'une réserve de 4 % des crédits des DOCUP,
affectée à la réserve de performance, sera versée
à mi-parcours des programmes (31 mars 2004) en fonction de la
réalisation effective des objectifs, que se seront fixées les
régions dans leurs plans.
Concernant les contrôles, la nouvelle réglementation a
confirmé la responsabilité des Etats membres en cette
matière et aggravé les sanctions.
Les prochains programmes communautaires sont actuellement en cours
d'élaboration dans les régions, suivant le principe
réaffirmé du partenariat, et devraient, suivant le calendrier
prévu par les règlements, être adoptés au cours du
premier semestre 2000.
2. Les incertitudes sur le dénouement du conflit commercial de la banane
a) Rappel du contexte
Il
convient de rappeler que le conflit, essentiellement avec les Etats-Unis et les
deux multinationales DOLE et CHIQUITA, provient de la volonté
française de protéger la production de bananes des régions
ultrapériphériques communautaires, ainsi que celle des pays ACP,
alors que les Etats-Unis prônent le libéralisme, donc la
suppression de toutes les limitations d'importation mises en place par
l'organisation commune du marché de la banane en 1993. Cette
volonté est partagée par certains pays au sein de l'Union
européenne.
La procédure engagée devant l'OMC par les Etats-Unis et quatre
pays latino-américains (Equateur, Honduras, Mexique, Guatemala) avait
conduit à la constitution d'un groupe spécial (panel) et à
la condamnation sévère de plusieurs dispositions de l'OCM
confirmée par l'organe d'appel le 25 septembre 1997, sans toutefois
remettre en cause le régime interne.
Compte tenu de ce jugement, plusieurs mesures ont été prises qui
peuvent être ainsi résumées :
- abrogation des licences B et de la répartition des droits
à importer par fonction (importateurs primaires, secondaires,
mûrisseurs) ;
- maintien du contingent tarifaire à 2,2 millions de tonnes
avec un droit à l'importation de 75 écus/T ;
- ouverture d'un contingent additionnel de 353.000 tonnes avec droit
de 75 écus/T pour les bananes pays tiers et un droit nul pour les
bananes ACP ;
- attribution des licences d'importation selon la méthode
" traditionnels-nouveaux arrivés " avec calcul des droits sur
présentation des licences d'importation utilisées sur la
période 1994-1996 ;
- non affectation des contingents d'importations par pays, à
l'exception de ceux " ayant un intérêt substantiel "
(Colombie, Costa-Rica, Equateur, Panama) ;
Par ailleurs, une revalorisation de la recette de référence de
8 % dont 5 % dès 1998 a été actée par le
Conseil.
b) La nouvelle condamnation de l'OCM banane
Saisi
à la demande de l'Equateur sur l'examen de la conformité du
nouveau régime d'importation de bananes de l'Union européenne,
le groupe spécial a condamné la nouvelle OCM, qui était
entrée en vigueur au 1
er
janvier 1999, sur plusieurs
point fondamentaux,
notamment l'accès pour les pays ACP à
deux contingents, le contingent accordé aux pays ayant un
intérêt substantiel et le nouveau régime d'attribution des
licences en raison des discriminations que ces mesures perpétuaient.
Cette condamnation affecte particulièrement les pays ACP, dont les
exportations sont actuellement limitées au meilleur niveau individuel
atteint en 1993.
Par ailleurs, l'Organisation des règlements des différends (ORD)
a accepté la demande de mesures de rétorsions formulée par
les Etats-Unis à hauteur de 191,4 millions de dollars, 520 millions
ayant été demandés par les deux multinationales DOLE et
CHIQUITA.
Pour sortir de la crise, plusieurs réformes sont envisagées,
dont certaines auraient des incidences négatives sur l'activité
des producteurs communautaires.
- le " tariff only " reste une solution dangereuse, car le
niveau nécessaire de protection du marché (sans doute
supérieur à 300 écus/tonne) n'est pas réaliste
tant vis-à-vis des autres pays européens que des plaignants. Or,
si le tarif n'est pas suffisant, le marché sera sur-approvisionné
et les origines les plus fragiles et de moindre qualité (ACP
Caraïbes, Madère, Guadeloupe...) seront amenées à
disparaître.
- Le contingentement de la " banane dollar ", avec un libre
accès à droit nul pour les bananes ACP, s'oppose aux
intérêts des producteurs communautaires car elle va provoquer un
sur-approvisionnement du marché, entraînant un
renchérissement du coût de l'aide compensatoire, et des
difficultés supplémentaires de trésorerie pour les
producteurs, voire des difficultés de mise en marché.
- La solution la moins mauvaise serait d'obtenir un contingentement des
bananes Pays tiers à 2,55 millions de tonnes et un droit tarifaire
à 500 euros/tonne et un contingentement des bananes ACP à
hauteur de 857.500 tonnes avec un droit tarifaire nul.
Cette proposition de réforme, si elle était acceptée,
permettrait de prendre en compte la condamnation intervenue en 1999, puisqu'il
n'y aurait pas de répartition des contingents, ni de quantités
réservées aux ACP. Les importations resteraient
contingentées à leur niveau actuel, préservant ainsi
l'équilibre du marché et les pays ACP conserveraient un
accès privilégié au marché communautaire.
c) Le plan national d'aide d'urgence
Il
convient de souligner que la gestion des licences d'importation par la
Commission a provoqué des surapprovisionnements, qui se traduisent par
la chute des cours, menaçant la survie de nombreuses exploitations
antillaises
.
Alors que la consommation européenne est de 3,8 millions de tonnes,
la Commission autorise l'entrée de 4,26 millions de tonnes de
bananes. Sur le marché européen, le cours de la banane
s'établit à 2,50 francs le kilo, alors que la moyenne des
coûts de production en Martinique est de 6,60 francs par kilo.
Lors de son déplacement aux Antilles, en octobre dernier, le Premier
ministre a annoncé la mise en place d'un plan d'aide d'urgence qui
poursuit trois objectifs :
-
améliorer la trésorerie des exploitations
par un
dispositif d'avances doté de 120 millions de francs, destiné
à préfinancer -les intérêts étant pris en
charge par l'Etat-, la moitié environ du solde de l'aide compensatoire.
Cela devrait faciliter, pour les producteurs et les groupements, l'obtention
des concours bancaires nécessaires au préfinancement de l'autre
moitié.
En outre, la France a saisi la Commission d'une demande de
réaménagement du rythme de versement de l'aide compensatoire
puisque la situation actuelle, dans laquelle le solde est versé avec un
an de retard, est à l'origine d'une grande part des difficultés
de trésorerie des exploitations.
-
alléger la dette
en allant au-delà du premier
réaménagement du remboursement des prêts consentis par
l'ODEADOM en 1997. Le remboursement de ces prêts sera étalé
sur une année supplémentaire, soit au total 42 mois pour la
Martinique et 48 pour la Guadeloupe. Les mensualités venant à
échéance avant le 30 juin 2000 seront réduites à
25 % de leur montant, les 75 % restant étant reportées
sur les échéances postérieures.
Par ailleurs, pour favoriser le désendettement des planteurs,
50 millions de francs seront débloqués sans délai,
sous la forme de subventions, dans le cadre de la procédure
" banadif " et du fonds d'allégement des charges (FAC).
-
apporter une aide structurelle à la Guadeloupe
à
travers l'aide à l'encadrement et à la replantation, d'un montant
de 9,8 millions de francs, qui doit permettre de mobiliser plus de 22 millions
de francs de fonds européens.
Au-delà de ces mesures conjoncturelles, que salue votre rapporteur
pour avis étant donné la gravité de la situation actuelle,
il est indispensable de mettre en place un dispositif pérenne, qui
s'inspire du mécanisme des aides à l'exportation versées
par l'Espagne aux producteurs de banane des Canaries.