V. L'ADAPTATION DU RÉSEAU DES CENTRES ET INSTITUTS CULTURELS
A. UNE RATIONALISATION NÉCESSAIRE
•
Une ressource humaine aux statuts divers
Dans la nouvelle structure mise en place l'an dernier, c'est la Direction de la
coopération culturelle et du français, à travers le bureau
des établissements culturels et des alliances françaises,
créé au sein de la Sous-direction de la coopération
culturelle et artistique, qui est compétente pour l'ensemble des
établissements du réseau culturel et de coopération.
Ce réseau regroupe, dans 90 pays, 4 centres franco-étrangers,
26 centres de recherche et 127 centres et instituts culturels
-identifiés comme "
Etablissements à vocation
pluridisciplinaires
" par l'arrêté du 30 avril 1999
qui en dresse la liste officielle. Le réseau a
bénéficié en 1999 de quelque 400 MF de subventions de
natures diverses :
- 240,6 MF au titre du fonctionnement des établissements à
autonomie financière (titre III)
- 7,8 MF au profit du fonctionnement des 7 centres culturels
franco-étrangers (titre IV),
- 139,5 MF au titre des subventions d'appui aux actions de coopération,
- 11 MF dans le cadre de subventions spécifiques (fonds d'intervention
pour les bibliothèques et fonds d'intervention pédagogique).
Il faut enfin y rajouter en investissements quelque 38 MF (crédits de
paiements).
Sur le plan des personnels, 504 agents civils détachés par le
ministère des Affaires étrangères concourent à son
animation (directeurs de centre, secrétaires généraux,
agents comptables et directeurs de cours), ainsi que 197 CSN pour un
coût global de 306 MF. Cet effectif ne résume pas à lui
seul l'ensemble des personnels concourant à notre coopération
culturelle, scientifique et technique. Il faut y ajouter quelque 3 945
experts, coopérants, attachés linguistiques, etc... relevant des
services culturels de nos postes, recrutés depuis Paris par contrat, par
un détachement de leur administration d'origine auprès du
ministère des Affaires étrangères. La répartition
géographique de ces personnels, rémunérés en titre
III ou IV est la suivante.
ZONE GEOGRAPHIQUE |
TITRE III |
TITRE IV |
AFRIQUE et OCEAN INDIEN |
279 |
2060 |
AMERIQUE du NORD |
58 |
39 |
AMERIQUE CENTRALE, AMERIQUE du SUD et CARAIBES |
195 |
70 |
ASIE |
173 |
53 |
PACIFIQUE |
24 |
20 |
PROCHE-ORIENT et MOYEN-ORIENT |
190 |
193 |
CEI |
51 |
35 |
EUROPE (hors UE) |
131 |
105 |
UNION EUROPEENNE |
260 |
9 |
TOTAL |
1361 |
2584 |
Ainsi,
globalement, les personnels impliqués dans notre coopération
culturelle, scientifique et technique recouvrent :
- les
titulaires
du ministère des Affaires
étrangères et du ministère délégué
à la Coopération,
- les
contractuels
: ces derniers peuvent être soit des
titulaires de la Fonction publique placés en position de
détachement, soit recrutés à l'extérieur de la
fonction publique pour des postes au profil spécialisés ou
technique.
Les titulaires de la Fonction publique qui occupent les emplois culturels et de
coopération sont majoritairement issus du Ministère de
l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, mais
également d'autres administrations (Ministère de la Culture, des
Finances, de l'Enseignement), ou encore de l'Administration territoriale...
Détachés de leur administration d'origine, ces personnels sont
recrutés sur contrat par le ministère des Affaires
étrangères, pour une durée de deux ans, renouvelable une
fois dans le même pays.
Sur le plan comptable, les agents qui concourent à un encadrement
d'ordre pédagogique, culturel, scientifique ou administratif au sein des
services de coopération et d'action culturelle, des instituts de
recherche et des centres et instituts culturels et alliances françaises
sont rémunérés depuis l'arrêté du
1
er
juillet 1996 sur titre III
du budget du Ministère,
qu'ils soient titulaires ou contractuels. Les agents du ministère de la
coopération gérés jusqu'à présent à
partir du titre IV seront également progressivement inclus dans cette
nouvelle procédure.
Les experts de coopération et les agents chargés d'une mission
d'enseignement ou de soutien linguistique dans les structures
étrangères sont rémunérés sur le titre IV.
Une troisième catégorie de personnels concerne ceux qui sont
recrutés localement par contrat par les centres et instituts culturels.
Ces "
recrutés locaux
", rémunérés
sur la base d'enveloppes globales de fonctionnement,
déléguées aux établissements dotés de
l'autonomie financière (chapitre 37-95), constituent un effectif
considérable de 3 168 personnes -dont 942 Français-, auquel il
convient d'ajouter 2 598 vacataires -dont 761 Français.
Recrutés locaux mensualisés |
||||
Etablissements |
Français |
Etrangers |
Total |
|
Ex hors champ |
890 |
1 815 |
2 705 |
|
Ex champ |
16 |
408 |
424 |
|
Centres de recherche |
36 |
220 |
256 |
|
Recrutés locaux vacataires |
||||
|
761 |
1 837 |
2 598 |
Le
recours croissant au recrutement local est, pour les établissements
culturels, comme pour le ministère des Affaires étrangères
dans son ensemble, une conséquence directe des contraintes
budgétaires qui ont conduit le Département à
réduire ses effectifs d'expatriés dont le coût salarial est
élevé, au profit d'un recrutement local plus souple et aux
incidences financières nettement moindres.
Cette démarche n'est pas critiquable en soit et le rapport de
M. l'ambassadeur Amiot a démontré que de nombreux pays
étrangers avaient recours à cette modalité de recrutement.
Il reste, et votre rapporteur l'a maintes fois signalé, que la situation
matérielle et sociale de ces recrutés locaux est souvent plus que
précaire : pas ou peu de protection sociale, des
rémunérations minimales, des perspectives d'emplois incertaines
et une emprise législative locale, qui en matière de droits des
salariés laisse, dans certains pays, largement à désirer.
Le développement important du recrutement local, s'il est l'une des
conséquence de la paupérisation du ministère des Affaires
étrangères, doit cependant s'inscrire dans un cadre légal
et réglementaire digne du pays employeur.
Votre rapporteur se félicite à cet égard des ambitions du
Plan d'action pour le recrutement local
initié par le
ministère et qui se propose d'améliorer la situation juridique,
salariale et sociale des recrutés locaux, notamment en supprimant les
disparités de rémunération entre recrutés locaux
employés par notre pays et ceux des autres pays européens,
sachant que bien des disparités affectent également les
rémunérations servies par divers services relevant d'une
même ambassade française...
Le plan préconise également que des moyens financiers
adaptés soient accordés pour moderniser la gestion des
recrutés locaux, au travers d'un " contrat moral "
passé avec la Direction du Budget, en contrepartie d'une maîtrise
des effectifs et d'une stabilisation durable de l'enveloppe financière
ainsi obtenue. La valorisation des compétences et l'approfondissement du
dialogue social sont également prévus.
Quelque peu réconforté par ce Plan d'action, votre rapporteur
n'en a été que plus perplexe quant à l'initiative prise
par le Gouvernement dans le cadre du débat sur le projet de loi relatif
aux " droits des citoyens dans les relations avec les
administrations ", tendant à exclure explicitement les personnels
recrutés localement par nos postes diplomatiques et consulaires des
bénéfices attendus de la nouvelle jurisprudence
" Berkani " en faveur des personnels contractuels des administrations
publiques.
Sans méconnaître la contrainte, notamment financière, que
le bénéfice de cette jurisprudence légalisée pour
les recrutés locaux constituerait pour le ministère dans le
recrutement de ses contractuels à l'étranger, votre rapporteur a
déploré, lors du débat au Sénat, la méthode
utilisée tendant à régler, par le biais d'un
" cavalier " législatif, une situation qui méritait un
vrai débat et une concertation préalable approfondie avec les
représentants des intéressés et les parlementaires
eux-mêmes. Si la discussion intervenue depuis à l'Assemblée
nationale n'a pas permis de revenir sur la disposition proposée par le
Gouvernement, celui-ci s'est engagé à présenter l'an
prochain un rapport sur les statuts des recrutés locaux, après
consultation des organisations syndicales.
Il convient d'ajouter que le
remplacement des CSN par des volontaires
civils
, déjà évoqué par votre rapporteur dans
le cadre de l'AEFE, sera essentiel pour le fonctionnement à venir de
notre réseau. Le dispositif légal se met en place. Il constitue
un cadre cohérent qui doit permettre de faire du volontariat civil
à l'étranger une étape formatrice et enrichissante, tant
sur le plan personnel que professionnel, pour les jeunes désireux de s'y
impliquer.
•
La concentration du dispositif
Sur les 153 établissements culturels, 51, soit exactement le tiers, sont
implantés dans 16 pays d'Europe occidentale dont 19 en République
fédérale d'Allemagne. Cette profonde disparité dans la
répartition des établissements fait l'objet d'une démarche
de restructuration tendant vers une nouvelle configuration de la carte du
réseau culturel, qui prenne en compte l'évolution du monde.
Un autre outil d'aménagement a déjà été mis
en oeuvre depuis plusieurs années. Il consiste, dans certains pays,
à prendre acte de la nature de nos implantations culturelles qui, outre
les centres et instituts, s'appuient également sur le réseau des
nombreuses Alliances françaises. Ces dernières sont
également des vecteurs privilégiés de notre action
culturelle, en particulier dans le domaine linguistique. Ainsi, dans les
quelque 80 pays où -comme en Amérique latine-, nous ne disposons
ni de centres ni d'instituts, l'exclusivité de fait de notre action
culturelle revient aux alliances françaises. La démarche tendant
à rapprocher dans un même pays les deux structures dans un souci
de cohérence et d'économie budgétaire se poursuivra en
2000.
Dans le même esprit, en 1999, l'Alliance Française de
Jérusalem a été transformée en annexe du centre de
coopération culturelle et linguistique et, à Djibouti, le poste
de directeur de l'Alliance française a été
supprimé, celle-ci étant désormais supervisée par
le directeur du centre culturel.
D'autres pistes sont prévues, à commencer par la méthode,
a priori la plus facile mais en fait politiquement fort délicate
à mettre en oeuvre, consistant à gérer des fermetures dans
certains endroits, compensées, en tout ou partie, par des ouvertures
d'établissements dans d'autres parties du monde.
Ainsi en 2000, la réactivation programmée du centre culturel
d'Alger et l'ouverture d'un centre culturel à Tirana, aurait, comme
contrepartie partielle, une rationalisation de notre réseau en Allemagne.
Enfin le projet de centres européens, encore à l'étude,
pourrait se voir progressivement développer dans certains pays.
Par ailleurs, engagée depuis plusieurs années et
accélérée depuis 1993, la création puis le
développement des "
autonomies financières
"
répondait à un triple objectif :
- accroître la responsabilité et le dynamisme des postes en
matière d'action culturelle,
- permettre de recevoir des financements locaux et de favoriser le partenariat,
- gérer les crédits avec une plus grande souplesse.
Le ministère des Affaires étrangères a donc
décidé de " décloisonner " les
établissements spécialisés sur un type de mission pour les
regrouper au sein d'une structure d'autonomie financière, dès
lors capable d'élargir ses missions et de donner, vis-à-vis de
nos partenaires locaux, une image plus claire et plus visible de notre action
culturelle.
C'est sur ces bases que furent créés les Centres culturels et de
coopération linguistique (CCCL), aujourd'hui au nombre de 73,
regroupant, dans une logique de complémentarité, les actions de
diffusion culturelle d'une part et celles de coopération linguistique
d'autre part, conduites auparavant par les Bureaux de coopération
linguistique et éducative (BCLE). Les crédits de ces derniers,
auparavant gérés par les services culturels de l'ambassade, ont
donc été intégrés dans les autonomies
financières.
La réunion de ces deux réseaux culturels a permis des
économies d'effectifs dans la mesure où des postes " en
doublons " ont été supprimés, entraînant une
contraction des effectifs d'agents recrutés localement. A l'inverse,
dans certains cas, les centres culturels, prenant en charge administrativement
et financièrement les agents provenant des BCLE, ont dû les
intégrer dans une grille salariale unique, plus favorable qu'auparavant
pour les personnels de la coopération linguistique.
La création, en 1996, des Centres culturels et de coopération
(CCC) a parachevé ce mouvement de concentration du réseau.
Egalement doté de l'autonomie financière, chaque CCC regroupe
tous les éléments du réseau culturel dans une ville ou un
pays et bénéficie, sous forme de subvention, de tous les
crédits de coopération culturelle, scientifique et technique
auparavant délégués à l'ambassade. Aujourd'hui au
nombre de 11, les CCC sont implantés dans les pays suivants,
classés par date de création :
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Tunisie Tunis |
Autriche Vienne |
Mexique Mexico |
Corée du Sud Séoul |
Liban Beyrouth |
Bulgarie Sofia |
Vietnam Hanoï |
Costa Rica San José (1) |
Egypte Le Caire |
Grèce Athènes |
|
Cambodge Phnom Penh |
L'autonomie financière confère à
l'organisme
qui en bénéficie une souplesse d'action appréciable ;
outre les recettes propres qu'il peut retirer de son activité
principale, il peut recevoir des sources de financement
diversifiées : subventions ou mécénats. Il dispose en
outre d'un fonds de réserve qui lui permet, par dérogation
à la règle de l'annualité budgétaire, de passer,
sans heurt, d'un exercice à l'autre.
Cette souplesse budgétaire est conforme aux nouvelles modalités
de l'action culturelle qui recourent souvent à la coopération
avec des partenaires très variés : collectivités
locales, sociétés ou entreprises civiles, et s'appuie sur des
cofinancements qui assurent à notre politique d'action culturelle un
meilleur rendement, à coût moindre.
Le mouvement de création de ces nouvelles " autonomies
financières " est aujourd'hui suspendu, dans l'attente de la mise
en place d'un nouveau cadre comptable adapté au nouvel outil.