ANNEXE 1
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COMMUNICATION SUR LA MISSION D'INFORMATION DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES SOCIALES EN GUYANE
Le
mercredi 27 octobre 1999, sous la présidence de M. Jean Delaneau,
président, la commission a entendu une
communication
de son
président sur la
mission d'information de la commission en Guyane
.
A titre liminaire,
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé
qu'une délégation de la commission avait effectué, du 23
au 30 juillet dernier, une mission d'information en Guyane, afin de dresser un
bilan de la situation sanitaire et sociale de ce département. Il a
précisé que le rapport d'information devrait être
publié au début du mois de janvier prochain, mais qu'il avait
jugé utile de faire un bref compte rendu de cette mission avant que la
commission n'examine le budget de l'outre-mer le mercredi 10 novembre prochain.
Revenant sur l'objectif de la mission, il a précisé qu'elle
s'inscrivait dans le cadre de la préparation de l'examen, par le
Parlement, du projet de loi d'orientation sur les départements
d'outre-mer annoncé par le Gouvernement. Il a indiqué à ce
propos que la commission ne manquerait pas de se saisir pour avis de ce texte,
rappelant qu'elle avait toujours été très attentive
à la situation de l'outre-mer, où les difficultés sociales
sont tout particulièrement exacerbées.
M. Jean Delaneau, président,
a souligné qu'au terme d'un
programme de travail particulièrement dense et varié, la
délégation était en mesure de dresser un état des
lieux de la situation sanitaire et sociale de la Guyane. Il a ainsi
observé qu'en dépit de nombreux atouts, la Guyane connaissait
actuellement une crise de développement tout particulièrement
sensible sur le plan sanitaire et social.
Abordant la question démographique, il a insisté sur la
croissance particulièrement rapide de la population. Il a
constaté que le dernier recensement évaluait la population
à 157.000 personnes, soit une croissance de 37 % entre 1990 et
1999. Mais il a précisé que beaucoup des interlocuteurs de la
délégation avaient estimé ce chiffre à
200.000 habitants. Il a rappelé que, pendant trois siècles
et jusqu'en 1946, la population guyanaise avait stagné autour de 25.000
habitants.
Il a observé que deux causes principales étaient à
l'origine de cette augmentation : une forte natalité et une
immigration très importante, la population immigrée atteignant
70.000 personnes, soit près de 40 % de la population.
Mais il a également insisté sur les deux particularités de
cette population, à savoir sa jeunesse, 45 % des habitants ayant
moins de 20 ans, et sa diversité ethnique.
Sur le plan sanitaire,
M. Jean Delaneau, président,
a
estimé que la situation était préoccupante comme en
témoignaient certains indicateurs : un taux de mortalité
périnatale qui atteint 26 , la persistance du paludisme, la
propagation du virus du Sida, les ravages de la toxicomanie, les menaces pesant
sur la chaîne alimentaire.
Sur le plan de l'emploi et de l'insertion, il a rappelé que le
chômage touchait 13.000 personnes, soit environ le quart de la population
active. Constatant qu'il faudrait créer 25.000 emplois d'ici 2006 pour
seulement stabiliser le taux de chômage du fait des évolutions
démographiques, et observant que le nombre d'emplois avait
diminué en 1998, il s'est inquiété du risque d'une
dégradation de la situation de l'emploi. Il a également
insisté sur la structure particulière de l'emploi dans ce
département, où 56 % des emplois salariés
relèvent du secteur public.
Il a jugé d'autant plus inquiétante la situation de l'emploi que
le niveau de formation était faible. A cet égard, il a
indiqué que 60 % des demandeurs d'emploi avaient un niveau de
formation inférieur ou égal au niveau V bis.
Observant une croissance du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion
(RMI), il a souligné que celui-ci concernait directement ou
indirectement 10 % de la population du département.
Face à ce constat d'une situation sanitaire et sociale très
dégradée,
M. Jean Delaneau, président,
a
estimé que l'action publique restait très en retrait.
Il a ainsi observé que les structures sanitaires locales étaient
saturées du fait d'un nombre insuffisant de lits et de personnels
médicaux.
Il a également estimé que les résultats de la politique
d'insertion étaient faibles. Soulignant l'absence de formation en
alternance, il a indiqué que l'organisation du service public de
l'emploi connaissait un certain retard avec l'absence de mission locale et
d'entreprises d'insertion. Il s'est étonné de l'orientation de la
politique de l'emploi dans ce département où l'on demande aux
entreprises d'embaucher des personnes non qualifiées et où le
secteur public et parapublic se réserve les personnes les plus
qualifiées, notamment par l'intermédiaire des emplois-jeunes.
Au regard de ce bilan qu'il a qualifié de sombre,
M. Jean Delaneau,
président,
a considéré que la mission d'information
avait d'ores et déjà permis de dégager deux enseignements
principaux.
En premier lieu, il a insisté sur la nécessité de mettre
en oeuvre un plan de rattrapage pour la Guyane, notamment en matière
sanitaire et sociale. Il a indiqué que ce plan devait avoir trois
objectifs prioritaires : mise à niveau de certaines infrastructures
car il existe toujours des communes sans eau potable, électricité
et téléphone, mise à niveau des structures sanitaires par
une augmentation des moyens matériels et humains, effort très
important en matière de formation face au risque d'une explosion du
chômage.
En second lieu, il a estimé nécessaire d'adapter la
réglementation applicable en Guyane aux spécificités
locales pour pouvoir résoudre les problèmes avec souplesse. Il a
jugé qu'une application automatique des normes métropolitaines ne
pouvait apporter des réponses efficaces et pouvait même avoir des
effets pervers.
A cet égard, il a cité quatre exemples d'inadaptation des normes
métropolitaines dans le domaine de la santé : le
non-remboursement des anti-paludéens qui sont considérés
comme des " médicaments de confort " en métropole, le
regroupement des activités de maternité alors que, dans certains
cas, il est préférable de garder cette activité dans les
centres de santé, l'application de la couverture maladie universelle
dans un département où plus de 20 % de la population
relève de l'aide médicale, le passage aux 35 heures dans le
secteur sanitaire et social où il existe des difficultés de
recrutement alors que les aides financières ne prennent pas en
considération les spécificités des DOM.
Il a alors proposé d'inscrire, dans le budget du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer, les crédits relatifs à l'action
sanitaire et sociale, figurant pour l'instant au budget du ministère de
l'emploi et de la solidarité. Il a observé que cette
opération permettrait une plus grande adaptation des politiques
publiques aux besoins, soulignant qu'un tel transfert avait déjà
eu lieu en matière d'emploi et de logement.
M. Alain Gournac
a déclaré partager le souci d'adaptation
de la réglementation. Il a cité l'exemple du statut de
l'hôpital de Saint Laurent du Maroni, où plus de la moitié
des naissances étaient le fait de mères étrangères.
Il a alors proposé de doter l'hôpital d'un statut international
pour prendre en compte cette spécificité. De la même
manière, il a souligné l'inadaptation des règles de
remboursement des médicaments.
M. Philippe Nogrix
a estimé que l'on avait sans doute
péché par orgueil en voulant faire de la Guyane l'image de la
métropole. Il a rappelé les spécificités de ce
département, plus proche du continent sud-américain que des
Caraïbes avec lesquelles il est trop souvent assimilé.
Il a observé que la situation guyanaise exigeait la mise en place de
structures de formation de base, notamment en matière de lutte contre
l'illettrisme. Il a indiqué que l'expérience des H'mongs prouvait
qu'une politique ambitieuse de développement pouvait réussir.
Il s'est néanmoins inquiété des conséquences de la
politique actuelle, estimant que les aides budgétaires à la
personne, et notamment le RMI, risquaient de pousser les Guyanais à
perdre leurs traditions.
En conclusion,
M. Jean Delaneau, président,
a indiqué
qu'il souhaitait que chaque membre de la délégation puisse lui
adresser ses observations pour la préparation du rapport d'information.
Il a insisté, une nouvelle fois, sur la nécessité de
prendre en compte les spécificités guyanaises, et notamment
l'appartenance au continent amérindien, pour l'application des
politiques publiques.