D. LA FRAGILITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE EN FAVEUR DU LOGEMENT DES PLUS DÉMUNIS
1. Un effort budgétaire qui marque le pas
a) Une stabilisation des crédits
L'effort
budgétaire en faveur du logement des plus démunis s'articule
autour de deux axes complémentaires :
- accroître l'offre de logements ;
- favoriser l'accès et le maintien dans le logement des personnes
en voie d'exclusion.
Or, dans ces deux domaines, l'effort budgétaire marque le pas en
2000.
A l'heure actuelle, deux lignes budgétaires regroupent les
crédits affectés au logement des plus démunis :
- le chapitre 46-50 rassemble les crédits d'intervention :
participation de l'Etat aux FSL et aux fonds d'aide aux accédants en
difficulté, subvention aux associations logeant les personnes
défavorisées ;
- l'article 65-48-60 regroupe les subventions d'investissement en faveur
des opérations les plus sociales : réquisition, logements
d'urgence, démolition, maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS).
Evolution des crédits budgétaires en
faveur
du
logement des plus défavorisés
(en dépenses ordinaires et crédits de paiement)
(en millions de francs)
Chapitre ou article |
LFI 1998 |
LFI 1999 |
Evolution
|
PLF 2000 |
Evolution
|
46-50 |
456,5 |
685,0 |
+ 50 % |
720,0 |
+ 5,1 % |
65-48-60 |
349,0 |
282,5 |
- 19 % |
290,0 |
+ 2,6 % |
Total |
805,5 |
967,5 |
+ 20 % |
1.010,0 |
+ 4,4 % |
•
Les aides à la pierre
S'agissant des PLA " sociaux ", le budget pour 2000 ne prévoit
que 5.000 PLA-I contre 10.000 l'an passé. Ces crédits
étant inscrits dans la " ligne fongible ", il est difficile
d'apprécier l'évolution des crédits spécifiquement
destinés aux PLA sociaux.
Financement des PLA " sociaux "
|
PLA-I |
PLA-TS |
PLA-I et PLA-LM |
PLA- I |
||||
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Nombre de logements prévus |
10.000 |
10.000 |
20.000 |
28.000 |
20.000 |
30.000 |
30.000 |
5.000 |
Nombre de logements effectivement financés |
7.016 |
6.908 |
11.708 |
15.481 |
11.419 |
11.783 |
15.568 |
|
Taux de consommation des crédits budgétaires |
NC |
67,4 % |
85,7 % |
89,4 % |
87,2 % |
76,4 % |
68,0 % |
|
Source : DGUHC
Parallèlement, votre commission observe une stabilisation, voire une
diminution des crédits d'aide à la pierre en faveur des plus
démunis.
Ainsi, les crédits pour les " opérations les plus
sociales " (article 65-48-60) n'augmentent que de 2,6 % passant de
282 à 290 millions de francs. Or ces crédits sont notamment
destinés à financer des logements d'urgence ou les MOUS. Ils
avaient en outre déjà diminué de 20 % en 1999.
Les crédits en faveur de la résorption de l'habitat insalubre
diminuent passant de 103,6 millions de francs en 1999 à
79,4 millions de francs en dépit de l'existence
avérée d'un " marché des taudis ".
Votre commission observe toutefois qu'une nouvelle ligne budgétaire
dotée de 75 millions de francs est destinée à la
lutte contre le saturnisme. Elle financera aussi bien les diagnostics
d'immeuble que les travaux d'urgence.
•
Les aides à la pierre
Les aides budgétaires aux plus défavorisés passent de
680 millions de francs en 1999 à 718 millions de francs en
2000. La progression n'est donc plus que de 5,6 % contre 51 % en 1999.
L'effort en faveur des fonds de solidarité logement n'atteint que
548 millions de francs, contre 530 en 1999.
Or les FSL constituent l'instrument principal d'aide au logement des plus
défavorisés.
Dépenses des fonds de solidarité logement depuis 1993
(en millions de francs)
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998* |
Aides au maintien |
296,5 |
337,7 |
336,8 |
339,9 |
338,6 |
395 |
Aides à l'accès dans les lieux |
196,0 |
247,0 |
321,2 |
382,3 |
401,5 |
461 |
Paiement de garanties |
9,6 |
17,4 |
22,4 |
30,4 |
36,8 |
46 |
ASLL (1) |
124,2 |
148,0 |
171,0 |
202,4 |
209,5 |
242 |
Gestion locative |
- |
- |
8,4 |
10,6 |
13,2 |
12 |
Subventions aux associations |
7,0 |
15,9 |
20,1 |
30,2 |
37,2 |
38 |
Fonctionnement |
55,0 |
72,2 |
80,2 |
98,7 |
108,1 |
121 |
Dépenses totales |
709,2 |
846,1 |
965,6 |
1.099,7 |
1.148,8 |
1.322 |
dont aides (2) |
633,5 |
766,2 |
880,4 |
996,1 |
1.036,8 |
1.197 |
(1)
Accompagnement social lié au logement.
(2) Total des dépenses des FSL non compris les frais de fonctionnement
et les dépenses diverses.
* Prévisions
Source : secrétariat d'Etat au logement
Les FSL ont permis d'aider environ 215.000 familles en 1997 contre 206.000 en
1996.
Evolution du nombre de ménages aidés par les FSL de 1992 à 1997
(en nombre de ménages)
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Aides au maintien* |
42.00 |
47.360 |
53.700 |
55.140 |
56.020 |
52.334 |
Aides à l'accès** |
38.500 |
63.000 |
88.000 |
112.750 |
130.415 |
136.414 |
Total aides au maintien et à l'accès (paiements de garantie exclus) |
80.500 |
110.360 |
141.700 |
167.890 |
186.435 |
188.748 |
Paiements de garantie |
- |
2.770 |
3.975 |
6.040 |
7.500 |
8.673 |
ASLL*** |
18.000 |
30.000 |
38.860 |
42.900 |
50.440 |
55.499 |
*
prêt ou subvention
Source : DGUHC
** prêt, subvention, garantie octroyée
*** accompagnement social lié au logement
En revanche, les crédits relatifs à l'aide au logement temporaire
(ALT) augmentent de 40 millions de francs pour atteindre 170 millions
de francs.
L'aide au logement temporaire
L'aide
aux organismes logeant à titre temporaire des personnes
défavorisées communément appelée aide au logement
temporaire a été instituée par la loi n° 91-1406 du
31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social. C'est une
aide versée exclusivement aux associations ou CCAS ayant conclu une
convention avec l'Etat. Il s'agit d'une aide forfaitaire.
L'aide au logement temporaire (ALT) a deux finalités :
- c'est une aide qui a été créée pour se
substituer exceptionnellement aux aides à la personne, aide
personnalisée au logement (APL) et allocation logement (AL), quand le
versement de ces aides n'est pas possible, notamment du fait d'une durée
de séjour trop brève pour permettre l'ouverture d'une aide
à la personne ;
- l'ALT doit également permettre aux associations qui accueillent
des personnes défavorisées de se doter d'un parc important.
Elle est financée par le Fonds national d'aide au logement (FNAL) qui
bénéficie à cet effet d'une contribution de l'Etat et
d'une contribution des régimes de prestations familiales, à
parité et versée par les CAF qui prélèvent 2 %
au titre des frais de gestion.
On observe en effet une forte montée en charge de l'ALT.
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Nombre d'organismes conventionnés |
628 |
955 |
1.231 |
1.314 |
1.390 |
Montant des engagements (MF) |
79,1 |
168,9 |
223,0 |
266,4 |
283,3 |
Source : secrétariat d'Etat au logement
b) La difficile mobilisation des crédits budgétaires
Mais
la principale limite de l'action budgétaire en faveur du logement des
plus démunis tient moins au montant des crédits qu'à leur
trop faible consommation.
S'agissant des aides à la pierre, la situation est très
préoccupante. En 1998, 32 % des crédits budgétaires
consacrés aux PLA " sociaux " n'ont pas été
consommés. De la même manière, concernant les
dépenses en capital relatives aux " opérations les plus
sociales ", plus du tiers des crédits n'ont pas été
consommés. La situation ne semble guère s'être
amélioré cette année : au 31 août 1999, moins
de 6 % des crédits des " opérations les plus
sociales " avaient été consommés.
S'agissant des aides à la personne, la situation est moins
inquiétante. En 1998, 183 millions de francs ont dû être
reportés en 1999 sur les FSL du fait d'une attribution trop tardive. En
revanche, au 31 août 1999, 75 % des crédits inscrits, y
compris les crédits reportés, étaient d'ores et
déjà consommés.
Dans ces conditions, votre commission ne peut que souhaiter une meilleure
mobilisation des crédits budgétaires inscrits.
2. Des menaces latentes
a) L'essoufflement de certains programmes
Votre
commission avait insisté l'an passé sur deux types de programmes
qu'elle jugeait particulièrement prometteurs pour développer
l'offre de logements en faveur des plus démunis : les programmes
sociaux thématiques (PST) et les maîtrises d'oeuvre urbaine et
sociale (MOUS). Il faudrait y intégrer également les baux
à réhabilitation.
Or ces programmes connaissent un certain essoufflement.
•
Les programmes sociaux thématiques (PST)
Les PST ont été créés dès 1990 dans le cadre
de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au
logement.
Le PST est une convention signée entre l'Etat, l'ANAH et une
collectivité locale. Il est fondé sur une négociation avec
les propriétaires privés ; en contrepartie d'une subvention
majorée de l'ANAH pour les travaux et d'un certain nombre de services
(assistance technique aux bailleurs, garantie de loyer, accompagnement social
des locataires...), le propriétaire s'engage à respecter un loyer
conventionné pendant 9 ans et à loger des personnes en
difficulté qui lui sont proposées par une commission ou un
organisme désigné dans la convention de PST et chargé de
l'attribution des logements dans le cadre du plan départemental pour le
logement des personnes défavorisées.
Or, le nombre de logements améliorés a sensiblement
diminué en 1997, dernière année pour laquelle des
statistiques sont disponibles.
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Nombre de conventions PST en vigueur |
177 |
206 |
263 |
273 |
219 |
222 |
Montant des engagements (millions de F) |
268 |
328 |
317 |
426 |
479 |
374 |
Logements améliorés |
3.300 |
3.900 |
3.600 |
4.000 |
4.200 |
3.200 |
Source : secrétariat d'Etat au logement
•
Les maîtrises d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS)
Les conventions MOUS constituent un complément pertinent au montage et
à la réussite des opérations d'habitat adapté.
Ces conventions visent à mettre en place un partenariat
opérationnel entre les différents acteurs (collectivités
locales, Etat, organismes HLM, financeurs...). Elles permettent
l'émergence d'une structure de pilotage capable de coordonner l'action
des différents partenaires et de mettre en oeuvre les programmes
d'habitat adaptés. Elles évitent ainsi la dispersion de l'action
publique en faveur du logement des personnes défavorisées.
En 1997, 160 MOUS étaient en cours de réalisation contre 180
l'année précédente.
•
Les baux à réhabilitation
Après trois années où le nombre de logements ayant
donné lieu à un bail à réhabilitation se situait
annuellement autour de trois cents, l'année 1997 marque un
sérieux recul du bail à réhabilitation.
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Nombre de logements |
68 |
231 |
126 |
279 |
303 |
284 |
174 |
Nombre d'opérations |
22 |
74 |
55 |
69 |
113 |
124 |
65 |
Source : secrétariat d'Etat au logement
b) Les retards de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions
Il est sans doute prématuré de tirer un premier bilan de la loi du 29 juillet 1998, notamment parce que les principaux textes d'application n'ont été publiés que récemment. A ce propos, votre commission observe avec intérêt que la mise en oeuvre du nouvel impôt que constitue la taxe sur les logements vacants s'est opérée avec une célérité particulière en dépit de sa complexité, mais pour une efficacité pour le moins douteuse.
La taxe sur les logements vacants
L'article 51 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998
d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a
institué, à compter du 1
er
janvier 1999, une taxe
annuelle sur les logements vacants depuis au moins deux années
consécutives dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants
où existe un déséquilibre important entre l'offre et la
demande de logements.
1. Le dispositif retenu
Le décret n° 98-1249 du 29 décembre 1998 a fixé la
liste des communes où cette taxe est applicable. Il s'agit des communes
appartenant aux agglomérations de Paris, Lille, Bordeaux, Toulouse,
Lyon, Montpellier, Nice et Cannes-Grasse-Antibes.
La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins deux années
consécutives, au 1
er
janvier de l'année d'imposition,
à l'exception des logements détenus par les bailleurs sociaux.
L'assiette de la taxe est constituée par la valeur locative du logement.
Son taux est fixé à 10 % la première année
d'imposition, 12,5 % la deuxième année et 15 % à
partir de la troisième année.
Le produit de cette taxe est affecté à l'ANAH.
2. Une efficacité douteuse
Pour 1999, première année d'application de la taxe, 133.000 avis
d'imposition ont été adressés aux propriétaires par
les services fiscaux.
Toutefois, les difficultés de définition du " logement
vacant " risque de se traduire par un contentieux important.
Ainsi, le
conseil des impôts
11(
*
)
,
dans son rapport 1999, a jugé que "
le champ d'application et
les difficultés d'application de cette nouvelle mesure rendent les
risques de contentieux importants et posent la question de
l'intérêt même de ce dispositif
".
Votre commission relève également que
le produit attendu de
cette taxe est pour le moins modeste, le fascicule " Evaluation des voies
et moyens " l'estimant à 1 million de francs en 1999. Il est alors
à craindre que le coût de recouvrement de la taxe soit
supérieur à son produit.
Dans ces conditions, votre commission ne peut que rappeler la position qu'elle
avait émise au moment de l'examen du projet de loi d'orientation de
lutte contre les exclusions. Elle estimait alors que
" la
présente taxe est susceptible en effet d'affaiblir les investissements
locatifs sans pour autant être efficace pour remettre sur le
marché des logements vacants "
12(
*
)
.
Ce diagnostic semble aujourd'hui se confirmer.
Il n'en reste pas moins qu'il semble que cette loi n'ait pour l'instant
produit que peu d'effets concrets sur le terrain.
La Fondation Abbé Pierre pour le logement des plus
défavorisés
13(
*
)
observe ainsi que "
pourtant, un an après le vote de la loi,
l'état d'avancée de son application est difficilement
décryptable, et les effets de sa mise en oeuvre sont imperceptibles. Les
bassins d'habitat et les dispositifs spécifiques à
l'Ile-de-France ne se sont pas mis en place, les logements sociaux
financés ne sont pas réalisés et de nombreuses personnes
restent confrontées à des difficultés grandissantes pour
trouver à se loger de manière convenable. Les associations
impliquées dans l'insertion par le logement sont peu à peu
gagnées par le scepticisme.
"
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, a d'ailleurs
lui-même reconnu les difficultés d'application de la loi en
déclarant que "
les résultats sont inégaux et les
dispositifs de suivi ne sont pas assez performants
"
14(
*
)
.
Votre commission ne peut alors que s'inquiéter sur de tels retards. Elle
ne manquera pas d'y attacher une vigilance toute particulière,
l'année 2000 devant marquer la véritable mise en oeuvre du volet
" logement " de la loi du 29 juillet 1998.
les aides à la personne : les occasions manquées
Pour la première fois, le projet de budget pour 2000 prévoit une diminution de la contribution de l'Etat aux aides à la personne. Mais cette maîtrise des coûts ne s'accompagne hélas pas d'une réforme des aides personnelles.