EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(article 72-1 de la Constitution)
Définition de l'autonomie fiscale

Cet article tend à insérer un article 72-1 dans la Constitution, afin de consacrer le principe de l'autonomie fiscale des collectivités locales.

Les mesures législatives adoptées au cours des dernières années malgré l'opposition du Sénat ont traduit un véritable mouvement de démantèlement de la fiscalité locale et de recentralisation des ressources locales.

La part des recettes fiscales correspondant à des impôts dont les collectivités locales votent les taux dans leurs recettes totales hors emprunt s'élevait à 54 % en 1995.

Après ces réformes, la part de la fiscalité locale dans les ressources globales hors emprunt a été réduite à moins de 37 % pour les régions, 43 % pour les départements et à 48 % pour les communes.

L'article 53 de la loi de finances pour 1993 a supprimé les parts régionales et départementales de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

L'article 29 de la loi de finances pour 1999 a supprimé la taxe additionnelle régionale aux droits de mutation à titre onéreux , soit plus de 10% des recettes fiscales totales des régions.

Le même article a réduit le taux des droits de mutation à titre onéreux des départements sur les locaux à usage professionnel et, de fait, leur capacité à voter les taux de cet impôt.

L'article 44 de cette même loi de finances a supprimé la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires, soit environ un tiers de l'assiette de cet impôt dont le produit représente environ la moitié du produit des quatre taxes directes locales. Au terme de cette réforme, les collectivités locales auront été amputées du sixième de leur pouvoir fiscal.

L'article 9 de la loi de finances pour 2000 a poursuivi la réforme des droits de mutation , engagée en 1999, en unifiant les taux départementaux des droits de mutation à titre onéreux sur les locaux d'habitation.

La loi de finances rectificative pour 2000 a supprimé la part régionale de la taxe d'habitation , soit près de 15% des recettes fiscales totales des régions et 22% du produit des quatre taxes.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit de supprimer la vignette automobile, soit 5% des recettes totales des départements et près de 10% de leurs recettes fiscales.

Le poids des compensations versées aux collectivités par l'Etat a été multiplié par 13 depuis 1983 et par 3,3 depuis 1987. Compte tenu de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, les compensations s'élèvent à 66,4 milliards de francs en 2000 , soit près de 20% du montant total du produit de la fiscalité directe locale qui atteint 345,4 milliards de francs.

Ces dispositions législatives réduisant peu à peu l'autonomie fiscale des collectivités locales mettent en évidence les limites actuelles du dispositif constitutionnel relatif à la libre administration des collectivités territoriales.

L'article 72 de la Constitution se borne, en effet, à énoncer une règle de fond d'ordre institutionnel - l'administration par des conseils élus - et une règle de procédure - la compétence de la loi ordinaire pour définir les conditions de mise en oeuvre de la libre administration.

Cette compétence de la loi ordinaire est précisée à l'article 34 de la Constitution qui réserve au domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources. Il revient, en outre, à la loi de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.

A l'expérience, ce dispositif est apparu beaucoup trop elliptique pour assurer une protection efficace contre une remise en cause des l'autonomie fiscale des collectivités locales par la loi ordinaire.

Ces limites ressortent des décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur les textes ayant procédé à une amputation des marges de manoeuvre fiscales des collectivités locales.

Dans le silence du texte constitutionnel, la haute juridiction a, en effet, admis la conformité à la Constitution des dispositions qui lui étaient soumises. Même si, contrairement à ce qu'avait soutenu le Gouvernement, elle a écarté la thèse selon laquelle la libre administration repose essentiellement, pour être effective, sur la libre disposition des sommes nécessaires à l'exercice de leurs compétences par les collectivités locales.

Le Conseil constitutionnel, à plusieurs reprises, a clairement affirmé que " les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration " ( décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991, décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991, décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998 , décision n° 2000-432 DC du 12 juillet 2000 ).

Face à une amputation des ressources fiscales des collectivités locales, le Conseil constitutionnel s'attache à vérifier le maintien des ressources globales , permettant aux collectivités locales d'exercer les compétences qui leur sont dévolues par la loi.

Sa jurisprudence fait également clairement ressortir qu'il existe une limite à la restriction des ressources fiscales par le législateur. En deçà d'un certain seuil, la libre administration serait entravée.

Cependant, dans le silence du texte constitutionnel, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne définit pas le seuil en deçà duquel toute nouvelle suppression de recettes fiscales serait considérée comme une entrave à la libre administration.

On peut donc craindre que seule une mesure conférant aux recettes fiscales une part négligeable dans les ressources globales des collectivités locales pourrait être considérée comme violant la norme suprême.

Préciser le contenu du principe de libre administration dans le texte constitutionnel apparaît donc indispensable pour mettre un coup d'arrêt à la remise en cause de la fiscalité locale qui porte une atteinte grave à l'esprit même de la décentralisation.

A cette fin, le présent article affirme dans son premier alinéa que " la libre administration des collectivités territoriales est garantie par la perception de ressources fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la loi ".

Cette disposition fixe la règle essentielle selon laquelle il ne saurait y avoir de décentralisation véritable sans que les collectivités territoriales puissent disposer de recettes fiscales localisées pour lesquelles elles votent des taux permettant d'en moduler le produit.

Cette règle garantit la liberté d'initiative et le sens des responsabilités des gestionnaires locaux sous le contrôle du suffrage universel. Elle établit la force du lien entre les élus et le citoyen - contribuable . Elle est au coeur de la démocratie locale.

Le même alinéa prend néanmoins soin de préciser que le pouvoir fiscal des collectivités territoriales s'exerce " dans les conditions prévues par la loi " . Ce pouvoir est donc encadré et conditionné par les décisions prises par le législateur.

Sous réserve de substituer le terme " recettes " à celui de " ressources ", cet alinéa est repris intégralement dans le texte que votre commission des Lois vous soumet.

Le deuxième alinéa de l'article 72-1 énonce que " les ressources fiscales représentent la part prépondérante des ressources des collectivités locales ".

Cette disposition est également d'une très grande portée. Elle est, en effet, de nature, à mettre un coup d'arrêt au processus de substitution de la fiscalité locale par des concours de l'Etat.

Elle souligne qu'une décentralisation effective ne saurait reposer sur un système de financement assuré principalement voire exclusivement par des dotations de l'Etat.

Tout au contraire, une démocratie locale vivante implique que la fiscalité représente une part majoritaire dans les ressources globales des collectivités locales.

Assumer le vote des taux des impôts locaux nécessaires à la mise en oeuvre des politiques locales constitue pour les élus locaux un facteur de responsabilisation vis à vis des citoyens qui sont aussi contribuables.

Votre commission des Lois vous soumet une nouvelle rédaction de cet alinéa qui prend comme référence les ressources globales hors emprunt. Ce qui importe, en effet, c'est de comparer la part relative des concours de l'Etat et de la fiscalité locale dans les ressources globales des collectivités territoriales.

En outre, elle précise que cette règle s'appliquera catégorie par catégorie de collectivités territoriales. Il s'agit, en effet, de s'assurer que globalement pour les communes, les départements et les régions, la part des recettes fiscales représentent plus de la moitié des ressources.

Cette précision permet aussi d'affirmer clairement le rôle essentiel de la péréquation laquelle doit compenser les insuffisances de potentiel fiscal de certaines collectivités.

Les recettes fiscales en cause doivent être des recettes fiscales propres , c'est à dire des recettes dont les collectivités territoriales peuvent moduler le produit par le vote des taux. N'est donc pas visée l'hypothèse où le produit d'impôts nationaux serait pour partie reversé aux collectivités territoriales. Quel que soit l'intérêt que peut revêtir une telle formule, elle ne peut être considéré comme une expression d'autonomie fiscale locale.

Outre les ressources fiscales propres, il convient, enfin, de prendre en compte les autres ressources propres des collectivités territoriales, que constituent en particulier les revenus des domaines ou les redevances.

Le troisième alinéa de l'article 72-1 précise que " les collectivités territoriales peuvent percevoir le produit des impositions de toutes natures ".

Cet alinéa -que votre commission des Lois vous soumet sans modification- indique clairement que la fiscalité locale ne doit pas être figée sur les bases actuelles dont les défauts sont à juste titre soulignés. Elle doit au contraire être modernisée pour s'adapter aux évolutions économiques et sociales.

A cette fin, aucune hypothèse ne doit être exclue pour doter les collectivités territoriales de recettes fiscales dynamiques qu'elles pourront moduler en fonction des exigences des politiques locales et de la nécessaire modération de la pression fiscale.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 72-1 spécifie que " toute suppression d'une ressource fiscale perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de ressources fiscales équivalentes. "

Cette disposition apparaît comme un " verrou " indispensable pour garantir l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et veiller à ce que les recettes fiscales propres aient une part majoritaire dans les ressources locales.

Elle s'oppose directement au mouvement récent de recentralisation de ces ressources qui s'est traduit par la substitution à la fiscalité locale de compensations versées par le budget de l'Etat.

Votre commission des Lois vous propose de préciser la notion de " recettes fiscales équivalentes " en indiquant qu'il s'agit de recettes fiscales " d'un produit équivalent ".

Dès lors qu'un impôt local ne répond plus aux objectifs qui lui ont été assignés, il doit pouvoir être supprimé. Ce qui importe du point de vue de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, c'est qu'il soit remplacé par un impôt local ayant un produit équivalent. En revanche, cet impôt de substitution peut avoir des bases différentes de celui qui a été supprimé.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 1 er dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 2
(article 72-2 de la Constitution)
Compensation intégrale et concomitante des charges transférées

Cet article insère un article 72-2 dans la Constitution, afin de donner valeur constitutionnelle au principe de compensation intégrale et concomitante des charges résultant pour les collectivités locales des transferts de compétences.

La compensation financière des compétences transférées aux collectivités locales a constitué l'un des principes forts des lois de décentralisation. Elle apparaissait comme l'un des socles du contrat de confiance avec l'Etat.

Les règles applicables en matière de compensation financière des transferts de compétences sont fixées par le code général des collectivités territoriales qui précise que :

- " tout accroissement net des charges résultant des transferts de compétences (...) est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences " (article L. 1614-1) ;

- " ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert , par l'Etat au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées " (article L. 1614-1) ;

- " toute charge nouvelle incombant aux collectivités du fait de la modification par l'Etat, par voie réglementaire, des règles relatives à l'exercice des compétences transférées est compensée " (article L. 1614-2) ;

- " le montant des dépenses résultant des accroissements et diminutions de charges est constaté pour chaque collectivité par arrêté conjoint du ministre chargé de l'Intérieur et du ministre chargé du budget, après avis d'une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes et comprenant des représentants de chaque catégorie de collectivités concernées " (article L. 1614-3).

Cette commission dénommée " commission consultative sur l'évaluation des charges ", outre le magistrat de la Cour qui la préside, est composée de huit représentants des communes, quatre représentants des conseils généraux et quatre représentants des conseils régionaux.

Le code général des collectivités territoriales définit également les modalités de la compensation :

- " les charges (...) sont compensées par le transfert d'impôts d'Etat (...) et, pour le solde , par l'attribution d'une dotation générale de décentralisation " (article L. 1614-4) ;

- " les transferts d'impôts d'Etat représentent la moitié au moins des ressources attribuées par l'Etat à l'ensemble des collectivités locales " (article L. 1614-5) ;

- " les pertes de produit fiscal résultant, le cas échéant, pour les départements ou les régions, de la modification, postérieurement à la date des transferts des impôts et du fait de l'Etat , de l'assiette ou des taux de ces impôts sont compensées intégralement , collectivité par collectivité (...) par des attributions de dotation de décentralisation " (article L. 1614-5).

Les impôts d'Etat transférés aux collectivités locales par l'article 99 de la loi du 7 janvier 1983 ont été :

- pour les départements : d'une part, la taxe sur les véhicules à moteur (vignette) et, d'autre part, les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière exigibles sur les mutations à titre onéreux (droits de mutation) ;

- pour les régions : la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules à moteur (cartes grises).

La loi de 1983 a en revanche exclu le financement par la fiscalité des compétences transférées aux communes.

Le rapport de la mission sénatoriale d'information sur la décentralisation a mis en évidence que les recettes transférées ont augmenté beaucoup moins vite que les charges transférées .

Le premier alinéa de l' article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales prévoit en outre que " au terme de la période visée à l'article 4 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précitée [3 ans], les transferts d'impôts d'Etat représentent la moitié au moins des ressources attribuées par l'Etat à l'ensemble des collectivités locales ".

Or l'analyse de la structure des recettes transférées menée par la mission sénatoriale d'information sur la décentralisation démontre que la règle de 50% n'est plus respectée.

Passée la première vague des transferts de compétences, le financement budgétaire des transferts, conçu au départ comme un solde, est progressivement devenu la norme .

Les nouveaux transferts n'ont pas donné lieu à des transferts de fiscalité mais à des majorations de dotation générale de décentralisation (DGD). L'assiette et le taux des impôts transférés se sont progressivement réduits. La politique de réduction et d'unification des taux des droits de mutation, outre qu'elle a supprimé au passage le pouvoir des départements de voter les taux de ces impôts, a entraîné une diminution importante de la part de la fiscalité dans les ressources transférées.

En outre, les collectivités locales subissent un alourdissement des charges non compensées.

Les transferts de charges ne concernent pas seulement les domaines mentionnés par les lois de décentralisation. Les collectivités locales doivent de plus en plus supporter des charges résultant de décisions sur lesquelles elles n'ont aucune prise.

Les ressources des collectivités locales évoluent moins vite que ces charges nouvelles . Ainsi pour les trois années d'application de l'accord salarial du 10 février 1998, la DGF a augmenté nettement moins vite que le surcoût provoqué par cet accord.

Le surcoût induit par le financement des charges non compensées peut aboutir à une augmentation de la pression fiscale sur les contribuables locaux.

Comme l'a relevé à juste titre le rapport de la mission sénatoriale d'information, l'Etat incite fortement les collectivités locales à financer des dépenses qui relèvent de ses compétences , notamment en matière d'enseignement supérieur et de voirie. Les contrats de plan Etat-région ont constitué un cadre privilégié pour faire financer par les collectivités locales des politiques nationales.

Sur l'initiative du Sénat, la loi d'orientation du 4 février 1995 relative à l'aménagement et au développement du territoire a " réactivé " la commission consultative d'évaluation des charges, créée en 1983.

Cette commission a été chargée de réaliser un bilan annuel du coût réel des compétences transférées et des transferts de charges non prévues par les lois de décentralisation. En outre, ce bilan devait comporter en annexe un état de la participation des collectivités locales à des opérations relevant de la compétence de l'Etat et des concours de l'Etat à des programmes intéressant les collectivités locales. Or ces dispositions n'ont reçu qu'une application partielle.

Le premier rapport de la commission consultative n'est paru qu'en 1997 et n'a reçu de suite qu'en 1999. Aucun de ces deux rapports n'a comporté d'annexe relative à la participation des collectivités locales à des opérations relevant des compétences de l'Etat.

L'article 2 de la proposition de loi a pour objet de mettre un terme aux dérives constatées en donnant une valeur constitutionnelle à des règles qui n'ont jusqu'à présent qu'une valeur législative.

Le premier alinéa de l'article 72-2 dans la rédaction résultant du présent article précise ainsi que " tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant, par l'Etat, des ressources nécessaires à l'exercice normal des compétences . "

Quant au second alinéa , il établit que " ces ressources assurent la compensation intégrale des charges transférées. L'évolution annuelle du montant de ces ressources est prévue par la loi, par références au taux d'évolution du produit intérieur brut. "

Votre commission des Lois vous suggère, au premier alinéa , de prendre en compte, outre les charges résultant des transfert de compétences, toute charge imposée aux collectivités territoriales par des décisions prises par l'Etat. Cette précision permettra de couvrir les charges nouvelles qui sont imposées aux collectivités territoriales en dehors des transferts prévus par les lois de décentralisation par des décisions auxquelles elles ne sont pas associées.

En outre, il paraît nécessaire de spécifier que le transfert concomitant et intégral devra porter sur des ressources permanentes, stables et évolutives. Il s'agit par ces précisions de prévenir la pratique trop fréquente consistant à organiser l'érosion progressive des compensations versées aux collectivités territoriales en contrepartie des compétences qui leur sont confiées. Cette exigence vaudra pour toutes les charges imposées quelle qu'en soit la nature.

Dans ces conditions, il ne paraît pas nécessaire de maintenir la seconde phrase du second alinéa qui prévoit une évolution annuelle du montant des ressources compensatrices par référence au produit intérieur brut.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 3
(article 72-3 de la Constitution)
Vote des projets ou propositions de loi relatifs
à l'administration des collectivités territoriales

Cet article insère un article 72-3 dans la Constitution en proposant, dans sa rédaction initiale, de rendre obligatoire le vote en des termes identiques des projets ou propositions de loi relatifs à l'administration des collectivités territoriales.

La définition des compétences des collectivités locales dans un cadre défini par la loi était apparu, au moment de l'adoption des lois de décentralisation comme un progrès, les collectivités territoriales ayant subi par le passé de multiples transferts de charges imposés par l'Etat tutélaire.

Ce rôle dévolu à la loi était d'ailleurs conforme aux principes dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Force est de constater que cette " garantie de procédure " n'a pas suffi à mettre un terme aux transferts de charges imposés en dehors du cadre fixé par les lois de décentralisation.

Le bilan établi par la mission sénatoriale d'information sur la décentralisation met par ailleurs en évidence que plusieurs dispositifs législatifs récents, de par la volonté du Gouvernement et de la majorité de l'Assemblée nationale, ont imposé aux collectivités des contraintes excessives tant en ce qui concerne le contenu des compétences que les modalités de leur exercice.

Cette situation résulte évidemment en premier lieu du caractère elliptique de l'énoncé du principe de libre administration auquel procède l'article 72 de la Constitution.

Les articles 1 er et 2 de la proposition de loi constitutionnelle permettent de combler cette lacune en ce qui concerne l'autonomie fiscale et financière.

Mais le fait que la loi ordinaire, loin d'être protectrice des compétences locales, puisse aboutir au contraire à encadrer de manière de plus en plus stricte les conditions d'action des collectivités locales doit conduire à s'interroger sur les modalités d'adoption des projets et propositions à l'origine de telles dispositions.

En prévoyant que les projets et propositions de loi relatifs à l'administration des collectivités territoriales devront être adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées, le présent article consacrait pleinement le rôle du Sénat comme représentant des collectivités territoriales , mission qui lui est expressément dévolue par l'article 24 de la Constitution.

La décision du Conseil constitutionnel n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 relative à l'élection des Sénateurs a tout récemment réaffirmé ce rôle spécifique reconnu au Sénat par la Constitution et en a tiré toutes les conséquences sur son mode d'élection en considérant que le Sénat devait être élu " par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités. "

La disposition prévue par le présent article était de nature à permettre au Sénat de jouer tout son rôle pour prévenir l'adoption de dispositions de nature à remettre en cause les principes essentiels de la décentralisation.

Votre commission des Lois a néanmoins estimé préférable de privilégier l'application de la procédure applicable aux lois organiques. A cette fin, le texte qu'elle vous soumet précise qu'une loi organique fixe l'organisation et les compétences des collectivités territoriales. En revanche, il ne vise pas les ressources des collectivités territoriales, afin de ne pas remettre en cause les conditions d'adoption des lois de finances telles qu'elles résultent de l'article 47 de la Constitution.

On rappellera qu'en vertu de l'article 46 de la Constitution, les projets ou propositions de loi organique ne sont soumis à la délibération et au vote de la première assemblée saisie qu'à l'expiration d'un délai de quinze jours après leur dépôt.

La procédure de l'article 45 de la Constitution qui décrit le déroulement de la procédure d'examen des projets ou propositions de loi ordinaires est applicable. Toutefois, faute d'accord entre les deux assemblées, le texte ne peut être adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture qu'à la majorité absolue de ses membres. Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu'après déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution.

Votre commission des Lois vous suggère en outre de préciser que les projets de loi ayant cet objet devront être soumis en premier lieu au Sénat. Cette précision consacrerait une pratique fréquente mais non systématique, qui est en accord avec le rôle constitutionnel du Sénat.

Elle vous propose d 'adopter l'article 3 dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 4
(article 34 de la constitution)
Coordinations

Cet article complète les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui réserve au domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, afin de préciser que cette compétence législative devra s'exercer dans le respect des nouvelles règles issues des articles 1 er et 2 de la proposition de loi.

A l'examen, cette disposition n'apparaît pas nécessaire. Sans qu'il soit besoin de le préciser expressément à l'article 34 de la Constitution, la compétence dévolue au législateur par cet article devra nécessairement s'exercer en respectant les règles énoncées aux articles 72-1 à 72-2.

C'est pourquoi, votre commission des Lois vous propose de ne pas retenir cet article dans les conclusions qu'elle vous soumet.

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