EXAMEN EN COMMISSION
I. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mardi 14 novembre 2000 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen des crédits de l'intérieur et de la décentralisation consacrés à la décentralisation, sur le rapport de M. Michel Mercier, rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a rappelé que la plupart des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales évoluaient en fonction de critères prévus par la loi. Il a insisté sur le fait que l'augmentation de 44 milliards de francs de l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales figurant dans le projet de loi de finances pour 2001 s'expliquait essentiellement par l'augmentation des crédits destinés à remplacer d'anciennes recettes fiscales des collectivités locales. Il a indiqué que seulement 53 % des crédits étaient consacrés aux dotations " actives " de l'Etat, le solde étant utilisé pour prendre en charge les compensations d'exonérations fiscales et les dégrèvements d'impôts locaux.
Il a précisé que, au terme de la réforme de la taxe professionnelle, ces proportions seraient inversées, témoignant ainsi de la dépendance financière accrue des collectivités locales à l'égard de l'Etat.
Evoquant l'évolution des dotations comprises dans le périmètre de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, il a indiqué que les règles du contrat de croissance et de solidarité aboutissaient à une indexation de l'enveloppe de 2,32 % en 2001. Il a signalé que l'augmentation de 3,42 % du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) serait partiellement compensée par une baisse de 5,4 % de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), qui est la variable d'ajustement de l'enveloppe normée.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a considéré que les réformes intervenues depuis trois ans en matière de fiscalité locale se traduisaient par une incontestable réduction de l'autonomie fiscale des collectivités locales.
Il a précisé que la part des recettes fiscales dans les recettes totales hors emprunt des communes était revenue de 55 % à 48 %, que les départements avaient enregistré une baisse de 59 % à 43 % et les régions, de 58 % à 36 %. Le rapporteur spécial a rappelé que la France était une république unitaire décentralisée dans laquelle les collectivités locales appliquaient un statut résultant de dispositions légales ou réglementaires. Dans ces conditions, il a considéré que le pouvoir fiscal était un élément essentiel du principe de libre administration des collectivités locales.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a insisté sur le fait que la réduction de l'autonomie fiscale des collectivités locales comportait également des conséquences préjudiciables pour le budget de l'Etat. Il a estimé que l'augmentation rapide du montant des compensations d'exonérations fiscales, qui s'élève désormais à près de 100 milliards de francs, constituait un facteur de rigidité pour les finances de l'Etat, puisque ces crédits constituent des dépenses de fonctionnement incompressibles, dont le montant ne saurait faire l'objet d'un ajustement à la baisse si la situation générale des finances publiques venait à se dégrader.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a observé que les annonces faites par l'Etat n'étaient pas toujours suivies d'effet. Il a remarqué que la probable stagnation du montant de la dotation de solidarité urbaine (DSU) en 2001 contrastait avec les discours du Gouvernement en matière de politique de la ville. Il a expliqué cette stagnation par la non-reconduction des financements extérieurs à la DGF qui avaient été mis en place en 2000.
Le rapporteur spécial a par ailleurs noté que l'objectif de péréquation entre les collectivités était plus présent dans les discours que dans la réalité. Par exemple, il a indiqué que la majoration du montant de la dotation de solidarité rurale (DSR) prévue par le projet de loi de finances pour 2001 serait financée par un prélèvement sur un autre dispositif péréquateur, le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP).
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a évoqué l'annonce, par le ministre de l'intérieur, de la prolongation d'un an du contrat de croissance et de solidarité. Il a regretté que cette décision conduise à reporter le nécessaire débat sur le financement des structures intercommunales et s'est demandé quel serait le taux d'indexation de l'enveloppe normée en 2002.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a indiqué qu'il s'était rendu au ministère de l'intérieur pour tenter de comprendre les raisons des retards enregistrés dans la notification, aux collectivités locales, de leurs attributions de DGF. Il a constaté que ceux-ci s'expliquaient largement par la grande complexité des critères de répartition des dotations et par les difficultés pratiques rencontrées par la direction générale des collectivités locales pour rassembler les informations nécessaires.
M. Yann Gaillard a considéré que l'archaïsme des impôts locaux était l'une des raisons qui poussait le Gouvernement à les supprimer. Il a estimé que, seule, une modernisation de la fiscalité locale permettrait d'enrayer la perte d'autonomie fiscale des collectivités locales.
M. Maurice Blin a estimé que la pression fiscale locale augmentait plus vite que la pression fiscale d'Etat.
M. Alain Lambert, président, s'est interrogé sur l'avenir de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle. Il a par ailleurs observé que la modification du mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale (CIF) opérée par la loi du 12 juillet 1999 produisait des effets négatifs, tels que le démantèlement inorganisé des syndicats de traitement des ordures ménagères.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a jugé nécessaire une modernisation de la fiscalité locale. Il a cependant relevé que l'augmentation de la pression fiscale locale jusqu'au milieu des années 90 s'expliquait largement par les transferts de charges opérés par l'Etat. Il a ajouté que, malgré la stabilisation de la pression fiscale locale au cours des années récentes, le taux national des prélèvements obligatoires avait atteint son niveau le plus élevé en 1999.
Evoquant l'avenir de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle, il a rappelé que celle-ci serait intégrée à la DGF à compter de 2004, selon des modalités qui n'ont pas encore été définies.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a jugé que le mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale restait à parfaire, mais que les améliorations apportées devraient résulter d'une analyse approfondie. Malgré les injustices qu'elle peut parfois entraîner, il a plaidé en faveur d'une stabilisation de la situation actuelle pendant une durée suffisamment longue pour que la réforme du CIF puisse être suffisamment mûrie.
Pour conclure, le rapporteur spécial a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la décentralisation.
La commission a alors décidé de réserver sa position jusqu'à l'examen des crédits de la sécurité, le président Alain Lambert rappelant que les crédits du ministère de l'intérieur ne feraient l'objet que d'un seul vote.