EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(article premier de la loi du 31 décembre
1913
sur les monuments historiques)
Classement d'ensembles
composés de biens meubles et immeubles
Publicité du classement
de biens assimilés
à des immeubles par
nature
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article, qui modifie l'article premier de la loi de 1913, introduit deux
des innovations principales prévues par la proposition de loi, qui sont
aussi celles qui posent les problèmes juridiques les plus
sérieux :
- son 1° insère dans cet article un septième alinéa
nouveau prévoyant le classement « d'ensembles
mixtes » associant des biens mobiliers et immobiliers ;
- son 2°, qui complète l'article premier par un alinéa
nouveau, prévoit l'intervention de mesures particulières de
publicité des décisions de classement de biens assimilés
à des immeubles par nature. Il introduit ainsi une autre innovation, le
« changement de régime » des biens immeubles par
destination, considérés comme appartenant à la
catégorie des objets mobiliers par la loi de 1913 et qu'il est
proposé d'assimiler à des immeubles par nature et de soumettre
par conséquent aux dispositions du chapitre Ier de la loi de 1913.
1. Le classement « d'ensembles mixtes »
Le texte proposé pour le septième alinéa nouveau de
l'article premier de la loi de 1913 prévoit la possibilité de
classer des « ensembles mixtes » composés, d'une
part, d'un immeuble par nature et, d'autre part, des immeubles par destination
et meubles par nature qui lui sont rattachés par des
«
liens historiques, artistiques, scientifiques ou techniques
donnant à cet
ensemble une cohérence
exceptionnelle
». L'ensemble, y compris ses
éléments mobiliers, serait «
réputé
immeuble
» pour l'application de la loi de 1913.
Votre rapporteur a souligné, dans l'exposé général
du présent rapport, l'imprécision de la définition des
ensembles mixtes susceptibles de classement et les servitudes très
lourdes qu'entraînerait le classement d'un ensemble mixte, dont de
surcroît tous les éléments n'appartiendraient pas
forcément au même propriétaire.
Il est à noter en outre que si l'immeuble et tout ou partie des autres
composantes de l'ensemble sont déjà classés, il faudra,
pour les classer comme « ensemble mixte » procéder
à un nouveau classement de l'ensemble, selon la procédure
applicable aux immeubles.
Il a également énuméré tous les
inconvénients qui s'attachent à la qualification
« d'immeuble par détermination de la loi »
conférée à l'ensemble :
- impossibilité d'indemnisation en cas de classement d'office ;
- possibilité d'exproprier les immeubles par destination et meubles en
même temps que l'immeuble, selon une procédure non
précisée
8(
*
)
;
- statut « hybride » des meubles intégrés
dans un ensemble mixte, qui seraient réputés immeubles pour
l'application de la loi de 1913, mais resteraient meubles pour l'application du
reste de la législation.
2. La publicité du classement des immeubles par destination
rattachés à des immeubles non protégés et des
meubles par nature intégrés à des ensembles mixtes
Le 2° de l'article premier de la proposition de loi traite de la
publicité du classement des « objets mobiliers »
assimilés par la proposition de loi à des immeubles par nature,
c'est-à-dire :
?
les meubles par nature intégrés à un ensemble
mixte
?
les immeubles par destination
, dont on découvre ainsi la
« transformation » en immeubles par nature et
l'assujettissement aux dispositions du chapitre 1° de la loi de 1913, avec
toutes les conséquences que cela comporte :
- classement selon la procédure applicable aux immeubles par nature, et
en même temps que les immeubles par nature, ce qui n'ira pas sans
créer des risques d'insécurité juridique liés au
caractère souvent incertain de la qualification d'immeuble par
destination ;
- interdiction « de principe » de déplacement de
tous les immeubles par destination classés, même s'ils n'ont aucun
lien historique ou artistique particulier avec l'immeuble auquel ils sont
rattachés ;
- absence de droit à indemnisation, en cas de classement d'office, du
préjudice tenant à l'impossibilité non seulement
d'exporter, mais de vendre séparément et même de
déplacer les immeubles par destination classés. En effet, comme
pour des « ensembles mixtes », ne serait indemnisable, en
cas de classement d'office d'immeubles par destination, désormais eux
aussi « réputés immeubles », que le
préjudice résultant «
d'une modification à
l'état ou à l'utilisation des lieux
» ;
- possibilité d'exproprier les immeubles par destination.
On notera que le cas visé au 2° de l'article premier
démontre en outre « par l'absurde » la logique plus
bureaucratique que patrimoniale de l'assimilation des immeubles par destination
à des immeubles par nature.
L'obligation de principe de maintenir le rattachement d'un immeuble par
destination classé à un immeuble non protégé ne
peut en effet se justifier par le souci de ne pas porter atteinte à
l'intégrité de ce dernier qui, par hypothèse, ne
présente aucun intérêt nécessitant sa conservation,
puisqu'il n'est ni classé ni inscrit. Elle se justifie uniquement par la
volonté de maintenir l'objet classé sous le contrôle
étroit des services de la culture.
La servitude de classement des immeubles faisant l'objet d'une publicité
foncière, il convient d'assurer une publicité du classement de
ces deux catégories de biens « réputés
immeubles » -ce qui ne va pas non plus sans quelque absurdité.
Conscient cependant que cette publicité ne pouvait guère se faire
par inscription au bureau des hypothèques, le ministère de la
culture a renvoyé à un décret en Conseil d'Etat le souci
d'en déterminer les modalités, qui ne paraissent pas être
encore très clairement envisagées- et qui doivent être
étudiées avec soin, si l'on ne veut pas que cette
« publicité » bénéficie d'abord aux
spécialistes du vol d'oeuvres d'art.
II. Position de la commission
Les mesures proposées par l'article premier de la proposition de loi
instituent des régimes de servitudes sans indemnisation contraires aux
principes constitutionnels et qui, en dehors même de ce défaut
rédhibitoire, comportent de nombreux inconvénients tant pratiques
que juridiques.
Votre commission vous proposera d'adopter, à l'article 4 et
à l'article additionnel après l'article 4 de la proposition
de loi, des amendements permettant, sans présenter les mêmes
inconvénients, d'assurer le maintien «
in
situ
» des objets mobiliers formant avec un immeuble un ensemble
dont la conservation présente un intérêt public, et de
prévenir le dépeçage des immeubles par destination qui
complètent des immeubles classés.
Elle a en conséquence adopté
un amendement de suppression
de cet article.
Article 2
(article 2 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Modification des dispositions applicables aux
immeubles inscrits
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article modifie les dispositions de l'article 2 de la loi de 1913 relatives
à l'inscription à l'inventaire supplémentaire des
monuments historiques et au régime des immeubles inscrits, en
conséquence des dispositions prévoyant, d'une part, l'extension
aux immeubles inscrits du régime des immeubles classés (cf.
article 3) et, d'autre part, l'extension aux immeubles par destination du
régime des immeubles (cf. article premier).
1. La suppression des dispositions relatives aux travaux sur les immeubles
inscrits
?
Le 1° de l'article 2
supprime la première phrase du
cinquième alinéa de l'article 2 du texte en vigueur qui impose
aux propriétaires d'immeubles inscrits d'aviser quatre mois à
l'avance le préfet de région des projets de travaux susceptibles
de modifier tout ou partie de l'immeuble.
Il supprime du même coup, malencontreusement, la mention de la
notification de l'inscription au propriétaire, notification qui lui rend
opposable cette inscription et constitue par ailleurs le point de départ
du délai de recours.
?
Le 2° de l'article
supprime les sixième et septième
alinéas de l'article 2 de la loi de 1913, qui complètent les
dispositions définissant le régime des travaux sur les immeubles
inscrits :
- le sixième alinéa prévoit que le ministre ne peut
s'opposer aux travaux projetés qu'en engageant une procédure de
classement de l'immeuble ;
- le septième alinéa lui permet toutefois de surseoir pendant
cinq ans, sans engager le classement, aux travaux ayant «
pour
dessein ou pour effet d'opérer le morcellement ou le
dépeçage
» de l'édifice ou de la partie
d'édifice inscrit.
Ces dispositions font donc « disparaître » de
l'article 2 de la loi de 1913 l'ensemble du dispositif relatif aux travaux
sur les immeubles inscrits, qui seraient désormais, aux termes de
l'article 3 (1°) de la proposition de loi, soumis, comme les travaux
sur les immeubles classés, à un régime d'autorisation et
de surveillance de l'administration.
Ce changement radical du régime applicable aux immeubles inscrits n'a
pas fait l'objet de longs développements -c'est le moins que l'on puisse
dire- ni dans le rapport de la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales, ni en séance publique.
La seule explication qui en ait été donnée l'a
été par le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la
décentralisation culturelle, qui s'est contenté d'indiquer, en
conclusion de son analyse des dispositions de la proposition de loi,
qu': «
Enfin, la déclaration préalable
existante de travaux sur les immeubles inscrits sera transformée en
autorisation pour permettre à l'administration une surveillance et un
contrôle des travaux sur les immeubles inscrits de qualité
équivalente à celui existant sur les immeubles
classés
».
Cette « explication » soulève plus de questions
qu'elle n'apporte de réponses :
- la première de ces questions porte évidemment sur la logique de
l'assimilation des « inscrits » aux
« classés » : à quoi bon conserver deux
catégories si c'est pour les soumettre au même
régime ? Que reste-t-il de la différence établie par
la loi entre les immeubles dont un intérêt public justifie la
conservation, et ceux qui «
sans justifier une demande de
classement immédiat
», présentent un
intérêt d'histoire ou d'art «
suffisant pour en
rendre désirable la conservation
» ?
On peut craindre que désormais cette différence ne se
réduise au taux de subvention dont peuvent bénéficier les
travaux, et qui s'élève au plus, pour les immeubles inscrits,
à 40 % de la dépense (10 à 15 % en
réalité).
L'inscription deviendrait donc pour l'Etat un succédané
économique du classement.
On doit rappeler, en outre, que l'inscription à l'inventaire, à
la différence du classement, est faite par un simple
arrêté, que le propriétaire soit ou non d'accord.
- la seconde interrogation porte sur le reproche implicite de
« contrôle insuffisant » des travaux sur les
inscrits, qui ne paraît en rien justifié par la
réalité des faits. Les travaux sur les immeubles inscrits -qui
sont, de quelque nature qu'ils soient, toujours soumis à autorisation
expresse en application du code de l'urbanisme- font en effet l'objet d'une
« double instruction » par les services de la DRAC et, par
l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation
prévue par le code de l'urbanisme. Les prescriptions de l'administration
de la culture sont par ailleurs toujours prises en compte par l'autorité
compétente pour délivrer l'autorisation.
Il n'y a donc aucune raison de considérer que les travaux sur les
immeubles inscrits ne sont pas soumis à un contrôle suffisant.
Les collectivités territoriales ont largement développé
leurs politiques de protection du patrimoine. Disposant de services
compétents, elles sont devenues à la fois les principaux
financeurs des travaux sur les monuments protégés et les
promoteurs de politiques dynamiques et efficaces de restauration du patrimoine
architectural. Dans bien des villes, désormais, la qualité de la
conservation et de la valorisation du paysage urbain et du patrimoine
« non protégé » au titre de la loi de 1913
tranche avec l'aspect des monuments appartenant à l'Etat : trop
d'entre eux, par manque de crédits, menacent ruine ou sont durablement
enfouis sous des échafaudages.
L'Etat n'a déjà plus, dans les faits, le monopole de la
protection du patrimoine. Les collectivités territoriales se sont
largement investies dans ce domaine de l'action culturelle comme dans les
autres, et revendiquent les compétences correspondantes, comme elles
semblent commencer à le faire dans le cadre de l'élaboration des
« protocoles de décentralisation culturelle ». La
résurgence périodique de l'idée de décentraliser la
protection des immeubles inscrits va dans le même sens.
Pour beaucoup de responsables de collectivités territoriales,
l'instauration d'un régime d'autorisation des travaux sur les
« inscrits » aurait comme principal objectif de conserver
à l'Etat un rôle de prescripteur et de cantonner les
collectivités territoriales dans celui de payeur.
2. La publicité des arrêtés d'inscription des immeubles
par destination attachés à des immeubles non
protégés
?
Le 3° de l'article 2
tend à compléter l'article 2
de la loi de 1913 par un alinéa nouveau prévoyant l'intervention
d'un décret en Conseil d'Etat déterminant les modalités de
publicité des arrêtés d'inscription portant sur des
immeubles par destination rattachés à des immeubles qui ne sont
ni classés, ni inscrits.
Cette disposition, comme celle prévue au 2° de l'article premier de
la proposition de loi, entend tirer les conséquences du rattachement des
immeubles par destination au régime des immeubles par nature. Elle
appelle donc les mêmes commentaires.
Mais elle met en outre en évidence une autre conséquence de ce
rattachement : alors que la proposition de loi subordonne l'inscription
à l'inventaire supplémentaire des meubles par nature appartenant
à des personnes privées à l'accord de leur
propriétaire, elle ne soumet pas à la même condition
l'inscription des immeubles par destination, qui pourra, elle, être
prononcée d'office et entraînera par ailleurs, comme leur
classement, l'interdiction de les déplacer -toujours sans aucune
possibilité d'indemnisation pour les servitudes et la
dépréciation de ces biens qui en résulteront.
II. Position de la commission
En cohérence avec les positions qu'elle a prises sur les dispositions
relatives à l'autorisation de travaux sur les immeubles inscrits et sur
l'assimilation à des immeubles des immeubles par destination, votre
commission a adopté un
amendement de suppression
de cet
article.
Article 3
(article 9 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Extension aux immeubles inscrits des servitudes
grevant les immeubles classés - Maintien in situ des
immeubles
par destination et des meubles par nature
inclus dans un
« ensemble
mixte »
Cet
article, qui modifie l'article 9 de la loi de 1913 relatif aux servitudes
s'appliquant aux immeubles classés, a pour objet, d'une part,
d'étendre ces servitudes aux immeubles inscrits et, d'autre part, de
préciser, de manière d'ailleurs parfaitement redondante,
l'obligation de maintien «
in situ
» des meubles et
immeubles par destination inclus dans un « ensemble mixte ».
1. L'extension aux immeubles inscrits du régime des immeubles
classés
En insérant, dans le premier alinéa de l'article 9, les
mots : « ou inscrit » après les mots
« l'immeuble classé » le 1° de l'article
étend aux immeubles par nature et par destination inscrits le champ
d'application des deux premiers alinéas du texte en vigueur de
l'article 9 de la loi de 1913.
Ce qui signifie :
- que la destruction, le déplacement «
même en
partie
», et tout travail de restauration, de réparation
ou toute modification de ces biens seraient désormais soumis à
autorisation de «
l'autorité
compétente
», c'est-à-dire le préfet de
région ou le ministre, s'il a décidé d'évoquer le
dossier, et non plus l'autorité compétente en application du code
de l'urbanisme ;
- que les travaux autorisés s'exécuteront sous la surveillance de
l'administration des affaires culturelles.
Le ministère de la culture affirme que la procédure
d'autorisation de travaux sur les inscrits ne serait pas identique à
celle applicable aux immeubles classés. Mais aucune disposition du texte
n'y fait obstacle, et pourquoi, si tel devait être le cas, avoir
prévu ce régime d'autorisation à l'article 9 de la
loi ? Il aurait été plus simple et plus logique de modifier
son article 2.
Au demeurant, si une procédure spécifique devait être
prévue, on ne sait pas davantage ce que sera cette procédure.
Comment l'autorisation donnée par les services de la Culture
« coexistera »-t-elle avec les procédures
d'autorisation prévues par le code de l'urbanisme applicables aux
travaux sur les immeubles inscrits ? Quels seront les délais, le
délai de quatre mois qui figurait à l'article 2 étant
supprimé ? Comment s'exercera la
« surveillance » de l'administration sur les travaux ?
Ce qui apparaît en tout cas certain, c'est que le régime de
l'inscription, facilement accepté et même demandé par les
propriétaires pour la protection qu'il assure et les servitudes
limitées qu'il entraîne, perdra ses avantages. Avec cette double
conséquence que les propriétaires d'immeubles déjà
inscrits -qui sont dans leur écrasante majorité des communes et
des particuliers- seront soumis aux servitudes qui les auraient sans doute
conduits à refuser le classement, et que les propriétaires
d'immeubles qui mériteraient d'être protégés
éviteront soigneusement, à l'avenir, d'en demander l'inscription.
2. L'obligation de maintien
in situ
des objets mobiliers appartenant
à un ensemble mixte
Le 2° de l'article 3 insère entre les deux premiers alinéas
de l'article 9 de la loi de 1913 -de manière d'ailleurs assez
maladroite et qui imposerait une modification de coordination au
deuxième alinéa de cet article- un alinéa nouveau
prévoyant que les immeubles par destination et les meubles par nature
inclus dans un « ensemble mixte » classé sont
« maintenus
in situ
» et «
ne pourront
être soustraits ni détachés de l'ensemble sans autorisation
de l'autorité compétente de l'Etat
».
Etant donné que ces objets mobiliers, appartenant à un ensemble
« réputé immeuble » et étant
eux-mêmes « réputés immeubles », ne
pourraient, aux termes du premier alinéa de l'article 9 de la loi
de 1913, être «
déplacés
,
même en
partie
» sans autorisation, cette disposition est
superfétatoire.
II. Position de la commission
Afin de conserver le « double degré » de protection
des immeubles qui est un des avantages de la loi de 1913 et qui a joué
un rôle très important dans la protection du patrimoine
bâti, et d'épargner aux propriétaires publics et
privés d'immeubles inscrits les contraintes, les délais et les
frais supplémentaires qui résulteraient pour eux, sans
contrepartie, des dispositions prévues à cet article, votre
commission a adopté un
amendement de suppression
de
l'article 3 de la proposition de loi.
Article 4
(article 14 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Restriction aux meubles par nature du champ
d'application
du régime des objets mobiliers
Classement
d'ensembles mobiliers
Cet
article procède à une nouvelle rédaction, en cinq
alinéas d'une logique juridique un peu hésitante, de
l'article 14, premier article du chapitre II, consacré aux
objets mobiliers, de la loi de 1913.
?
Le premier alinéa
du texte proposé par l'article 4
modifie la définition des objets mobiliers, qui ne comprendraient plus
les « immeubles par destination » et les
« meubles proprement dits » mais seulement ces derniers,
consacrant ainsi la « métamorphose » en immeubles
par nature des immeubles par destination.
Votre rapporteur ne reviendra pas sur les inconvénients et les
conséquences de cette requalification. Il observera simplement qu'il
aurait été plus cohérent avec le choix opéré
par les rédacteurs du texte de remplacer l'expression
d'« objets mobiliers » par celle de « meubles par
nature ».
?
Le deuxième alinéa
prévoit que «
les
effets du classement subsistent pour les parties des immeubles par nature et
des immeubles par destination classés en application de l'article
1
er
». On peut s'étonner que cette disposition
figure dans un article qui ne traite que des meubles, et s'interroger sur sa
portée : signifie-t-elle que les parties d'immeubles ou les
immeubles par destination « détachés » sont
soumis au régime des meubles classés ou qu'ils demeurent soumis
à celui des immeubles ?
?
Le troisième alinéa
prévoit le classement
« d'ensembles historiques mobiliers » définis comme
un « groupe » de biens meubles -car ces ensembles ne
pourront par définition, comme on l'a déjà
souligné, comprendre aucun immeuble par destination- possédant
«
une qualité historique, artistique, scientifique ou
technique et une cohérence exceptionnelle telles que le maintien de son
intégrité présente un intérêt
public
».
Cette rédaction n'est pas précisément
élégante, mais elle est, il convient de le souligner, infiniment
plus exigeante que celle des ensembles mixtes, puisqu'elle prévoit que
l'ensemble doit être de qualité, et sa conservation
présenter un intérêt public.
En revanche, son intérêt pouvant être, comme celui des
« objets mobiliers », d'ordre historique, artistique,
scientifique ou technique, on ne comprend pas pourquoi l'ensemble devait
être dénommé : « ensemble historique
mobilier » : l'appellation d'ensemble mobilier paraît
suffisante, et cohérente avec celle des objets mobiliers classés,
qui ne sont pas qualifiés « d'objets historiques
mobiliers ».
9(
*
)
?
Le quatrième alinéa,
qui reprend les termes du
troisième et dernier alinéa du texte en vigueur, signifie que,
dès la notification à son propriétaire d'une proposition
de classement d'un objet ou d'un ensemble mobilier, tous les effets du
classement s'appliquent à cet objet ou ensemble pendant une durée
d'un an, si la décision de classement n'est pas intervenue pendant ce
délai.
Cette disposition, qui équivaut à un « classement
d'office provisoire » d'un an paraît en contradiction avec le
souci affiché (et affirmé à l'article 6 de la
proposition de loi) de ne pas classer d'ensemble mobilier appartenant à
une personne privée sans l'accord de son propriétaire.
Votre commission vous proposera donc de limiter aux objets mobiliers le champ
d'application de « l'instance de classement ».
? Enfin,
le cinquième alinéa
du texte proposé
prévoit que «
les dispositions du présent
chapitre »
-c'est-à-dire celles applicables aux objets
mobiliers désormais entendus comme des meubles par nature- sont
applicables «
aux immeubles par destination nécessaires
à l'exercice du culte
».
Cette disposition énigmatique mérite une explication.
Au lendemain de la dernière guerre, deux sociétés
coopératives diocésaines de reconstruction des édifices et
du mobilier religieux du Calvados avaient formé un recours pour
excès de pouvoir contre un arrêté du ministre de la
reconstruction approuvant un additif, relatif aux édifices cultuels, au
bordereau général des prix forfaitaires des
éléments de reconstitution des immeubles bâtis. L'un des
motifs invoqué par les sociétés requérantes tenait
à ce que cet additif ne prévoyait pas d'évaluation
distincte selon la nature mobilière ou immobilière des
différents éléments du dommage.
Le Conseil d'Etat avait considéré que «
les meubles
nécessaires à l'exercice du culte constituent, en raison du lien
étroit qui existe entre eux et l'édifice qu'ils garnissent, des
immeubles par destination au sens de l'article 524 du code
civil
» -c'est-à-dire des « accessoires de
l'exploitation ». Et il avait, sur le fondement de ce raisonnement,
rejeté la requête (décision du 22 juin 1946, Rec.
Lebon p. 262).
Manifestant un respect estimable encore que peut-être excessif de
l'autorité de la chose jugée, l'administration de la culture
considère depuis cet arrêt que les objets cultuels classés
doivent être regardés, pour l'application de la loi de 1913 comme
pour celle de la réglementation applicable au calcul des dommages de
guerre, comme des immeubles par destination.
Ce qui conduit à se demander avec quelque inquiétude selon quels
critères seraient définis les immeubles par destination qui
seraient soumis au régime des immeubles par nature.
En tout cas, les raisons conduisant à renoncer à
considérer les objets du culte comme des immeubles par destination ne
sont pas moins obscures que celles qui ont conduit à les inclure dans
cette catégorie.
II. Position de la commission
Votre commission vous propose :
? de maintenir les immeubles par destination dans le champ d'application du
chapitre II de la loi de 1913 afin :
- de ne pas interdire toute indemnisation du classement d'office d'un immeuble
par destination, et de ne pas imposer l'inscription à l'inventaire
supplémentaire, sans l'accord de leur propriétaire, d'immeubles
par destination appartenant à des personnes privées ;
- d'éviter tout risque que le classement d'un immeuble puisse être
considéré comme s'étendant à tous les immeubles par
destination qu'il contient, ce qui serait une source d'insécurité
juridique excessive pour les propriétaires ;
- de ne pas introduire, dans la définition des servitudes
imposées aux propriétaires, d'incertitudes liées à
celles qui peuvent affecter la définition des « immeubles par
destination » ;
- de permettre le classement d'« ensembles mobiliers
classés » comprenant aussi bien des immeubles par destination,
-boiseries, consoles, miroirs ou autres éléments
décoratifs- que les meubles auxquels ils sont assortis.
? de prévoir que la décision de classement des immeubles par
destination qui constituent le complément ou l'ornement de l'immeuble
auquel ils sont attachés (statuaire, manteaux ou plaques de
cheminées, stucs,...) puisse soumettre à autorisation leur
détachement de cet immeuble ;
? de ne pas étendre aux ensembles mobiliers, qui ne peuvent être
classés qu'avec l'accord de leur propriétaire, les servitudes
liées à l'instance de classement.
Telles sont les préoccupations auxquelles entend répondre
l'amendement
proposant une nouvelle rédaction de l'article 4
que votre commission vous demande d'adopter.
Article additionnel après l'article 4
(article 14-1 (nouveau) de la
loi du 31 décembre 1913)
Servitude d'affectation à un
immeuble classé
des objets mobiliers classés formant avec cet
immeuble un ensemble dont la conservation est d'intérêt
public
Cet
article additionnel a pour objet d'insérer après
l'article 14 de la loi de 1913 un article 14-1 (nouveau) proposant un
dispositif permettant la conservation d'ensembles remarquables associant un
immeuble, des immeubles par destination et des meubles proprement dits sans
présenter les inconvénients du classement « d'ensembles
mixtes ».
? Il prévoit la possibilité de grever les objets mobiliers
constituant avec un immeuble un ensemble dont la conservation, en raison de sa
qualité et de sa cohérence exceptionnelles, serait
d'intérêt public, d'une
servitude d'affectation
à
cet immeuble.
Cette nouvelle servitude d'intérêt public aurait la même
efficacité, pour la conservation de l'ensemble, que la procédure
de classement d'ensemble mixte prévue par le texte de l'Assemblée
nationale : les meubles et immeubles par destination affectés
à l'immeuble ne pourraient en être détachés sans
autorisation et devraient être maintenus «
in
situ
».
En revanche, elle ne modifierait pas la nature juridique des objets mobiliers
qu'elle grèverait et elle permettrait, surtout, une indemnisation du
propriétaire, dans les conditions prévues à
l'article 16 de la loi, si elle était prononcée sans son
accord.
? En raison même du fait que la servitude d'affectation
immobilière ferait peser les mêmes sujétions sur les
propriétaires que le classement d'un ensemble mixte, votre commission
estime indispensable qu'elle ne puisse être
prononcée que par
décret en Conseil d'Etat
-même si le propriétaire n'y
est pas opposé. Il importe en effet que des servitudes aussi lourdes ne
puissent pas être instituées sans qu'ait été
vérifiée l'existence de l'intérêt public qui les
justifie.
La procédure du décret en Conseil d'Etat offrira une garantie
à cet égard, et elle paraît tout à fait envisageable
compte tenu du caractère exceptionnel que devrait revêtir cette
servitude -rappelons que le ministère de la culture ne prévoit
pas de procéder à plus de cinq classements
d'« ensembles mixtes » par an.
? La servitude pourrait être prononcée
en même temps que
le classement ou postérieurement à celui-ci
, ce qui
permettrait de ne pas recommencer une procédure de classement pour
affecter des objets déjà classés à un immeuble.
? Enfin, il est prévu que la servitude puisse être levée
dans des conditions symétriques de celles prévues, à
l'article 24 de la loi de 1913, pour le déclassement des objets
mobiliers.
Tel est l'objet de
l'amendement
que votre commission vous demande
d'adopter.
Article 5
(article 15 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Classement des ensembles
mobiliers
appartenant à une personne
publique
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article reprend l'article 15 de la loi de 1913, relatif à la
procédure de classement des objets mobiliers appartenant à une
personne publique, afin :
- de préciser, ce qui était effectivement souhaitable, que sont
visées à cet article toutes les collectivités
territoriales, et pas seulement les départements et les communes ;
- d'étendre le champ d'application de la procédure de classement
aux ensembles mobiliers classés : on notera cependant que cette
extension aurait nécessité une mention de ces ensembles, qui a
été omise, dans la première phrase du second alinéa
de l'article.
II. Position de la commission
Il est inutile de reprendre entièrement le texte de l'article 15
pour lui apporter des modifications ponctuelles à moins, ce qui n'est
pas le cas, de mettre à profit cette réécriture pour
modifier son libellé un peu désuet et pour réviser la
procédure de classement des objets mobiliers appartenant à
l'Etat, qui méconnaît les principes de l'unité de la
personne juridique et du patrimoine de l'Etat.
Votre commission a donc adopté
un amendement
proposant une
nouvelle rédaction de cet article.
Article 6
(article 16 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Classement des ensembles
mobiliers
appartenant à des personnes
privées
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article propose de compléter l'article 16 de la loi de 1913, relatif
à la procédure de classement des objets mobiliers appartenant
à des personnes privées, par un alinéa nouveau
précisant que les ensembles mobiliers «
peuvent être
classés avec le consentement du propriétaire
».
II. Position de la commission
Votre commission a adopté
un amendement
proposant une nouvelle
rédaction de cet article et ayant pour objet :
- d'améliorer la rédaction du premier alinéa de
l'article 16 de la loi de 1913 ;
- d'indiquer plus précisément que les ensembles mobiliers
appartenant à des personnes privées ne peuvent être
classés sans le consentement de leur propriétaire.
Article additionnel après l'article 6
(article 17 de la loi du
31 décembre 1913
précitée)
Coordination
Cet article additionnel a pour objet de préciser que la liste départementale des objets mobiliers classés devra inclure les ensembles mobiliers classés.
Article additionnel après l'article 6
(article 18 de la loi du
31 décembre 1913
précitée)
Coordination
Comme le précédent, cet article additionnel a pour objet d'effectuer des coordinations oubliées. Il modifie l'article 18 de la loi de 1913 pour étendre aux ensembles mobiliers classés les dispositions de cet article relatives à l'imprescriptibilité des objets classés et à l'inaliénabilité des objets classés appartenant à une personne publique.
Article 7
(article 19 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Obligations imposées aux
propriétaires privés d'objets ou d'ensembles mobiliers
classés et d'objets mobiliers
inscrits
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article modifie l'article 19 de la loi du 31 décembre
1913, relatif aux obligations incombant aux propriétaires privés
d'objets classés, dans le sens d'un considérable renforcement de
ces obligations.
1.
Le 1° de l'article
modifie le deuxième
alinéa du texte en vigueur pour étendre au propriétaire
d'un objet inscrit l'obligation, déjà imposée aux
propriétaires d'objets classés, d'avertir l'acquéreur de
cet objet de son inscription. En revanche, il omet d'étendre
également cette obligation aux propriétaires d'ensembles
mobiliers classés.
2. Le 2° de l'article
renforce très sensiblement les
obligations imposées aux propriétaires d'objets classés,
et les étend aux propriétaires d'ensembles mobiliers
classés :
? En premier lieu, il étend aux propriétaires d'objets et
d'ensembles classés des obligations inspirées de celles
imposées par l'article 24 bis de la loi de 1913 aux
propriétaires publics d'objets inscrits (et par l'article 10 de la
proposition de loi aux propriétaires privés d'objets
inscrits...) :
- toute personne se proposant de
« transférer d'un lieu
dans un autre »
un objet ou un ensemble mobilier classé
doit en informer l'autorité administrative au moins deux mois à
l'avance : cette obligation s'imposerait même dans le cas d'un
déplacement temporaire de l'objet (par exemple pour un prêt
à une exposition). Cette contrainte, qui ne sera pas toujours facile
à respecter, est sanctionnée d'une amende de 200 000 F.
On peut s'interroger sur son utilité, comme du reste sur la
capacité de l'administration de la culture à traiter les
informations correspondantes, qui risquent d'être aussi nombreuses que
dénuées d'intérêt...
- toute personne désireuse de vendre un objet ou un ensemble mobilier
classé est également tenue d'en informer l'administration
« deux mois au moins avant de réaliser cette
aliénation ».
Cette obligation (elle aussi
sanctionnée par une amende de 200 000 F) a pour but de
permettre à l'administration de se porter acquéreur de l'objet.
L'idée est intéressante, mais la procédure peu praticable
et votre commission vous en proposera une autre.
En effet, on doit observer que, si l'on sait quand on met un objet en vente, on
ne sait pas forcément quand on conclura la vente. D'autre part, le texte
ne prévoit pas le cas du propriétaire qui n'avait pas
a
priori
l'intention de vendre, mais à qui l'on fait une offre
intéressante qu'il décide d'accepter. Sera-t-il obligé
d'attendre deux mois avant de pouvoir conclure la vente (après avoir
bien sûr prévenu l'administration) ou sera-t-il exposé
à des poursuites ?
Quoi qu'il en soit, la parade sera sans doute vite trouvée : il
suffira aux propriétaires de faire part systématiquement à
l'administration de leur intention de vendre un objet ou un ensemble mobilier,
pour pouvoir le vendre ensuite quand ils voudront et sans être
obligés d'attendre deux mois...
? En second lieu, l'obligation d'informer l'administration en cas
d'aliénation d'un objet ou d'un ensemble classé, est
étendue aux mutations à cause de mort : le ou les ayants
cause devront avertir l'administration de
« toute mutation par
voie de succession »
dans les six mois du décès. Ce
délai est d'ailleurs irréaliste car la succession ne sera
généralement pas réglée à
l'échéance fixée.
II. Position de la commission
Votre rapporteur estime inutiles les nouvelles contraintes imposées par
cet article aux propriétaires d'objets classés, et observe
qu'elles n'inciteront certainement pas les propriétaires d'ensembles
mobiliers remarquables à en proposer ou à en accepter le
classement.
En outre, ces contraintes, qui s'imposeront aux propriétaires d'objets
déjà classés, s'analyseront dans leur cas comme une
aggravation sans contrepartie des servitudes qui leur avaient été
imposées lors du classement.
Enfin, il ne paraît pas de bonne méthode de traiter dans cet
article à la fois des objets inscrits et des objets classés.
En fonction de ces considérations, votre commission a adopté
à cet article
un amendement
proposant une nouvelle
rédaction de l'article 19 :
- les deux premiers alinéas du texte proposé reprennent, en les
étendant aux ensembles mobiliers, les dispositions des deux premiers
alinéas du texte en vigueur ;
- le troisième, en revanche, prévoit, rejoignant le souci de nos
collègues députés de permettre aux collectivités
publiques de se porter éventuellement acquéreurs des objets ou
d'ensembles mobiliers classés, que le vendeur sera tenu d'informer
l'administration, par lettre recommandée, du projet de vente qu'il aura
formé avec un acquéreur. La vente ne sera parfaite que deux mois
après cette notification, laissant ainsi à l'administration le
délai prévu par le texte de l'Assemblée nationale pour
présenter éventuellement une contre-proposition.
Toutefois, si tel était le cas, elle ne disposerait, non plus que dans
le texte de l'Assemblée nationale, d'aucun droit de
préemption : le vendeur resterait parfaitement libre de ne pas
accepter son offre et de conclure la vente avec le premier acquéreur.
En contrepartie, il paraît logique de dispenser le vendeur de
l'obligation d'informer
a posteriori
l'administration de la
réalisation de la vente.
Enfin, votre commission ne juge pas indispensable de faire obligation aux
personnes héritant d'un objet ou d'un ensemble mobilier classé
d'en informer l'administration. Elle laissera donc au gouvernement, s'il le
souhaite, le soin de proposer un amendement rétablissant cette
obligation dans une rédaction plus satisfaisante que celle
adoptée par l'Assemblée nationale.
Article additionnel après l'article 7
(article 20 de la loi du
31 décembre 1913
précitée)
Coordination
Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel tendant à opérer une coordination oubliée à l'article 20 de la loi de 1913, relatif à la nullité des acquisitions d'objets classés appartenant à une personne publique réalisées en violation de l'article 18 : il convient naturellement d'étendre le champ d'application de cet article aux ensembles mobiliers classés.
Article additionnel après l'article 7
(article 21 de la loi du
31 décembre 1913
précitée)
Coordination
Votre commission propose de réparer par cet article additionnel une autre omission fâcheuse du texte de l'Assemblée nationale en étendant aux ensembles mobiliers classés l'interdiction d'exportation des objets mobiliers classés.
Article 8
(article 22 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Autorisation et surveillance du
déplacement d'objets ou ensembles mobiliers classés appartenant
à une personne publique
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article complète l'article 22 de la loi de 1913, relatif
à l'autorisation et à la surveillance des travaux sur les objets
classés, par un alinéa nouveau prévoyant que le
«
transfert d'un lieu à un autre
» d'un objet
ou d'un ensemble mobilier classé appartenant «
à
l'Etat, à une collectivité territoriale ou à un
établissement public
» doit être autorisé et
surveillé par «
l'autorité compétente de
l'Etat »
-qui pourrait ainsi être conduit à se
délivrer des autorisations et à se surveiller lui-même.
Comme l'a expliqué en séance publique le secrétaire d'Etat
au patrimoine et à la décentralisation culturelle, cet
alinéa a pour objet «
de délivrer une autorisation
de déplacement des objets classés appartenant aux
collectivités publiques, afin de permettre à l'administration des
affaires culturelles de contrôler la bonne conservation de l'objet,
notamment lors de prêts pour expositions
».
II. Position de la commission
Notant que ce texte vise essentiellement les collectivités territoriales
et leurs établissements publics, votre commission l'estime inutile. Elle
considère en effet que les collectivités territoriales sont tout
à fait en mesure d'assurer dans de bonnes conditions le
déplacement et la conservation des objets qu'elles prêtent pour
des expositions. Celles qui ne disposeraient pas elles-mêmes des moyens
nécessaires sauront parfaitement prendre l'initiative de rechercher les
conseils et concours techniques nécessaires.
Elle vous proposera en conséquence de ne pas le retenir.
Elle a adopté
un amendement
proposant une nouvelle
rédaction de cet article afin de réparer une coordination
oubliée -une de plus- au premier alinéa de l'article 22 de
la loi de 1913.
Article 9
(article 23 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Récolement des objets mobiliers
classés et inscrits - Droit de réquisition des agents
accrédités du ministre de la
culture
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article reprend en totalité le texte de l'article 23 de la loi
de 1913, à seule fin d'étendre le récolement aux
objets inscrits, de remplacer les termes «
administration des
Beaux-arts
» par les termes «
services du
ministère chargé de la culture
» et de substituer
à la référence au «
ministre des
Beaux-arts
» une référence au
«
ministre chargé de la culture
».
En revanche, la mention des ensembles mobiliers classés a
été oubliée.
On doit également regretter que cette « reprise » de
l'article 23 n'ait pas été l'occasion de revoir les
dispositions de son second alinéa, relatif à l'obligation faite
aux propriétaires détenteurs des objets classés ou
inscrits de les représenter, «
lorsqu'ils en sont
requis
», aux agents accrédités par le ministre de
la culture.
Ce pouvoir de réquisition, qui va au delà d'une mesure de
contrôle administratif, attribué à des agents dont la
qualité et les conditions
d' « accréditation » ne sont pas
précisées soulève un certain nombre de questions.
Quelles sont exactement la justification et la nature de ce « pouvoir
de réquisition » ? Dans quelles conditions
s'exerce-t-il ? Suppose-t-il un droit d'accès des
« agents accrédités » à des locaux
privés, voire à des locaux à usage de domicile ?
L'interprétation que donnait du texte le rapporteur à la Chambre
des députés de la loi de 1913 («
le droit, pour
le ministre, de se faire, à tout moment, notamment en cas de suspicion
de fraude, représenter les objets classés
») de
même que la sanction prévue en cas de refus de répondre
à la réquisition
10(
*
)
renforcent ces interrogations :
ainsi, pour le ministère de la culture, la qualification
délictuelle et le montant de l'amende se justifieraient par le fait que
le défaut de réponse à la réquisition est
considéré comme un indice de la destruction ou de la disposition
frauduleuse de l'objet.
Les mêmes interrogations peuvent être soulevées à
propos de l'article 33 de la loi de 1913 -non modifié par la
proposition de loi- qui confère, sans autre précision, à
des conservateurs ou gardiens «
dûment
assermentés
» le pouvoir de constater par
procès-verbal les infractions aux dispositions de la loi, dont certaines
sont passibles de peines d'emprisonnement.
Il est impératif de sortir de cette confusion en définissant sur
des bases claires les conditions de constatation des infractions à la
loi de 1913, et en entourant des garanties procédurales
indispensables l'intervention des agents
« accrédités » ou
« assermentés » de la culture.
II. Position de la commission
En fonction des considérations qui précèdent, votre
commission a adopté
deux amendements
à cet article :
? le premier est un amendement de coordination étendant aux ensembles
mobiliers classés le récolement prévu au premier
alinéa du texte proposé pour l'article 23 ;
? le second est un amendement de suppression du second alinéa de
l'article 23. Il s'agit d'un « amendement d'appel »
destiné à attirer l'attention du gouvernement sur la
nécessité de proposer, lors du débat au Sénat, un
texte définissant de manière plus satisfaisante,
conformément aux exigences du Conseil constitutionnel (décision
n° 90-281 DC du 27 décembre 1990), les conditions
d'exercice par les agents du ministère de la culture de pouvoirs de
police judiciaire.
Article 9 bis
(article 24 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Coordination
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article additionnel, qui résulte de l'adoption d'un amendement
proposé par MM. Christian Kert et Rudy Salles, étend aux
ensembles mobiliers classés la procédure de déclassement
des objets mobiliers classés prévue par l'article 24 de la
loi de 1913.
II. Position de la commission
Votre commission a adopté à cet article un
amendement
de
coordination.
Article 10
(article 24 bis de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Inscription à l'inventaire
supplémentaire d'objets mobiliers appartenant à une personne
privée
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article prévoit la possibilité d'inscription à
l'inventaire supplémentaire à la liste des objets mobiliers
classés, sous réserve du consentement de leur
propriétaire, d'objets mobiliers appartenant à des personnes
privées
11(
*
)
: il convient
de rappeler que cette réserve ne concerne, dans le texte de
l'Assemblée nationale, que les meubles par nature. L'assimilation des
immeubles par destination aux immeubles par nature permettrait en effet leur
inscription à l'inventaire sans le consentement de leur
propriétaire, aux termes de l'article 2 de la loi de 1913.
Envisagée lors de l'adoption de la loi du
23 décembre 1970 qui a créé l'inventaire
supplémentaire à la liste des objets mobiliers classés
-des amendements avaient été déposés- cette
possibilité avait été écartée par le
gouvernement pour deux raisons, du reste un peu contradictoires :
éviter, d'une part, un « encombrement » dû
à un afflux de demandes et, d'autre part, de «
faire
naître une suspicion à l'égard du caractère purement
scientifique des travaux de pré-inventaire et d'inventaire
général des richesses artistiques de la
France »
12(
*
)
.
Votre commission se félicite que ces préventions ne soient
aujourd'hui plus de mise, car l'inscription volontaire à l'inventaire
-d'ailleurs déjà pratiquée, en fait, pour des immeubles
par destination- peut être un moyen utile de progresser dans la
connaissance, et donc la protection, du patrimoine mobilier privé.
Encore faut-il que les propriétaires ne soient pas dissuadés de
demander ou d'accepter cette inscription.
C'est pourtant ce qui est à craindre compte tenu des contraintes qui
pourraient leur être imposées -l'inscription ne comportant par
ailleurs aucun avantage.
En effet, le texte du gouvernement propose d'étendre aux
propriétaires privés d'objets inscrits les obligations
imposées par la loi de 1970 aux propriétaires publics,
obligations que l'on devrait plutôt songer à réviser
qu'à étendre.
Les propriétaires privés d'objets inscrits seraient ainsi tenus
-sous peine d'une amende de 200 000 F- d'avertir
«
l'Administration
» un mois au moins avant tout
déplacement et deux mois au moins avant toute cession, modification ou
restauration de l'objet.
II. Position de la commission
Votre commission a adopté un
amendement
proposant une nouvelle
rédaction de cet article tendant à :
? maintenir, en cohérence avec les amendements
précédemment adoptés, les immeubles par destination dans
la définition des objets mobiliers ;
? n'imposer aux propriétaires privés d'objets inscrits que des
obligations d'information en cas de vente de l'objet : information de
l'acquéreur sur l'existence de l'inscription, information de
l'administration sur la réalisation de la vente dans les quinze jours
suivant sa conclusion.
Ces obligations devraient en effet suffire pour assurer le
« suivi » de l'objet, sans risquer de dissuader les
propriétaires de demander ou d'accepter l'inscription de leurs biens.
Article 11
(article 25 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Extension aux propriétaires privés
des obligations de garde
et de conservation des objets et ensembles
mobiliers classés
Visite payante des objets
cultuels
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article modifie le premier et le dernier alinéa de l'article 25
de la loi de 1913, relatif aux obligations imposées aux personnes
publiques et établissements d'utilité publique pour assurer la
sécurité des objets classés dont ils sont
propriétaires, affectataires ou dépositaires afin de les mettre
«
à l'abri des intempéries qui peuvent les
détériorer ou du vol qui peut les faire
disparaître
» (Rapport Reinach).
1.
Le 1° de l'article
étend aux personnes privées
cette obligation de garde et de conservation, et celle, corrélative, de
«
prendre à cet effet les mesures
nécessaires
».
Ces obligations ont, au moins pour les collectivités territoriales, une
portée très concrète, puisque les dépenses
correspondant aux aménagements mobiliers nécessaires constituent
pour les départements et les communes des dépenses obligatoires
(alinéa 2 de l'article 25)
13(
*
)
, et peuvent être
exécutées d'office à leur frais (alinéa 3 de
l'article 25). Votre rapporteur s'est donc enquis des conséquences
pratiques que pourrait avoir leur extension aux personnes privées. Il
lui a été répondu qu'elles ne correspondraient, dans leur
cas, qu'à une « obligation morale ». Les obligations
morales n'ayant pas leur place dans la loi, votre commission vous proposera de
ne pas modifier le champ d'application de l'article 25 de la loi
de 1913.
2.
Le 2° de l'article
modifie quant à lui le dernier
alinéa de l'article 25 de la loi de 1913.
Dans le texte en vigueur, cet alinéa prévoit que les
départements et communes peuvent être autorisées par le
préfet, en raison des charges supportées en application de
l'article 25, à établir un droit de visite des objets
classés, dont le montant est fixé par le préfet
après approbation du « ministre des Beaux-arts ».
Ces dispositions, qui résultent, comme le reste de l'article 25, du
texte d'origine de la loi de 1913, ne sont pas compatibles avec celles de
la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et
libertés des communes, départements et régions qui
abrogent toutes les dispositions soumettant à approbation les
délibérations des collectivités territoriales (art. 22
pour les communes, 58-XII pour les départements et 70 pour les
régions).
Il aurait donc été logique de les supprimer.
Ce n'est pas la solution retenue par l'Assemblée nationale, qui en a
proposé, sur la suggestion de M. Marcel Rogemont, une nouvelle
rédaction ayant pour objet, selon le rapport de la commission,
d'autoriser l'Etat à percevoir un droit d'entrée pour la visite
des monuments classés dont il est propriétaire, cette
possibilité étant jusqu'à présent
réservée aux départements et aux communes.
Cette explication n'est pas convaincante : il n'y a besoin d'aucun texte
législatif pour autoriser un propriétaire public ou privé
à faire payer la visite de ses biens.
S'il s'agit en revanche de dispenser l'Etat de respecter les dispositions du
dernier alinéa de l'article 17 de la loi
du 9 septembre 1905 concernant la séparation des
églises et de l'Etat, qui prévoient que la visite des
édifices et l'exposition des objets mobiliers cultuels
«
seront publiques
» et qu'«
elles ne
pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance
», et lui
interdisent donc de faire payer la visite des cathédrales, le texte
proposé ne semble pas permettre d'arriver à ce résultat.
Suivant le principe selon lequel la loi spéciale déroge à
la loi générale, le texte adopté par l'Assemblée
nationale et permettant à l'Etat, de manière
générale, de faire payer la visite des monuments qui lui
appartiennent, ne peut avoir pour effet d'abroger implicitement un texte lui
interdisant, dans certains cas, de le faire.
Si le gouvernement souhaite abroger ou modifier le dernier alinéa de
l'article 17 de la loi de 1905 -qui répondait, il convient de
le souligner, à des préoccupations d'un tout autre ordre que
celles relatives aux recettes encaissées par le centre des monuments
nationaux- il faut donc qu'il le fasse explicitement.
II. Position de la commission
En fonction des observations qui précèdent, votre commission a
adopté
deux amendements
à cet article :
? le premier a pour objet de ne pas étendre aux personnes privées
le champ d'application de l'article 25 de la loi de 1913 ;
? le second tend à supprimer le dernier alinéa du même
article.
Article additionnel après l'article 11
(Intitulé du chapitre
V de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel, qui a pour objet de modifier l'intitulé du chapitre V (dispositions pénales) de la loi de 1913, en conséquence de l'article additionnel qu'elle vous propose d'insérer au début de ce chapitre, qui prévoit la nullité des ventes de biens classés, inscrits ou frappés d'une servitude d'affectation immobilière si le vendeur n'a pas averti l'acquéreur de l'existence du classement, de l'inscription ou de la servitude. Cet article n'étant évidemment pas une disposition pénale, votre commission vous propose d'intituler le chapitre V « Sanctions ».
Article additionnel avant l'article 12
(article 29 A (nouveau) de la loi du
31 décembre 1913 précitée)
Nullité de la
vente d'un bien classé, inscrit ou grevé
d'une servitude
d'affectation immobilière
à défaut d'information de
l'acquéreur
Votre
commission a adopté un amendement tendant à insérer au
début du chapitre V de la loi de 1913 un article 29 A
prévoyant la nullité de plein droit :
- des ventes de biens classés, inscrits ou grevés de la
servitude d'affectation immobilière que votre commission vous propose
d'instituer en insérant dans la loi de 1913 un article 14-1 (nouveau),
lorsque le vendeur n'aura pas informé l'acquéreur de l'existence
du classement, de l'inscription ou de la servitude.
- des conventions établissant une servitude sur un immeuble
classé sans agrément de l'administration.
Cette « sanction » civile a en effet paru plus efficace
à votre commission que les sanctions pénales -au demeurant
disproportionnées- prévues aux 1° et 3° de l'article 12
et au 5° de l'article 13 de la proposition de loi.
En outre, si la vente a eu pour effet de déplacer un immeuble, de
détacher un immeuble par destination en violation d'une décision
de classement, de diviser un ensemble mobilier classé ou de
déplacer un objet mobilier grevé d'une servitude d'affectation
immobilière, le vendeur sera passible des sanctions prévues par
votre commission aux articles 12 et 13 de la proposition de loi, et pourra
être condamné sous astreinte à remettre en place le bien
détaché ou déplacé.
Si le gouvernement tient absolument à sanctionner pénalement le
fait de ne pas informer l'acquéreur des servitudes frappant le bien
vendu, il pourra toujours prévoir par voie réglementaire des
peines contraventionnelles.
Votre commission souhaite en outre poser la question de l'utilité de
sanctionner -de quelque manière que ce soit- le fait de ne pas informer
du classement d'un immeuble l'acquéreur de cet immeuble. En effet, s'il
était utile d'imposer cette information en 1913, ce ne l'est plus
aujourd'hui, la servitude de classement faisant l'objet d'une publicité
qui ne permet guère à l'acquéreur de l'ignorer.
Article 12
(article 29 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Sanctions
pénales
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article propose une nouvelle rédaction de l'article 29 de la loi de
1913, qui punit d'une amende de 25 000 F les infractions aux
dispositions de la loi relatives à la déclaration
préalable des travaux sur les immeubles inscrits, aux conditions
d'aliénation d'un immeuble classé, à la
représentation des objets classés, aux obligations d'information
de l'administration pesant sur les propriétaires d'objets inscrits.
La rédaction proposée porte à 200 000 F le
montant de l'amende. Les conclusions de la commission prévoyaient aussi
une peine de deux ans d'emprisonnement, dont le gouvernement a eu la sagesse de
demander la suppression.
Elle allonge par ailleurs notablement la liste des infractions, dont la
définition laisse souvent à désirer.
Seraient ainsi passibles de la peine de 200 000 F d'amende :
- le fait d'aliéner un immeuble classé, sans informer
l'acquéreur du classement, ou sans notifier l'aliénation à
l'administration ;
- le fait de vendre ou de déplacer un objet ou un ensemble mobilier
classé sans avoir averti l'autorité administrative au moins deux
mois à l'avance ;
- le fait de céder à titre gratuit ou onéreux un objet ou
un ensemble mobilier classé sans notifier la cession dans les quinze
jours à l'autorité administrative ;
- le fait, pour le ou les ayants cause, de ne pas notifier dans les six mois du
décès la mutation par voie de succession d'un objet
classé ;
- le fait pour le propriétaire (qui en l'occurrence sera une personne
morale...), le détenteur, l'affectataire ou le dépositaire d'un
objet mobilier classé appartenant «
à l'Etat,
à une région, à un département ou à une
commune ou à un établissement public
» de le
déplacer sans autorisation de l'autorité compétente de
l'Etat, «
ni hors la surveillance
» de
l'administration des affaires culturelles. (On notera que ces dispositions
prévoient, de manière originale, une responsabilité
pénale de l'Etat).
- le fait de ne pas représenter un objet classé sur
réquisition d' « agents
accrédités » ;
- le fait de déplacer sans autorisation un objet inscrit sans avoir
averti l'administration au moins un mois à l'avance ;
- le fait de céder, de modifier, de restaurer, de réparer un
objet inscrit sans avoir informé l'administration deux mois à
l'avance.
Enfin, le dernier alinéa de l'article prévoit que
«
pour son application
» sont
considérés comme classés les biens dont les
propriétaires ont reçu notification d'une proposition de
classement, d'une intention d'expropriation, ou d'une décision de
classement.
Ces dispositions, qui signifient que les infractions sont également
constituées si le bien est en instance de classement ou d'expropriation,
paraissent négliger le fait que les notifications ne sont faites qu'au
propriétaire, alors que certaines des infractions définies
à cet article peuvent être commises par d'autres que le
propriétaire du bien (il est même prévu, sans doute par
inadvertance, que le dépositaire ou le détenteur d'un objet
inscrit puisse le vendre...).
II. Position de la commission
Votre commission a adopté
un amendement
proposant une nouvelle
rédaction de cet article.
• Le premier paragraphe du texte proposé par cet amendement
définit trois infractions punissables d'une peine d'amende de
200 000 F :
- le fait de détacher un immeuble par destination classé en
violation des conditions imposées par la décision de
classement ;
- le fait de diviser ou de disperser sans autorisation un ensemble mobilier
classé ;
- le fait de déplacer sans autorisation un objet mobilier classé
faisant l'objet d'une servitude d'affectation immobilière.
• Le second paragraphe prévoit qu'en cas de condamnation le
tribunal pourra ordonner la remise en place des objets mobiliers au frais des
délinquants, dans un délai donné et éventuellement
sous astreinte.
Elle estime en effet ce dispositif plus équilibré et mieux
adapté à une répression efficace des infractions aux
mesures de protection des objets mobiliers pouvant porter atteinte à
l'intégrité d'un immeuble classé, à la
cohérence d'un ensemble mobilier ou d'un ensemble associant un immeuble
et des objets mobiliers.
Il ne lui paraît en revanche pas sérieux de définir comme
des délits punissables d'une amende pouvant atteindre
200 000 F de simples manquements aux diverses obligations
d'information qui sont destinées à assurer le
« suivi » des objets ou ensembles mobiliers classés
ou des objets classés, manquements qui ne peuvent guère
être considérés que comme des contraventions qu'il
appartient au pouvoir réglementaire de prévoir.
Elle a en outre préféré, en adoptant l'amendement tendant
à insérer dans la loi un article 29 A,
« sanctionner » par la nullité de la vente le
défaut d'information de l'acquéreur d'un bien classé ou
inscrit.
Enfin, il ne paraît pas possible de définir comme une infraction
le défaut de réponse aux réquisitions d'agents
« accrédités » tant que ce droit de
réquisition ne sera pas clairement établi.
Article additionnel après l'article 12
(article 322-2 du code
pénal)
Destruction, dégradation ou
détérioration
de biens classés ou
inscrits
Le
3° de l'article 322-2 du code pénal punit de trois ans
d'emprisonnement la destruction, la dégradation ou la
détérioration d'un bien -immeuble ou objet mobilier-
classé ou inscrit, y compris, aux termes de son dernier alinéa,
lorsque l'auteur de l'infraction est le propriétaire du bien.
L'article 322-4 punit des mêmes peines la tentative de ces infractions.
Enfin, l'article 322-15 prévoit les peines complémentaires
applicables aux personnes physiques coupables de l'infraction définie
à l'article 322-2 et l'article 322-17 prévoit que les personnes
morales peuvent être reconnues pénalement responsables de cette
infraction : elles encourent alors une peine d'amende de 1,5 million
de francs.
Les associations de défense du patrimoine ont confirmé à
votre commission que ce dispositif permettait de réprimer efficacement
les atteintes à l'intégrité des biens classés ou
inscrits, le juge pouvant en outre ordonner la remise en état des biens
au titre des réparations civiles.
L'article additionnel qu'elle vous propose d'adopter a pour objet de modifier
l'article 322-2 :
- pour permettre de réprimer également la destruction, la
dégradation ou la détérioration d'un ensemble mobilier
classé ;
- pour sanctionner la destruction, la dégradation ou la
détérioration d'un bien en instance de classement ou
d'expropriation par son propriétaire -qui est le seul destinataire de la
notification de proposition de classement ou d'intention d'expropriation et
donc la seule personne à laquelle elle soit opposable.
Article 13
(article 30 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Sanctions
pénales
I.
Commentaire du texte par l'Assemblée nationale
Cet article propose une nouvelle rédaction du premier alinéa de
l'article 30 de la loi de 1913 et le complète par un alinéa ayant
pour objet, comme le dernier alinéa de la rédaction
proposée par l'article 12 pour l'article 29 de la même loi,
de préciser que les infractions définies sont également
constituées si les biens concernés sont en instance de classement
ou d'expropriation.
1. Les dispositions du I de l'article
ont, comme celles de l'article 12
de la proposition de loi, pour objet d'« adapter » la
définition et la sanction de certaines infractions à la loi de
1913 en fonction des nouvelles dispositions contenues dans la proposition de
loi -et d'une conception assez extensive du principe de proportionnalité
des peines.
Seraient en effet punis de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F
d'amende (et non plus d'une amende de 25 000 F) :
- la destruction ou le déplacement, « même
partiel », la restauration, la réparation ou « la
modification quelconque », sans autorisation, d'un immeuble
classé ou inscrit : on observera que la destruction d'un immeuble
ou d'un objet mobilier classé ou inscrit est également
prévue et réprimée par l'article 322-2 du code
pénal ;
- le fait de soustraire ou de détacher sans autorisation un objet
mobilier ou un immeuble par destination d'un « ensemble
mixte » classé ;
- le fait d'exécuter des travaux autorisés sur un immeuble
classé ou inscrit «
sans la surveillance de
l'administration
» ;
- le fait d'édifier sans autorisation une construction neuve
adossée à un immeuble classé ;
- le fait d'établir par convention, sans l'agrément de
l'administration, une servitude sur un immeuble classé ;
- le fait de modifier, réparer, restaurer un objet ou un ensemble
mobilier classé sans autorisation de «
l'autorité
compétente
» ou «
hors la
surveillance
de l'administration
».
Les sanctions proposées semblent à votre commission relever d'une
confusion entre le fait -certes répréhensible- de se dispenser,
en violation de la loi, de demander une autorisation ou un agrément et
ses conséquences possibles- c'est-à-dire la destruction, la
dégradation ou la détérioration d'un bien classé ou
inscrit consécutives aux opérations réalisées sans
cette autorisation ou cet agrément. Ces conséquences, pour votre
commission, doivent être poursuivies et réprimées sur le
fondement des dispositions de l'article 322-2 du code pénal.
II. Position de la commission
Votre commission a adopté à cet article
un amendement
proposant une nouvelle rédaction de l'article 30 de la loi du
31 décembre 1913.
En cohérence avec les amendements précédemment
adoptés par votre commission, le texte proposé :
• punit de 3 ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende le
déplacement d'un immeuble classé, qui n'est pas
réprimé par l'article 322-2 du code pénal ;
• définit comme des délits passibles d'une amende de
50 000 F :
- le fait de modifier un immeuble inscrit sans avoir procédé
à la déclaration préalable prévue par la loi ou en
violation d'une décision de sursis aux travaux projetés
prononcée par le ministre chargée de la culture ;
- le fait de procéder, sans autorisation, sur un immeuble classé
ou en instance de classement, à tous travaux soumis à
autorisation en application du premier alinéa de l'article 9 ;
- le fait d'édifier sans autorisation une construction neuve
adossée à un immeuble classé ou en instance de
classement ;
- le fait de procéder sans autorisation, sur un objet classé ou
en instance de classement, ou sur un ensemble mobilier classé, aux
modifications, restaurations et réparations soumises à
autorisation par l'article 22.
On observera que le montant de l'amende prévue est élevé
pour un simple défaut d'autorisation : votre commission a voulu, en
le fixant à ce niveau, tenir compte du fait que les personnes
concernées peuvent être incitées à se passer des
autorisations exigées, même si elles n'ont aucune intention de
détruire ou d'endommager un bien protégé, pour
échapper aux délais supplémentaires et aux surcoûts
qui caractérisent généralement les travaux
effectués « dans les règles ».
En revanche, elle ne vous propose pas de définir comme un délit
le fait d'exécuter des travaux autorisés «
sans la
surveillance de
l'administration
». D'une part, parce que
ce fait ne saurait en lui-même être constitutif d'une
infraction : il ne pourrait en effet y avoir infraction sans intention de
se dérober à la surveillance prévue. D'autre part parce
que, même dans ce cas, on ne pourrait considérer cette infraction
que comme une contravention- à moins, naturellement, que la
résistance à la surveillance ne prenne, par exemple, la forme
extrême de la rébellion mais il s'agirait alors d'un délit
déjà réprimé par le code pénal...
Article additionnel après l'article 13
(article 30 bis A nouveau de
la loi du 31 décembre 1913)
Remise en état des biens
endommagés aux frais des
délinquants
Cet amendement a pour objet d'insérer après l'article 30 de la loi de 1913 un article additionnel prévoyant qu'en cas de condamnation pour une des infractions définies à l'article 322-2 du code pénal et à l'article 30 de la loi de 1913, le juge pourra ordonner la remise en état des biens aux frais des délinquants, dans un délai donné et le cas échéant sous astreinte.
Article 14
(article 31 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Sanctions pénales de la vente ou de
l'achat illicite
d'un bien classé appartenant à une personne
publique
et de l'exportation d'un bien
classé
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Dans sa rédaction en vigueur, l'article 31 de la loi de 1913 punit d'un
emprisonnement de trois mois et d'une amende de 40 000 francs
l'aliénation ou l'acquisition en connaissance de cause d'un objet
mobilier classé appartenant à une personne publique en violation
de l'article 18 de la loi, ainsi que l'exportation d'un objet mobilier
classé, en violation de son article 21.
Curieusement, alors que la proposition de loi prévoit des peines
extrêmement sévères pour des infractions mineures, elle se
contente de relever à 6 mois d'emprisonnement et 50 000 francs
d'amende les peines prévues à l'article 31.
La rédaction proposée ne mentionne plus l'exportation, mais fait
toujours référence à l'article 21, qui interdit
l'exportation d'objets mobiliers classés.
La vente illicite ou l'exportation d'un ensemble mobilier classé ne sont
pas sanctionnées, ce qui est somme toute logique, puisque la proposition
de loi a également omis de les interdire.
II. Position de la commission
L'article 14 de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992,
relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et
à la complémentarité entre les services de police, de
gendarmerie et de douane, punit désormais de 2 ans d'emprisonnement
et de 3 millions de francs d'amende l'exportation ou la tentative d'exportation
définitive ainsi que l'exportation temporaire ou la tentative
d'exportation temporaire non autorisée de biens classés en
application de la loi du 31 décembre 1913, considérés
comme des trésors nationaux aux termes de l'article 4 de la loi du 31
décembre 1992.
Votre commission a donc adopté
un amendement
proposant une
nouvelle rédaction de l'article 31 et ayant pour objet de punir des
mêmes peines la vente ou l'acquisition illicite d'objets classés
appartenant à une personne publique.
Article 15
(article 34 de la loi du 31 décembre 1913
précitée)
Sanctions pénales des actes de
négligence grave commis
par le conservateur ou le gardien d'un bien
classé
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Dans sa rédaction en vigueur, l'article 34 de la loi de 1913 punit de
3 mois d'emprisonnement et d'une amende de 25 000 francs le
conservateur ou le gardien d'un immeuble ou d'un objet mobilier classé
qui, par suite d'une négligence grave de sa part, aura laissé
«
détruire, abattre, mutiler, dégrader ou
soustraire
» ce bien.
L'article 15 de la proposition de loi porte les peines prévues à
6 mois d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende et
étend l'infraction prévue aux cas de destruction, d'abattage, de
mutilation, de dégradation ou de soustraction d'un ensemble mobilier
classé. Il complète en outre l'article par un second
alinéa prévoyant que l'infraction est également
constituée lorsque le bien a fait l'objet d'une notification de
proposition de classement, d'intention d'expropriation ou de décision de
classement.
II. Position de la commission
Selon le texte en vigueur de la loi de 1913, les sanctions prévues
à cet article ne peuvent s'appliquer qu'à des fonctionnaires ou
agents publics, conservateurs, ou gardiens recrutés dans les conditions
prévues à l'article 27 de la loi, d'immeubles ou d'objets
classés appartenant à une personne publique.
La proposition de loi introduit à cet égard une
ambiguïté en étendant aux personnes privées
l'obligation de garde et de conservation de l'article 25 et n'interdit pas
que l'article 34 puisse désormais s'appliquer, par exemple,
à des gardiens privés qui n'auraient pas les mêmes
qualifications et responsabilités que le personnel visés à
l'article 27 de la loi, ce qui ne paraît pas envisageable.
Par ailleurs, les dispositions du second alinéa du texte proposé
pour l'article 34 ne peuvent être retenues : les notifications
faites aux propriétaires ne sont en effet opposables qu'à ces
derniers, et non à leurs préposés.
En fonction de ces considérations, votre commission a adopté
un
amendement
qui a pour objet d'améliorer la
rédaction de cet article et de limiter la définition de
l'infraction aux actes de négligence grave commis par des conservateurs
ou des gardiens de biens classés appartenant à une personne
publique et ayant entraîné la destruction, la dégradation,
la détérioration ou la soustraction de ces biens.
Article 16
(article 34 bis et article additionnel de la loi
du 31
décembre 1913 précitée)
Compétence du
ministre chargé de la culture
pour ordonner la remise en état
de biens classés
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article comporte deux paragraphes :
• Son paragraphe I
réécrit l'article 34 bis de
la loi de 1913 -qui dans sa rédaction en vigueur prévoit un
doublement, en cas de récidive, des peines prévues par les
dispositions pénales de la loi. Le texte proposé pour remplacer
ces dispositions reprend celui de l'« article additionnel »
qui donne -curieusement- compétence au ministre des beaux arts pour
faire rechercher «
partout où ils se
trouvent
» les édifices ou parties d'édifices
«
morcelés ou
dépecés
»
en violation de la loi, et en ordonner la remise en place aux frais des
délinquants «
vendeurs et acheteurs pris
solidairement
», sous la direction et la surveillance de son
administration. Il le complète -à juste titre- pour
prévoir les cas de dépeçage et de morcellement d'un
« ensemble mixte » ou d'un ensemble mobilier classé.
• Le paragraphe II
de l'article abroge en conséquence
« l'article additionnel », qui d'ailleurs ne
s'insère pas après l'article 34 bis mais après
l'article 35 (lui-même abrogé) de la loi de 1913.
II. Position de la commission
Les compétences prévues à l'article 34 semblent devoir
être celles d'un juge plutôt que du ministre de la culture.
Votre commission, ayant prévu, par les amendements adoptés
à l'article 12 (article 29 de la loi de 1913) et après
l'article 13 (article 30 bis A (nouveau) de la loi de 1913) que le
tribunal puisse ordonner la remise en place ou en état par les
condamnés des biens déplacés ou endommagés à
l'occasion des infractions prévues par ces articles, a adopté en
conséquence à cet article
un amendement
prévoyant
l'abrogation de l'article 34 bis et de l'article additionnel.
Article 17
(article 35 de la loi du 31 décembre
1913)
Responsabilité pénale des personnes
morales
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article rétablit l'article 35 de la loi de 1913, abrogé par
la loi du 16 décembre 1992, relative à l'entrée
en vigueur du nouveau code pénal, dans une rédaction
prévoyant la responsabilité pénale des personnes morales
pour les délits prévus aux articles 29, 30, 30 bis, 31 et 34 de
la loi.
La peine encourue par les personnes morales est l'amende, à un taux
maximal égal au quintuple de celui prévu pour les personnes
physiques.
II. Position de la commission
Votre commission a adopté
deux amendements
à cet
article :
• le premier est un amendement rédactionnel ;
• le second a pour objet de supprimer la référence à l'article 34 : il ne semble pas en effet que l'infraction prévue à cet article, qui sanctionne les négligences graves des conservateurs et des gardiens de biens publics classés, puisse être commise par une personne morale.
Article 18
(article 2-20 (nouveau) du code de procédure
pénale)
Droit des associations agréées
d'exercer
les droits reconnus à la partie
civile
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article reconnaît aux associations de défense du patrimoine
déclarées depuis au moins trois ans et agréées
à cet effet par le ministre chargé de la culture le droit de se
constituer partie civile pour les infractions aux lois de protection du
patrimoine.
II. Position de la commission
Au niveau des principes, la multiplication des textes permettant aux
associations d'exercer les droits reconnus à la partie civile n'est pas
à encourager et n'est pas, non plus, parfaitement cohérente avec
le principe selon lequel « nul ne plaide par procureur ».
Au cas particulier, cependant, on ne peut qu'approuver cette disposition, qui
figurait dans la proposition de loi initiale, compte tenu de l'excellent
travail accompli par les associations de défense du patrimoine, qui
agissent certainement plus efficacement pour la prévention et la
répression des infractions aux lois protégeant le patrimoine que
le ministère de la culture lui-même.
Votre commission a donc adopté cet article sans modification.
Article 19
(article 40 (nouveau) de la loi du 31 décembre
1913)
Rétroactivité des dispositions de la proposition de
loi
assimilant les immeubles par destination
aux immeubles par
nature
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article donne une portée rétroactive à la
« transformation » en immeubles par nature des immeubles
par destination.
Il prévoit en effet que les dispositions du chapitre Ier de la loi de
1913 s'appliquent à tous les immeubles par destination
régulièrement classés avant la promulgation de la
proposition de loi -à l'exception des immeubles par destination
« nécessaires à l'exercice du culte », qui
comme le prévoit l'article 4, retrouveraient leur nature
mobilière...
Cette disposition, qui aggraverait considérablement les servitudes des
propriétaires des objets concernés sans leur rouvrir de droit
à indemnisation, est inacceptable.
On notera de surcroît que les auteurs du texte n'ont pas songé
à exclure que cette rétroactivité puisse avoir des
conséquences pénales.
II. Position de la commission
Votre commission a adopté un
amendement de suppression
de cet
article.
Article 19 bis
(article 795 A du code général des
impôts)
Modification des conditions d'exonération des
droits de mutation
des immeubles classés ou inscrits ouverts au
public
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
L'article 5 de la loi de programme n° 88-12 du 5 janvier 1988
relative au patrimoine monumental a inséré dans le code
général des impôts un article 795 A
prévoyant un régime d'exonération des droits de mutation
à titre gratuit pour les immeubles classés ou inscrits et les
meubles qui « en constituent le complément historique ou
artistique » dont les héritiers, donataires et
légataires ont souscrit avec l'Etat une convention assurant l'ouverture
de ces biens au public.
Ce dispositif n'a rencontré qu'un très médiocre
succès -46 conventions signées à ce jour dont 23
portant à la fois sur des biens meubles et immeubles- en raison, d'une
part, de la lourdeur des obligations imposées au propriétaire des
biens exonérés et, d'autre part, du risque qu'ils courent de se
voir réclamer, s'ils cessent de faire face à ces obligations, des
droits dont le montant croîtra en proportion du temps pendant lequel ils
auront respecté leurs engagements.
L'article 19 bis de la proposition de loi ne lève pas plus le premier de
ces obstacles au succès des conventions d'ouverture au public que
l'article 19 ter ne supprime le second.
L'article 19 bis de la proposition de loi apporte deux aménagements au
dispositif de l'article 795-A CGI : le premier n'apporte aucune
véritable réponse au problème posé par les termes
des conventions d'ouverture au public, le second paraît quant à
lui susceptible de restreindre encore l'application de ce dispositif.
1. La possibilité d'opter pour un régime d'exonération
partielle des droits en contrepartie d'une moindre durée d'ouverture au
public
Le dispositif actuel
L'article 795-A subordonne la possibilité d'une exonération
totale des droits de mutation à la conclusion avec l'Etat d'une
convention à durée indéterminée dont les clauses,
conformes à des dispositions types approuvées par décret,
doivent prévoir le maintien dans l'immeuble des meubles
exonérés et leurs conditions de présentation, les
modalités d'accès du public ainsi que les conditions d'entretien
des biens exonérés.
Ce dispositif impose des sujétions très lourdes aux
propriétaires :
- la signature d'une convention à durée
indéterminée qui doit au moins s'appliquer, pour que
l'exonération des droits correspondants à la première
mutation soit acquise, jusqu'au décès du dernier des signataires,
est un engagement que beaucoup hésitent à prendre, notamment en
raison des conséquences déjà évoquées d'une
cessation d'application de la convention ;
- la durée minimale d'ouverture annuelle, qui résulte
actuellement de la convention type annexée au décret
d'application de l'article de la loi de programme (décret n° 88-389
du 21 avril 1988) est importante. Le monument doit en effet être
accessible à la visite soit 100 jours au moins, dont les dimanches
et jours fériés, pendant les mois d'avril à octobre
inclus, soit 80 jours au moins pendant les mois de juin à
septembre, la tenue de manifestations culturelles ou éducatives pouvant,
si le contrat le prévoit, réduire d'une journée par
manifestation ou représentation la durée d'ouverture.
Ces conditions d'ouverture sont très difficiles à remplir, les
monuments n'étant plus que rarement habités toute l'année
et leurs propriétaires ayant d'autres occupations que d'en organiser la
visite. Elles imposent par ailleurs des charges importantes de gardiennage et
de sécurité sans pour autant éliminer les risques accrus
de vol qu'encourt inévitablement un monument dont l'ouverture au public
facilite le « repérage » du contenu.
Les aménagements proposés
Le texte adopté par l'Assemblée nationale ne remet pas en cause
la durée indéterminée de la convention, et comporte en
outre l'inconvénient d'inscrire dans la loi la durée d'ouverture
actuellement requise pour bénéficier de l'exonération
totale des droits de mutation.
Il ouvre simplement une option pour un régime d'exonération de
50 % des droits de mutation pour une ouverture au public de 30 jours au
moins par an, la période de l'année pendant laquelle cette
durée d'ouverture doit être assurée n'étant pas
précisée.
Ce régime « optionnel », contrairement à ce
qu'a affirmé le gouvernement, ne semble répondre à aucune
« demande » exprimée par les propriétaires et
l'on ne dispose d'aucune indication sur son incidence possible sur le nombre
des conventions. Reste également à savoir si l'exonération
de moitié des droits de succession suffira à éviter le
risque de vente du bien et de dispersion de son contenu, ce qui était
aussi un des objectifs recherchés lors de l'adoption de l'article 795-A.
Le nouveau régime pourra s'appliquer aux mutations intervenant à
compter de la publication de la loi. Mais le II de l'article 19 bis
prévoit aussi une possibilité de passage
« progressif » d'un régime à l'autre. Dans le
cas où serait en cours une convention signée par plusieurs
donataires, légataires, ou héritiers, les héritiers d'un
cosignataire décédé pourront par exemple opter pour le
nouveau régime -l'ancienne convention continuant néanmoins de
s'appliquer jusqu'au décès du dernier signataire- ce
mécanisme pouvant permettre, à terme, si les héritiers des
autres signataires choisissent à leur tour la même option, un
passage au nouveau régime.
Un passage « non progressif » du régime actuel au
nouveau régime n'est en revanche guère envisageable, car les
signataires de la convention en cours se verraient immédiatement
réclamer, avec intérêts, le paiement de la moitié
des droits de mutation.
2. La nouvelle définition des biens meubles susceptibles de
bénéficier de l'exonération des droits de mutation
Dans sa rédaction en vigueur, l'article 795-A du CGI dispose que peuvent
bénéficier de l'exonération prévue des droits de
mutation les biens meubles qui constituent « le complément
historique ou artistique » de l'immeuble ouvert au public, même
si ces biens ne sont pas classés : leur exonération est
simplement subordonnée à l'acceptation par l'Etat de leur
inclusion dans la convention, et à la condition qu'ils soient maintenus
dans l'immeuble pendant la durée de celle-ci.
Même s'ils ne sont pas de grande valeur artistique ou historique, ces
meubles contribuent en effet à l'intérêt et à
l'agrément de la visite, en rendant les lieux
« vivants ».
Le texte adopté par l'Assemblée nationale supprime cette
possibilité, et réserve la possibilité
d'exonération aux biens meubles classés ou inscrits et aux
ensembles mobiliers classés.
Cette disposition ne paraît être d'aucune utilité -si les
services du ministère de la culture estiment qu'un meuble doit
être classé ou inscrit, ils peuvent subordonner son inclusion dans
la convention à son inscription ou à son classement.
En revanche, elle conduira inévitablement à la dispersion des
meubles non exonérés, dont le maintien dans les lieux ne sera
plus exigé par la convention et qui pourront les quitter lors des
successions.
Elle conduira du même coup à retirer tout intérêt
à l'ouverture au public, que n'attire guère la visite d'un
bâtiment démeublé.
II. Position de la commission
Votre commission a adopté à cet article
un amendement
rétablissant la possibilité d'étendre l'exonération
des droits de mutation aux meubles non protégés mais qui
constituent néanmoins « le complément historique ou
artistique » des immeubles où ils sont installés.
Article 19 ter
(article 1727 A du code général des
impôts)
Dégressivité du taux des
intérêts de retard exigés en cas
de dénonciation
des conventions prévues à l'article
795 A CGI
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
L'administration fiscale considère que si la convention prévoyant
l'ouverture au public d'un monument protégé cesse de s'appliquer,
elle est « invalidée » et que les droits de mutation
-qui sont pourtant, aux termes de l'article 795 A, établis sur la
valeur des biens au jour où la convention n'est pas
respectée
14(
*
)
- doivent
être augmentés d'intérêts de retard calculés
à compter de la date de la mutation.
En conséquence :
- la somme à payer est d'autant plus élevée que la
durée d'application de la convention a été plus
longue ;
- la dette fiscale peut excéder la valeur des biens, et en tout cas
être assez importante pour contraindre à la vente de l'immeuble et
à la dispersion de son contenu, ce que le législateur de 1988
souhaitait précisément éviter.
Cette interprétation de l'article 795 A, qui a évidemment
joué un rôle essentiel dans l'insuccès du dispositif
adopté en 1988, peut également être à l'origine de
situations particulièrement choquantes en équité, dont on
connaît déjà au moins un exemple.
L'article 19 ter ne remet pas en cause cet « effet
pervers » mais il en limite les conséquences.
Il prévoit en effet que l'intérêt de retard -qui est de
9 % par an- sera décompté à ce taux pour la
première annuité de retard, mais sera, pour les années
suivantes, réduit d'un dixième par annuité
supplémentaire écoulée. Comme l'a souligné le
gouvernement lors du débat à l'Assemblée nationale, il ne
serait ainsi «
plus perçu d'intérêts de retard
pour la période de respect suivant la dixième
année
».
II. Position de la commission
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale peut certes
être considéré comme un progrès par rapport à
la situation actuelle.
Mais cette « concession » obtenue du ministère des
finances doit être examinée de plus près.
Elle appelle en effet deux remarques :
- elle confirme une interprétation contraire à l'esprit, et
même à la lettre, des textes ;
- elle pourrait simplement être un moyen de
« tourner » une jurisprudence récente de la Cour de
cassation, qui a jugé que les intérêts moratoires
n'étaient dus qu'à compter du jour où n'étaient
plus remplies les conditions d'une exonération de droits.
1. La confirmation d'une interprétation contestable
? Ni le texte de l'article 795 A CGI, ni la rédaction de ses
textes d'application (décret n° 88-389 du 21 avril 1988) ne
permettent d'étayer l'interprétation selon laquelle la cessation
de l'application de la convention équivaut à son annulation.
D'une part, il faut rappeler que la conclusion et l'application de la
convention n'ont pas pour effet de suspendre le paiement des droits de
mutation, mais bien d'exonérer de ces droits les biens meubles ou
immeubles qui font l'objet de la convention.
? D'autre part, la convention est certes à durée
indéterminée mais elle n'est évidemment pas conclue pour
l'éternité, et les clauses de la convention-type annexée
au décret d'application de l'article 795 A prévoient,
très normalement, les conditions dans lesquelles elle peut
« prendre fin » : le non-respect de l'un des
engagements pris, la vente de tout ou partie des biens concernés ou la
non-adhésion à la convention, à l'occasion de l'une des
mutations à titre gratuit de ces biens, de l'un des héritiers,
donataires ou légataires (article 10 de la convention-type).
? Si la convention prend fin, il est tout à fait normal que
l'exonération cesse, et que les droits de mutation deviennent exigibles.
Et il est également tout à fait normal que le montant de ces
droits ne soit pas celui qui aurait été dû lors de la
mutation, ne serait-ce que parce que la valeur des biens exonérés
a pu varier. C'est pourquoi l'article 795 A prévoit que les droits
sont calculés sur la base de la valeur des biens «
au jour
où la convention n'est pas respectée
».
Ce dispositif, qui garantit que l'Etat ne supporte pas les conditions de
l'érosion monétaire
15(
*
)
, ne s'analyse pas comme un rappel des
droits qui justifierait qu'ils soient majorés d'un intérêt
de retard.
On peut d'ailleurs comparer, à cet égard, la rédaction du
deuxième alinéa de l'article 795 A et celle de son
sixième alinéa (b), relatif aux conditions d'exonération
des droits de mutation des parts de SCI familiales ayant conclu une
convention
16(
*
)
.
? En tout état de cause, il ne paraît pas admissible que le
contribuable doive à la fois acquitter des droits calculés sur
une base « actualisée » -et en tout cas sur la base
la plus avantageuse pour l'Etat- et des intérêts de retard.
2. La jurisprudence de la Cour de cassation
La Cour de cassation a récemment infirmé une
interprétation similaire de l'administration fiscale dans une affaire
concernant un groupement foncier agricole.
Ce groupement s'était transformé en SCI et avait donc
cessé d'exercer l'activité agricole qui justifiait les
exonérations de droit dont il avait bénéficié lors
de sa création.
Les services des impôts, jugeant que la transformation du GFA faisait
disparaître rétroactivement cette exonération, avaient
réclamé à la SCI le paiement des droits, augmentés
d'intérêts moratoires calculés à partir de la date
de constitution du GFA.
La Cour de cassation a jugé que ces intérêts
n'étaient dus qu'à compter du jour où l'activité du
groupement avait cessé d'être conforme à celle qui
conditionnait le régime fiscal favorable dont il avait
bénéficié (Cass. Com. 10 mars 1998, SCI du Domaine de
Cauhapé).
Votre rapporteur estime que cette jurisprudence devrait s'appliquer en cas de
cessation d'application de la convention d'ouverture au public d'un immeuble
classé ou inscrit. Elle traduit en outre parfaitement l'intention du
législateur de 1988, qui n'était certainement pas de
pénaliser les propriétaires qui auraient pendant de longues
années respecté les termes de la convention.
Il n'y a donc aucune raison de confirmer, fût-ce en en limitant les
conséquences, l'interprétation erronée du dispositif de
l'article 795 A qu'a fait prévaloir l'administration fiscale.
C'est pourquoi, afin de faire prévaloir la solution
dégagée par la Cour de cassation, votre commission a
adopté à cet article un
amendement
prévoyant que
lorsque la convention prend fin dans les conditions définies par les
dispositions types prévues par l'article 795 A, les
intérêts de retard ne sont calculés qu'à compter du
premier jour du mois suivant celui au cours duquel la convention a pris fin.
Article 20
Gage
I.
Commentaire de la position de l'Assemblée nationale
Les conclusions de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale avaient prévu à cet
article de gager les dépenses supplémentaires pouvant
résulter pour l'Etat des dispositions de la proposition de loi.
Comme il est d'usage -et sans prendre un risque financier
démesuré- le gouvernement a levé ce gage et
l'Assemblée nationale a supprimé l'article 20
II. Position de la commission
Votre commission vous propose de maintenir la suppression de l'article 20.
Article 20 bis
(article 4 bis de la loi n° 80-532 du 15 juillet
1980
relative à la protection des collections publiques
contre les
actes de
malveillance)
Coordination
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article a pour objet d'abroger les dispositions de la loi relative à
la protection des collections publiques qui donnent aux associations
agréées ayant pour objet l'étude et la protection du
patrimoine archéologique d'exercer les droits reconnus à la
partie civile en ce qui concerne les infractions définies aux 3° et
4° de l'article 322-2 du code pénal : ces dispositions sont en
effet reprises à l'article 20 de la proposition de loi.
II. Position de la commission
Votre commission a adopté cet article sans modification.
Article 21
Conditions d'application de la
loi
I.
Commentaire du texte adopté par l'Assemblée nationale
Cet article prévoit que les modalités d'application de la
proposition de loi seront fixées par décret en Conseil d'Etat.
Mais la totalité des dispositions de la proposition de loi seront
intégrées dans la loi de 1913 (dont l'article 37 prévoit
déjà que ses conditions d'application sont
déterminées par décret en Conseil d'Etat), dans le code
général des impôts ou dans le code de procédure
pénale.
Il est donc tout à fait inutile de prévoir leurs conditions
d'application.
II. Position de la commission
Votre commission a adopté un
amendement de suppression
de cet
article.
*
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Sous réserve de l'adoption des amendements proposés, votre commission demande au Sénat d'adopter la présente proposition de loi.
*
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